N° RG 22/01299 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBY3
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 27 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2021J00007
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BERNAY du 24 mars 2022
APPELANTE :
S.A.S. MPGT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-michel EUDE de la SCP DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau DE L'EURE
INTIMEE :
S.A.R.L. BET SAI
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée et assistée de Me Vincent MESNILDREY de la SCP MESNILDREY LEPRETRE, avocat au barreau DE L'EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 1 février 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 1 février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 avril 2023 puis prorogée au 27 avril 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 27 avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Atelier des Compagnons, ayant emporté un marché public de réhabilitation d'un auditorium situé en région parisienne, a confié la direction des travaux à la SAS MPGT laquelle a sous-traité la synthèse technique et architecturale à la SARL BET SAI selon contrat signé le 3 juillet 2019 d'une durée prévisionnelle de quatre mois à compter du 15 juillet 2019 pour un montant de 6 950 euros (hors taxes).
La SARL BET SAI a émis une facture le 24 juillet 2019 portant sur un acompte de 20% à hauteur de 1 668 euros TTC, puis une facture le 30 août 2019 pour la même somme et une facture le 27 septembre 2019 pour 2502 euros TTC.
Ces trois factures ont été réglées par la SAS MPGT.
Le 27 novembre 2019, la SARL BET SAI a émis une dernière facture de 2 502 euros représentant le solde du marché et cette dernière n'a pas été réglée par la SAS MPGT qui a indiqué, initialement, ne pas l'avoir reçue puis qui en a contesté le bien-fondé soutenant que la SARL BET SAI n'avait pas achevé sa prestation commencée avec retard, qu'ainsi des plans étaient incomplets ou non établis et que la défaillance de la SARL BET SAI avait généré un retard de chantier ayant donné lieu à des pénalités.
Contestant les allégations de la SAS MPGT, la SARL BET SAI a obtenu du président du tribunal de commerce de Bernay la délivrance d'un ordonnance d'injonction de payer le 22 octobre 2020 pour un principal de 2 502 euros sur le fondement de laquelle elle a fait diligenter une saisie attribution sur le compte bancaire de la SAS MPGT.
Le 10 février 2021, la SAS MPGT a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer.
Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal de commerce de Bernay a :
Reçu la SAS MPGT en son opposition à l'ordonnance portant injonction de payer rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Bernay, à la requête de la Société BET SAI le 22 Octobre 2020 sous le n° 2020 IP 00110 et l'a déclarée mal fondée,
Substitué à ladite ordonnance le jugement,
Ecarté des débats la pièce n° 25 du dossier de la Société MPGT,
Reçu la Société MPGT en sa demande de résolution judiciaire du contrat la liant à la Société BET SAI mais l'en a déboutée,
Débouté la Société MPGT de sa demande de remboursement de la somme de 4 665,00 € au titre des règlements intervenus,
Débouté la Société MPGT de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Société BET SAI,
Débouté la Société MPGT de sa demande d'indemnisation pour saisie abusive,
Condamné la Société MPGT à payer à la Société BET SAI les sommes suivantes :
- Principal : 2.502,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 Octobre 2020, date de l'ordonnance,
- Pénalité de retard forfaitaire : 40,00 €,
- Intérêts calculés: 14,74 €,
Dit l'exécution provisoire de droit,
Débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
Condamné la Société MPGT aux entiers dépens et à payer à la Société BET SAI la somme de 2.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 15 avril 2022, la SAS MPGT a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Vu les conclusions du 11 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SAS MPGT qui demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- déclarer irrecevables ou à tout le moins mal fondées, les demandes présentées par la société BET SAI.
En conséquence,
- débouter la société BET SAI de sa demande en paiement.
- prononcer la résolution judiciaire du contrat liant la société MPGT à la société BET SAI aux torts exclusifs de cette dernière.
- condamner la société BET SAI à rembourser à la société MPGT, la somme de
4.665 Euros au titre des règlements intervenus.
- condamner la société BET SAI à payer à la société MPGT, la somme de
6.187,50 Euros à titre de dommages et intérêts.
- condamner la société BET SAI à payer à la société MPGT une somme complémentaire de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la saisie abusive.
- condamner la société BET SAI à payer à la société MPGT, une indemnité de 4.000 Euros en application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
La SAS MPGT soutient que :
- la SARL BET SAI a commencé ses prestations avec retard et ne les a pas achevées ;
- la SARL BET SAI ne peut prétendre que certains des travaux constituaient des prestations supplémentaires devant donner lieu à établissement d'un avenant ;
- la dernière facture n'a pas été reçue par la SAS MPGT qui avait changé d'adresse mais elle l'a contestée dès qu'elle a été relancée par la SARL BET SAI ;
- les défaillances de la SARL BET SAI ont entraîné pour la SAS MPGT la nécessité de terminer les travaux qui avaient été confiés à celle-ci et de faire appel à une société tierce ;
- la réception des travaux n'a pu avoir lieu comme prévu le 12 mars 2020 mais seulement le 24 juillet 2020 et le dossier des ouvrages exécutés n'a été remis au maître d'ouvrage que le 7 octobre 2020 de sorte qu'il a appliqué des pénalités à l'entreprise principale qui les a répercutées sur la SAS MPGT ;
- la SARL BET SAI a fait diligenter une saisie attribution sans titre exécutoire ;
- un accord était sur le point d'intervenir qui n'a échoué que du fait de la réitération de la défaillance de la SARL BET SAI.
