La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2023 | FRANCE | N°22/00589

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 27 avril 2023, 22/00589


N° RG 22/00589 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JAHM







COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 27 AVRIL 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :





TRIBUNAL JUDICIAIRE D'EVREUX du 27 avril 2021





APPELANTES :



Madame [A] [I]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 5]

domiciliée [Adresse 3]'

[Adresse 3]



S.C.I. DU PETIT NOEL

[Adresse 3]'

[Adresse 3]



représentées par Me C

aroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistées de Me Marie-odile DE MILLEVILLE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de ROUEN, plaidant





INTIME :



Monsieur [P] [I]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Lo...

N° RG 22/00589 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JAHM

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 27 AVRIL 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL JUDICIAIRE D'EVREUX du 27 avril 2021

APPELANTES :

Madame [A] [I]

née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 5]

domiciliée [Adresse 3]'

[Adresse 3]

S.C.I. DU PETIT NOEL

[Adresse 3]'

[Adresse 3]

représentées par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistées de Me Marie-odile DE MILLEVILLE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de ROUEN, plaidant

INTIME :

Monsieur [P] [I]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représenté par Me Xavier HUBERT de la SCP HUBERT - ABRY LEMAITRE, avocat au barreau de L'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 janvier 2023 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 17 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 mars 2023 puis prorogée au 13 avril 2023 puis au 27 avril 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 27 avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE':

La SCI du Petit Noël a été créée par Monsieur et Madame [I] le 26 mai 1988. Elle a notamment pour objet l'acquisition de tous immeubles et de tous terrains et notamment d'un terrain situé à [Adresse 6]'; l'administration et l'exploitation des biens désignés, et généralement toutes opération se rattachant à cet objet. Au moment de sa création elle avait pour associés, Monsieur et Madame [I], ainsi que leurs deux enfants ([P] et [X]) pour une part chacun.

Le 25 juillet 2005, la SCI du Petit Noël réunie en assemblée générale extraordinaire a décidé de vendre deux parcelles cadastrées [Cadastre 9] et [Cadastre 4] sur la commune de la Trinité de Thouberville.

Le 10 mai 2016, Monsieur [P] [I] a saisi le Tribunal de grande instance d'Evreux pour obtenir communication des bilans comptables pour les années 2004 à 2014 et la désignation d'un expert avec pour mission de déterminer la fraction des bénéfices annuels dus au demandeur depuis l'immatriculation de la société.

Mme [I] et la SCI du Petit Noël ont opposé qu'en 2005, les deux enfants avaient décidé de rendre leurs parts à leurs parents et signé un acte en ce sens, mais que Madame [I] en qualité de gérante, avait omis de réaliser les publications légales.

Par jugement avant dire droit du 5 novembre 2019, le Tribunal a désigné Madame [S], en qualité d'expert judiciaire, pour réaliser une comparaison d'écritures et de signatures manuscrites.

Par jugement «'avant dire droit'» du 27 avril 2021, le Tribunal judiciaire d'Évreux a :

- dit que M. [P] [I] n'a pas signé la lettre du 2 avril 2005, ni le procès verbal du 25 juillet 2005';

- dit que M. [P] [I] a toujours la qualité d'associé de la SCI du Petit Noël';

- annulé les assemblées générales extraordinaires du 27 juillet 2005, autorisant la vente de parcelles immobilières appartenant à la SCI du Petit Noël';

- condamné Mme [A] [I] es qualité de gérante de la SCI du Petit Noël à remettre à M. [P] [I] les bilans comptables de la SCI du Petit Noël pour les années 2004 à 2020, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard et par bilan annuel'; la communication des bilans comptables,

- sursis à statuer sur les autres demandes et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état pour les conclusions du demandeur';

- enjoint aux parties de rencontrer un médiateur, en l'espèce M. [W] [C]

Mme [I] et la SCI du Petit Noël ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 février 2022.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES':

