N° RG 21/03623 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I4FV
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 27 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2019006638
TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 2 août 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. MYAUTO 76
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée de Me Amélie DE COLNET, avocat au barreau de ROUEN, plaidant
INTIMEE :
Madame [Y] [L]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée et assistée de Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 31 janvier 2023 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 31 anvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 avril 2023 puis prorogée au 27 avril 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 27 avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE':
La société My Auto 76 a vendu, le 4 avril 2017, à Madame [Y] [L], un véhicule Peugeot 206 immatriculé [Immatriculation 5], au prix de 3 990,00 €.
Alléguant de désordres sur le véhicule et de ce que les copies des contrôles techniques et des factures d'entretien et de révision ne lui avaient pas été remises par le vendeur, Mme [L] a fait diligenter une expertise amiable. La société My Auto y a été convoquée mais ne s'est pas présentée. L'expert a remis son rapport le 19 septembre 2017. Forte de ce rapport, Mme [L] a assigné la société My Auto, par acte du 22 juillet 2019 devant le tribunal de commerce de Rouen.
Par jugement du 2 août 2021, le tribunal a':
- rejeté l'exception d'irrecevabilité pour forclusion';
- prononcé la résolution de la vente en raison de vices cachés';
- condamné la société My Auto76 à restituer le prix de 3 090 € avec intérêts légaux à compter du jugement à intervenir, dans un délai de 3 mois à compter du jour où la décision sera passée en force de chose jugée et ce, sous astreinte de 80 € par jour de retard dont le tribunal s'est réservé la liquidation';
- dit que Mme [L] devra restituer le véhicule, à ses frais, sur son lieu de stationnement situé au garage de l'Hexagone à Saint Paterne';
- autorisé Mme [L] à délaisser le véhicule à l'expiration d'un délai de 3 mois à compter du paiement de l'ensemble des condamnations, sans recours de la société Myauto 76':
- débouté Mme [L] de sa demande d'indemnité d'immobilisation du véhicule,
- condamné la société Myauto 76 à payer la somme de 2 000 € à Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la société Myauto 76 en tous les dépens de l'instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 74,54 €.
La société My Auto 76 a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 septembre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.
Vu les conclusions du 4 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société My Auto 76':
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau':
In limine litis,
- juger irrecevable l'action engagée par Madame [Y] [L] en raison de sa forclusion ;
Sur le fond, à titre principal,
- débouter Madame [Y] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
- condamner Madame [Y] [L] à payer à la société My Auto 76 la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner Madame [Y] [L] en tous les dépens.
Vu les conclusions du 10 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Mme [L] qui demande à la cour de':
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société My Auto ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 2 août 2021 ;
Y ajoutant,
- condamner la société My Auto à payer à Madame [L] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur la recevabilité de l'action engagée par Mme [L]':
Moyens des parties':
La société My Auto soutient que':
* Mme [L] est forclose en son action diligentée le 22 juillet 2019 sur le fondement de la garantie des vices cachés en ce qu'elle a découvert les dysfonctionnements du véhicule dès le mois d'avril 2017, les vices relevés par l'expert n'étaient pas cachés mais apparents.
Mme [L] répond que':
* le délai biennal prévu à l'article 1648 du code civil n'est un délai de forclusion que pour les ventes immobilières. Pour les ventes mobilières, le délai est un délai de prescription.
* sur les sept vices retenus par l'expert, quatre n'étaient pas apparents pour un profane et n'ont été révélés que par le rapport d'expertise. Son action a été diligentée dans les deux années du rapport d'expertise de sorte que son action est recevable.
Réponse de la cour':
Il résulte des dispositions de l'article 1648 du code civil que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'.
Cette connaissance s'apprécie à partir du moment où le vice est connu de l'acquéreur, dans toute son ampleur et ses conséquences.
Il ressort de la chronologie des faits que':
Madame [L] a acquis le véhicule le 4 avril 2017. Entre le 20 avril et le 10 juin 2017, elle a demandé à la société My Auto 76 de lui faire parvenir le compte rendu de contrôle technique et les factures d'entretien. Le 22 mai 2017, elle a annoncé au vendeur qu'elle allait faire expertiser le véhicule car elle avait constaté des difficultés à ouvrir les portes, que le siège conducteur était cassé et que la batterie n'était pas fixée.
Monsieur [J], expert automobile au sein du cabinet Avisse a examiné le véhicule le 19 juillet 2017. Il a constaté': le dossier du siège conducteur cassé, l'absence de support de batterie, un « bruit anormal de la pompe de direction assistée volant en butée'», un jeu mineur dans le demi train avant gauche. Il a noté que le vendeur ne transmettait pas à Mme [L] les documents techniques du véhicule, et ce, malgré les relances de l'acquéreuse.
Le 24 juillet 2017, M. [J] a convoqué la société My Auto 76 a un rendez-vous d'expertise contradictoire, le 13 septembre 2017. Cette convocation a été réceptionnée le 27 juillet suivant par la société My Auto 76 qui a signé l'avis de réception. Monsieur [J] a procédé à ses investigations le 13 septembre 2017, en l'absence de la société My Auto 76 qui ne s'est pas présentée. L'expert a rendu son rapport le 19 septembre 2017. Il y fait état des désordres suivants':
- ouvertures difficiles des portes';
- dossier du siège conducteur cassé';
- fuite de liquide de refroidissement dans l'habitacle';
- batterie non fixée sur son support';
- anomalie de fonctionnement de la pompe hydraulique de direction assistée';
- jeu mineur dans les deux demi-trains avant du véhicule';
- fuite non négligeable localisée au moteur et à la boîte de vitesse.
Le jeu dans les demi-trains avant et la fuite d'huile moteur et de boîte de vitesse n'ont été révélés à l'expert qu'une fois que le véhicule a été levé sur pont élévateur. Ces désordres et l'anomalie de fonctionnement de la pompe hydraulique n'étaient pas, au moment de la vente, apparents pour un acquéreur profane dépourvu de connaissances techniques en automobiles. La société My Auto 76 ne démontre pas que Mme [L] en a eu connaissance avant le 19 septembre 2017. Il en résulte que l'action introduite par acte du 22 juillet 2019, dans le délai de deux années de la découverte des vices, est recevable. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le fond':
Moyens des parties':
La société My Auto 76 soutient que':
* le rapport d'expertise amiable n'est pas contradictoire et n'est corroboré par aucun autre élément, il ne peut à lui seul justifier sa garantie';
* aucun des désordres relevés par l'expert ne peut être qualifié de vice caché.
Mme [L] répond que':
* la fuite de liquide de refroidissement dans l'habitacle, l'anomalie de fonctionnement de la pompe hydraulique, le jeu dans les demis trains avant, la fuite au moteur et à la boîte de vitesse sont des vices cachés majeurs et potentiellement dangereux qui justifient la garantie du vendeur'; en sa qualité de professionnel, la société My Auto 76 est présumée les avoir connus au moment de la vente';
Réponse de la cour :
Il résulte des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Dès lors que la société My Auto 76 a été convoquée aux opérations d'expertise, elle ne peut utilement se prévaloir que les opérations ont été effectuées en son absence. Mais en tout état de cause, cette expertise non judiciaire, réalisée à la demande exclusive de Mme [L], ne peut à elle seule justifier la mise en 'uvre de la garantie du vendeur au titre des vices cachés.
Il est constant entre les parties que l'ouverture difficile des portes'; le dossier du siège conducteur cassé et l'absence de fixation de la batterie étaient des vices apparents qui ne peuvent enttrainer la garantie du vendeur.
M. [J] relève dans son rapport, une fuite de liquide de refroidissement dans l'habitacle, l'anomalie de fonctionnement de la pompe hydraulique, le jeu dans les demis trains avant, la fuite au moteur et à la boîte de vitesse. La réalité de ces vices n'est corroborée par aucun élément. Il en résulte que ce rapport ne peut à lui seul justifier la mise en 'uvre de la garantie de la société My Auto 76'.
Le jugement entrepris qui a prononcé la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés sera infirmé sur ce point et sur les dispositions qui sont la conséquence de cette résolution. Mme [L] sera déboutée de sa demande de résolution de la vente.
Sur la demande indemnitaire de Mme [L]':
Il résulte des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Le premier juge n'a pas dans le dispositif de son jugement alloué à Mme [L] la somme de 3 000 € de dommages et intérêts au titre de ses préjudices annexes résultant des vices du véhicule, se bornant à débouter Mme [L] de la demande d'indemnité d'immobilisation du véhicule qu'elle avait formée distinctement. En cause d'appel, Mme [L] demande que le jugement entrepris soit confirmé sans reprendre au dispositif de ses conclusions de demande de dommages et intérêts. La société My Auto 76 ne demande à la cour d'infirmer le jugement qu'en ses dispositions relatives à la résolution de la vente, des frais irrépétibles et les dépens.
Par voie de conséquence, il ne sera pas statué sur les développements de Mme [L] relatifs à l'indemnisation de son préjudice résultant de l'attitude du vendeur.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant par arrêt contradictoire';
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a':
- prononcé la résolution de la vente en raison de vices cachés';
- condamné la société My Auto76 à restituer le prix de 3 090 € avec intérêts légaux à compter du jugement à intervenir, dans un délai de 3 mois à compter du jour où la décision sera passée en force de chose jugée et ce, sous astreinte de 80 € par jour de retard dont le tribunal s'est réservé la liquidation';
- dit que Mme [L] devra restituer le véhicule, à ses frais, sur son lieu de stationnement situé au garage de l'Hexagone à Saint Paterne';
- autorisé Mme [L] à délaisser le véhicule à l'expiration d'un délai de 3 mois à compter du paiement de l'ensemble des condamnations, sans recours de la société Myauto' 76':
- condamné la société Myauto 76 à payer la somme de 2 000 e à Mme [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la société Myauto 76 en tous les dépens de l'instance, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 74,54 €.
Statuant à nouveau':
Déboute Mme [L] de sa demande de résolution de la vente en raison de vices cachés et du surplus de ses demandes';
confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions';
Y ajoutant,
Condamne Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel';
Condamne Mme [L] à payer à la société My Auto 76 la somme de 1 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La greffière, La présidente,