N° RG 21/02793 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I2L4
+ 21/02845
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 15 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/01848
Tribunal judiciaire de Rouen du 31 mai 2021
APPELANTS et INTIMÉS :
Monsieur [R] [M]
né le 21 décembre 1976 à [Localité 12]
[Adresse 9]
[Localité 8]
représenté par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la Selarl HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de Rouen
Madame [I] [V]
née le 19 juillet 1979 à [Localité 12]
[Adresse 9]
[Localité 8]
représentée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la Selarl HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de Rouen
Samcv SMABTP
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par Me Valérie GRAY de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen substituée par Me SCOLAN
INTIMES :
Sa AVIVA ASSURANCES devenue la Sa ABEILLE IARD & SANTE
RCS de Nanterre 306 522 665
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentée par Me Céline BART de la Selarl BOURDON BART, avocat au barreau de Rouen
Sa CAISSE DE REASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DU CENTRE MANCHE (GROUPAMA)
RCS de Chartres 383 853 801
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée par Me Jérôme VERMONT de la Selarl VERMONT TRESTARD & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen substitué par Me Nina CHARLIER
Sa XELLA THERMOPIERRE
[Adresse 13]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Marc ABSIRE de la Selarl DAMC, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Adrien LAHAYE, avocat au barreau de Rouen
Maître [G] [Y]
ès qualités de mandataire liquidateur de la société BEHN
[Adresse 2]
[Localité 7]
non constituée bien que régulièrement assignée par acte remis le 23 septembre 2021 à domicile.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 9 janvier 2023 sans opposition des avocats devant M. MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Delphine VESPIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 9 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 mars 2023
ARRET :
PAR DEFAUT
Prononcé publiquement le 15 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 3 octobre 2009, la Sas Comi Normandie a conclu avec M. [R] [M] et Mme [I] [V] un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan. Une police dommages ouvrage a été souscrite auprès de la Sa Aviva assurances.
Le 27 mai 2010, les travaux du lot technique maçonnerie ont été confiés à la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment assurée auprès de la Caisse de réassurance mutuelle agricole du Centre Manche (Groupama). Cette dernière a réalisé la structure de la construction en utilisant des blocs de béton cellulaire fabriqués par la Sa Xella Thermopierre.
Le lot ravalement a été confié à la Sarl Peintures et rénovations normandes.
Le procès-verbal de réception et la déclaration d'achèvement des travaux ont été établis le 28 septembre 2010.
Constatant l'apparition de fissures sur les murs de leur habitation, M. [M] et Mme [V] ont effectué une déclaration de sinistre auprès de la Sa Aviva assurances en sa qualité d'assureur dommages ouvrage.
Cette société d'assurances a missionné un expert, la société Saretec, qui a préconisé la mise en oeuvre d'un diagnostic structurel de la construction confié à la Sarl Bureau d'Etudes de Haute-Normandie (Behn), aujourd'hui en liquidation judiciaire, assurée auprès de la Smabtp. La Sarl Behn a établi un rapport le 14 octobre 2011, aux termes duquel il mettait en exergue des défauts de structure susceptibles d'emporter des désordres irrémédiables sur l'ouvrage.
Saisi par M. [M] et Mme [V], le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a, par décision du 18 octobre 2012, ordonné une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 28 mai 2014, le juge chargé du suivi de la mesure d'instruction a étendu la mission confiée à l'expert en l'invitant notamment à donner un avis sur la réintégration par la famille [M]-[V] du rez-de-chaussée de l'ouvrage à compter du 4 juin 2014. L'expert a établi son rapport le 29 juillet 2016.
