N° RG 22/00781 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JAUQ
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 1er MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
19/01843
Cour d'appel de Rouen du 02 mars 2022
APPELANT :
Monsieur [Y] [P]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté et assisté par Me Herveline DEMERVILLE de la SELARL DEMERVILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen
INTIMEE :
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté et assisté par Me Arnaud VALLOIS de la SELARL ARNAUD VALLOIS-CLAIRE MOINARD AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
après rapport de Mme [W]
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 14 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 1er mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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* *
EXPOSE DE LA PROCEDURE
Par jugement du 12 mars 2015, le tribunal correctionnel d'Evry a condamné
M. [R] [H] à indemniser M. [Y] [P] de ses préjudices à la suite du vol avec violence dont il a été victime le 30 mai 2018, notamment à hauteur de 107 788 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, et 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Suivant décision du 27 mars 2018, la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance d'Evreux, saisie le 19 octobre 2015 par M. [Y] [P] aux fins d'obtention du montant des condamnations allouées le 12 mars 2015, a sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation formées au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, dans l'attente de connaître le montant de la rente accident du travail susceptible d'être déduite des sommes accordées au titre de ces trois chefs de préjudices. Elle a en outre alloué à M. [Y] [P] la somme de 14 295 euros en réparation du surplus de son préjudice.
Par courrier du 26 avril 2018, l'avocate de M. [Y] [P] a informé la Civi que celui-ci justifiait de la non-perception d'une rente accident du travail par la Cpam et qu'il sollicitait en conséquence la réparation des trois chefs de préjudices précités à concurrence des sommes qui lui avaient été allouées par le tribunal correctionnel d'Evry.
Suivant décision du 2 avril 2019, la Civi a, en application des articles 706-3 à 706-14 du code de procédure pénale, rejeté la requête de M. [Y] [P] au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, et a laissé les dépens à la charge du Trésor public.
Par déclaration du 30 avril 2019, M. [Y] [P] a formé un appel contre ladite décision.
Par arrêt du 2 mars 2022, la cour d'appel de Rouen a, dans les limites de l'appel formé, confirmé la décision du 2 avril 2019, débouté M. [Y] [P] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et laissé les dépens d'appel à la charge du Trésor public.
Par requête datée du 3 mars 2022, M. [Y] [P], par le biais de son avocate, a saisi la présente cour, en application des articles 463 et 481 du code de procédure civile, aux fins de voir:
- dire et juger que l'arrêt rendu le 2 mars 2022 devra être rectifié,
- dire et juger que la rectification sera ordonnée aux fins de réparer l'omission de statuer relative aux demandes qu'il a régulièrement présentées en cause d'appel aux termes de sa déclaration d'appel et de ses conclusions d'appelant, et donc de procéder à la rectification des pages 5 à 7 dudit arrêt,
- dire et juger que ledit arrêt devra faire l'objet d'une interprétation subséquemment à la réparation de l'omission de statuer qui sera ordonnée,
- dire et juger qu'en tout état de cause, ledit arrêt devra faire l'objet d'une interprétation aux fins de pouvoir procéder à l'éclaircissement de ses pages 5 à 7,
- dire et juger que les demandes omises devront être rétablies et que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions devra lui régler les sommes suivantes :
. 107 788 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,
. 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
. 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Il fait valoir que :
- la cour d'appel a omis de statuer sur ses demandes dont elle avait parfaitement connaissance ; qu'elle n'a pas tiré les conséquences de l'infirmation de la décision de première instance pourtant retenue à la page 5 de son arrêt et n'a pas tenu compte des postes de préjudices déjà fixés par le tribunal correctionnel dans son jugement du 12 mars 2015, ni des termes de sa déclaration d'appel du 30 avril 2019 qui rappelaient très précisément les chefs du jugement critiqués visant ainsi les sommes de 107 788 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, et 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- l'arrêt du 2 mars 2022, dénonçant ce qui relève d'une simple erreur de plume aux termes de ses écritures, fait omission de la saisine même de la cour d'appel pourtant connue, puisque reprise dans cet arrêt, et de ses demandes reprises en page 2, et alors que, d'une part, aucune observation n'a été faite dans le rapport de son dossier à l'audience, ni au cours des débats durant ou après les plaidoiries, et que, d'autre part, ses demandes étaient reprises aux termes des conclusions du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions,
- il existe une contradiction entre les motifs de l'arrêt réformant la décision de la Civi et la décision confirmant celle-ci, alors que tous les éléments permettaient à la cour d'appel de fixer les sommes devant lui être allouées,
- que le motif selon lequel une demande de condamnation ne peut pas être formulée contre le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, mais seulement l'allocation d'indemnités, est inexacte.
