N° RG 21/01036 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWVP
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 15 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
17/02379
Tribunal judiciaire du Havre du 25 février 2021
APPELANTS :
Monsieur [J] [C]
né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 16]
[Adresse 2]
[Localité 12]
représenté et assisté par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du Havre substitué par Me MUTA, avocat au barreau de RoueN
Sarl IRIS
RCS le Havre 389 216 177
[Adresse 9]
[Localité 13]
représentée et assisée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du HAVRE substituée par Me MUTA, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG
[Adresse 7]
[Localité 15]
représentée et assistée par Me Sandrine DARTIX-DOUILLET de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIÉS SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen
plaidant par Me Justine DUVAL
SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES (SHAM)
RCS de Lyon 779 860 881
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Me Jean-marie MALBESIN de la SCP LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM)
[Adresse 17]
[Localité 14]
représentée par Me Caroline PAILLOT, avocat au barreau de Rouen et assistée de la Selarl Olivier Saumon, avocat au barreau de Paris substitué par Me Paillot
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 13]
[Adresse 8]
[Localité 13]
non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice remis à personne habilitée le 4 mai 2021
MUTUELLE D'ASSURANCE MALADIE (SMI)
[Adresse 5]
[Localité 11]
non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice remis à personne habilitée le 5 mai 2021
Monsieur [P] [M]
né le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 18]
[Adresse 1]
[Localité 13]
non constitué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier remis selon procès-verbal de recherches infructueuses le 22 avril 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 décembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 mars 2023.
ARRET :
RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement le 15 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 31 octobre 1989, M. [J] [C] a été victime d'un accident de la circulation causé par M. [P] [M] dont la responsabilité a été reconnue par jugement irrévocable du tribunal de police du Havre du 11 décembre 1990. Hospitalisé, il a reçu plusieurs transfusions sanguines. A la suite d'un malaise en juillet 1998, a été diagnostiquée une infection au virus de l'hépatite C le 9 août 1998.
Par ordonnance du 5 octobre 1999, le juge des référés du tribunal de grande instance du Havre a fait droit à la demande de M. [C] de réalisation d'une expertise médicale et a désigné le Dr [A] [R] à cet effet pour rechercher les causes de l'infection au virus de l'hépatite C. Ce dernier s'est adjoint le Dr [Z] [W], hépatologue, comme sapiteur.
Aux termes du rapport d'expertise judiciaire établi le 13 juin 2000 et complété le 2 octobre 2000, il a été retenu que c'était au cours des transfusions reçues entre le 31 octobre et le 2 décembre 1989 que la probabilité de transmission du virus C était la plus forte par défaut de preuve contraire.
Par actes d'huissier de justice du 3 janvier 2003, M. [J] [C] a fait assigner l'Etablissement français du sang (Efs) devant le tribunal de grande instance du Havre afin d'obtenir une provision de 100 000 euros et la réalisation avant dire droit d'une nouvelle expertise médicale.
Suivant exploit du 20 janvier 2003, l'Efs a fait intervenir à la cause son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (Sham) et M. [P] [M] aux fins de garantie.
Par ordonnance du 5 février 2003, le juge de la mise en état a condamné l'Efs à payer à M. [C] une provision de 40 000 euros à valoir sur son préjudice et ordonné une expertise dont la réalisation a été confiée au Dr [Y] [O]. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 5 octobre 2004 aux termes duquel il a indiqué que le virus de l'hépatite C était manifestement toujours présent et qu'en conséquence, la consolidation médico-légale n'était pas acquise.
Suivant nouvelle ordonnance du 28 mai 2009, le juge de la mise en état a débouté la Sarl Iris, intervenante volontaire se présentant comme l'employeur de M. [C], de ses demandes tendant à l'allocation d'une provision de 80 000 euros et à la réalisation d'une expertise comptable.
