N° RG 21/04253 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I5PV
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 24 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/02771
Tribunal judiciaire de Rouen du 23 septembre 2021
APPELANTE :
FONDATION APPRENTIS D'AUTEUIL
RCS de Paris 775 688 799
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de la Selarl JOST JURIDIAG, avocat au barreau de Paris substitué par Me SCOLAN
INTIMEE :
ASSOCIATION OGEC LYCEE PROVIDENCE SAINTE THERESE
siret 314 704 974
[Adresse 9]
[Localité 11]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Franck GOMOND, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 13 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte authentique du 24 décembre 2019, la Fondation Apprentis d'Auteuil a vendu à sa voisine l'Ogec Providence Sainte Thérèse une chapelle et sa sacristie avec sous-sol, garage et réserve, et un terrain sur le devant, situés [Adresse 4],
[Localité 1] et cadastrés KY n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7].
Début 2021, l'Ogec Lycée Providence Sainte Thérèse a engagé des travaux notamment de démolition partielle de la chapelle et d'extension de son bâtiment D dans le cadre de son projet de réhabilitation du lycée.
Par acte d'huissier de justice du 5 août 2021, l'Ogec Lycée Providence Sainte Thérèse, estimant qu'elle bénéficiait d'une servitude de passage par l'accès pompiers en application de l'acte de vente, a fait assigner sa venderesse devant le tribunal judiciaire de Rouen pour obtenir le libre accès par cette voie aux véhicules de chantier et de secours et l'indemnisation de l'abus de droit commis.
Par jugement du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire saisi a :
- fait injonction à la Fondation Apprentis d'Auteuil de remettre à l'Ogec Providence Sainte Thérèse, dans le délai de trois jours à compter de la signification de la présente décision, une télécommande permettant au demandeur d'assurer l'ouverture, 24 heures sur 24, du portail électrique fermant l'accès à la [Adresse 4] en vue de l'usage des servitudes de secours piétons et de passage des véhicules de sapeurs-pompiers et ce, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de 100 jours,
- dit qu'en exécution du droit personnel temporaire consenti par la Fondation Apprentis d'Auteuil à l'Ogec, le passage des engins de chantier par la voie d'accès pompiers est autorisé de 7h30 à 19h00, du lundi au vendredi de chaque semaine, l'exécution de ce droit étant conditionnée à la présence permanente pendant ces tranches horaires, aux frais du demandeur, d'un 'homme trafic', au portail situé au niveau de l'accès pompiers,
- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,
- débouté la Fondation Apprentis d'Auteuil de sa demande de condamnation de l'Ogec à une amende civile,
- condamné la Fondation Apprentis d'Auteuil à payer à l'Ogec Providence Sainte Thérèse la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la Fondation Apprentis d'Auteuil de sa demande présentée sur le même fondement,
- condamné la Fondation Apprentis d'Auteuil aux dépens,
- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Le 13 octobre 2021, une télécommande du portail électrique a été remise à l'Ogec.
Par déclaration du 5 novembre 2021, la Fondation Apprentis d'Auteuil a formé appel du jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2022, la Fondation Apprentis d'Auteuil demande de voir en application des articles 1104, 1188, et 1194 du code civil :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- à titre principal, condamner l'Ogec à lui restituer la télécommande qu'elle lui a fournie en application du jugement entrepris, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- à titre subsidiaire, limiter l'usage de ladite télécommande à l'accès des services de secours, et ce, à l'exclusion de tout autre type de véhicule,
- en tout état de cause, débouter l'Ogec de l'ensemble de ses demandes et condamner celle-ci à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la Selarl Gray Scolan, avocats associés, pour ceux la concernant conformément à l'article 699 du même code.
