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15/03/2023 | FRANCE | N°21/01646

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 15 mars 2023, 21/01646


N° RG 21/01646 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IX5U





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 15 MARS 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



11-20-0234

Tribunal de proximité de Bernay du 19 mars 2021



APPELANTS :



Monsieur [K] [U]

né le 2 octobre 1977 à [Localité 10]

[Adresse 2]

Bâtiment 2

[Localité 8]



représenté et assisté par Me Fabrice LEGLOAHEC de la SELARL D'AVOCATS LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat au barreau de Rouen<

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Madame [L] [C]

née le 20 mai 1974 à [Localité 11]

[Adresse 2]

Bâtiment 2

[Localité 8]



représentée et assistée par Me Fabrice LEGLOAHEC de la SELARL D'AVOCATS LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat au barreau...

N° RG 21/01646 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IX5U

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 15 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-20-0234

Tribunal de proximité de Bernay du 19 mars 2021

APPELANTS :

Monsieur [K] [U]

né le 2 octobre 1977 à [Localité 10]

[Adresse 2]

Bâtiment 2

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Fabrice LEGLOAHEC de la SELARL D'AVOCATS LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat au barreau de Rouen

Madame [L] [C]

née le 20 mai 1974 à [Localité 11]

[Adresse 2]

Bâtiment 2

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Fabrice LEGLOAHEC de la SELARL D'AVOCATS LEGLOAHEC LEGIGAN, avocat au barreau de Rouen

INTIMEES :

Sas NORMANDIE MAISONS INDIVIDUELLES

venant aux droits de la société Habitat de la Seine

RCS du Havre 338 244 239

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Philippe BOURGET de la SCP BOURGET, avocat au barreau du Havre

Sasu NORMANDIE MACONNERIE

RCS du Havre 752 187 955

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Christophe OHANIAN de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau de l'Eure

Sa AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre 722 057 460

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Jean-Marie MALBESIN de la SCP LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen

Eurl LEMAIRE

[Adresse 1]

[Localité 6]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte remis à l'étude le 5 juillet 2021

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 7 décembre 2022 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 7 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er mars 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 mars 2023.

ARRET :

RENDU PAR DEFAUT

prononcé publiquement le 15 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par contrat du 26 mars 2014, M. [K] [U] et Mme [L] [C] ont confié à la société HDS, devenue Sas Normandie maisons individuelles, la construction d'une maison pour le prix de 174 900 euros.

Par devis accepté du 10 septembre 2014, la Sas Normandie maisons individuelles, assurée par la société Axa France Iard, a sous-traité à la Sas Normandie maçonnerie la réalisation de travaux de maçonnerie.

Par ordre de service du 10 décembre 2014, la Sas Normandie maisons individuelles a sous-traité à l'Eurl Lemaire, également assurée par la Sa Axa France Iard, la réalisation de travaux de menuiseries.

La réception des travaux est intervenue le 24 juin 2015, à l'occasion de laquelle

M. [K] [U] et Mme [L] [C] ont émis 5 réserves.

Le 29 juin 2015, les maîtres de l'ouvrage ont notifié une liste de 34 réserves supplémentaires et indiqué qu'ils retenaient une somme de 8 795 euros, correspondant à 5 % du prix du marché.

Cette consignation a été réalisée le 26 mai 2016 auprès du compte séquestre de

M. le bâtonnier de l'ordre des avocats de Rouen.

Par exploit d'huissier délivré le 9 février 2016, la Sas Normandie maisons individuelles a fait assigner M. [K] [U] et Madame [L] [C] en paiement d'une somme de 8 795 euros au titre du solde du marché.

Par jugement avant dire droit du 7 avril 2017, le tribunal d'instance de Bernay a ordonné une mesure d'expertise aux fins notamment, de constater la réalité des désordres et non-conformités alléguées.

Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal de proximité de Bernay a notamment :

- condamné M. [K] [U] et Mme [L] [C] à payer à la Sas Normandie maisons individuelles la somme de 8 795 euros correspondent au solde du marché de travaux ;

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 9 février 2016 ;

- condamné la Sas Normandie maisons individuelles à payer à M. [K] [U] et Mme [L] [C] la somme de 456 euros, ainsi que la somme de 60 euros au titre des travaux de reprise ;

- condamné, respectivement, la Sas Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire, à payer à la Sas Normandie maisons individuelles la somme de 228 euros en garantie de leur condamnation ;

- débouté la Sas Normandie maçonnerie, l'Eurl Lemaire, et la Normandie maisons individuelles de leurs demandes en garanties formées contre la Sas AXA France Iard ;

- débouté la Sa Axa France Iard de sa demande tendant à la communication des contrats d'assurance de la Sas Normandie maçonnerie et de l'Eurl Lemaire ;

- débouté M. [K] [U] et Mme [L] [C] de leurs demandes d'indemnisation formées au titre de la résistance abusive et du préjudice moral ;

- prononcé la compensation des condamnations réciproques de la Sas Normandie maisons individuelles et de M. [K] [U] et Mme [L] [C] ;

- condamné M. [K] [U] et Mme [L] [C] à payer respectivement à la Sas Normandie maisons individuelles, à la Sa Axa France Iard, et à la Sas Normandie maçonnerie une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [K] [U] et Mme [L] [C] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'instance de référé et d'expertise ;

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration reçue au greffe le 19 avril 2021, les consorts [U]-[C] ont interjeté appel de la décision.

La Sas Normandie maisons individuelles a fait assigne l'Eurl Lemaire en appel provoqué par acte en date du 5 juillet 2021 déposé en étude.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 15 et 22 juillet 2021, M. [K] [U] et Mme [L] [C] demandent à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, 33 et suivants du code de procédure civile d'infirmer le jugement en ce qu'il : - les a condamnés à payer à la Sas Normandie maisons individuelles la somme de 8 795 euros correspondant au solde du marché de travaux,

- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 9 février 2016,

- condamné la Sas Normandie maisons individuelles à leur payer la somme de

456 euros ainsi que la somme de 60 euros au titre des travaux de reprise,

- les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation formées au titre de la résistance abusive et du préjudice moral,

- les a condamnés à payer respectivement à la Sas Normandie maisons individuelles, à la Sas Axa France Iard et à la Sas Normandie maçonnerie une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les a condamnés aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'instance de référé et d'expertise,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- le réformant, condamner la Sas Normandie maisons individuelles, après compensation judiciaire, au paiement des sommes suivantes :

. les travaux de reprise pour la levée des réserves soit 2 837,46 euros

. les dommages et intérêts pour résistance abusive soit 2 000 euros

. les dommages et intérêts pour préjudice moral soit 1 500 euros,

- condamner la Sas Normandie maisons individuelles au paiement des entiers dépens de la présente procédure qui comprendront notamment les dépens engagés dans le cadre de la procédure de référé expertise, de l'expertise judiciaire et la procédure de première instance,

- condamner la Sas Normandie maisons individuelles au paiement d'une somme de 13 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent en substance ce qui suit :

- le juge a écarté sans en justifier le moyen tiré de l'exception d'inexécution ;

- ils ont séquestré le montant de la retenue de garantie entre les mains de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats ;

- conformément aux dispositions de l'article L. 231-8 alinéa 1 du code de la construction et de l'habitation, ils pouvaient formuler des réserves dans les 8 jours suivant la remise des clés consécutive à la réception ;

- toutes les réserves ne sont pas levées.

Par dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2021 et signifiées le 1er octobre 2021, la Sas Normandie maisons individuelles demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1792-6 du code civil, de la loi du 16 juillet 1971 et de l'article R.231.2 alinéa 2 du code de la construction de l'habitation, de :

en tout état de cause,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné les consorts [U]-[C] à lui payer les sommes de 8 795 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 février 2016, de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux entiers dépens en ce compris les frais de référé et les frais d'expertise ;

- débouter les consorts [U]-[C] de l'intégralité de leurs demandes ;

à titre prinicpal

à titre principal,

- confirmer la décision enteprise en ce qu'elle a limité l'indemnisation due aux consorts [U]-[C] à la somme de 456 euros au titre des travaux de reprise du seuil de la porte de service d'accès au garage et au paiement de la somme de 60 euros au titre des travaux de reprise d'une plinthe, rejeté les plus amples demandes des consorts [U]-[C] au titre des travaux de reprise, condamné la Sasu Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire à la garantir des condamnations prononcées contre elle à hauteur de 228 euros chacune, débouté les consorts [U]-[C] de leur demande d'indemnisation formée au titre de la résistance abusive et du préjudice moral ;