Par acte d'huissier de justice du 29 décembre 2010, M. [C] et la Sarl Iris ont fait assigner l'Office national des accidents médicaux (Oniam), venant aux droits de l'Efs.
Suivant jugement du 15 janvier 2015, le tribunal de grande instance du Havre a notamment :
- mis hors de cause l'Efs de Haute-Normandie,
- déclaré l'Oniam et M. [P] [M] tenus in solidum des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. [J] [C] par suite des interventions chirurgicales consécutives à l'accident de la circulation survenu le 31 octobre 1989,
- dit que, dans leurs rapports entre eux, l'Oniam et M. [P] [M] assumeront chacun pour moitié la charge définitive de l'indemnisation de M. [J] [C],
- condamné la Sham à garantir l'Oniam de toutes indemnités mises à la charge de ce dernier en réparation des préjudices consécutifs à la contamination par le Vhc de
M. [J] [C] et en remboursement des débours des tiers payeurs éventuels,
- avant dire droit sur la liquidation du préjudice de M. [J] [C], ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le Dr [H] [T],
- condamné in solidum l'Oniam et M. [P] [M] à payer à M. [J] [C] une indemnité provisionnelle complémentaire de 20 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel personnel,
- déclaré ce jugement commun et opposable à la mutuelle Smi,
- odonné l'exécution provisoire,
- sursis à statuer sur les demandes présentées par la Cpam du Havre et sur celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la Sarl Iris de ses demandes tendant à l'allocation d'une provision de
80 000 euros et à la réalisation d'une expertise comptable,
- ordonné d'office le retrait de l'affaire du rôle et dit que l'affaire pourrait, le cas échéant, être réinscrite au rôle à l'initiative de la partie la plus diligente une fois connue la teneur du rapport d'expertise médicale et celui-ci déposé,
- réservé les dépens.
Le Dr [H] [T] a établi son rapport d'expertise le 7 juillet 2015 aux termes duquel il a arrêté la date de consolidation trois mois après la fin du traitement de décembre 2011, soit en mars 2012.
Suivant conclusions de réinscription de l'affaire au rôle notifiées le 7 juillet 2017,
M. [J] [C] a demandé la liquidation de son préjudice corporel à l'encontre de l'Oniam, de M. [P] [M], et de la Sham.
Par jugement du 25 février 2021, le tribunal judiciaire du Havre a :
- donné acte à la Cpam du Havre de son désistement d'instance et d'action à l'égard de l'Efs, aux droits duquel se trouve désormais l'Oniam, et de la Sham,
- fixé le préjudice personnel total de M. [J] [C] à la somme de
112 897,59 euros,
- constaté qu'après imputation de la créance de la Cpam poste par poste et sur les seules indemnités réparant les préjudices qu'elle a pris en charge, il revient à
M. [J] [C] un reliquat de 40 043,77 euros au titre de la réparation de son préjudice corporel,
en conséquence,
- constaté que, déduction faite des provisions déjà allouées à hauteur de la somme totale de 60 000 euros, M. [J] [C] est rempli de ses droits,
- ordonné à M. [J] [C] de procéder au remboursement du trop-perçu de
19 956,23 euros au profit des parties s'étant acquittées du règlement des provisions, à hauteur de la contribution de chacune d'elles au paiement de la dette,
- condamné in solidum M. [P] [M] et l'Oniam à payer à M. [J] [C] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes demandes plus amples,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné in solidum M. [P] [M] et l'Oniam aux dépens de l'instance, dans lesquels seront inclus les frais de l'expertise médicale du Dr [T] et dit que, dans leurs rapports entre eux, l'Oniam et M. [M] assumeront chacun pour moitié la charge définitive desdits dépens,
- condamné la Sham à garantir l'Oniam des condamnations prononcées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Par déclaration du 9 mars 2021, M. [J] [C] et la Sarl Iris ont formé appel du jugement en toutes ses dispositions.
Suivant ordonnance du 8 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 9 juin 2021 par M. [J] [C] et la Sarl Iris en ce qu'elles portent sur l'appel du jugement du 15 janvier 2015 et recevables pour le surplus.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 9 juin 2021 et signifiées à la Cpam du Havre le 17 juin 2021, à la mutuelle d'assurance maladie Smi le 21 juin 2021, et à
M. [P] [M] le 5 juillet 2021, M. [J] [C] et la Sarl Iris demandent de voir, étant reçus en leur appel du jugement du 25 février 2021 et pour ce qui est de la Sarl Iris aussi du jugement du 15 janvier 2015 :
- infirmer lesdits jugements,
- déclarer l'Oniam et M. [P] [M] tenus in solidum des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. [J] [C] par suite des interventions chirurgicales consécutives à l'accident de la circulation survenu le 31 octobre 1989,
- condamner la Sham à garantir l'Oniam de toutes indemnités mises à la charge de ce dernier en réparation des préjudices consécutifs à la contamination par le Vhc de M. [J] [C] et en remboursement des débours des tiers payeurs éventuels et spécialement de la Sarl Iris,
- condamner in solidum l'Oniam, M. [P] [M] et la Sham, au paiement de :
. la gêne temporaire à :
* 3 sur 7, classe III, 50 % pour 6 mois, soit pour un salaire de référence de
5 255,94 euros, une somme de 15 765 euros,
* 2 sur 7, classe II, 25 % pendant deux ans, soit 34 590 euros,
* 1 sur 7, classe I, 10 %, pendant 14 ans et six mois, soit 91 437 euros,
. l'arrêt total des activités professionnelles à deux ans et six mois, soit 157 650 euros,
. au titre de l'aide familiale : 2 250 euros pour la première période, 4 500 euros pour la deuxième période, et 13 050 euros pour la troisième période,
. les soins médicaux : 72 853,82 euros,
. les soins médicaux pendant cinq ans, soit 3 000 euros,
. le préjudice moral (absence de prêt, tous sur la tête de Mme [C], préjudice sexuel, préjudice familial) : une somme de 40 000 euros,
dont à déduire la provision de 60 000 euros,
- condamner les mêmes au paiement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Claude Aunay,
- avant dire droit sur la liquidation définitive du préjudice de la société Iris, ordonner une expertise et commettre pour y procéder tel expert comptable qu'il plaira à la cour d'appel de nommer avec mission de :
* se faire communiquer toutes les pièces comptables, fiscales, sociales et juridiques et de toute autre nature qu'il estimera nécessaires pour sa mission,
* convoquer les parties et leur conseil par lettre recommandée avec avis de réception,
* procéder à l'examen des comptes de la Sarl Iris depuis sa création,
* donner son avis sur les conséquences financières de la pathologie de M. [J] [C] en termes de maintien de salaires, remplacements (et donc les coûts induits), pertes de chiffres d'affaires et de bénéfices au jour de l'expertise depuis 1989 jusqu'au jour de l'expertise et préciser si des conséquences dommageables persisteront et en chiffrer le montant,
* dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation économique du chef de la pathologie de M. [J] [C], passée et future,
* s'adjoindre en cas de nécessité le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine distinct du sien après en avoir avisé les parties et leur conseil et recueilli leur accord,
* adresser un pré-rapport aux parties qui, dans un délai de quatre semaines à compter de sa réception, feront connaître à l'expert leurs observations éventuelles auxquelles il sera répondu dans le rapport définitif,
- dire et juger que l'expert déposera son rapport dans tel délai qu'il plaira à la cour d'appel de fixer,
- condamner in solidum l'Oniam, M. [P] [M] et la Sham, au paiement d'une provision à valoir sur le préjudice de la Sarl Iris de 80 000 euros, et de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Claude Aunay.
Par dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2021, l'Oniam sollicite de voir en application des articles L.1221-14 et suivants du code de la santé publique, 67 IV de la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, 102 de la loi du 4 mars 2002, 72 de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 relatif au financement de la sécurité sociale pour 2013, de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, et des décrets n°2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 :
- in limine litis, déclarer irrecevables les demandes de la Sarl Iris,
- au fond,
. confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a rappelé que, par jugement définitif du 15 janvier 2015, la Sham a été condamnée à le garantir de toute condamnation,
. débouter M. [J] [C] et la Sarl Iris de leurs demandes,
. condamner M. [J] [C] à lui rembourser le trop-perçu,
. débouter les appelants de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens en cause d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2021, la Sham demande de voir :
- rejeter comme irrecevable l'appel interjeté par M. [J] [C] et la Sarl Iris contre le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Havre le 15 janvier 2015,
- rejeter comme irrecevable l'appel interjeté par la Sarl Iris contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Havre le 25 février 2021,
- rejeter comme non fondé l'appel interjeté par M. [J] [C] contre ledit jugement du 25 février 2021,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement par M. [J] [C] du trop-perçu de 19 956,23 euros 'au profit des parties s'étant acquittées du règlement des provisions à hauteur de la contribution de chacune d'elles au paiement de la dette',
statuant à nouveau de ce chef,
- ordonner que ledit remboursement interviendra au profit de l'Efs et de l'Oniam dont elle est l'assureur,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires,
- condamner M. [J] [C] et la Sarl Iris in solidum à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de tous les dépens de première instance et d'appel que la Scp Lenglet Malbesin et Associés sera autorisée à recouvrer conformément à l'article 699 du même code.
L'Efs a constitué avocat, mais n'a pas conclu.
M. [P] [M], la Cpam du Havre, et la mutuelle d'assurance maladie Smi, à qui la déclaration d'appel avait été signifiée respectivement les 22 avril 2021 par procès-verbal de recherches infructueuses, 4 et 5 mai 2021 à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 novembre 2022.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des appels contre les jugements des 15 janvier 2015 et 25 février 2021
La Sham expose que la déclaration d'appel du 9 mars 2021 ne vise pas le jugement du 15 janvier 2015 contrairement aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, de sorte que la cour d'appel n'est saisie d'aucun recours contre lui ; qu'en outre, ce jugement n'est pas susceptible d'appel car il est définitif à l'égard de
M. [C] et de la Sarl Iris en application de l'article 528-1 du code précité ; qu'en conséquence, cet appel est irrecevable.
Elle soutient ensuite que la Sarl Iris n'a pas formé de demande devant le tribunal de grande instance du Havre dans les conclusions de réinscription au rôle notifiées le 7 juillet 2017 et n'était pas recevable à le faire puique dans son jugement du 15 janvier 2015, le tribunal l'avait déboutée de toutes ses demandes de manière définitive ; que cette dernière ne peut pas demander l'infirmation du jugement et soumettre à la cour d'appel des demandes nouvelles par application des articles 562 et 564 du code précité.
M. [C] et la Sarl Iris ne développent aucun moyen.
Les moyens présentés par la Sham ont été examinés par le conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, aux termes de son ordonnance du 8 mars 2022, laquelle, en application des articles 914 et 916 du code précité, a autorité de la chose jugée au principal dès lors qu'elle n'a pas été déférée à la cour d'appel. En conséquence, à défaut de prouver un élément nouveau de nature à modifier la décision prise par ordonnance, la Sham est irrecevable en ses fins de non-recevoir formées contre les appels interjetés à l'encontre des jugements des 15 janvier 2015 et 25 février 2021.
Sur l'irrecevabilité des demandes de la Sarl Iris
L'Oniam avance que les demandes de la Sarl Iris sont nouvelles en cause d'appel, de sorte qu'elles sont irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile.
M. [C] et la Sarl Iris ne développent aucun moyen.
En l'espèce, dans son jugement du 15 janvier 2015, le tribunal a rejeté les demandes de la Sarl Iris tendant à l'allocation d'une provision de 80 000 euros et à la réalisation d'une expertise comptable.