Vu les conclusions du 10 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SARL BET SAI qui demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Ce faisant,
- confirmer les condamnations de la société MPGT à la société BET SAI pour les sommes suivantes :
*Principal : 2.502 Euros
*Intérêts à compter du 22 octobre 2020 : 28,79 Euros évolutifs et arrêtés provisoirement au 12 avril 2022
*Pénalité forfaitaire : 40 Euros
*Frais d'ordonnance IP : 35,21 Euros
*Frais Huissier de Justice : 174,34 Euros
*Dépens : 102,98 Euros
*Droit de plaidoirie : 13 Euros
*Article 700 CPC : 2.500 Euros
-confirmer le rejet de toutes demandes de la société MPGT comme étant injustes et mal fondées,
Y ajoutant en cause d'appel,
Condamner la société MPGT à payer à la société BET SAI :
- La somme complémentaire en appel de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Les dépens d'appel.
La SARL BET SAI soutient que :
- la SAS MPGT ne s'est jamais plainte durant le chantier et a attendu d'être mise en demeure pour prétexter une inexécution contractuelle ;
- l'un des courriers produits par la SAS MPGT n'a jamais été adressé à la SARL BET SAI et doit être écarté des débats ;
- elle conteste l'existence de retards ou d'inexécutions contractuelles ;
- il n'est pas démontré que le recours à une société tierce par la SAS MPGT est imputable à une défaillance de la SARL BET SAI qui est totalement contestée ;
- la mission de la SARL BET SAI s'achevait le 15 novembre 2019 et la SAS MPGT n'a signé aucun avenant pour la prolonger de sorte qu'elle ne saurait réclamer l'exécution de travaux excédant la durée du contrat sans les payer ;
- c'est parce que la SAS MPGT refusait de régler la facture due que l'accord des parties n'a pu être obtenu ;
- la saisie attribution a été diligentée sur le fondement de l'ordonnance d'injonction de payer qui était devenue exécutoire avant que la SAS MPGT n'en fasse opposition.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est rappelé au préalable qu'aucun appel n'a été interjeté à l'encontre de la disposition du jugement qui déclare recevable l'opposition de la société MPGT à l'ordonnance du 22 octobre 2020.
Sur le rejet des débats de la pièce n° 25 de la SAS MPGT :
La pièce n° 25 de la SAS MPGT est un courrier de réponse à un précédent courrier de mise en demeure de la SARL BET SAI du 28 avril 2020.
Il résulte des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions qui ont été énoncées au dispositif des conclusions.
La SAS MPGT n'ayant pas au dispositif de ses conclusions repris de prétention tendant à ce que cette pièce soit soumise aux débats, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'inexécution des obligations contractuelles et la résolution du contrat :
Il résulte des dispositions de l'article 1103 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Il résulte des dispositions de l'article 1224 du même code que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Par contrat du 3 juillet 2019, la SAS MPGT a confié à la SARL BET SAI, pour un coût de 6 950 Euros H.T, payable 20% par acompte à la commande et une durée prévisionnelle de quatre mois à compter du 15 juillet 2019, la réalisation d'études de synthèse portant, aux termes de l'article 2, sur
« 1 -Synthèse technique:
Réalisation de la synthèse technique de l'auditorium de [Localité 2].
Données d'entrées nécessaires au lancement de la mission:
- Fichiers DWG de chacun des lots suivants (électricité, CVC, plomberie, gros-'uvre, scénique, charpente métallique);
- Fiches techniques détaillées des équipements.
Détail de la mission :
Prise en charge du dossier : analyse CCTP - DCE - PLANS
Organisation de la mission de synthèse
Mise en place du règlement de synthèse
Mise en place de la charte graphique
Mise en place de la note méthodologique de synthèse
Création des fonds de plans
Réalisation de la synthèse des plans des réservations
Réalisation de la synthèse des plans des réseaux
Réalisation de la synthèse des plans de terminaux.
2 - Synthèse architecturale
Sur la base des plans EXE des entreprises et des plans architectes et carnets de détails architecte DCE leur servant de support, établissement des plans et coupes de synthèse architecturale intégrant les prestations du lot 1 :
Documents attendus :
Plan de synthèse des sanitaires avec coupes, détails et calepinage faïence
Plan de synthèse SAS du hall d'entrée
Plan de synthèse A UDJTORIUM (murs, sols et plafonds).
3 - Boîte à plan
Mise en place d'une boîte à plan sur la durée du chantier jusqu'à fin mars 2020. »
Il est constant entre les parties que les trois premières factures émises par la SARL BET SAI les 24 juillet, 30 août et 27 septembre 2019 ont été réglées par la SAS MPGT pour un total de 5838 euros.