- débouter les consorts [U]-[C] de leur demande en cause d'appel ;

- condamner les consorts [U]-[C] au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

à titre subsidiaire,

- condamner la Sas Normandie maçonnerie in solidum avec la Sa Axa France Iard à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle au bénéfice des consorts [U]-[C] au titre de l'absence de débord de seuils ;

- condamner la Sas Normandie maçonnerie in solidum avec la Sa Axa France Iard à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle au bénéfice des consorts [U]-[C] au titre de la colonne de la chambre 3 ;

- condamner l'Eurl Lemaire in solidum avec la Sa Axa France Iard à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle au bénéfice des consorts [U]-[C] au titre des traces de polyuréthane ;

- condamner l'Eurl Lemaire et la Sas Normandie maçonnerie solidairement entre elles et in solidum avec la Sa Axa France Iard à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle au bénéfice des consorts [U]-[C] au titre du seuil de la porte de service ;

- condamner l'Eurl Lemaire et la Sas Normandie maçonnerie solidairement entre elles et in solidum avec la Sa Axa France Iard à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle au bénéfice des consorts [U]-[C] au titre des dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens ;

- condamner l'Eurl Lemaire et la Sas Normandie maçonnerie solidairement entre elles et in solidum avec la Sa Axa France Iard au paiement d'une somme de

4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle fait valoir en substance qui suit :

- les maîtres de l'ouvrage étaient assistés, lors de la réception, par un professionnel de la construction, et ne peuvent bénéficier du délai de 8 jours pour dénoncer des réserves prévues à l'article du code de la construction et de l'habitation ;

- les modalités de la consignation sont illicites ;

- elle doit être garantie des désordres par les constructeurs et son assureur.

Par dernières conclusions notifiées le 1er octobre 2021 et signifiées le 6 octobre 2021, la Sasu Normandie maçonnerie demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de :

à titre subsidiaire,

- condamner la Sa Axa France Iard à la garantir de toutes sommes excédant

1 000 euros qui pourraient être mises à sa charge ;

- condamner M. [K] [U] et Mme [L] [C] à lui verser la somme de

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procedure civile ;

- condamner M. [K] [U] et Mme [L] [C] aux entiers dépens d'appel, ainsi que ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé expertise, de l'expertise judiciaire de la procédure de première instance.

Ils soutiennent en substance ce qui suit :

- la consignation entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de Rouen, en cours de procédure, ne répond pas aux dispositions de la loi du 16 juillet 1971 ;

- l'exception d'inexécution ne peut être invoquée que dans le cadre strict de la loi du 16 juillet 1971 à savoir, dans l'hypothèse d'une absence de levée de réserves dans l'année suivant la réception, et après notification à l'entreprise par le maître d'ouvrage de son opposition au paiement, motivée par l'inexécution des travaux de levée de réserves ;

- le refus par l'expert mandaté par le maître d'ouvrage de fournir des justificatifs de ses qualités professionnelles et de son habilitation, n'implique pas consécutivement de considérer que le maître d'ouvrage n'est pas assisté ;

- le maître d'ouvrage ne peut prétendre qu'il n'était pas assisté par un professionnel au seul motif que celui-ci est parti avant la fin des opérations ;

- il n'est pas exigé par la loi que le professionnel qualifié signe le procès-verbal de réception ;

- dès lors que les consorts [U]-[C] étaient assistés d'un expert à la réception, seules sont constitutifs de réserves les 14 points mentionnés sur le procès-verbal de réception.

Par dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2021 et signifiées le 5 novembre 2021, la Sa Axa France Iard demande à la cour, au visa des articles 139 et 142 du code de procédure civile l'avis n° 0070007P du 2 avril 2007 de la Cour de cassation, des articles 1134 (ancien), 1792 et 1792-6 du code civil, L. 112-6, L. 121-1 et L. 125-3 du code des assurances de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de communication de pièces sous astreinte ;

- enjoindre à la Sas Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire de communiquer à la cour et aux parties les attestations d'assurance, les conditions/dispositions particulières et les conditions/dispositions générales de leurs contrats d'assurance en vigueur pendant l'année 2018 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la Sas Normandie maisons individuelles à lui payer la somme de

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel que la Scp Lenglet Malbesin et associés sera autorisée à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'Eurl Lemaire, assignée en l'étude de l'huissier instrumentaire le 5 juillet 2021, ne s'est pas constituée intimée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2022.

MOTIFS

Sur les conditions de la réception de l'ouvrage

En application de l'article L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation, en matière de construction de maison individuelle, le maître de l'ouvrage dispose d'un délai de 8 jours suivant la remise des clefs consécutive à la réception pour dénoncer les vices apparents qui n'auraient pas été dénoncés lors des opérations de réception.

Le deuxième alinéa prévoit une exception : le délai de 8 jours n'est pas opposable par le maître d'ouvrage qui était assisté, lors de la réception, par un professionnel habilité en application de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, des articles L.111-23 et suivants du code ci-dessus, ou tout autre professionnel de la construction, et titulaire d'un contrat d'assurance couvrant les responsabilités pour ce type de mission.

Il est constant qu'était présent, aux cotés des maîtres de l'ouvrage, pendant une partie des opérations de réception organisées le 24 juin 2015, M. [T]. Il ne résulte toutefois pas des débats que ce dernier répondrait à la condition d'habilitation ci-dessus, ou serait un professionnel de la construction. Il est en revanche expressément mentionné qu'il n'était pas assuré, et qu'il n'était pas présent à la signature.

La Sas Normandie maisons individuelles qui a dressé ce procès-verbal et oppose aujourd'hui l'applicabilité de l'alinéa susvisé, n'a pas fait préciser à M. [T] s'il intervenait au titre de l'article L. 231-8 ci-dessus, ni n'a vérifié s'il présentait les qualités requises pour ce faire. Il est en outre constant que ce dernier est parti en cours de réception, et n'était pas présent au moment de la signature du procès-verbal, si bien qu'il ne peut être considéré qu'il aurait 'assisté' les maîtres de l'ouvrage au sens du texte suvisé.

Aucune fraude des appelants n'est démontrée. Il sera relevé, en revanche, que la Sas Normandie maisons individuelles indique expressément, dans un courrier daté du 7 juillet 2015, avoir refusé d'enregistrer, sur le procès-verbal de réception, une réserve relative à la rupture de pente de capillarité sur la terrasse. Or, une telle pratique est illégale. Un professionnel de la construction n'aurait pas manqué de le relever s'il avait effectivement assisté les maîtres de l'ouvrage.

L'ensemble des 34 réserves mentionnées dans le courrier du 29 juin 2015 a donc été émise valablement, qu'elles correspondent à des désordres ou à des non-conformités, apparentes ou non. L'effet de purge ne peut être opposé ni par les constructeurs, ni par la Sa Axa France Iard.

Le constructeur est tenu d'une obligation de résultat et de délivrance. Il doit répondre des non-conformités, qu'elles générent ou non des désordres.

Sur les réserves

Les appelants expliquent que cinq réserves émises n'ont pas été levées.

- l'absence de débord des seuils au niveau de la porte d'entrée, de la porte coulissante, de la porte-fenêtre et la baie coulissante du séjour.

Il s'agit à dire d'expert d'une non-conformité au DTU applicable, dont la reprise a été chiffrée à 8 058,46 euros.

La Sas Normandie maisons individuelles tenue d'une obligation de résultat et de délivrance conforme, sera condamnée à hauteur de ce montant.

Elle sollicite la garantie de la Sasu Normandie maçonnerie qui ne conteste pas avoir réalisé cet ouvrage. La Sasu Normandie maçonnerie sera donc condamnée à garantir la Sas Normandie maisons individuelles à hauteur du montant ci-dessus.

L'expert ayant précisé que cette non-conformité n'engendrait aucun désordre, la Sasu Normandie maçonnerie n'est pas fondée à solliciter la garantie de la Sa Axa France Iard.

En effet, la garantie stipulée en 2.13 des conditions de la police, dont le caractère contractuel n'est pas contesté, concerne les dommages intermédiaires sur un immeuble soumis à assurance obligatoire. Le dommage matériel est défini en page 46 de la police comme la 'détérioration ou la destruction d'une chose ou d'une substance'. En l'espèce, la non-conformité ne génère pas de dommage démontré et il n'y a donc pas lieu à garantie de l'assureur.