Or, ces chefs de jugement ne sont pas visés dans la déclaration d'appel du 9 mars 2021, de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie d'un recours à leur encontre.
Aux termes de son ordonnance précitée du 8 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 9 juin 2021 par M. [J] [C] et la Sarl Iris en ce qu'elles portent sur l'appel du jugement du 15 janvier 2015.
Il s'en induit une irrecevabilité desdites demandes de la Sarl Iris, mais une recevabilité de ses autres demandes.
Sur le montant de la réparation
A- Les préjudices patrimoniaux
I - Les préjudices patrimoniaux temporaires
a) les dépenses de santé actuelles
M. [C] sollicite l'octroi d'une indemnité de 72 853,82 euros au titre des soins médicaux.
L'Oniam et la Sham concluent à la confirmation du jugement du tribunal ayant rejeté cette prétention, au motif que M. [C] ne produit aucun justificatif de dépenses restées à sa charge après déduction des remboursements de la Cpam.
L'expert judiciaire a indiqué, au vu du relevé des débours de la Cpam qui lui a été transmis, que ceux-ci se sont élevés à la somme totale de 39 393,78 euros (dépenses de santé inhérentes à la contamination de 1 206,57 euros + frais médicaux, pharmaceutiques, et franchises de 38 187,21 euros). Il n'a pas mentionné que
M. [C] avait engagé des dépenses de santé qui ne lui avaient pas été remboursées par la Cpam et/ou par sa mutuelle.
Le tribunal a rejeté cette réclamation au motif que M. [C] n'a pas fait état de frais médicaux ou pharmaceutiques restés à sa charge.
En cause d'appel, M. [C] ne donne pas plus de précision et ne produit aucun justificatif afférent à ce poste de préjudice.
Il sera donc débouté de sa demande.
b) les frais au titre de la tierce personne
M. [C] demande une indemnisation totale de 19 800 euros au titre de l'aide familiale dont il a bénéficié lors des périodes déterminées par l'expert judiciaire pour la gêne temporaire.
L'Oniam et la Sham concluent à la confirmation du jugement du tribunal ayant rejeté cette prétention. Ils répondent que l'expert judiciaire n'a pas retenu un tel préjudice et que M. [C] ne produit aucun justificatif de son besoin d'une assistance par une tierce personne.
L'expert judiciaire n'a pas objectivé la nécessité d'aides permettant de pallier les gênes dans la réalisation des activités quotidiennes de M. [C].
Ce dernier ne démontre pas davantage de besoins d'assistance par une tierce personne de son entourage familial ou d'une société prestataire.
Comme en première instance, il sera débouté de sa demande.
c) la perte de gains professionnels actuels
M. [C] sollicite l'octroi d'une indemnité de 157 650 euros du fait de l'arrêt total de ses activités professionnelles pendant deux ans et six mois sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 5 255,94 euros.
L'Oniam et la Sham concluent à la confirmation du jugement du tribunal ayant rejeté cette prétention. L'Oniam précise que M. [C] ne justifie pas d'une perte réelle de gains professionnels lors de ses arrêts de travail ; que le salaire de celui-ci a été maintenu pendant les trois périodes de traitements et des indemnités journalières lui ont été versées par la Cpam.
M. [C] a été en arrêt de travail complet lors des trois périodes de traitement médicaux qu'il a reçus contre le virus de l'hépatite C : de septembre 1999 à mars 2000 (6 mois), de septembre 2000 à septembre 2001 (1 an), et de janvier à décembre 2011 (1 an).
Pour la première période, il incombe à M. [C] de prouver la perte alléguée de revenus au moyen de pièces financières, comptables, ou fiscales, ou tout ensemble de documents permettant par leur cohérence d'apprécier ses revenus professionnels antérieurs à septembre 1999 et leur diminution pendant l'incapacité temporaire jusqu'en mars 2000, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.