La SAS MPGT ne verse aux débats aucun courrier ni aucun courrier électronique qu'elle aurait spontanément adressé à la SARL BET SAI lui rappelant ses obligations contractuelles et la mettant en demeure de s'y conformer ou se plaignant de l'existence d'inexécutions contractuelles avant le 19 mars 2020, date à laquelle elle a répondu à une mise en demeure qui lui a été adressée par la SARL BET SAI réclamant le solde de son marché. Elle ne produit pas davantage d'attestations émanant de témoins qui affirmeraient que la SARL BET SAI aurait été rappelée à ses obligations par la SAS MPGT antérieurement au 19 mars 2020.
Par ailleurs, la SARL BET SAI justifie que son contrat s'achevait le 15 novembre 2019. Dès lors, il appartenait à la SAS MPGT de conclure un avenant avec elle pour prolonger la durée de sa mission.
En outre, la SARL BET SAI démontre que :
- le 5 juillet 2019, soit antérieurement à la date de prise d'effet du contrat fixée au 15 juillet, la SARL BET SAI avait déjà demandé au dirigeant de la SAS MPGT de lui fournir le calendrier prévisionnel du chantier ce qui démontre que, contrairement à l'allégation de la SAS MPGT, l'activité de la SARL BET SAI n'a pas débuté avec retard ;
- il ressort du courriel du 18 juillet 2019 adressée par l'entreprise Eponia à la société BET SAI que le site informatique constituant « la boîte à plans » était opérationnel dès cette date. La SARL BET SAI justifie avoir demandé aussitôt à la SAS MPGT de lui fournir une adresse internet fonctionnelle ainsi que la structure informatique comprenant les répertoires et la liste des utilisateurs, de sorte que la SAS MPGT ne peut alléguer utilement que la boîte à plans n'a été opérationnelle que le 7 août 2019 du fait de la SARL BET SAI ;
- dès lors que le terme du contrat était fixé au 15 novembre 2019 la SARL BET SAI qui verse aux débats un bordereau de diffusion de ses documents de synthèse en cours de contrat du 6 août au 24 octobre 2019, n'était pas tenu de poursuivre au-delà du 15 novembre 2019.
- si la SAS MPGT verse aux débats un courrier électronique du 5 décembre 2019 émanant de l'architecte, il ne résulte nullement de la lecture de cette pièce que l'architecte impute une erreur de synthèse à la SARL BET SAI se bornant à indiquer que « des buses de soufflage arrière scène'ne semblent pas entrer dans la plage de faux plafond » sans mentionner à qui cette anomalie serait imputable ;
- l'existence de pourparlers qui n'ont pas abouti n'ont entraîné aucune reconnaissance de responsabilité de la SARL BET SAI.
La SARL BET SAI oppose à la SAS MPGT les termes clairs et précis du contrat du 3 juillet 2019 prévoyant une durée prévisionnelle de quatre mois à compter du 15 juillet 2019 s'achevant dès lors le 15 novembre 2019 et la SAS MPGT ne justifie pas que, sauf pour la boîte à plans qui devait être maintenue jusqu'au 31 mars 2020, la SARL BET SAI était tenue de poursuivre son activité au-delà du 15 novembre 2019.
Enfin, la SAS MPGT ne justifie pas s'être plainte auprès de la SARL BET SAI de retards ou d'inexécution avant le 19 mars 2020, date à laquelle le contrat était arrivé à son terme depuis le 15 novembre précédent.
La SAS MPGT ne démontrant pas les inexécutions qu'elle invoque au soutient de sa demande de résolution du contrat et la SARL BET SAI justifiant des sommes qu'elle réclame au titre de ce même contrat, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société MPGT de sa demande de résolution judiciaire du contrat, débouté la Société MPGT de sa demande de remboursement de la somme de 4 665,00 € au titre des règlements intervenus et débouté la Société MPGT de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Société BET SAI.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la saisie-attribution abusive exercé par la SARL BET SAI :
Etant observé que ni la SAS MPGT ni la SARL BET SAI ne produisent les procès-verbaux de la saisie-attribution dont la régularité est contestée par la SAS MPGT, il ressort des écritures des parties que :
- l'ordonnance d'injonction de payer obtenue par la SARL BET SAI a été signifiée le 30 novembre 2020 et a donné lieu à la délivrance d'une copie exécutoire le 5 janvier 2021 signifiée le 20 janvier 2021 ;
- la SAS MPGT a formé opposition le 10 février 2021 à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer du 22 octobre 2020 ;
- une saisie-attribution a été opérée à la demande de la SARL BET SAI sur les comptes de la SAS MPGT le 5 mars 2011.
Dès lors qu'au moment de la saisie, la SARL BET SAI disposait d'un titre exécutoire dont elle ignorait qu'il n'avait plus d'existence et alors qu'elle était créancière de la SAS MPGT, la saisie ne présente pas de caractère abusif et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la Société MPGT de sa demande d'indemnisation pour saisie abusive, et pour le surplus de ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire;
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bernay du 24 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS MPGT aux dépens d'appel ;
Condamne la SAS MPGT à payer à la SARL BET SAI la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente,