N° RG 21/04395 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I5Z3
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 27 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 8 octobre 2021
APPELANTE :
Société EFIE LOGISTIQUE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN, et assistée de Me Cyril BOURAYNE de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Grégoire LECLERC, avocat au barreau de ROUEN, plaidant
INTIMEE :
S.A.S. [T] [A]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Franck GUENOUX, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 8 février 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 8 février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 avril 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 27 avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
La SARL Efie Logistique exerce une activité de commissionnaire de transport maritime et aérien de produits périssables sous température dirigée ou non, de commission en douane, de toute opération d'import export, de transit, de marchandises.
Il ressort de l'extrait Kbis de la SAS [T] [A] qu'elle exerce une activité de « Transit consignation de navires, toutes opérations de manutention et de transport portuaire, réception de navires, mise en douane chargement et déchargement de navires de bateaux fluviaux et maritimes wagons camions garde de livraison et répartition des cargaisons aidé sous toutes formes aux capitaines de navires affrètements manutentions diverses de toutes marchandises par tous moyens utilisés à ce jour ou qui pourraient l'être dans l'avenir camionnage portuaire commissionnaires de transport entreprise maritime chargement déchargement de navires transit agences en douanes commissionnaire en douane agréé consignation navires transports maritimes commissionnaire de transport terrestre maritime et aérien transport de marchandises par tous moyens terrestre (notamment véhicules routiers n'excédant pas 3,5 tonnes) maritime et aérien ».
La SARL Efie Logistique a engagé M. [F] le 1 juillet 2015 en qualité en de directeur logistique. Ce dernier a développé une relation d'affaires avec la société Howell Distri (System U) située aux Antilles générant un chiffre d'affaires annuel de 3 000 000 euros représentant presque la moitié de l'activité de la SARL Efie Logistique.
M. [F] a adressé une lettre de démission le 13 décembre 2017 à la SARL Efie Logistique puis a justifié d'un arrêt maladie jusqu'au 14 janvier 2018. La responsable d'exploitation dans la SARL Efie Logistique, Mme [B] a donné sa démission le 7 décembre 2017, son responsable commercial, M.[J], a demandé une rupture conventionnelle le 8 décembre 2017, l'un des deux agents de transit M. [U], a donné sa démission le 11 décembre 2017, ainsi que M. [O], cariste, par lettre du 22 décembre 2017, et Mme [S], salariée de la société Seafrigo, groupe dont dépend la SARL Efie Logistique, affectée en qualité responsable commerciale dans l'Océan Indien, a démissionné par lettre du même jour.
Enfin, la société Howell Distri a notifié à la SARL Efie Logistique le 13 décembre 2017 la fin de la relation commerciale avec un préavis initial d'un mois.
Estimant suspecte cette suite d'événements, la SARL Efie Logistique déclare avoir découvert et fait constater par huissier le 22 décembre 2017 en consultant la boite mail professionnelle de M. [F], que celui-ci était en relation avec le dirigeant de la SAS [T] [A] et qu'il avait signé un contrat d'agent commercial avec cette dernière alors qu'il était toujours salarié de la SARL Efie Logistique.
Elle déclare qu'il ressort des pièces récupérées lors de ce constat, que M. [F] a rencontré M. [I], directeur général de la société Howell Distri à Saint Martin aux Antilles le 29 novembre 2017 alors que le salarié était censé y passer ses congés, qu'il a négocié avec cette société un nouveau contrat au profit de la SAS [T] [A] formalisé le 12 décembre 2017 et qu'il a mis au point une rupture de la relation commerciale avec SARL Efie Logistique antidatée au 1er décembre 2017 de sorte qu'un préavis d'un mois permette une reprise des flux au profit de la SAS [T] [A] dès le1er janvier 2018.
Suspectant un pacte de corruption entre la SAS [T] [A] et M. [F], la SARL Efie Logistique l'a, par lettre du 22 décembre 2017, mis à pied et convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 3 janvier 2018. Le même jour, elle a sommé M. [F] de restituer immédiatement son ordinateur portable ainsi que son téléphone portable professionnel, sommation à laquelle il n'a pas été donné suite, M. [F] refusant toute restitution avant le 3 janvier 2018.
La SARL Efie Logistique a obtenu par ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de grande instance du Havre le 5 janvier 2018, la désignation d'un huissier de justice et, aux termes d'un procès-verbal de constat de M [P] du 2 février 2018 établi avec l'assistance d'un expert en informatique, il est apparu que :
- la SAS [T] [A] avait embauché M. [U] et Mmes [B] et [S] comme salariés en contrat de travail à durée indéterminée à compter respectivement des mois de décembre 2017, janvier et avril 2018;
- la SAS [T] [A] avait signé le 4 décembre 2017 un contrat d'agent commercial avec M. [F] à durée indéterminée d'application immédiate, le rémunérant d'une commission de 30% de la marge brute dégagée sur les clients qu'il apporterait.
Parallèlement, la société Howell Distri a mis un terme anticipé à la relation commerciale qui la liait à la SARL Efie Logistique par lettre du 20 janvier 2018 estimant que cette dernière n'exécutait plus ses obligations ce qu'elle a contesté.
La SARL Efie Logistique a licencié M. [F] pour faute lourde le 25 janvier 2018. Elle allègue que deux autres de ses agents de transit ont démissionné, M. [N], le 24 avril 2018 et M. [W] le 17 mai 2018. Estimant que la SAS [T] [A] a, par ses man'uvres, débauché une équipe entière dédiée et opérationnelle de la SARL Efie Logistique et détourné un client majeur dont elle a récupéré le chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros annuel et la SARL Efie Logistique et sa société mère ont saisi le président du tribunal de commerce du Havre, statuant en référé pour faire cesser ce qu'elles considéraient être un trouble manifestement illicite.
Par ordonnance du 27 juin 2018, la SARL Efie Logistique a été déboutée de toutes ses demandes. La cour d'appel de Rouen a confirmé cette ordonnance par arrêt du 5 septembre 2019.
Par ailleurs, par jugement du 2 mai 2019, confirmé par la cour d'appel de Rouen le 16 septembre 2021, la clause de non concurrence de Mme [B] a été jugée nulle.
Par décision du 25 juillet 2019, le Conseil de Prud'hommes du Havre a considéré que M. [F] avait commis une faute à l'égard de la SARL Efie Logistique, l'a condamné à lui payer la somme de 128 411,07 euros de dommages et intérêts et lui a enjoint de détruire sous astreinte tous les documents qu'il conservait ou détenait. Ce jugement a été infirmé par arrêt du 24 février 2022 de la cour d'appel de Rouen. La SARL Efie Logistique a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.
Parallèlement,par acte du 26 novembre 2018, la SARL Efie Logistique a fait assigner la SAS [T] [A] devant le tribunal de commerce du Havre pour obtenir la réparation de ses préjudices,.
Par jugement du 8 octobre 2021, le tribunal a :
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
- reçu la société Efie Logistique en ses demandes, les a déclarées mal fondées,
- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
- condamné la société Efie Logistique aux entiers dépens, ceux visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 73,22 euros et à payer à la société [T] [A] la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Efie Logistique a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 novembre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022.
Par arrêt du 15 décembre 2022, la cour a renvoyé l'affaire à l'audience du 8 février 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS
Vu les conclusions du 19 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la société Efie Logistique qui demande à la cour de :
In limine litis,
Vu les articles 455, 458 et 562 du code de procédure civile,
- prononcer la nullité du jugement entrepris du tribunal de commerce du Havre du 8 octobre 2021,
- à défaut, l'infirmer dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Vu l'article 1240 du code civil,
- condamner la société [T] [A] à payer à la société Efie Logistique en dommages et intérêts les sommes de :
- 931.847 euros au titre du manque à gagner en raison du détournement de la société Howell Distri,
- 51.405 euros au titre des surcoûts de frais de personnels liés à la désorganisation générée par le débauchage simultané de plusieurs de ses cadres et employés,
- 191.936 euros au titre des surcoûts liés à la reconstitution des équipes débauchées,
- 12.986 euros au titre des surcoûts liés aux maintiens de salaires accordés aux salariés démissionnaires qui n'ont pas effectué l'intégralité de leur préavis,
- 50.000 euros au titre du préjudice moral,
- ordonner la publication du jugement, en langue française et/ou anglaise, aux frais de la société [T] [A], dans 3 journaux et/ou revues nationales ou internationales au choix de la société Efie Logistique et ce, dans la limite de 10.000 euros HT,
- ordonner l'affichage du dispositif du jugement durant 3 mois à compter du 8ème jour de sa signification sur la page d'accueil du site internet de la société [T] [A] (http://www.[T][A].fr/) ainsi que sa page Facebook [T] [A] [Localité 4] et ce, en langue française et anglaise,
- condamner la société [T] [A] à payer à la sociétés Efie Logistique 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions du 9 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la société [T] [A] qui demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 8 octobre 2021,
- condamner la société Efie Logistique à payer à la société [T] [A] la somme complémentaire de 9.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIVATION DE LA DECISION:
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :
Exposé des moyens :
La SARL Efie Logistique soutient que le jugement entrepris est nul en ce que, pour l'étude de deux griefs, il s'est borné à se référer à d'autres décisions rendues dans des litiges connexes et qu'il n'a pas motivé conformément aux articles 455 et 458 du code de procédure civile.
La SAS [T] [A] soutient que le tribunal a parfaitement motivé sa décision en se référant précisément à celles déjà rendues dans des litiges connexes.
Réponse de la cour :
Il résulte de l'application combinée des articles 455 alinéa 1 et 458 du code de procédure civile que le jugement doit être motivé à peine de nullité.
Il ne peut être suppléé à cette exigence par référence aux motifs d'une autre décision, fût-elle annexée, qui n'a pas été rendue dans la même instance
S'agissant du moyen soulevé par la SARL Efie Logistique tenant à l'intéressement de SAS [T] [A] au détournement de la clientèle de la SARL Efie Logistique, les premiers juges ont cité littéralement et in extenso la motivation d'un arrêt de la cour d'appel de Rouen du 5 septembre 2019 puis ont indiqué que « bien que l'arrêt de la cour d'appel concerne une ordonnance de référé, la motivation de la cour d'appel s'applique pleinement au jugement sur le fond du litige. En conséquence, le tribunal dira qu'il ne constate pas de faute commise par la société [T] [A], caractéristique d'une concurrence déloyale ».
Les premiers juges ont procédé de même s'agissant du moyen soulevé par la SARL Efie Logistique tenant au débauchage massif de ses salariés par la SAS [T] [A] en citant expressément la motivation du Conseil de Prud'hommes du Havre du 2 mai 2019 dans un litige opposant la SARL Efie Logistique à Mme [B], la motivation de la cour d'appel de Rouen du 5 septembre 2019 ainsi que celle du Conseil de Prud'hommes du Havre du 25 juillet 2019 dans un litige opposant M. [F] à la SARL Efie Logistique puis ont indiqué « ces 3 jugements et arrêt concordent pour juger qu'un débauchage massif n'est pas caractérisé et qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite résultant d'un débauchage'En conséquence le tribunal déboutera la SARL Efie Logistique'».
La décision entreprise se référant à deux reprises aux motifs d'autres décisions qui n'avaient pas été rendues dans la même instance et ne comportant sur ces deux points aucune motivation propre, le jugement doit être annulé et la cour statuera sur le fond du litige par application de l'article 562 du code de procédure civile.
Sur la responsabilité de la SAS [T] [A] :
Exposé des moyens :
La SARL Efie Logistique soutient que :
- la SAS [T] [A] est son concurrent direct étant commissionnaire de transport et logisticien ;
- dès le 4 décembre 2017, la SAS [T] [A] a, en connaissance de cause signé avec M. [F] un contrat d'agent commercial alors que ce dernier était encore salarié de la SARL Efie Logistique ;
- le 12 décembre 2017, M. [I], responsable de la société Howell Distri, principal client de la SARL Efie Logistique, a adressé à M. [F] ainsi qu'au dirigeant de la SAS [T] [A], un projet de contrat et une demande de confirmation sur les tarifs pour l'année 2018 ce qui démontre la collusion entre M. [F] et la SAS [T] [A] ; M. [I] a adressé le même jour à M. [F] un projet de dénonciation du contrat liant la société Howell Distri à la SARL Efie Logistique faussement daté du 1er décembre 2017 ;
- la SAS [T] [A] a pu fournir une grille tarifaire inférieure à celle de la SARL Efie Logistique du fait des informations qui lui ont été transmises par M. [F] étant observé que la SAS [T] [A] a fait obstacle aux recherches menées par l'huissier instrumentaire ;
- le fait que par la suite, la SAS [T] [A] et M. [F] aient résilié le contrat d'agent commercial les liant depuis le 4 décembre 2017 est inopérant ; M. [F] a créé une société Sourcing International immatriculée le 9 juillet 2018 qui a travaillé avec la SAS [T] [A] ;
- la SAS [T] [A] a débauché puis embauché de nombreux salariés de la SARL Efie Logistique en leur promettant des avantages substantiels ce qui a profondément désorganisé le service de cette dernière.
La SAS [T] [A] soutient que :
- il n'y a eu aucun débauchage massif de salariés de la SARL Efie Logistique ; les salariés de la SARL Efie Logistique ont quitté l'entreprise du fait de mauvaises relations entre eux et la direction ; les salaires qui leur ont été attribués par la SAS [T] [A] correspondent aux postes qu'ils y occupent ;
- le contrat qui liait la SARL Efie Logistique à la société Howell Distri était à durée déterminée et arrivait à son terme le 31 décembre 2017 sans clause de reconduction tacite et la société Howell Distri y a mis fin du fait de son mécontentement des prestations de la SARL Efie Logistique ;
- la société Howell Distri a pour habitude de mettre les prestataires en concurrence et ne se lie que par des contrats à stricte durée déterminée ;
- la SAS [T] [A] n'a pas récupéré l'intégralité du marché de la SARL Efie Logistique mais une partie seulement ;
- s'il est probable que la société Howell Distri a sollicité l'avis de M. [F] sur le choix de la SAS [T] [A], l'intervention de M. [F] n'a pas été monnayée par la SAS [T] [A] ;
- la SAS [T] [A] a signé un contrat d'agent commercial avec M. [F] le 4 décembre 2017 mais celui-ci lui a indiqué que son contrat avec la SARL Efie Logistique serait rompu avant la fin de l'année 2017, qu'il ne comportait aucune clause de non concurrence et que la SARL Efie Logistique avait connaissance de son projet de s'installer à son compte (page 10 de ses conclusions) ;
- M. [F] connaissait le dirigeant de la SAS [T] [A] depuis plusieurs années et y a occupé de 2009 à 2012 un poste de chargé de mission import/export où il y a rencontré son épouse ;
- le contrat d'agent commercial n'a donné lieu à aucune affaire conclue, n'a pas été exécuté et a été résolu d'un commun accord ;
- les fautes imputées à M. [F], qui n'ont donné lieu à aucune condamnation pécuniaire au profit de la SARL Efie Logistique, ne peuvent être opposées à la SAS [T] [A] qui n'en a commis aucune et aucune complicité ne peut lui être reprochée.
Réponse de la cour :
A titre liminaire, les activités de la SARL Efie Logistique et de la SAS [T] [A] telles qu'elles sont indiquées dans les extraits du registre du commerce et des sociétés, sont similaires et consistent en des transports maritimes
de marchandises. Les deux sociétés sont effectivement concurrentes.
En vertu du principe de la liberté du travail, il est possible pour tout salarié de changer d'emploi, au mieux de ses intérêts et, sauf à être tenu par une clause de non concurrence vis-à-vis de son employeur, il lui est possible de démissionner et d'exploiter l'expérience acquise précédemment. Par ailleurs, le comportement du nouvel employeur, même concurrent, n'est pas constitutif d'un acte de concurrence déloyale sans la preuve de man'uvres de débauchage fautives qu'il convient de caractériser. Enfin, la démission de salariés et le simple report de la clientèle ne suffisent pas à caractériser une déloyauté, encore faut-il rapporter la preuve que cette concomitance a eu pour effet de désorganiser la société.
Il appartient à la SARL Efie Logistique qui allègue l'existence d'une collusion entre M. [F] et la SAS [T] [A] et l'existence d'actes de concurrence déloyale, de les démontrer.
Elle produit aux débats un procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 22 décembre 2017 dont il ressort que :
- l'huissier instrumentaire a accédé à la messagerie électronique professionnelle de M. [F] au sein de la SARL Efie Logistique et y a trouvé des messages démontrant que M. [F] avait rencontré le dirigeant de la société Howell Distri aux Antilles, M. [I], durant ses congés sur l'île de Saint Martin le 29 novembre 2017 ;
- le 12 décembre 2017, M. [I], dirigeant du principal client de la SARL Efie Logistique, a adressé à M. [F] ainsi qu'à M. [H], dirigeant de la SAS [T] [A], un projet de contrat par lequel la société Howell Distri accordait à la SAS [T] [A] tout ou partie du marché initialement accordé à la SARL Efie Logistique et demandait à la SAS [T] [A] confirmation de ses accords pour 2018 ainsi que sur les tarifs et la grille tarifaire ;
- ce projet de contrat était identique au contrat établi entre la SARL Efie Logistique et la SAS [T] [A], la seule différence étant le remplacement du nom du prestataire par la SAS [T] [A] ;
- M. [I] a enfin transmis à M. [F] le 12 décembre 2017 un courrier dénonçant le contrat établi entre la société Howell Distri et la SARL Efie Logistique daté du 1er décembre 2017.
La SARL Efie Logistique produit un second procès-verbal du 2 février 2018 établi à la suite d'une ordonnance sur requête du 5 janvier précédent dont il ressort que :
- la SAS [T] [A] a embauché d'anciens salariés démissionnaires de la SARL Efie Logistique (M. [U], démissionnaire le 11 décembre 2017 embauché le 7 décembre 2017 avec effet le 16 janvier 2017, Mme [B], démissionnaire le 7 décembre 2017 embauchée le 23 janvier 2018 et Mme [S], démissionnaire le 22 décembre 2017, embauchée le 2 avril 2018) ;
- M. [F] a signé un contrat d'agent commercial le 4 décembre 2017 avec la SAS [T] [A] à effet immédiat ;
- M. [H], dirigeant de la SAS [T] [A] a expressément refusé d'effectuer une man'uvre informatique permettant à l'huissier instrumentaire d'accéder à sa messagerie électronique.
La cour n'a pas à porter une quelconque appréciation sur l'attitude de M. [F] consistant à accepter d'être engagé en tant qu'agent commercial de la SAS [T] [A] alors qu'il était salarié de la SARL Efie Logistique.
Par ailleurs, le seul fait pour la SAS [T] [A] d'avoir cherché à débaucher M. [F], salarié d'une société concurrente, ne constitue pas en soi une man'uvre déloyale à l'égard de la SARL Efie Logistique quand bien même elle aurait conclu avec lui un contrat d'agent commercial alors qu'il était encore son salarié. Il en est de même de l'embauche de M. [U], Mme [B] et Mme [S] dès lors que la SARL Efie Logistique ne démontre pas que ceux-ci ont été débauchés de façon déloyale par la SAS [T] [A], cette dernière affirmant sans être utilement contredite par la SARL Efie Logistique qu'elle les a rémunérés conformément aux postes auxquels ils sont employés.
La SARL Efie Logistique ne justifie pas davantage de la désorganisation qu'elle invoque à la suite du départ de M. [F] et des trois salariés embauchés ensuite par la SAS [T] [A], étant observé qu'elle venait de perdre son principal client ce qui devait entraîner une baisse d'activité et qu'elle ne démontre pas non plus que la SAS [T] [A] a embauché d'autres salariés que ceux-ci.
Il n'existe aucune pièce et notamment aucun courrier électronique émanant soit de M. [F], soit de M. [I] soit de la SAS [T] [A] démontrant la communication par M. [F] de documents ou des tarifs émanant de la SARL Efie Logistique à la SAS [T] [A] qui auraient permis à cette dernière d'obtenir le marché de la société Howell Distri. A cet égard, l'huissier requis par la SARL Efie Logistique a pu avoir accès aux courriers électroniques de M. [F] qui n'ont rien révélé sur ce point, de sorte qu' aucune déduction ne peut être faite du refus opposé par le dirigeant de la SAS [T] [A] à la demande d'accès à ses courriers électroniques.
De même, il n'existe aucun élément rapportant la preuve que la SAS [T] [A] s'est entendue avec M. [F] pour que ce dernier, moyennant finance, promesse de finance ou promesse d'avantage, détourne la clientèle de la société Howell Distri à son profit, étant rappelé que la société Howell Distri était tenue à l'égard de la SARL Efie Logistique par un contrat à durée déterminée d'un an non-renouvelable qui arrivait à expiration le 31 décembre 2017 et qu'il n'est pas démontré qu'en l'absence de la SAS [T] [A], la société Howell Distri aurait conclu un nouveau contrat avec la SARL Efie Logistique.
Il résulte de tout ceci que la SARL Efie Logistique ne démontre pas les faits de concurrence déloyale qu'elle impute à la SAS [T] [A] et qu'elle ne démontre pas plus le préjudice qu'elle allègue constitué de la perte de la clientèle de la société Howell Distri.
La SARL Efie Logistique sera déboutée de toutes ses demandes à l'égard de la SAS [T] [A].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Annule le jugement du tribunal de commerce du Havre du 8 octobre 2021 ;
Statuant par application de l'article 562 du code de procédure civile :
Déboute la SARL Efie Logistique de toutes ses demandes formées contre la SAS [T] [A] ;
Condamne la SARL Efie Logistique aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SARL Efie Logistique à payer à la SAS [T] [A] la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La greffière, La présidente,