Pour la seconde période, M. [C] ne produit pas ses bulletions de paie ou tout autre pièce financière ou fiscale prouvant ses revenus entre avril et août 2000, ce qui ne permet pas de déterminer l'existence d'une perte de revenus.
Au contraire, pour ces deux périodes, M. [C] produit deux tableaux établis par ses soins et constituant sa pièce 82 intitulée 'MAINTIEN DE SALAIRE [J] [C]', desquels il ressort qu'il n'a subi aucune perte de salaire au cours de celles-ci.
Pour la troisième période, M. [C] ne produit pas ses bulletions de paie ou tout autre pièce financière ou fiscale justifiant de ses revenus antérieurs à janvier 2011, notamment son cumul net imposable perçu en décembre 2010, ce qui ne permet pas là encore d'apprécier l'existence d'une perte de revenus.
Au contraire, au moyen de ses tableaux constituant ses pièces 98 et 99 ayant trait au 'MAINTIEN DE SALAIRE REGLE PAR IRIS A MR [C]', il fait la preuve qu'il n'a subi aucune perte de revenus de janvier à décembre 2011.
Comme en première instance, cette prétention sera rejetée.
II - Les préjudices patrimoniaux permanents : les dépenses de santé futures
M. [C] sollicite l'octroi de la somme totale de 3 000 euros pour indemniser des soins médicaux nécessaires pendant cinq ans à raison de deux fois par an, soit
1 000 euros, et une fois par an à vie.
L'Oniam et la Sham concluent à la confirmation du jugement du tribunal ayant rejeté cette prétention, aux motifs que la réparation de ce poste de préjudice n'intervient que sur présentation de justificatifs mentionnant les sommes restées à la charge de la victime, que M. [C] n'en produit aucun.
L'expert judiciaire a préconisé des visites en milieu spécialisé d'hépato-gastro-entérologie tous les six mois sur une période de cinq ans, puis tous les ans, ainsi que des soins médicaux consistant en une prise de sang, une sérologie virale, et un bilan hépatique.
Cependant, M. [C] ne justifie pas du coût restant à sa charge au titre de ces dépenses. Il n'explicite pas le montant de 3 000 euros qu'il réclame. Cette carence probatoire avait déjà été soulignée par le premier juge qui avait constaté qu'aucune pièce du suivi préconisé n'était produite plus de cinq ans après sa consolidation par M. [C].
Comme en première instance, cette réclamation sera rejetée.
B - Les préjudices extrapatrimoniaux
a) le déficit fonctionnel temporaire
M. [C] sollicite l'octroi d'une indemnité totale de 141'792 euros calculée sur la base d'un salaire brut de 5 255,94 euros.
L'Oniam et la Sham concluent à la confirmation du jugement. L'Oniam souligne que M. [C] ne peut pas chiffrer son indemnisation en se basant sur son salaire de référence.
L'expert judiciaire a retenu une gêne temporaire partielle de 50 % lors de l'administration du premier traitement de septembre 1999 à mars 2000, de 25 % concernant le second traitement de septembre 2000 à septembre 2001 et le troisième traitement de janvier à décembre 2011, et de 10 % compte tenu d'une asthénie de 1995 à mars 2012 hors les périodes précitées.
Le tribunal a justement apprécié la réparation de ce préjudice à la somme totale de 20 043,75 euros calculée sur la base d'une indemnité de 25 euros par jour. Son jugement sera confirmé sur ce point.
b) les souffrances endurées
M. [C] fait valoir qu'il a subi un préjudice moral, aux motifs que toute vie normale lui est interdite, de même qu'à sa famille ; qu'il ne peut pas construire de maison, ni en acquérir une au moyen d'un prêt dont l'assurance lui est interdite ; que, depuis 1998 et de manière presque continuelle, il vit allongé avec des moments de rémission. Il y inclut aussi un préjudice sexuel. Il sollicite une indemnité de
40 000 euros.