Vu les conclusions du 17 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions de Mme [I] et de la SCI du Petit Noël qui demandent à la cour de':

- recevoir la SCI du Petit Noël et Madame [I] [A] en leur appel et les dire bien fondés

- infirmer le jugement en date du 27 avril 2021 par le Tribunal Judiciaire d'Evreux en ce qu'il a dit que :

- Monsieur [P] [I] n'avait pas signé la lettre du 2 avril 2005, ni le procès-verbal du 25 juillet 2005,

- Monsieur [P] [I] a toujours la qualité d'associé de la SCI,

- A annulé les assemblées générales du 27 juillet 2005 autorisant la vente de parcelle immobilière appartenant à la SCI,

- A condamné Madame [I] à communiquer les bilans comptables de la SCI de

2004 à 2020 sous astreinte,

Statuant à nouveau,

- juger que Monsieur [P] [I] n'est plus associé tant par l'effet de son retrait de 1999, que par la cession à titre gratuit de 2005, et en conséquence régulières les assemblées générales du 27 juillet 2005

Vu l'exécution du chef du jugement condamnant Madame [I] à communiquer les bilans comptables de la SCI de 2004 à 2020.

- dire sans objet la demande de Monsieur [P] [I] tendant à voir enjoindre sous astreinte Madame [I] de communiquer les bilans comptables pour les années 2004 à 2020,

- condamner et à tout le moins, ordonner à Monsieur [P] [I] de restituer tous les exemplaires des bilans 2004 à 2020,

- débouter Monsieur [P] [I] de toutes demandes à l'égard de la SCI du Petit Noël et de Madame [A] [I], sa gérante,

Vu les dispositions des articles 561 et suivant du code de procédure civile et plus spécifiquement les articles 562 et 568 du Code de procédure civile,

- déclarer Monsieur [P] [I] irrecevable en ses demandes tendant à voir condamner solidairement la SCI du Petit Noël et Madame [I] à lui verser la somme de 1 0004 451,29€ et subsidiairement à voir ordonner une expertise aux fins de déterminer la fraction des bénéfices annuels qui lui seraient dus,

- déclarer Monsieur [P] [I] irrecevable en ses demandes subsidiaires tendant à voir prononcer la dissolution anticipée de la SCI du Petit Noël et en conséquence la liquidation de la SCI avec effet à la date de la décision,

En plus que de besoin, l'en débouter

- débouter Monsieur [P] [I] de toutes demandes à l'égard de la SCI du Petit Noël et de Madame [A] [I], sa gérante,

- condamner Monsieur [P] [I] à 5000 € de dommages et intérêts,

- condamner Monsieur [P] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';

- condamner Monsieur [P] [I] à payer à la SCI du Petit Noël et Madame [A] [I] la somme de 20.000 € au titre de leurs frais irrépétibles.

Vu les conclusions du 28 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions de M. [I] qui demande à la cour de':

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a

* Homologué le rapport d'expertise de Madame [S] du 2 juin 2020,

En conséquence :

- dire que Monsieur [P] [I] a toujours la qualité d'associé de la SCI du Petit Noël ;

- prononcer la nullité des assemblées générales extraordinaires du 27 juillet 2005 autorisant la vente de parcelles immobilières appartenant à la SCI du Petit Noël ;

- ordonner la réintégration des prix de vente à l'actif de la SCI du Petit Noël ;

- enjoindre à Madame [Y] [A] [I] de communiquer à Monsieur [P] [I] les bilans comptables certifiés par expert comptable de la SCI du Petit Noël pour les années 2004 à 2020, huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreintes de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir par bilan annuel non communiqué et se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- dire que la SCI du Petit Noël et Madame [Y] [A] [I], seront solidairement tenus de verser à [P] [I] les bénéfices et dividendes liés à l'activité de la SCI du Petit Noël ;

- condamner solidairement la SCI du Petit Noël et Madame [Y] [A] [I], à verser à [P] [I] la somme de 1.004.451,29€ ;

A titre subsidiaire :

- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de déterminer la fraction des bénéfices annuels dus à Monsieur [P] [I] depuis l'immatriculation de la SCI du Petit Noël ainsi que tout dividendes et fraction du prix de vente des actifs ;

A titre infiniment subsidiaire':

- prononcer la dissolution anticipée de la SCI du Petit Noël ;

- dire que cette dissolution entraîne la liquidation de la société et prendra effet à compter de la date du jugement à intervenir ;

- commettre Monsieur le Président de la Chambre Départementale des Notaires de l'Eure ou son délégataire pour procéder à ces opérations et Madame le Président du Tribunal de Grande Instance pour en surveiller le cours et faire rapport en cas de difficulté.

- renvoyer les parties devant le notaire commis pour l'établissement des comptes, de l'actif à partager, du passif, le calcul des droits des parties, d'établir un projet d'état liquidatif et dresser l'acte de partage ;

En toutes hypothèses':

- condamner solidairement la SCI du Petit Noël et Madame [Y] [A] [I], seront solidairement tenus de verser à [P] [I] la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de premier instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et les frais des différents constats d'huissiers.

MOTIFS DE LA DECISION':

Sur la contestation d'écriture':

La SCI du Petit Noël et Mme [I] produisent en pièce numéro 4c une lettre du 2 avril 2005 dont l'écriture est contestée par M. [P] [I] et qui a fait l'objet de l'expertise en écriture de Mme [S]. Cette lettre est rédigée ainsi «'Je soussigné Mr [I] [P] demeurant ('.) donne mes parts soit': 10'% de la SCI du Petit Noël à mes parents Monsieur et Madame [I] [A]'». Elle a été référencée Q1 par l'expert.

Elles produisent sous le numéro16, deux procès-verbaux d'assemblées générales du 25 juillet 2005, dont la signature est contestée par M. [P] [I] et qui ont fait l'objet de l'expertise en écriture de Mme [S]. Elles ont été référencées Q2 et Q3 par l'expert. Il est consigné à chacun de ces procès-verbaux deux résolutions prises en assemblée générale':

- la vente d'une parcelle de terrain sise à la Trinité de Thouberville cadastrée [Cadastre 9] au prix de 182 940 € et le mandat spécial donné à Mme [I] pour procéder à la vente et faire les démarches nécessaires à la réalisation de cette vente, pièce référencée Q2 par l'expert.

- la vente d'une parcelle de terrain sise à la Trinité de Thouberville cadastrée [Cadastre 4] au prix de 38 112 € et le mandat spécial donné à Mme [I] pour procéder à la vente et faire les démarches nécessaires à la réalisation de cette vente, pièce référencée Q3 par l'expert.

Au terme d'examens technique et comparatif approfondis des documents, et après réponse aux dires des parties, l'expert a été d'avis que' la pièce Q3 n'est pas exploitable en raison de la mauvaise qualité de la copie, et que: «'L'examen comparatif entre les signatures de question et celles de M. [P] [I] a mis en évidence des différences significatives. Les automatismes propres à la signature de M. [I] ne sont pas présents dans le traccé des signatures, que ce soit dans le schéma général comme dans l'exécution du tracé (')

Ces observations nous permettent de dire que':

La pièce 4c (lettre du 2 avril 2005) n'est pas écrite ni signée par M. [P] [I], Mme [A] [I] a reconnu lors de la réunion contradictoire du 15 janvier 2020 avoir écrit le texte (ce qui correspond tout à fait à ses écrits).

La pièce 16 (PV du 25 juillet 2005*), n'a très probablement pas été signée par Monsieur [P] [I].

* pièce en copie ' sous réserve de l'examen à partir de l'original'»

Il résulte des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions qui ont été énoncées au dispositif des conclusions.

M. [I] demande à la cour, dans les développements de ses écritures de dire que les pièces numéros 4c et 16 produites par la partie adverse sont des faux, mais ne reprend pas cette prétention au dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour ne reprendra pas ce point dans le dispositif de son arrêt.

Au regard de la preuve, l'avis de l'expert est un élément de la discussion dont le juge apprécie l'objectivité, la valeur et la portée.

Sur la qualité d'associé de [P] [I]':

Moyens des parties':

La SCI du Petit Noël et Mme [I] soutiennent que':

* l'avis de l'expert sur le document du 2 avril 2005 n'exprime pas une certitude mais seulement un probabilité. L'authenticité de cette signature est corroborée par la lettre recommandée de l'année 1999 dans laquelle M. [I] exprime son souhait de ne plus faire partie de la SCI, l'absence d'affectio societatis de M. [I]';

* M. [P] [I] n'avait fait aucun apport à la société, et le courrier de 1999 ne précisait aucun prix pour la cession de la part. M. [I] a perdu la qualité d'associé en 1999 lorsqu'il a exprimé sa volonté de retrait et subsidiairement en 2005.

* le retrait d'un associé est prévu par les statuts et n'est pas soumis à l'obligation de publicité, il est dès lors indifférent que celle-ci n'ait pas été faite.

* la signification prévue à l'article 1690 du code civil n'est pas une condition de validité de la cession de part, mais uniquement une condition d'opposabilité aux tiers'.

Monsieur [I] répond que':

* l'expert judiciaire conclut que ni la lettre du 2 avril 2005, ni le procès-verbal du 25 juillet 2005 n'ont été écrits ou signés par M. [P] [I]';

* il a manifesté en 1999 son intention de céder sa part, mais aucun accord n'est intervenu';

* l'article 9 des statuts de la société prévoient que toute cession de part sociale doit faire l'objet d'un acte notarié ou sous seing privé et être signifié à la société selon les dispositions de l'article 1690. Il n'y a jamais eu ni acte notarié, ni acte sous seing privé, ni aucun enregistrement de part auprès de l'administration fiscale.

Réponse de la cour':

Il ressort de statuts de la SCI du Petit Noël que M. [P] [I] a apporté la somme de 100 € au capital social et qu'il a reçu une part sociale sur un total de dix.

Aux termes de l'article 9 des statuts': «'Toute cession de part sociales doit faire l'objet d'un acte notarié ou sous seings privés et être signifiée à la société selon les formes de l'article 1690 du code civil.

Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et après publication conformément aux dispositions réglementaires. ('..)

Toute cession de part sociale devra faire l'objet d'un dépôt au registre du commerce et des sociétés.

Toute cession de parts sociales, à titre onéreux ou gratuit, entre associés intervient librement'; toute autre cession doit recevoir au préalable l'agrément du gérant ('.)'»

Aux termes de l'article 12 des statuts': «'Sans préjudice des droits de tiers, un associé peut se retirer de la société sous réserve de l'accord unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.

La demande de retrait doit être notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la société qui, dès réception la notifiera dans les mêmes formes, à chacun des associés.

L'associé qui se retire à droit au remboursement de la valeur de ses parts sur la base d'un prix déterminé selon les modalités prévues à l'article 10 ci-dessus.

Chacun des associés dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification faite à la société susvisée pour faire connaître son intention de racheter les parts de l'associé qui se retire. Le prix est payable au comptant au jour de la régularisation de l'acte.

A l'expiration du délai d'un mois susvisé à l'alinéa 4 qui précède, si tout ou partie des parts pour lesquelles le retrait a été demandé n'ont pas fait l'objet d'offre d'acquisition par les associés, la société est tenue de racheter les parts ou de les faire racheter par un tiers. L'achat par la société ou le rachat par un tiers doit intervenir dans les deux mois suivants ('.)'»

Dans une lettre du 2 novembre 1999, adressée à Mme [I] en qualité de gérante, M. [P] [I] a écrit': «'Madame, je vous informe que j'ai pris la décision de céder ma part de la société civile immobilière du Petit Noël.

Veuillez, prendre toutes dispositions afin que ma part sociale numéro neuf ne figure plus sur les statuts (...)'»

A défaut pour la SCI du Petit Noël et Mme [I] de rapporter la preuve d'un accord unanime des autres associés et de leur intention ou leur refus de racheter la part de M. [P] [I], cette lettre n'a pas produit les effets du retrait.

En ce qui concerne les cessions de parts régies par l'article 9 des statuts, si dans les rapports entre cédant et cessionnaire, le transfert de la créance s'opère indépendamment de la signification de la cession au débiteur cédé, il est néanmoins soumis à un accord sur la chose et sur le prix.

Contrairement à ce que soutiennent Mme [I] et la SCI du Petit Noël, l'expert n'a pas émis de probabilité concernant la signature de la lettre du 2 avril 2005. Il a, pour ce document, affirmé qu'il n'était ni écrit ni signé de M. [P] [I]. Dans une attestation du 28 décembre 2019, Monsieur [X] [I] déclare «'avoir bien signé le document ci-joint avec mon frère M. [I] [P]. Le même jour face à face dans l'année 2005'». L'attestation ne porte pas de référence du «'document joint'». A supposer qu'il s'agisse de la lettre du 2 avril 2005, cette attestation lapidaire n'est pas suffisante à contredire utilement les conclusions de l'expert. La lettre du même jour de M. [X] [I], par laquelle il cède ses parts à ses parents ne peut rapporter la preuve d'un engagement similaire de son frère. Il ne peut être déduit du défaut d'affectio societatis, à le supposer établi, un acte positif tel qu'une signature de document. Enfin, le fait que M. [P] [I] ait exprimé dans une lettre écrite en 1999 un souhait de céder sa part, ne peut avoir pour effet d'authentifier une signature apposer sur un acte distinct, au surplus six années plus tard.

Il résulte de tout ceci que la lettre du 2 avril 2005 n'a pas de valeur probante et que la cession alléguée n'est pas rapportée.

Le K bis de la SCI du Petit Noël a été établi d'après les déclarations du représentant légal et les pièces qu'il a communiquées. L'extrait Kbis du 21 mars 2016 ne mentionnait aucun associé et celui du 6 mai 2019 qui n'en mentionne que deux (les époux [I]), ne rapporte pas la preuve, au regard de ce qui a été exposé ci-dessus, que M. [P] [I] n'est plus associé de la société.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que M. [P] [I] n'a pas signé la lettre du 2 avril 2005 et que celui-ci a toujours la qualité d'associé de la SCI du Petit Noël.

Sur l'annulation des assemblées générales autorisant la vente de parcelles immobilières appartenant à la SCI du Petit Noël':

Moyen des parties':

La SCI du Petit Noël soutient que les délibérations d'assemblées générales sont régulières dès lors que M [P] [I] n'avait plus la qualité d'associé.

Monsieur [I] soutient que les ventes ont été autorisées en violation des statuts, en l'absence de sa convocation à une assemblée générale extraordinaire afin d'aliéner tout ou partie de l'actif social.

Réponse de la cour':

Aux termes de l'article 1844 du code civil «'Tout associé a le droit de participer aux délibérations collectives (...)'»

C'est par une erreur de plume sur la date des assemblées générales litigieuses que le premier juge a annulé les assemblées générales du 27 juillet 2005. Les procès verbaux sont du 25 juillet 2005, cette date difficile à lire sur les documents étant celle retenue par l'expert et reprise dans les développements de M'. [P] [I].

Les statuts de la SCI du Petit Noël prévoient en leur article 17-5 que le ou les gérants ne peuvent aliéner l'immeuble social sans y avoir été préalablement autorisé par décision de l'assemblée générale extraordinaire et en leur article 25-2 que l'assemblée générale extraordinaire décide de l'aliénation de tout ou partie de l'actif social.

Ainsi qu'il a été exposé plus haut, M. [P] [I] avait toujours la qualité d'associé.

En premier lieu, la SCI du Petit Noël et Mme [I] ne justifient pas que M. [P] [I] a été convoqué aux assemblées générales extraordinaires qui ont décidé d'aliéner les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 4] de l'immeuble sis sur la commune de la Trinité de Thouberville.

En second lieu, l'expert est d'avis que le procès-verbal de l'assemblée autorisant la vente de la parcelle [Cadastre 9] n'a probablement pas été signé de M. [P] [I]. La SCI du Petit Noël et Mme [I] qui supportent sur ce point la charge de la preuve n'apportent aucun élément de nature à contredire utilement les conclusions de l'expert et à démontrer la sincérité des deux procès verbaux établis le même jour à la même heure. Il en résulte que ces procès verbaux n'ont pas de valeur probante quant à la participation de M. [I] aux assemblées générales qui ont décidé de l'aliénation d'une partie de l'actif social, et qui plus est de l'immeuble social.

Par voie de conséquence, les assemblées générales dont l'unique objet était ces aliénations et le mandat donné à cet effet à Mme [I] sont entachées de nullité pour avoir été tenues en violation du droit de M. [P] [I] de participer aux délibérations collectives.

Le jugement entrepris sera infirmé aux fins de rectification de l'erreur matérielle qu'il contient, et les assemblées générales du 25 juillet 2005 autorisant la vente de parcelles immobilières appartenant à la SCI du Petit Noël seront annulées.

Sur la demande de M. [I] tendant à la communication des bilans comptable pour les années 2004 à 2020':

La SCI du Petit Noël n'a pas d'autre moyens au soutien de sa demande d'infirmation que celui tiré de l'absence de qualité d'associé de M. [P] [I].

Réponse de la cour':

Il résulte des dispositions de l'article 1855 du code civil que les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux.

Par ailleurs devant le premier juge, M. [I] avait demandé qu'il soit enjoint à Mme [I] de lui communiquer les bilans comptables certifiés par expert comptable de la SCI du Petit Noël pour les années 2004 à 2018, huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce sous astreintes de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir par bilan annuel non communiqué et que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte.

Dès lors que M. [I] n'a demandé ni l'infirmation ni l'annulation du jugement entrepris il ne peut présenter en cause d'appel, des prétentions auxquelles il n'a pas été fait droit par le premier juge, quant aux modalités de la communication qu'il a ordonnée.

Les communications de pièces comptables effectuées par Mme [I] en exécution du jugement entrepris n'ont pas pour effet de rendre sans objet la demande de M. [I].

Monsieur [I] ayant la qualité d'associé, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point, et les parties appelantes seront déboutées de leur demande de restitution de ces documents.

Sur les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit ordonné la réintégration des prix de vente à l'actif de la SCI du Petit Noël, dire que la société et Mme [I] seront solidairement tenues de lui verser les bénéfices et dividendes et a titre subsidiaire d'ordonner une expertise, de prononcer la dissolution de la société':

Le premier juge a sursis à statuer sur ces demandes qui lui avaient été présentées. Dès lors que M. [I] n'a demandé que la confirmation du jugement entrepris, la conséquence n'en est pas que ces demandes sont irrecevables en cause d'appel mais que le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur la demande de M. [I] en paiement d'une somme de 1 004 451,29 €':

Moyens des parties':

Monsieur [I] soutient qu'il a établi un récapitulatif des encaissements des loyers depuis 2005 et que le préjudice qui résulte pour lui de l'absence de paiement de dividende est d'un montant de 1 004 451,29 €.

Madame [I] et la SCI du Petit Noël soutiennent que':

* cette demande est irrecevable dès lors que M. [I] n'a pas interjeté appel de la disposition du jugement qui sursoit à statuer sur la condamnation à verser des dividendes.

* cette demande se heurte à la plainte pénale déposée concernant l'utilisation en justice par M. [I] d'un tableau récapitulatif réalisé par ses soins à partir de relevés bancaires appartenant à la SCI auquel il n'avait aucun accès légitime, même en qualité d'associé'; Monsieur [I] a été débouté de sa demande de provision par ordonnance du 6 décembre 2021.

Réponse de la cour':

Monsieur [I] n'a pas présenté devant le premier juge de demande indemnitaire. Cette demande, qui tend à la réparation d'un préjudice et non au versement des dividendes est nouvelle en cause d'appel. Elle est toutefois recevable dès lors que la demande tendant à obtenir réparation du préjudice résultant de l'inexécution par la société ou son représentant de son obligation de verser à un associé sa part de dividendes est l'accessoire ou le complément de la demande principale tendant au paiement de ces dividendes.

Monsieur [I] qui supporte la charge de la preuve du préjudice qu'il invoque ne produit au soutien de sa demande qu'un tableau effectué par ses soins «'en fonction des éléments dont il dispose'».

La demande en paiement de M. [I] est suspendue par le sursis ordonné, et M. [I] ne démontre pas qu'il est définitivement privé de la possibilité de percevoir des dividendes. A défaut pour M. [I] de démontrer la réalité du préjudice qu'il invoque,il sera débouté de sa demande.

Sur la demande indemnitaire présentée par la SCI du Petit Noël et Mme [I]':

Le jugement entrepris qui «'sursoit à statuer sur les autres demandes'» sursoit de ce fait à statuer sur la demande indemnitaire présentée à hauteur de 5 000 € par la SCI du Petit Noël et Mme [I]. Les parties appelantes n'ont pas interjeté appel de cette disposition qui ne peut qu'être confirmée.

En cause d'appel les parties appelantes présentent une demande indemnitaire de 5 000 €, distincte de leur demande au titre des frais irrépétibles. La SCI du Petit Noël et Mme [I] n'articulent aucun moyen au soutien de leur demande indemnitaire qui soit distinct de celui présenté au soutien de leur demande en indemnisation de leurs frais irrépétibles. Elles seront en conséquence déboutées de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant par arrêt contradictoire et dans les limites de l'appel':

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a':

- annulé les assemblées générales extraordinaires du 27 juillet 2005, autorisant la vente de parcelles immobilières appartenant à la SCI du Petit Noël';

Statuant à nouveau':

Annule les assemblées générales extraordinaires du 25 juillet 2005, autorisant la vente de parcelles immobilières appartenant à la SCI du Petit Noël';

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions';

Y ajoutant':

Rejette les fins de non-recevoir opposées par la SCI du Petit Noël et Mme [I] à la demande en paiement d'une somme de 1 004 451,29 €, à la demande d'expertise, et aux demandes présentées à titre subsidiaire par M. [P] [I]';

Déboute M. [P] [I] de sa demande indemnitaire en paiement d'une somme de 1 004 451,29 €';

Déboute la SCI du Petit Noël et Mme [I] de leur demande tendant à voir dire sans objet la demande de communication des bilans comptables pour les exercices 2004 à 2020 et de leur demande en restitution de ces documents comptables';

Déboute la SCI du Petit Noël et Mme [I] de leur demande présentée en cause d'appel, en paiement d'une indemnité de 5 000 €';

Condamne in solidum la SCI du Petit Noël et Mme [I] aux dépens en cause d'appel qui ne comprennent ni les frais d'expertise, ni ceux des constats d'huissiers que M. [I] a fait diligenter';

Condamne in solidum la SCI du Petit Noël et Mme [I] à payer à M. [P] [I] la somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 22/00589
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;22.00589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award