Elle indique que, s'il a refusé de requalifier le droit de passage en véritable servitude, le tribunal a toutefois concédé de facto à l'Ogec un libre accès aux engins de chantier lequel ne saurait suppléer la carence de cette dernière dans l'exécution de l'acte de vente ; qu'en effet, l'Ogec ne l'a jamais sollicitée avant le chantier pour que les modalités de passage des engins de chantier soient clairement définies ; que cette dernière a directement créé les conditions de la situation dont elle se plaint aujourd'hui et dont elle ne peut pas se prévaloir ; que l'Ogec a insuffisamment préparé son chantier avant la signature de l'acte de vente ; que les propositions de modalités de passage qu'elle a faites à celles-ci sont restées vaines.
Elle ajoute qu'elle n'a pas restreint ce droit de passage, mais en a limité les jours et horaires dans le seul but de veiller à la sécurité des enfants qui lui sont confiés ; que cette mission s'avère matériellement impossible à respecter si un accès illimité, permettant à des tiers de s'introduire dans le périmètre de la maison d'enfants, est accordé ; que cette mission ne peut pas être déléguée à un 'homme trafic', préposé de l'Ogec, qu'elle ne pourrait pas contrôler ; qu'il ne s'agit pas là d'une solution convenable au litige.
Elle précise que l'acte de vente ne consacre aucune servitude de passage 'chantier' permanente et illimitée via l'accès pompiers ; que le plan établi par le géomètre-expert, qui a été annexé à cet acte et qui mentionne l'existence d'une servitude de passage chantier, ne modifie pas la teneur dudit acte contenant l'intention commune des parties.
Par dernières conclusions notifiées le 2 septembre 2022, l'Ogec Lycée Providence Sainte Thérèse sollicite de voir en vertu des articles 1101 et suivants, 1240, du code civil :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. fait injonction à la Fondation Apprentis d'Auteuil de remettre à l'Ogec Providence Sainte Thérèse, dans le délai de trois jours à compter de la signification de la présente décision, une télécommande permettant au demandeur d'assurer l'ouverture, 24 heures sur 24, du portail électrique fermant l'accès à la [Adresse 4] en vue de l'usage des servitudes de secours piétons et de passage des véhicules de sapeurs-pompiers et ce, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard pendant un délai de 100 jours,
. dit qu'en exécution du droit personnel temporaire consenti par la Fondation Apprentis d'Auteuil à l'Ogec Providence Sainte Thérèse , le passage des engins de chantier par la voie d'accès pompiers est autorisé de 7h30 à 19h00, du lundi au vendredi de chaque semaine, l'exécution de ce droit étant conditionné à la présence permanente pendant ces tranches horaires, aux frais du demandeur, d'un 'homme trafic', au portail situé au niveau de l'accès pompiers,
. débouté la Fondation Apprentis d'Auteuil de sa demande de dommages et intérêts,
. débouté la Fondation Apprentis d'Auteuil de sa demande de condamnation de l'Ogec Providence Sainte Thérèse à une amende civile,
. condamné la Fondation Apprentis d'Auteuil à payer à l'Ogec Providence Sainte Thérèse la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté la Fondation Apprentis d'Auteuil de sa demande présentée sur le même fondement,
. condamné la Fondation Apprentis d'Auteuil aux dépens,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
statuant à nouveau, y ajoutant,
- à titre principal, enjoindre à la Fondation Apprentis d'Auteuil de lui remettre une télécommande en état de fonctionnement afin de pouvoir faire fonctionner utilement le portail électrique, situé [Adresse 4], sur lequel elle dispose d'une servitude de passage par l'accès pompiers conformément à l'acte de vente du 24 décembre 2019, et afin de permettre un accès libre aux véhicules de chantier et de secours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- à titre subsidiaire, débloquer ou désengager le moteur du portail électrique situé au niveau de l'accès pompiers, [Adresse 4], sur lequel elle dispose d'une servitude de passage conformément à l'acte de vente du 24 décembre 2019, afin de permettre la libre ouverture des portes et, en conséquence, un accès libre aux véhicules de chantier et de secours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- à titre infiniment subsidiaire, ordonner l'accès audit portail électrique par l'accès pompiers conformément à l'acte de vente du 24 décembre 2019, afin de permettre un accès libre aux véhicules de chantier et de secours enre 7h00 et 18h00 du lundi au vendredi, ce droit ne pouvant être restreint par la Fondation Apprentis d'Auteuil que ponctuellement et dans l'hypothèse d'un risque pour la sûreté et la sécurité des enfants que celle-ci accueille, à charge pour elle de l'en informer au préalable,
- prendre acte, qu'en contrepartie, elle mettra en place une équipe d''homme trafic', à ses frais, au portail situé au niveau de l'accès pompiers, [Adresse 4], afin d'assurer la sécurité et la sûreté optimale de l'activité de la maison d'enfants à caractère social de ladite Fondation, et ce, de 7h00 à 19h00, afin de garantir la présence d'un homme trafic auquel un engin de chantier est susceptible de demander l'accès,
- liquider l'astreinte à la somme de 1 050 euros correspondant aux sept jours de retard dans la remise de la télécommande,
- débouter la Fondation Apprentis d'Auteuil de l'ensemble de ses demandes,
- condamner celle-ci à lui régler la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier aux fins de commandement de saisie-appréhension et de réception du matériel par voie d'huissier visés dans la facture de CJ Seine du 21 octobre 2021.
Elle expose qu'à partir de mars 2021 et jusqu'au jugement, la Fondation Apprentis d'Auteuil a tout mis en oeuvre pour bloquer l'accès aux engins de chantier et l'empêcher de réaliser les travaux projetés, alors que, lors de la vente, cette dernière était parfaitement informée de ceux-ci ; qu'elle lui a ainsi réclamé en amont de toute livraison les plannings d'accès au portail, que bien qu'ils lui aient été remis, elle a restreint le passage des camions le 13 juillet 2021, ce qui manifeste sa mauvaise foi.
Elle nie les carences qui lui sont reprochées et qui ne sont pas justifiées. Elle précise qu'à ce jour, l'avancement du chantier ne nécessite plus l'usage du portail pour les engins de chantier, mais qu'elle doit conserver la télécommande pour l'accès éventuel des secours et le passage piétons et pour les phases 4 et 5 du chantier débutant en mai 2023 pour 16 mois.
Elle fait valoir que l'autorisation de passage des engins de chantier par la voie d'accès pompiers, donnée par la venderesse dans l'acte du 24 décembre 2019, a été qualifiée de servitude de passage sur le plan annexé à cet acte et qui en fait partie intégrante, qu'il n'y a aucune tentative de dénaturation de sa part de cet acte ; que cet engagement était une condition essentielle et déterminante de l'acquisition de la chapelle ; que seules les modalités d'exercice de cette servitude n'ont pas été fixées dans cet acte et ont été laissées à l'initiative de la Fondation Apprentis d'Auteuil en tenant compte de son impératif lié à la sécurité des enfants, que le projet de construction n'a commencé que début 2021 de sorte que les modalités n'ont pas pu être fixées dès décembre 2019.
Elle estime qu'en refusant un libre accès aux sapeurs-pompiers, aux secours piétons, et aux engins de chantier, la Fondation Apprentis d'Auteuil a violé les dispositions du contrat de vente et toute règle de sécurité ; que celle-ci est défaillante à expliquer en quoi ce libre accès aurait des conséquences manifestement excessives pour elle et l'empêcherait d'exercer sa mission de garantir la sûreté et la sécurité de l'activité de la maison d'enfants.
Elle avance que sa proposition de mise en place à ses frais d'une équipe d'hommes trafic du lundi au vendredi de 7h à 19h au niveau du portail répond aux critères exigés de sûreté et de sécurité, que, depuis la remise de la télécommande par la Fondation Apprentis d'Auteuil, celle-ci n'a déploré aucun incident.
Elle indique que les travaux et l'accès au chantier sont indispensables, que le seul moyen d'y accéder est de passer par le portail et le parking appartenant à la Fondation Apprentis d'Auteuil, que le refus opposé par celle-ci dans une intention de nuire et qui vise à le restreindre et à ne pas assurer un accès 24h/24 aux secours est manifestement abusif, qu'il lui cause un préjudice considérable compte tenu des retards engendrés.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 février 2023.
MOTIFS
Sur les demandes de l'Ogec relatives au passage sur la propriété de la Fondation Apprentis d'Auteuil
Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette dernière disposition étant d'ordre public.
L'article 1194 du même code précise que les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi.
En l'espèce, les parcelles KY n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7], objets de la vente, ont été détachées d'une parcelle plus grande initialement cadastrée section KY n°[Cadastre 3], dont le surplus, constituant la parcelle KY n°[Cadastre 5], est restée la propriété de la Fondation Apprentis d'Auteuil. Sur celle-ci, est édifiée une maison d'enfants à caractère social.
La parcelle KY n°[Cadastre 2] contiguë, sur laquelle sont édifiés les bâtiments A, B et C, ainsi qu'une cour, appartient à la société Ogec.
L'acte de vente du 24 décembre 2019 stipule dans son paragraphe intitulé 'RAPPEL DE SERVITUDES', aux pages 13 et 14, qu'aux termes de l'acte de vente par la Congrégation des Soeurs de la Providence de [Localité 12] au profit de la Fondation Apprentis d'Auteuil du 30 décembre 2005, il a été rappelé ce qui suit :
'Aux termes d'un acte reçu par Maître [R] [H], notaire à [Localité 12] le 9 décembre 1993, il a été établi l'état descriptif de division en volume du terrain d'assiette contigu à la parcelle présentement vendue, cadastré section KY numéro [Cadastre 2],
Aux termes de cet acte il a été stipulé notamment ce qui suit littéralement rapporté :
Création d'une servitude de passage au profit des Sapeurs-Pompiers
Mme [D] [U], ès-qualités, convient de constituer sur la parcelle cadastrée section KY n°[Cadastre 3] pour 38a 84ca, qui sera le fonds servant, une servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée section KY n°[Cadastre 2] pour 59a 36ca, qui sera le fonds dominant, à l'effet de permettre le passage de tous véhicules de sapeurs-pompiers, à tout heure du jour et de la nuit, en cas de nécessité d'interventions pour une cause quelconque.
Cette servitude s'exercera à l'endroit le moins dommageable pour le fonds servant. L'assiette de cette servitude sera déterminée par le représentant du fonds servant mais devra, en tout état de cause, être suffisante pour permettre l'accès des véhicules de sapeurs-pompiers, sous réserve des constructions existantes sur ledit fonds servant.
[...]
Aux termes d'un acte reçu par Maître [R] [H], notaire à [Localité 12] le 9 décembre 1993, contenant bail à construction par la CONGREGATION DES SOEURS DE LA PROVIDENCE au profit de l'association ORGANISME DE GESTION DE L'ETABLISSEMENT CATHOLIQUE PROVIDENCE-MISERICORDE, il a été stipulé notamment ce qui suit littéralement rapporté :
Servitudes de secours piétons
En outre, afin de permettre l'évacuation de toute personne pouvant se trouver à l'intérieur des locaux occupés par l'OGEC qu'il s'agisse d'élèves, de personnel ou de tout visiteur, il est crée par le bailleur une servitude de secours piétons sur la parcelle cadastrée section KY numéro [Cadastre 3].
Cette servitude existera pendant toute la durée du bail et ses renouvellements successifs.
L'assiette de cette servitude de secours piétons sera déterminée par le bailleur.'.
[...]
Les parties conviennent que l'assiette de la servitude ci-dessus rappelée figure sous quadrillées jaunes au plan établi le 17 juin 2019 par le Cabinet GE 360, géomètres-experts, demeuré ci- annexé.'.