Par ordonnance du 28 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a condamné par provision la Sa Aviva assurances à payer à
M. [M] et Mme [V] solidairement la somme de 93 816,13 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice matériel.
Le 10 novembre 2017, M. [M] et Mme [V] ont établi au bénéfice de la Sa Aviva assurances une quittance subrogative d'un montant de 93 816,13 euros.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire de Rouen, saisi par M. [M] et Mme [V] a :
- déclaré irrecevable la demande formée par la Sarl compagnie cléroise de bâtiment et Groupama à l4encontre de Saretec et Eticque, de la société Behn et de la Sa Les maisons d'aujourd'hui ;
- déclaré irrecevable les demandes formées par la Sa Xella Thermopierre et par la Sarl Peintures et rénovations normandes à l'encontre de Sas Comi Normandie ;
- déclaré irrecevable la demande de M. [M] et Mme [V] tendant à la condamnation des entreprises et de leurs assureurs au paiement de la somme de 93 816,13 euros ;
- condamné in solidum la Sa Xella Thermopierre et la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment à verser à la Sa Aviva assurances la somme de 39 662,97 euros au titre de la réparation du désordre n°1 ;
- débouté la Sa Aviva assurances de ses demandes formées à l'encontre de la Sarl Peintures et rénovations normandes ;
- condamné in solidum la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment et Groupama à payer à la Sa Aviva assurances la somme de 54 153,16 euros au titre du désordre n° 3 ;
- condamné M. [M] et Mme [V] à payer à la Sa Aviva assurances la somme de
40 000 euros ;
- condamné la Smabtp à payer à M. [M] et Mme [V] la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- débouté la Smabtp de sa demande tendant à ce que la condamnation soit prononcée dans les limites d'une franchise contractuelle ;
- débouté M. [M] et Mme [V] de leur demande de condamnation de la Sa Aviva assurances à les indemniser et de leur préjudice moral ;
- débouté M. [M] et Mme [V] des demandes de condamnation de la Sa Aviva assurances et la Smabtp à les indemniser de frais de route et de perte d'usage ;
- débouté la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment de sa demande tendant à être garantie de la condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre n°1 formée à l'encontre de la Sa Aviva assurances de la Smabtp et de la Sarl Peintures et rénovations normandes ;
- condamné la Sa Xella Thermopierre à garantir la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment à hauteur de 95 % de la condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre n°1 ;
- débouté la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment et Groupama de leurs demandes tendant à être garanties de la condamnation prononcée à leur encontre au titre du désordre n° 3 ;
- condamné la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment à garantir la Sa Xella Thermopierre à hauteur de 5 % de la condamnation prononcée à son encontre ;
- débouté la Sa Xella Thermopierre de sa demande tendant à être garantie par la Sarl Peintures et rénovations normandes ;
- débouté la Smabtp de sa demande tendant à être garantie de la condamnation prononcée à son encontre ;
- condamné la Smabtp à verser à M. [M] d'une part et à Mme [V] d'autre part, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Sa Aviva assurances à payer à la Sarl peintures et rénovations normandes la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure ;
- débouté les autres parties de leurs demandes présentées sur le même fondement ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- fait masse des dépens, en ce compris ceux des procédures de référé expertise et les frais de l'expertise judiciaire et dit qu'ils seront supportés à concurrence de 20 % par la Sa Xella Thermopierre, de 40 % par la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment et Groupama et de 40 % par la Smabtp ;
- accordé à Me Marie Savoye le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 7 juillet 2021 (n°RG 21/02793), les consorts [M]-[V] ont interjeté appel de la décision.
Par déclaration reçue au greffe le 9 juillet 2021 (n°RG 21/02845), la Samcv Smabtp a formé également appel de la décision.