- la présence d'une colonne dans la chambre 3

Elle contient la ventilation haute de la fosse septique. Les consorts [U]-[C] ne démontrent aucune non-conformité, puisque les plans contractuels ne précisent pas où devait passer cette colonne, dont l'utilité n'est pas remise en cause. Ils ne démontrent pas davantage un désordre ou un vice lié au fonctionnement ou à la présence de cet équipement, ni l'intérêt qu'ils auraient à en solliciter le déplacement dans la chambre 4. Cette demande sera donc rejetée.

- le nettoyage de la mousse polyuréthane sur la porte-fenêtre du séjour.

Il s'agit d'un défaut de finition, caractérisant une non-conformité.

Il n'est pas démontré que la reprise a eu lieu, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. Le quitus du 17 juillet 2015 dont se prévaut aujourd'hui la Sas Normandie maisons individuelles concerne une 'fenêtre' sans plus de précision et n'indique pas que l'intervention réalisée a été satisfactoire : l'expert a constaté et photographié les traces de polyuréthane postérieurement à cette intervention. Leur existence et leur imputabilité sont établies.

Le montant de 600 euros, qui n'est pas utilement, contesté, fera l'objet de la condamnation à la charge de la Sas Normandie maisons individuelles.

L'Eurl Lemaire lui doit garantie, s'agissant d'une finition du lot menuiserie.

La Sa Axa France Iard, assureur de l'Eurl Lemaire, assure, selon le volet 'responsabilité connexe' mentionné sur la police versée en pièce 4, les dommages matériels intermédiaires affectant un ouvrage soumis à l'assurance obligatoire. Il n'est pas démontré que l'assureur couvre les préjudices esthétiques, qui ne correspondent pas à une détérioration ou une destruction.

La demande en garantie formée par son assurée sera donc rejetée.

Les condamnations de la Sas Normandie maisons individuelles à hauteur de

456 euros au titre du rebouchage du seuil de la porte de service et de 60 euros au titre de la plinthe au niveau de la porte des WC ne sont pas contestées et ont été retenues par le tribunal au bénéfice de motifs propres.

Il ressort des débats que le premier désordre se rattache à une mauvaise exécution conjointe des lots maçonnerie et menuiserie.

La Sasu Normandie maçonnerie ne conteste pas sa garantie.

Le partage des responsabilités retenu par le tribunal entre la Sasu Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire est approprié au regard des données du litige. Le quantum des condamnations prononcées au titre de ce désordre, soit 228 euros pour chacune des parties, n'appelle pas de critique. La Sas Normandie maisons individuelles en demande confirmation.

La Sa Axa France Iard ne doit pas garantie, ne s'agissant pas de dommages matériels ou de désordres au sens de la police, mais de défauts d'exécution caractérisant un manquement à l'obligation de délivrance.

Le montant total mis à la charge de la Sas Normandie maisons individuelles au titre de la reprise des non-conformités et désordres subsistant est donc de 9 174,46 euros (8 058,46 + 600 + 60 + 456).

La Sasu Normandie maçonnerie sera condamnée, après infirmation, à payer la somme totale de 8 286,46 euros à la Sas Normandie maisons individuelles au titre des désordres dont elle doit garantie (8 058,46 + 228).

L'Eurl Lemaire sera condamné, après infirmation, à payer à la Sas Normandie maisons individuelles la somme de 828 euros (600 + 228).

Le tribunal a retenu, à juste titre, que la retenue de 5 % avait été consignée selon des modalités contraires aux dispositions de la loi du 16 juillet 1971, puisqu'auprès du batônnier de l'ordre des avocats de Rouen. A défaut d'accord, elle aurait dû être consignée par un tiers désigné par le président du tribunal de grande instance.

Cette circonstance est toutefois sans incidence sur le présent litige, qui conduit la cour à établir les comptes entre les parties.

Le principe et le montant de la consignation étaient justifiés au regard de la persistance de réserves à lever, ouvrant droit à l'exception d'inexécution. Il ne résulte pas des débats que la Sas Normandie maisons individuelles aurait sollicité la remise du solde auprès du consignataire, ni que les maîtres de l'ouvrage s'y seraient opposés.