L'acte de vente prévoit par ailleurs dans son paragraphe 'ENGAGEMENTS PARTICULIERS', à la page 15, que : 'L'ACQUEREUR s'engage à reconstruire le mur situé au sud de l'immeuble objet des présentes et se prolongeant vers l'ouest en limite séparative avec l'immeuble conservé par le VENDEUR (tel que figurant entre les points A et B sous liseré bleu au plan ci-annexé). Ladite reconstruction devra intervenir avant la réception des travaux de l'ACQUEREUR sur le bien objet des présentes.
Par ailleurs, VENDEUR et ACQUEREUR s'engagent à coordonner les travaux à réaliser de manière à maintenir opérationnel un accès pompiers.
Le VENDEUR autorise pendant toute la durée du chantier de construction de l'ACQUEREUR, le passage des engins de chantier par la nouvelle voie d'accès pompiers qui sera réalisée figurant sur la parcelle conservée par le VENDEUR, à charge pour l'ACQUEREUR, si des dégradations sont commises, de remettre en état cet accès.
Au préalable, un constat d'huissier sera effectué pour constater l'état de la nouvelle voie d'accès pompiers réalisée par le VENDEUR.
Cet accès se fera selon une procédure (définissant le volume, le gabarit et le trafic) et des horaires qui restent à définir strictement à l'initiative du VENDEUR au bénéfice de l'ACQUEREUR afin de garantir la sureté et la sécurité de l'activité de la maison d'enfant à caractère social du VENDEUR.
Toutes les sujétions particulières de balisages et de clôtures temporaires afin de permettre la continuité d'exploitation dans des conditions de sécurité et de sureté optimales pour le VENDEUR seront à la charge de L'ACQUEREUR.
En tout état de cause, les engins de chantier autorisés à emprunter la nouvelle voie d'accès pompiers ne pourront pas pénétrer dans la partie de la cour de la propriété du VENDEUR qui sera dévolue aux aires de jeux des enfants et des adolescents dans le projet de réaménagement du VENDEUR (cf. Plan DPC/DPA n°14 du 19/06/2019 - PC2c -Plan masse projeté - AXE CD).'.
Contrairement à ce qu'avance l'Ogec et comme l'a exactement jugé le tribunal, celle-ci bénéficie uniquement d'un droit de passage temporaire des engins de chantier pendant la durée du chantier, et non pas d'une servitude de passage perpétuelle. L'indication portée sur le plan des servitudes établi par le cabinet de géomètres experts GE360 et annexé à l'acte de vente du 24 décembre 2019, selon laquelle sont matérialisées en quadrillé jaune une 'Servitude de passage service de secours' et une 'Servitude de passage chantier et entretien', ne modifie pas les termes clairs contenus dans l'acte notarié. Ce plan qui a été dressé par un non professionnel du droit, et non pas par le notaire, n'a pas été paraphé, ni signé, par les parties.
En outre, l'autorisation de passage contenue à la page 15, dans le paragraphe 'ENGAGEMENTS PARTICULIERS', est distincte des développements consacrés aux 'SERVITUDES' aux pages 12 à 14.
Le procès-verbal d'huissier de justice constatant l'état des nouveaux aménagements d'accès à la Fondation Apprentis d'Auteuil côté [Adresse 4] a été dressé à sa demande le 25 février 2021 conformément à l'acte de vente. Elle a également sollicité l'Ogec pour connaître les dates des interventions à venir à proximité de son établissement comme l'indique M. [S], assistant l'Ogec pour les travaux, dans un courriel du 29 mars 2021 adressé à M. [K] de la Fondation Apprentis d'Auteuil, contenant les dates des travaux à venir à partir du 30 mars 2021.
Par courriel du 7 juillet 2021, M. [S] a transmis à M. [K] le planning d'approvisionnement des entreprises pour les semaines à venir concernant l'accès au bâtiment B par la voie pompiers. Ce planning a été actualisé le 12 juillet 2021.