Les affaires ont été jointes par ordonnance du 15 mars 2022 pour se poursuivre sous le numéro RG 21/02793.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2022, M. [R] [M] et Mme [I] [V] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 1147 (ancien) 1792 et 1382 (ancien) du code civil de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le Behn responsable de leurs préjudices immatériels, et en ce qu'il a condamné la Smabtp à leur payer la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral, ainsi que celle de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en tous les dépens, dont les frais d'expertise ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas condamné in solidum la Sa Aviva assurances, mandante du cabinet Saretec, au paiement des mêmes sommes avec la Smabtp ;
- infirmer le jugement rendu le 31 mai 2021 en ce qu'il les a condamnés à restituer à la Sa Aviva assurance la somme de 40 000 euros,
- infirmer le jugement rendu le 31 mai 2021 en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation des frais de route et de perte d'usage ;
- condamner in solidum la Smabtp et la Sa Aviva assurances à leur payer les sommes suivantes :
. au titre des frais de route, la somme de 8 790,40 euros ;
. au titre de la perte d'usage, la somme de 18 952 euros ;
. au titre du préjudice moral, la somme de 50 000 euros ;
- condamner in solidum la Smabtp et la Sa Aviva assurances à leur payer la somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'en tous les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;
- débouter la Smabtp et la Sa Aviva assurances de toutes leurs demandes formées en cause d'appel à leur encontre.
Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2022, la Sa Abeille Iard et santé demande à la cour, au visa des articles L.121-12 du code des assurances 1792 du code civil et 1382 du code civil, 1147 et 1302 et suivants du code civil 1386-1 et suivants du code civil, L.124-3 du code des assurances de confirmer le jugement, et de :
- débouter la Smabtp, les consorts [M]-[V], la Sa Xella Thermopierre de l'intégralité de leurs demandes ;
à titre subsidiaire,
- condamner in solidum Groupama, la Sa Xella Thermopierre, Me [Y], liquidateur judiciaire de la société Behn, la Smabtp, à la relever indemne et la garantir de toute condamnation ;
en tout état de cause,
- débouter l'ensemble des parties de toutes leurs demandes de condamnations à son encontre ;
- rejeter toute demande de condamnation aux dépens ou au titre de l'article 700 code de procédure civile formulée à son encontre ;
- condamner in solidum la Smabtp, les consorts [M]-[V], la Sa Xella Thermopierre au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile et les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2022, la Sa Xella Thermopierre demande à la cour, au visa des articles 1147 ancien, 1386-1 et suivants anciens du code civil, de :
sur l'appel de la Smabtp,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Smabtp de sa demande en garantie dirigée à son encontre ;
- débouter la Smabtp de l'intégralité de ses prétentions ;
- débouter la Sa Abeille Iard et Santé de son appel en garantie dirigé à son encontre du chef des préjudices immatériels allégués par les consorts [M]-[V] ;
- rejeter tous autres appels en garantie de ce chef ;
sur son appel incident ,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à :
. verser à la Sa Aviva assurances la somme de 39 662,97 euros au titre du désordre n°1,
. garantir la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment à concurrence de 95 % de la condamnation prononcée à son encontre,
. supporter les dépens à concurrence de 20 % ;
statuant à nouveau,
- la renvoyer hors de cause ;
- condamner la Smabtp à verser à la concluante la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner en tous les dépens dont distraction au profit de Me Marc Absire, avocat au barreau de Rouen, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, Groupama demande à la cour, au visa des articles 1355 du code de procédure civile, 1240 du code civil, de confirmer le jugement et de :
- débouter en conséquence la Smabtp de l'intégralité de ses demandes ;
- rejeter la demande d'infirmation partielle de la Sa Xella Thermopierre tendant à anéantir ses condamnations à garantir la société Compagnie cléroise de bâtiment à hauteur de 95 % des condamnations prononcées à son encontre et à supporter les dépens de première instance à concurrence de 20 % ;
- condamner la Smabtp à payer à Groupama la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Smabtp aux entiers dépens.
Il sera statué par défaut compte tenu de l'absence de constitution de Me [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Behn, qui a reçu signification de la déclaration d'appel de la Smabtp dès le 23 septembre 2021 à tiers présent à domicile, puis des conclusions des différentes parties.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022.
Par message en date du 8 février 2023, la cour a invité la Sa Xella Thermopierre à conclure sur l'irrecevabilité de la demande d'infirmation des dispositions du jugement par lesquelles le tribunal judiciaire de Rouen l'a condamnée à garantir la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment, cette dernière partie n'étant pas dans la cause.
La Sa Xella Thermopierre n'a pas répondu.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la Sa Xella Thermopierre au titre du désordre n°1
La Sa Xella Thermopierre demande l'infirmation des dispositions du jugement la condamnant à payer, au titre du désordre n°1, la somme de 39 662,97 euros à la Sa Aviva assurances, à garantir la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment à hauteur de 95 % de la condamnation prononcée à son encontre, et à payer les dépens à hauteur de 20 %.
Elle fait valoir que la preuve n'est pas rapportée que les blocs de béton cellulaire qu'elle a produits constitueraient des produits défectueux au sens de l'article 1386-1 du code civil.
Au terme des anciens articles 1386-1, 1386-2 et 1386-4 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité normalement exigible, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
La seule imputabilité du dommage au produit défectueux ne suffit pas à établir son défaut, ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. Il faut qu'un défaut intrinsèque soit établi. La preuve du caractère défectueux peut être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes.
Il ressort de l'expertise que les fissurations du pignon sud-ouest et des autres façades étaient imputables à un retrait différentiel entre les chaînages et la maçonnerie pleine, et qu'un renforcement était nécessaire.
L'expert indique, en page 81 de son rapport, qu'il n'a pas été en mesure d'analyser plus finement les causes de la fissuration des murs en béton cellulaire le long des chaînages verticaux et horizontaux.
Ceci 'limite l'analyse' à considérer que 'l'ensemble constitué par le mur en béton cellulaire et les chaînages de DTU' présente un comportement différent de celui des murs en blocs de bétons. L'origine des fissurations provient, soit d'une série de fabrication conduisant à un comportement inhabituel des blocs de béton, soit de la cohabitation des blocs cellulaires et des chaînages en béton traditionnels.
Ces conclusions ne démontrent aucun défaut intrinsèque affectant la sécurité des blocs cellulaires fournis par la Sa Xella Thermopierre. L'expert n'évoque ainsi que des hypothèses, par ailleurs imprécises : un 'comportement inhabituel ' des blocs, sans référence à un défaut intrinsèque, ou un problème de cohabitation avec d'autres éléments de l'ouvrage, qui ne traduit pas davantage le caractère défectueux des blocs en eux-mêmes.
Si l'expert avance, en page 54, que la Sa Xella Thermopierre a fourni un produit
'fragile', et que 'la tendance à la fissuration des bétons cellulaires est connue des professionnels', cette appréciation très générale ne peut que s'interpréter au vu des développements contenus en page 81. L'expert y fait état d'une connaissance personnelle antérieure de ce type de pathologie, qu'il a rencontrés sur d'autres sinistres mais qui n'a pas fait l'objet de recherches de la part des fabricants. Il émet donc une appréciation tirée de son expérience personnelle sur la solidité des blocs cellulaires, sans donnée technique ou statistique objective, et sans aucun avis spécifique concernant les blocs YTONG MI 355 mis en oeuvre. Il reconnaît du reste qu'il lui est impossible de contrôler la qualité de fabrication et que l'accumulation des normes n'apporte aucune certitude dans la mesure ou le phénomène concerné par le sinistre n'est pas traité par ces normes. Le fait que ce type de problème affecte de façon généralisée tous les blocs cellulaires n'est pas démontré.
Ces éléments sont insuffisants à établir que le désordre serait en lien causal avec un défaut des blocs eux-mêmes.
Les conditions d'application de la responsabilité des produits défectueux ne sont donc pas établies.
La décision sera donc infirmée en ce que la Sa Xella Thermopierre a été condamnée à paiement à l'égard de la Sa Aviva assurances devenue la Sa Abeille Iard & santé.
La cour n'est pas valablement saisie de la demande d'infirmation de la condamnation à garantie due par la Sa Xella Thermopierre à la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment. Cette demande d'infirmation est irrecevable, puisque cette partie n'est pas dans la cause.
Sur la demande en condamnation formée par les consorts [M]-[V] à l'égard de la Smabtp et de la Sa Abeille Iard & santé
Les consorts [M]-[V] reprochent au cabinet Saretec, expert dommages ouvrage, et au Behn d'avoir surestimé le risque lié aux désordres qui affectaient leur maison si bien qu'ils ont dû se reloger. Ils sollicitent la condamnation de leurs assureurs respectifs à les indemniser des préjudices immatériels en rapport avec cette période de relogement, soit 8 790,40 euros au titre des frais de route, 18 952 euros au titre de la perte d'usage, et 50 000 euros au titre du préjudice moral.
A l'égard de la Smabtp, assureur du Behn, la demande est fondée sur la police et le droit de recours direct régi par l'article L. 124-3 du code des assurances. A l'égard de la Sa Aviva assurances, les appelants se fondent sur la responsabilité contractuelle du fait d'un excès de prudence de l'expert Saretec.
Ils reprochent au Behn, consulté par Saretec, d'avoir conclu à des désordres engageant la sécurité des occupants.
La Smabtp, assureur du Behn, conclut à l'absence de preuve d'une faute et d'un lien de causalité, car le bureau d'étude n'a pas préconisé ni donné son avis sur l'évacuation de la maison, sa préconisation d'étayage ayant été écartée, alors qu'elle aurait permis un maintien dans les lieux. Elle explique que la décision de relogement est liée à une mauvaise interprétation de ses préconisations par Saretec et le cabinet Eticque, choisi par les maîtres de l'ouvrage.
La Sa Abeille Iard & santé réplique que l'obligation contractuelle de l'assureur dommages ouvrage consiste à préfinancer des travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres, ce qui a été fait en l'espèce, et que la décision de relogement a été prise en concertation avec l'expert choisi par les maîtres de l'ouvrage, car personne ne souhaitait prendre le risque d'un effondrement.
Il n'est contesté par aucune des parties que Saretec est intervenu comme mandataire de l'assureur dommages ouvrage. Les fautes commises par ce cabinet sont donc susceptibles d'entraîner la condamnation de la Sa Abeille Iard & santé.
Par ailleurs, la Smabtp ne conteste pas qu'elle couvre les préjudices immatériels liés à la faute civile du Behn.
S'agissant de la nécessité du relogement, il ressort des pages 52 et 56 que cette décision a été prise par les maîtres de l'ouvrage, après avoir été préconisée par leur conseil, le cabinet Eticque, alors qu'il aurait été possible de s'en dispenser.
Les appelants doivent démontrer que les erreurs d'appréciation qu'ils reprochent au Behn et à Saretec sont fautives et présentent un lien de causalité avec le dommage.
L'expert a proposé un partage de responsabilité au regard de son appréciation du rôle causal de chacun dans la décision de relogement.
A dire d'expert, le Behn, dont les conclusions ont été rappelées par le tribunal, a exagéré les risques et sous-estimé la capacité de résistance de la poutre centrale. Si son analyse surévaluait la fragilité de la structure, il n'a toutefois pas préconisé l'évacuation de la maison. Le rapport ne contient aucune appréciation en ce sens. Il n'a fait que préconiser la pose d'étaiements des abouts de la poutre centrale, avec un encombrement maximal très faible, de 0,1 à 0,5 m ou 0,2 à 0,3 m sous la rive de poutre, contre chaque pignon. Il ne peut être reproché au bureau d'étude, compte tenu des enjeux vitaux sur lesquels il devait se prononcer, d'avoir sous-estimé la résistance de la structure, dans une optique de précaution, et dans une proportion dont l'expert ne précise d'ailleurs pas la gravité. Il n'est en outre pas contesté que l'étayage proposé était suffisant pour prévenir tout risque et que si cette préconisation avait été suivie, la maison serait restée habitable. L'avis du Behn n'a jamais été sollicité sur le relogement ou les conditions d'habitabilité.
Le cabinet Ecticque, conseil des maîtres de l'ouvrage, 'sans compétence technique particulière', a surinterprété les conclusions du Behn et préconisé le relogement : en raison de son analyse, a été abandonnée la proposition de mise en sécurité provisoire et un risque d'effondrement imminent a été évoqué. La décision de relogement est également liée à son appréciation erronée de la taille des étaiements nécessaires : d'un étaiement ponctuel auprès de chaque pignon, elle a conclu à la nécessité d'un étaiement de matériels de chantier blessants et dont l'encombrement pouvait interdire l'usage du salon et de la chambre pour enfant. Elle a ainsi participé 'à l'instauration d'un sentiment d'angoisse irrépressible de la part des habitants et du technicien de l'assureur', et présenté à ses clients le relogement comme une nécessité technique sans alternative. Ce positionnement est à l'origine de la décision de relogement prise par les maîtres de l'ouvrage dans une optique tout à fait compréhensible de prudence.
L'expert relève que Saretec, qui n'avait pas de compétence personnelle pour évaluer la situation, n'a pas sollicité d'avis contradictoire, notamment auprès d'un autre bureau de contrôle et n'a pas tempéré l'avis du cabinet Eticque s'agissant de la taille des étaiements. Son rôle était toutefois de préconiser les mesures de nature à mettre fin aux désordres, non d'évaluer la nécessité du relogement. La décision de reloger a été en réalité prise par les appelants et induite par leur conseil privé. Il ne peut être reproché à Saretec de ne pas s'être opposée à la décision de reloger la famille, en instruisant une solution alternative, dans un contexte d'incertitude technique sur la solidité de l'ouvrage et 'd'angoisse irrépressible' des maîtres de l'ouvrage pour leur sécurité. Le fait d'avoir permis le relogement en s'engageant à préfinancer les préjudices immatériels, et d'avoir versé les provisions idoines, ne saurait être reproché à l'assureur. Il n'existe ni faute, ni lieu de causalité avec les préjudices consécutifs au relogement.
La condamnation de la Smabtp à payer une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral sera infirmée. Son assuré, bien que surévaluant la faiblesse structurelle, n'est pas davantage que Saretec responsable du relogement ; l'hypothèse de l'effondrement, génératrice d'angoisse, rendant inéluctable la décision de relogement, a été introduite par Eticque.
Les demandes formées par les maîtres de l'ouvrage contre les assureurs seront donc rejetées.
Sur la demande en répétition formée par la Sa Abeille Iard & santé
Le tribunal a fait droit à la demande formée par la Sa Aviva assurances devenue la Sa Abeille Iard & santé, sur le fondement de la répétition de l'indu, en remboursement d'une somme de 40 000 euros au titre des provisions quittancées. Il a considéré que l'assureur avait, en exécution de l'ordonnance de référé du 28 septembre 2017, payé la totalité des sommes dues par lui au titre de la réparation.
Il n'est pas contesté que la somme de 93 816,13 euros versée par la Sa Abeille Iard & santé aux demandeurs en exécution de l'ordonnance de référé du 28 septembre 2017 indemnise intégralement le préjudice matériel lié au désordre n°1.
Les appelants s'opposent à la restitution des provisions versées en relevant qu'elles concernaient les préjudices immatériels liés au relogement.
La Sa Abeille Iard & santé ne réplique pas.
Il ressort de l'historique des courriers échangés que les provisions versées par l'assureur avant l'introduction de l'instance en référé avaient comme objet de faire l'avance des frais de relogement.
La demande d'acompte adressée le 28 mars 2012 fait référence expressément aux dépenses rendues nécessaires par le relogement et le déménagement.
Une semaine plus tard, le 5 avril 2012, la Sa Abeille Iard & santé a sollicité les justificatifs nécessaires pour répondre à la demande d'indemnité provisionnelle 'au titre du poste dommages immatériels et frais de relogement en cours'.
Elle a ensuite versé, le 13 avril 2012, 'pour répondre à la demande' des maîtres de l'ouvrage, une somme de 10 000 euros, puis la même somme les 27 novembre 2012 et le 21 juin 2013, 'afin de faire face principalement aux frais de relogement'.
Quand bien même la cause des versements n'est pas mentionnée dans les quittances, il est établi par ce qui précède qu'il s'agit clairement d'indemniser le préjudice lié au relogement.
En versant ces sommes, la Sa Abeille Iard & santé, assureur dommages ouvrage, a admis spontanément le principe de sa garantie au titre de ces préjudices immatériels. Elle ne peut aujourd'hui en exiger le remboursement, au titre de la répétition de l'indu, au motif qu'elles auraient été versées en réparation du préjudice matériel.
La demande en répétition sera rejetée après infirmation.
Sur le surplus des demandes
La Sa Abeille Iard & santé n'établit ni n'avance aucun moyen justifiant que la Sa Xella Thermopierre ou le Behn soit condamnés à garantie à son égard au titre des chefs du jugement déférés à la cour.
Il ressort de ce qui précède que les condamnations prononcées à l'encontre de la Sa Xella Thermopierre, de la Smabtp et de la Sa Abeille Iard & santé seront infirmées.
Après infirmation, Groupama sera condamnée aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise et de référé.
Cette condamnation sera in solidum avec celle prononcée contre la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment par le tribunal à hauteur de 40 %.
Groupama ne saurait être condamnée au titre des dépens d'appel, puisque l'appel ne porte que sur le désordre n°1 au titre duquel son assurée n'est pas condamnée.
M. [M] et Mme [V], qui succombent pour l'essentiel en leur appel, seront donc condamnés in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au bénéficie de Me Absire, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Ni l'équité, ni la situation économique des autres parties n'imposent l'application de l'article 700 du code de procédure civile à leur égard.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en ce que le tribunal a :
- condamné in solidum la Sa Xella Thermopierre à verser à la Sa Aviva assurances la somme de 39 662,97 euros au titre de la réparation du désordre n°1 ;
- condamné la Sa Xella Thermopierre à garantir la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment à hauteur de 95 % de la condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre n°1 ;
- condamné la Smabtp à payer à M. [R] [M] et Mme [I] [V] la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- condamné M. [R] [M] et Mme [I] [V] à payer à la Sa Aviva assurances la somme de 40 000 euros ;
- condamné la Smabtp à verser à M. [R] [M] d'une part et à Mme [I] [V] d'autre part, Ia somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- fait masse des dépens, en ce compris ceux des procédures de référé expertise et les frais de l'expertise judiciaire et dit qu'ils seront supportés à concurrence de 20 % par la Sa Xella Thermopierre, de 40 % par la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment et Groupama, et de 40 % par la Smabtp ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes formées contre la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment ;
Rejette la demande de condamnation à paiement formée par la Sa Aviva assurances devenue la Sa Abeille Iard & santé contre la Sa Xella Thermopierre au titre de la réparation du désordre n°1 ;
Rejette les demandes en condamnation formées par M. [R] [M] et Mme [I] [V] contre la Smabtp et la Aviva assurances devenue la Sa Abeille Iard & santé ;
Rejette les demandes pour le surplus ;
Condamne Groupama aux dépens de première instance, en ce compris le coût des procédures de référé expertise les frais de l'expertise judiciaire, in solidum à hauteur de 40 % avec la condamnation prononcée de ce chef par le tribunal à l'encontre de la Sarl Compagnie cléroise de bâtiment ;
Condamne in solidum M. [R] [M] et Mme [I] [V] aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Absire.
Le greffier, La présidente de chambre,