N° RG 20/00293 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMLH
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 15 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
16/01521
Tribunal de grande instance du Havre du 12 décembre 2019
APPELANTS :
Monsieur [L] [V]
né le 28 septembre 1971 à [Localité 10]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représenté et assisté par Me Yves GUERARD de la SCP GUERARD BERQUER, avocat au barreau du HAVRE plaidant par Me GUERARD-BERQUER
Madame [M] [A] épouse [V]
née le 17 novembre 1973 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Yves GUERARD de la SCP GUERARD BERQUER, avocat au barreau du HAVRE plaidant par Me GUERARD-BERQUER
INTIMES :
Monsieur [Z] [O]
né le 11 janvier 1938 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représenté et assisté par Me Stanislas MOREL de la SCP DPCMK, avocat au barreau du HAVRE
Madame [Y] [O] épouse [H]
née le 27 mai 1939 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Stanislas MOREL de la SCP DPCMK, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 décembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 mars 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement le 15 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Depuis le 17 décembre 2001, M. [L] [V] et Mme [M] [A], son épouse sont propriétaires d'une parcelle située [Adresse 5], et cadastrée section A n°[Cadastre 4], devenue AA n°[Cadastre 7]. Elle est contigue de la propriété de M. [Z] [O] et Mme [W] [H], son épouse, située au n°1 et cadastrée section A n°[Cadastre 3], devenue AA n°[Cadastre 6], acquise le 20 décembre 2005.
Par acte d'huissier de justice du 15 mai 2012, M. et Mme [O] ont fait assigner leurs voisins devant le tribunal d'instance du Havre aux fins de bornage de leurs propriétés respectives.
Par jugement du 31 mai 2013, le tribunal a ordonné la réalisation d'une expertise.
M. [R] [X], expert judiciaire désigné, a établi son rapport d'expertise le 2 juillet 2014, aux termes duquel il a indiqué que :
- la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 4] provenait d'un immeuble de plus grande importance cadastré section A n°[Cadastre 2] par suite d'un plan de division du 4 novembre 1985 ;
- les parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] provenaient d'un immeuble de plus grande importance par suite d'un plan de division du 11 décembre 1978 ;
- après réapplication des plans de division sur le plan de relevé de l'état des lieux qu'il avait effectué à l'issue de ses opérations de terrain accomplies le 28 novembre 2013, la limite divisoire reconstituée était très nettement distincte des limites apparentes qui constituaient les limites des possessions ;
- la limite correspondant aux titres était celle figurant sur les plans de division.
L'expert judiciaire l'a matérialisée par la ligne ABC sur le plan de réapplication du bornage constituant son annexe 2.
Il précisait que :
- sur le plan de division du 4 novembre 1985, la limite contestée par M. et Mme [V] (portion BC) était conforme à celle représentée sur le plan de division du 11 décembre 1978, nulle zone de possession ne figurait au-delà de la limite de propriété ;
- compte tenu de la pratique d'un entretien partagé entre les parties, la haie de thuyas constituant l'alignement B'C', dont l'âge n'avait pas pu être défini et qui n'était pas mentionnée sur les plans de division de 1978 et de 1985, matérialiserait la limite de possession ;
- la zone de 91 m² sur laquelle s'exerçait la possession des époux [V] sur la propriété des époux [O] englobait une fosse recueillant une partie des eaux pluviales de la propriété [V] et une partie d'une annexe appartenant à ces derniers ;
- l'acte de vente du 20 décembre 2005 mentionnait l'existence d'un problème de limite de propriété avec les époux [V].
L'expert judiciaire en a déduit que Mme [S] divorcée [B], venderesse de M. et Mme [O] et propriétaire depuis le 15 octobre 1982, connaissait la limite réelle de sa propriété (A n°[Cadastre 3]) avec la parcelle A n°[Cadastre 2] avant même sa division le 4 novembre 1985. Il a ajouté que M. et Mme [O], ayant été informés de ce problème de limite le 20 décembre 2005, ne l'avaient fait savoir à M. et Mme [V] qu'à l'occasion de leur démarche de bornage amiable auprès d'eux datée du 16 juillet 2010.
Par jugement du 8 mars 2016, le tribunal d'instance du Havre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance du Havre du fait des contestations sérieuses émises par M. et Mme [O] sur le droit de propriété respectif des parties.
Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance du Havre a :
- homologué le rapport d'expertise de M. [R] [X],
- dit que la limite entre les propriétés de M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] et de M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] était définie par l'expertise judiciaire sur la ligne B-C par référence au 'plan de réapplication du bornage' figurant à l'annexe 2 du rapport d'expertise,
- condamné M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] à retirer toute construction ou sujétion qui empiète sur le terrain de M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] tel que délimité par le jugement dans un délai de 8 mois à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un mois, après quoi il serait à nouveau fait droit,
- débouté M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] de leur demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] à payer à
M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] une indemnité de
2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] aux dépens de la procédure, en ce compris les frais d'expertise.