Le maître de l'ouvrage ayant légitimement retenu le paiement, les intérêts de retard courront à compter de la présente décision.

La Sas Normandie maisons individuelles sera condamnée, après compensation, à payer la somme de 379,46 euros au titre de la reprise des réserves (9 174,46 - 8 795).

Les garanties s'exerceront sur les sommes dues par la Sas Normandie maisons individuelles avant compensation.

Sur le préjudice moral

Il ressort de la procédure que les maîtres de l'ouvrage ont dû multiplier les démarches pendant plusieurs années afin d'obtenir la reprise de 29 des 34 réserves, puis agir jusqu'en cause appel afin d'être indemnisés pour 4 autres, 7 années après la réception. Le litige concerne le lieu de vie, qu'ils ont fait construire, en ayant recours à un professionnel. La Sas Normandie maisons individuelles a cru pouvoir les assigner en réglement du solde des travaux, en niant l'existence de réserves subsistantes.

Cette situation génère un préjudice moral, qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de

2 000 euros, et qui répare également les conséquences de la résistance abusive de la Sas Normandie maisons individuelles.

Il n'y a pas lieu à garantie de la Sas Normandie maisons individuelles au titre de cette condamnation, qui a pour cause une faute propre à cette seule partie.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'injonction formée par la Sa Axa France Iard qui ne conteste pas le principe de sa garantie, et est tenue, en qualité d'assureur, de faire la preuve du contenu des polices qu'elle oppose : elle ne saurait exiger de ses asssurées qu'ils se substituent à elle. L'intérêt de cette demande n'est en toute hypothèse pas démontrée, puisque l'assureur démontre qu'il n'est pas tenu à garantie.

Sur les frais de procédure

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles doivent être infirmées compte tenu de l'issue du litige.

La Sas Normandie maisons individuelles, la Sasu Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire succombent et seront condamnés in solidum aux dépens, en ce compris les dépens de référé, d'expertise, de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de la Scp Lenglet Malbesin.

La Sas Normandie maisons individuelles sera condamnée à payer une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 10 000 euros au bénéfice des maîtres de l'ouvrage.

La Sas Normandie maisons individuelles sera garantie in solidum par la Sasu Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire s'agissant des condamnations aux dépens et frais irrépétibles.

La Sasu Normandie maçonnerie ne forme aucun recours en garantie contre l'Eurl Lemaire sur ce poste et il n'y a pas lieu à partage de responsabilité à défaut de demande en ce sens.

Ni l'équité, ni la situation économique des autres parties n'imposent l'application de l'article 700 du code de procédure civile à leur égard.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement des chefs déférés, sauf en ce que le tribunal a :

- débouté la Sasu Normandie maçonnerie, l'Eurl Lemaire, et la Sas Normandie maisons individuelles de leurs demandes en garanties formées contre la Sa Axa France Iard ;

- débouté la Sas Axa France Iard de sa demande tendant à la communication des contrats d'assurance de la Sas Normandie maçonnerie et de l'Eurl Lemaire ;

- prononcé la compensation des condamnations réciproques de la Sas Normandie maisons individuelles et de M. [K] [U] et Mme [L] [C] ;

Le confirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne, après compensation, la Sas Normandie maisons individuelles à payer à M. [K] [U] et Mme [L] [C] la somme de 379,46 euros ;

Condamne la Sasu Normandie maçonnerie à payer à la Sas Normandie maisons individuelles la somme de 8 286,46 euros ;

Condamne l'Eurl Lemaire à payer à la Sas Normandie maisons individuelles la somme de 828 euros ;

Condamne la Sas Normandie maisons individuelles à payer à M. [K] [U] et Mme [L] [C] la somme 2 000 euros à titre de réparation de leur préjudice moral ;

Condamne la Sas Normandie maisons individuelles à payer à M. [K] [U] et Mme [L] [C] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne in solidum la Sas Normandie maisons individuelles, la Sasu Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais et référé et d'expertise, dont distraction au bénéfice de la Scp Lenglet Malbesin ;

Condamne in solidum la Sasu Normandie maçonnerie et l'Eurl Lemaire à garantir la Sas Normandie maisons individuelles des condamnations mises à sa charge au titre des dépens et frais irrépétibles.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/01646
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.01646 ?
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