N° RG 21/03993 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I46B
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 1er MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00730
Tribunal judiciaire de Rouen du 13 septembre 2021
APPELANT :
Monsieur [M] [U]
né le 8 mars 1971 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté et assisté par Me Arnaud ROUSSEL de la SELARL ARNAUD ROUSSEL, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me SISSAOUI
INTIMEE :
SAS LEFEBVRE IMMOBILIER
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christophe SOLIN de la SELARL CABINET CHRISTOPHE SOLIN, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 7 décembre 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [S] [F],
DEBATS :
A l'audience publique du 7 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 1er mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 30 août 2017, M. [M] [U] a reçu mandat d'agent commercial immobilier pour le compte de la Sas Lefèbvre immobilier.
Le 5 juin 2019, M. [M] [U] a fait signer un mandat exclusif numéroté 244 à ses parents M. et Mme [I] pour la vente d'une maison située à [Localité 5], au prix de 264 500 euros.
Par courrier du 28 octobre 2019, M. [M] [U] a informé l'agence qu'il entendait résilier son mandat d'agent commercial à effet au 20 décembre 2019.
Le 29 novembre 2019, un avenant au mandat a porté le prix de vente à 237 000 euros.
Par courrier du 11 décembre 2019, M. et Mme [I] ont résilié le mandat de vente n°244.
Il a été pris acte de la fin du mandant d'agent commercial par toutes les parties le 12 décembre 2019.
Le 18 décembre 2019, M. et Mme [I] ont signé avec la Sas Lefèbvre immobilier un nouveau mandat numéroté 286 au prix de vente de 235 000 euros.
Par acte d'huissier du 5 février 2021, M. [M] [U] a fait assigner la Sas Lefèbvre immobilier devant le tribunal judiciaire de Rouen, aux fins de la voir condamner à lui payer les sommes de 2 700 euros à titre principal, 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- débouté M. [M] [U] de l'ensemble de ses prétentions ;
- condamné M. [M] [U] à payer à la Sas Lefèbvre immobilier la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y a voir lieu à écarter l'exécution provisoire ;
- condamné M. [M] [U] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 18 octobre 2021, M. [M] [U] a interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2021, M. [M] [U] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil de :
- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions, condamné à payer à la Sas Lefèbvre immobilier la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné aux dépens ;
statuant à nouveau,
- condamner la Sas Lefèbvre immobilier à lui régler la somme de 2 700 euros au titre du droit de suite du contrat d'agent commercial ;
- condamner la Sas Lefèbvre immobilier à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral ;
- condamner la Sas Lefèbvre immobilier à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance ;
- condamner la Sas Lefèbvre immobilier aux entiers dépens.
Il soutient en substance ce qui suit :
- en exécution de son droit contractuel de suite, il peut toucher sa commission pour toute opération constituant la suite de sa mission de prospection, définitivement conclue dans les six mois après la cessation du contrat d'agence ;
- les vendeurs ont fait le choix de cette agence par son entremise.
Par dernières conclusions notifiées le 25 février 2022, la Sas Lefèbvre immobilier demande à la cour d'appel, au visa de l'article 6 de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, de :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [U] de l'ensemble de ses prétentions, condamné M. [U] à lui payer la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire, condamné M. [U] aux dépens ;
en conséquence,
- débouter M. [U] de toutes ses demandes ;
en tout état de cause,
- condamner M. [U] à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en faisant application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle soutient que M. [U] est intervenu auprès de sa famille pour leur faire signer des attestations de complaisance afin de lui permettre de solliciter le paiement d'une commission qui n'est pas légalement justifiée.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2021.
MOTIFS
En application de l'article L. 134-7 du code de commerce, pour toute opération conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à sa commission lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat.
L'article 12 du mandat conclu le 30 août 2017 dispose que l'agent commercial a droit à la commission au titre de toute opération 'constituant la suite de sa mission de prospection', définitivement conclue dans les six mois après la cession du contrat et pour lequel le mandant a encaissé des honoraires.
La charge de la preuve pèse sur M. [U] qui sollicite une rémunération. Il démontre que le compromis a été régularisé le 24 janvier 2020 au prix de
222 500 euros outre 4 500 euros de frais d'agence.
La Sas Lefèbvre immobilier ne conteste pas que l'opération a été définitivement conclue dans les six mois de la cessation du mandat, ni dans un délai raisonnable au sens de l'article L. 134-7 du code de commerce. Elle soutient en revanche que cette opération n'est pas concernée par le droit de suite.
M. [U] fait plaider qu'il a droit à ses honoraires, car la vente a finalement été conclue par l'entremise de l'agence qu'il avait présentée à ses parents, auxquels il avait fait signer le premier mandat de vente.
Toutefois, le fait que l'intervention de M. [U] soit intervenue causalement dans la réalisation de l'opération ne suffit pas à lui reconnaître un droit à rémunération.
M. [U] doit démontrer que la vente est la 'suite de sa mission de prospection' et qu'elle est 'principalement due à son activité'.
A cet égard, il doit être relevé que M. et Mme [I] ont mis fin au mandat de vente signé avec l'agence, à la suite de la résiliation par leurs fils de son propre mandat d'agent.
Ils ont ainsi manifesté clairement leur intention de retirer le bien de l'agence pour organiser autrement la revente.
S'ils n'expliquent pas, dans l'attestation dressée au bénéfice de leur fils, le contexte dans lequel ils ont été conduits, finalement, à régulariser un nouveau mandat de vente avec la Sas Lefèbvre immobilier, M. [U] ne conteste pas qu'ils se sont présentés spontanément dans ses locaux après la résiliation de son mandat d'agent commercial, et ont été convaincus de signer un nouveau mandat avec un autre conseiller pour un prix de vente moindre.
Ils ont donc fait le choix de confier ce bien à l'agence à l'issue d'une nouvelle démarche de prospection réalisée par un autre conseiller. Un second mandat a ainsi été régularisé. La vente a été ensuite conclue rapidement sur la base du nouveau prix fixé, avec des acheteurs qui ont contacté le conseiller actuel de l'agence.
Il s'ensuit que la régularisation de la vente n'est pas la suite de la mission de prospection de M. [U] et ne se rattache pas principalement à son activité : elle se rattache à l'activité de prospection du conseiller qui a fait signer le second mandat.
La décision sera donc confirmée.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles n'appellent pas de critique.
M. [U] succombe à l'instance et sera condamné aux dépens d'appel outre au paiement d'une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à
2 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande tenant à 'faire application de l'article 699 du code de procédure civile' ne saisit pas la cour qui ne statuera pas sur cette référence.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [M] [U] à payer à la Sas Lefèbvre immobilier la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [M] [U] aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,