Par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2020, M. et Mme [V] ont formé un appel contre le jugement.
Suivant acte notarié du 9 juillet 2020, M. et Mme [O] ont vendu leur immeuble à M. et Mme [D].
Par ordonnance du 8 mars 2022, la présidente de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à se défendre soulevée par M. et Mme [V] du fait de la vente de leur immeuble par les intimés.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2022, M. [L] [V] et Mme [M] [A], son épouse demandent de voir :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Havre le 12 décembre 2019 en ce qu'il a :
. dit que la limite entre les propriétés de M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] et de M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] est définie par l'expertise judiciaire sur la ligne B-C par référence au 'plan de réapplication du bornage' figurant à l'annexe 2 du rapport d'expertise,
. condamné M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] à retirer toute construction ou sujétion qui empiète sur le terrain de M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] tel que délimité par le jugement dans un délai de 8 mois à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un mois,
. condamné M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] à payer à
M. [Z] [O] et Mme [W] [H] épouse [O] une indemnité de
2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté les parties de leurs autres demandes,
. condamné M. [L] [V] et Mme [M] [A] épouse [V] aux dépens de la présente procédure, en ce compris les frais d'expertise,
en conséquence, statuant à nouveau,
- dire et juger que, par l'effet de la prescription acquisitive, ils sont propriétaires de la bande de terrain de 91 m² délimitée sur le plan de M. [X] par les lignes B-B'' et B''-C',
- homologuer le plan de bornage de M. [X] en fonction des possessions respectives des parties, c'est-à-dire en fonction des lignes B-B'' et B''-C',
- débouter les époux [O] de leurs prétentions contraires,
- condamner ces derniers à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens de la procédure, en ce compris les frais de bornage, dont distraction au profit de la Scp Guerard-Berquer.
Ils font valoir qu'eux-mêmes et leurs auteurs ont toujours eu la possession de la bande de terrain de 91 m² séparée du fonds des intimés par une haie de thuyas et incluse dans la parcelle acquise le 17 décembre 2001 ; que le tribunal a fait une erreur d'appréciation quant aux conditions de la prescription acquisitive ; qu'ils bénéficient de la prescription abrégée de dix ans car, d'une part, ils détiennent un juste titre conforme à leur possession qui respecte les exigences de l'article 2261 du code civil et qui correspond au bien qui leur a été présenté et vendu dans sa totalité et, d'autre part, ils ont acquis leur propriété de bonne foi.
Ils ajoutent subsidiairement qu'ils bénéficient de la prescription acquisitive de trente ans ; que la haie de thuyas existait bien avant le 3 juillet 1985, date retenue à tort par le tribunal comme point de départ de la prescription ; que la limite séparative a été fixée dans le plan d'arpentage du 10 janvier 1979 ; que la haie existait en novembre 1981; qu'elle est visible sur la photographie aérienne du 13 juillet 1983.
Ils précisent en dernier lieu qu'ayant vendu leur propriété le 9 janvier 2020, M. et Mme [O] ne sont pas fondés à agir en revendication.
Par dernières conclusions notifiées le 10 avril 2020, M. [Z] [O] et Mme [W] [H], son épouse, sollicitent de voir en application des articles 544 et suivants, 2261, 2272, 1240 du code civil :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance du Havre du 12 décembre 2019 en ce qu'il a :
. homologué le rapport d'expertise de M. [R] [X] et fixé la limite entre les deux propriétés sur la ligne BC par référence au 'plan de réapplication du bornage' figurant à l'annexe 2 du rapport d'expertise,
. ordonné M. et Mme [V] de retirer toute construction ou sujétion qui empiète sur le terrain des époux [O] dans un délai de 8 mois après signification de la décision à intervenir puis passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- débouter M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté leur demande indemnitaire,
statuant à nouveau,
- condamner in solidum M. et Mme [V] à leur payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait de l'atteinte à leur propriété,
- confirmer le jugement précité en ce qu'il a condamné les époux [V] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance,
y ajoutant,
- condamner M. et Mme [V] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d'appel, outre les entiers dépens de la procédure dont le coût de l'expertise judiciaire de M. [X].