Par conclusions notifiées le 12 septembre 2022, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions demande de voir sur la base des articles 463, 481, 901, 910-4 et 954 aliméa 3 du code de procédure civile :
- dire n'y avoir lieu à rectification, interprétation, ou modification du dispositif de l'arrêt du 2 mars 2022,
- débouter M. [Y] [P] de toutes ses demandes,
- dire que les dépens resteront à la charge de l'Etat.
Il indique que la demande présentée par M. [Y] [P] qui tend en réalité à obtenir une réformation/infirmation de l'arrêt du 2 mars 2022 ne peut prospérer eu égard aux règles procédurales, certes strictes, mais incontestables ; que la cour d'appel n'était pas en état de statuer à la lecture du dispositif des conclusions d'appel de M. [Y] [P] qui présentait des demandes contradictoires qu'il aurait été nécessaire d'interpréter, ce qui n'est pas du ressort de la cour d'appel.
Les parties ont été appelées à l'audience des plaidoiries du 14 décembre 2022.
MOTIFS
En l'espèce, dans sa déclaration d'appel du 30 avril 2019, M. [P] a sollicité la condamnation du Fgti à lui verser notamment les sommes de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 107 788 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, et 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Mais, aux termes des moyens et du dispositif de ses conclusions, M. [P] a demandé, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, 'la condamnation du Fonds de garantie au paiement des sommes suivantes :
- 107.788 € au titre de l'incidence professionnelle,
- 10.000 € au titre de l'incidence professionnelle,
- 12.000 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux, dont le taux a été fixé à 10 %.'.
Or, l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Cette règle s'applique aux écritures de chaque partie sans qu'il ne soit besoin de se référer à celles de la partie adverse, ni à des décisions judiciaires précédentes.
Si la déclaration d'appel de M. [P] a défini le champ de la saisine de la cour d'appel, le dispositif de ses dernières conclusions l'a fixé.
Il n'appartenait pas à la cour d'appel, sous peine de porter atteinte au principe de l'égalité des armes entre les parties, d'interpréter et/ou de rectifier l'erreur de formulation contenue dans le dispositif des conclusions de M. [P].
Il ne peut pas être reproché à la cour d'appel, qui n'y était pas tenue, de ne pas avoir procédé à une réouverture des débats pour soumettre cette erreur aux observations des parties ce d'autant plus que d'une part, les délais pour conclure étaient expirés que d'autre part, la discussion développée dans les conclusions de la page 4 à la page 7/9 comportaient des demandes formulées de façon identique et à deux reprises soit :
'- 107.788 € au titre de l'incidence professionnelle,
- 10.000 € au titre de l'incidence professionnelle,
- 12.000 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux, dont le taux a été fixé à 10 %.'.
N'est pas davantage constituée la contradiction de motifs reprochée. La cour d'appel a d'abord statué sur le bien-fondé de la demande d'indemnisation de M. [P] et ensuite sur le montant de celle-ci dont il s'est avéré que son libellé faisait difficulté au regard des règles procédurales applicables.
Enfin, le moyen tiré par M. [P] de l'inexactitude du motif retenu à titre surabondant par la cour d'appel selon lequel une demande de condamnation ne peut pas être formulée contre le Fgti, mais seulement l'allocation d'indemnités, n'est pas explicité dans le corps de sa requête. Il n'est donc pas fondé.
Ayant confirmé la décision de la Civi qui avait rejeté notamment lesdites demandes de M. [P], la cour d'appel a vidé sa saisine. Aucune omission de statuer n'est caractérisée. Les termes de l'arrêt du 2 mars 2022 qui sont clairs ne donnent pas lieu à interprétation.
M. [P] sera donc débouté de ses réclamations et tenu aux dépens de cette instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déboute M. [Y] [P] de ses demandes de rectification d'omission de statuer et d'interprétation de l'arrêt du 2 mars 2022,
Condamne M. [Y] [P] aux dépens de cette instance.
Le greffier, La présidente de chambre,