L'Oniam et la Sham concluent à la confirmation du jugement par lequel a été allouée à M. [C] la somme de 20 000 euros. En revanche, ils soulignent que l'expert judiciaire n'a retenu aucun déficit fonctionnel permanent. L'Oniam ajoute que ce dernier n'a pas davantage évoqué un préjudice sexuel de M. [C], lequel ne produit aucun justificatif permettant d'en établir l'existence et celle d'un déficit fonctionnel permanent.
Le tribunal a fait une exacte appréciation des souffrances endurées recouvrant le préjudice moral et familial invoqué par M. [C] en retenant le traumatisme initial subi par celui-ci et le caractère moral et physique de ses souffrances générées par la contamination subie, les traitements supportés, et leur durée.
En revanche, aucune répercussion éventuelle sur la vie sexuelle de M. [C] n'a été relevée par l'expert judiciaire. M. [C] ne justifie pas de l'existence d'un tel dommage. Cette réclamation sera rejetée.
L'indemnité accordée par le tribunal de 20 000 euros au titre des souffrances endurées sera maintenue.
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En définitive, les dispositions du jugement relatives à l'indemnisation du préjudice personnel de M. [C] et à son obligation de rembourser le trop-perçu reçu seront confirmées.
En exécution des décisions judiciaires précitées, l'Efs a versé à M. [C] une provision de 40 000 euros, l'Oniam celle de 10 000 euros, et M. [M] celle de
10 000 euros.
La contribution de l'Oniam et de M. [M] à la dette est égale à la moitié chacun. L'Efs et l'Oniam ont réglé une somme supérieure à la part contributive finale de l'Oniam, de sorte que la provision versée par M. [M] est inférieure à sa part contributive finale.
La Sham forme la demande tendant à ce que M. [C] rembourse le trop-perçu de 19 956,23 euros au profit de l'Efs et de l'Oniam, étant précisé qu'il appartiendra à
M. [M] de compléter son règlement auprès de ces derniers. Elle ne justifie d'aucune convention, d'aucun paiement subrogatoire l'autorisant à se substituer aux créanciers pour réclamer le remboursement visé.
L'Efs tirant ses droits de l'exécution de l'ordonnance la condamnant par ailleurs, seule l'Oniam demande le paiement de la somme de 10 000 euros au titre du trop-perçu. Cette prétention sera retenue dans le cadre de la liquidation des droits des parties, M. [M] ne pouvant prétendre à aucune créance.
Le jugement sera uniquement infirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais de procédure
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.
Parties perdantes, M. [C] et la Sarl Iris seront condamnés aux dépens d'appel, avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.
Il n'est pas inéquitable de les condamner également in solidum à payer à la Sham la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour cette procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,
Déclare la Sham irrecevable en ses fins de non-recevoir formées contre les appels interjetés à l'encontre des jugements des 15 janvier 2015 et 25 février 2021,
Déclare la Sarl Iris irrecevable en ses demandes tendant à l'allocation d'une provision de 80 000 euros et à la réalisation d'une expertise comptable, rejetées par le tribunal dans son jugement du 15 janvier 2015,
Déclare la Sarl Iris recevable en ses autres demandes,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a ordonné à M. [J] [C] de procéder au remboursement du trop perçu de 19 956,23 euros au profit des parties s'étant acquittées du règlement des provisions, à hauteur de la contribution de chacune d'elles au paiement de la dette,
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,
Ordonne à M. [J] [C] de payer à l'Oniam la somme de 10 000 euros en remboursement du trop-perçu versé par ce dernier,
Condamne in solidum M. [J] [C] et la Sarl Iris à payer à la Sham la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne in solidum M. [J] [C] et la Sarl Iris aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Scp Lenglet Malbesin et Associés et de la Scp Claude Aunay, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,