Ils exposent que M. et Mme [V] ne peuvent pas bénéficier d'une prescription acquisitive abrégée car ils ne disposent pas d'un juste titre et ne sont pas de bonne foi ; que le titre de ces derniers n'inclut pas la bande de terrain litigieuse de 91 m² qui n'est pas comprise dans la surface de 593 m² mentionnée ; que la limite réelle de propriété n'a pas été découverte à l'occasion de l'expertise judiciaire car elle figurait sur les titres antérieurs ; que M. et Mme [V] connaissaient parfaitement l'existence d'un problème relatif à la différence entre la surface vendue et celle occupée lorsqu'ils ont acquis leur parcelle, ce qui explique leur refus d'un bornage amiable en 2008 et leur dépôt d'une demande de permis de construire pour conforter leur garage en 2014.
Ils précisent ensuite que les conditions de la prescription acquisitive trentenaire ne sont pas réunies ; que M. et Mme [V] ne démontrent pas que la situation dont ils font état est ancienne ; qu'eux-mêmes prouvent que la haie séparant leurs fonds n'existait pas au début des années 80 ; que la preuve d'une possession paisible, non équivoque et publique, n'est pas apportée ; qu'ils ont protesté contre l'occupation de leur propriété dès 2008 lorsqu'ils ont contacté un géomètre-expert pour réaliser un bornage amiable ; que le 12 mai 2009, M. [V] a déclaré lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat que M. [O] avait revendiqué une parcelle de leur terrain et invoqué une mauvaise implantation de la clôture séparative.
Ils soutiennent enfin que les appelants leur ont causé un préjudice constitué par l'atteinte à leur droit de propriété depuis au moins 2008 sur la bande de terrain litigieuse.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la prescription acquisitive abrégée de la bande de terrain délimitée par les lignes BB''et B''C'
Selon l'article 712 du code civil, la propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription.
L'article 2255 du même code définit la possession comme la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom.
L'article 2258 suivant précise que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
Puis, l'article 2261 indique que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Enfin, l'article 2272 du code civil prévoit que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.
Le juste titre est défini, d'une part, comme un acte qui opère un effet translatif de propriété et, d'autre part, émane d'une personne autre que le véritable propriétaire.
En l'espèce, le contrat de vente conclu le 17 décembre 2001 entre M. et Mme [I] et M. et Mme [V] a opéré un effet translatif de propriété au profit de ces derniers sur la parcelle A n°[Cadastre 4]. Il est constant qu'à cette date, la haie de thuyas matérialisant la limite séparative avec la parcelle voisine A n°[Cadastre 3] existait. Aucun élément ne permettait de douter d'une différence entre la surface de 593 m² indiquée dans l'acte et celle existant en réalité sur le terrain. Celle-ci n'a été découverte que lors des opérations d'expertise judiciaire après comparaison entre les plans de division de 1978 et de 1985 et les relevés d'état des lieux effectués le 28 novembre 2013. Ainsi, ce titre de propriété émanait de vendeurs qui en réalité n'étaient pas les véritables propriétaires de la bande de terrain.
Bien plus, il ressort de la désignation de l'immeuble dans l'acte, qu'outre la maison à usage d'habitation, existait une fosse septique sur la parcelle. Or, celle-ci est implantée sur la bande de terrain litigieuse. En outre, le plan de situation annexé à la fin de l'acte du 17 décembre 2001 englobait dans la parcelle A n°[Cadastre 4] la totalité de l'annexe.
M. et Mme [V] ont donc légitimement cru acquérir cette parcelle incluant la bande de terrain de son véritable propriétaire. Contrairement au titre de propriété de M. et Mme [O] du 20 décembre 2005, leur acte ne comportait aucune mention d'un litige sur les limites de leur fonds. N'ont pas davantage été annexés à l'acte du 17 décembre 2001 le plan de division du 4 novembre 1985 et le plan de situation contenu dans l'acte d'acquisition de Mme [S] divorcée [B] du 15 octobre 1982.
M. et Mme [O] avancent que le plan de situation annexé à l'acte du 17 décembre 2001 mentionne que les limites des parcelles et les contenances ne sont qu'approximatives, de sorte qu'il ne peut pas constituer une preuve de propriété de la bande de terrain. Ils ajoutent que l'insertion, à la page 10 de cet acte, de la clause selon laquelle la différence entre la contenance indiquée et la contenance réelle est à la charge de l'acquéreur sans recours contre le vendeur, fait présumer la mauvaise foi M. et Mme [V] et leur connaissance du problème de délimitation de la parcelle A n°[Cadastre 4] au jour de la vente.
Cependant, d'une part, la délimitation portée sur le plan de situation ne contredisait pas les énonciations du titre. Elle corroborait au contraire le fait que la parcelle A n°[Cadastre 4] comprenait bien la fosse située à proximité de l'annexe telle que renseignée dans la désignation de l'objet de la vente à la page 3.
D'autre part, le rapprochement de la clause sur une erreur de surface, uniquement opposable à M. et Mme [V] et à leurs vendeurs dans leurs rapports entre eux, et de leur refus de procéder à un bornage amiable en 2008-2010 est insuffisant pour constituer la preuve de la mauvaise foi des appelants au jour de leur acquisition, date à laquelle est appréciée la bonne foi requise par l'article 2272.
Dès lors, M. et Mme [V] peuvent se prévaloir de la prescription acquisitive abrégée.
Son délai de dix ans a commencé à courir le lendemain de la prise de possession, soit le 18 décembre 2001. Jusqu'au 18 décembre 2011, M. et Mme [V] se sont comportés comme les seuls et uniques propriétaires de ladite bande de terrain, matérialisant ici les éléments constitutifs de la possession que sont le corpus et l'animus.
M. et Mme [O] ne démontrent pas que cette possession a été viciée.
Pendant ces dix années, cette prescription n'a pas été interrompue. La demande judiciaire tendant à l'homologation du bornage et au retrait de toute construction ou sujétion se trouvant sur la bande de terrain n'a été présentée par M. et Mme [O] que par le biais de leurs conclusions récapitulatives du 15 décembre 2014. Et, à aucun moment, M. et Mme [V] n'ont reconnu le droit de ces derniers contre lesquels ils prescrivaient.
La bande de terrain, sur laquelle sont implantées une fosse recueillant les eaux de pluie du fonds de M. et Mme [V] et une partie de leur annexe et qui constitue un acte matériel d'occupation, ainsi que la haie de thuyas séparant les fonds, que M. et Mme [V] entretenaient de leur côté, étaient visibles de tous depuis de nombreuses années et au moins depuis le 18 décembre 2001. L'implantation de la haie a été discutée au moins en 2005 entre Mme [S] divorcée [B] et M. et Mme [V] comme en atteste Mme [N] épouse [J], ce qui a donné lieu à la mention insérée dans l'acte de vente du 20 décembre 2005.
Ce litige de voisinage s'est poursuivi dans le cadre d'une tentative de bornage amiable proposée par M. et Mme [O] à leurs voisins à partir de 2008-2010 au vu du devis du 16 juillet 2008 et du courrier du 16 juillet 2010, versés aux débats. Toutefois, l'emplacement de cette haie n'a donné lieu à une action judiciaire de
M. et Mme [O] que le 15 mai 2012, laquelle n'a été suivie d'une revendication de la propriété de la bande de terrain qu'à partir du 15 décembre 2014, soit bien après le 18 décembre 2011. Les caractères public et non équivoque de cette possession sont acquis.
Enfin, étant exempte de violences matérielles ou morales lors de l'acquisition de la parcelle A n°[Cadastre 4] incluant cette bande de terrain, et durant son cours, sa possession en a été paisible.
Par conséquent, les conditions de la prescription acquisitive abrégée concernant la bande de terrain de 91 m² sont réunies. M. et Mme [V] en seront déclarés propriétaires depuis le 18 décembre 2011. Le plan de réapplication du bornage établi par M. [X], constituant l'annexe 2 de son rapport d'expertise et délimitant cette bande de terrain par les lignes BB''et B''C', sera retenu. Subséquemment, les demandes de M. et Mme [O] tendant au retrait sous astreinte de toute construction ou sujétion empiétant sur leur terrain sera rejetée.
Le jugement du tribunal ayant débouté M. et Mme [V] sera infirmé.
Sur la demande indemnitaire des époux [O]
Selon l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Eu égard aux motifs développés ci-dessus, l'atteinte au droit de propriété de M. et Mme [O] sur la bande de terrain en cause n'existe pas.
Leur demande indemnitaire sera donc rejetée. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur les dépens et les frais de procédure
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront infirmées.
Partie perdante, M. et Mme [O] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande.
Il n'est pas inéquitable de les condamner également à payer aux appelants la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que ces derniers ont exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [O] et Mme [W] [H], son épouse, de leur demande de dommages et intérêts,
Confirme le jugement de ce chef,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la bande de terrain de 91 m², délimitée par les lignes BB''et B''C' matérialisées sur le plan de réapplication du bornage constituant l'annexe 2 du rapport d'expertise judiciaire de M. [R] [X], est la propriété de M. [L] [V] et de Mme [M] [A] épouse [V], dans les conditions matérialisées par le plan annexé au présent dispositif,
Condamne M. [Z] [O] et Mme [W] [H], son épouse, à payer à
M. [L] [V] et à Mme [M] [A], son épouse, pris ensemble, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne M. [Z] [O] et Mme [W] [H], son épouse aux dépens de première instance.
Le greffier, La présidente de chambre,