Dans un courriel du 13 juillet 2021 adressé à M. [J] de l'Ogec, Mme [N] de la Fondation Apprentis d'Auteuil a confirmé que, depuis janvier 2021 et le démarrage des travaux, ils avaient eu de nombreux échanges relatifs aux modalités d'accès et d'utilisation de ses espaces privatifs de la maison d'enfants. Elle a ajouté qu'elle lui avait demandé la possibilité de formaliser par voie de convention notamment les passages fréquents des camions par l'entrée [Adresse 4] ; que, malgré les tentatives amiables, elle prenait acte de son refus de signer une convention et revenait 'à une stricte application de l'acte de vente et de mise en oeuvre des servitudes telles qu'accordées. Ainsi, le portail sera ouvert, pour les besoins du chantier, aux heures de présence de notre assistante, c'est à dire les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9h à 12h30 et de 14 h à 16h00, et ce dans la limite des demandes adressées préalablement par Monsieur [S].'.
Par courriel du 16 juillet 2021, M. [S] a transmis à M. [K] le planning d'approvisionnement des entreprises pour les semaines à venir et l'a informé d'un incident de passage alors que celui-ci était prévu un vendredi à 14h50.
M. [K] lui a répondu que le refus de deux entreprises était justifié car leurs noms n'étaient pas indiqués sur les plannings. Il a ultérieurement confirmé les jours et les horaires fixés par Mme [N].
Il se déduit de ces échanges que, contrairement à ce qu'avance la Fondation Apprentis d'Auteuil, l'Ogec n'a pas commis de faute, ni de violation des clauses contractuelles.
En revanche, la Fondation Apprentis d'Auteuil n'a pas permis le libre exercice à toute heure du jour et de la nuit par l'Ogec de la servitude de passage des véhicules de sapeurs-pompiers profitant à son fonds KY n°[Cadastre 2] sur le fonds servant KY n°[Cadastre 5], ni celui de la servitude de secours piétons relativement aux mêmes parcelles. Ce manque d'accessibilité en tout temps a été pointé par la Sas Socotec Construction, coordonnateur sécurité et protection de la santé sur le chantier en cours, dans sa note d'observation du 23 juillet 2021, comme allant à l'encontre des règles de sécurité du chantier.
Ce non-respect des dispositions claires du contrat de vente est constitutif d'une faute dont la Fondation Apprentis d'Auteuil ne peut pas s'exonérer par l'impératif de sécurité et de sûreté auquel elle est soumise à l'égard des enfants qui lui sont confiés.
S'agissant de l'accès des véhicules de chantier pour lequel elle n'a pas arrêté de procédure définissant le volume, le gabarit, et le trafic, elle critique l'engagement de l'Ogec de poster 'un homme trafic' au portail situé au niveau de l'accès pompiers du lundi au vendredi de 7h30 à 19h00 afin de contrôler les entrées et sorties de ces véhicules et de les réguler, comme ne répondant pas suffisamment à son impératif de sécurité des enfants et de la maison d'enfants.
Toutefois, alors qu'elle est débitrice de l'autorisation de passage prévue dans l'acte de vente et qu'elle doit l'honorer puisqu'elle n'en sollicite pas la nullité, ni la résolution, la Fondation Apprentis d'Auteuil ne formule aucune proposition de modalités complémentaires garantissant la sécurité et la sûreté des enfants et de la maison d'enfants. Elle ne remet pas en cause la configuration des lieux, décrite par l'Ogec et figurant sur les photographies qu'elle verse aux débats, selon laquelle les enfants ne peuvent pas accéder au passage qui n'est pas situé dans la cour mais sur un parking séparé par une clôture grillagée et un autre portail verrouillé.
Comme l'a exactement souligné le premier juge, la Fondation Apprentis d'Auteuil ne peut pas porter atteinte à l'équilibre des relations contractuelles et faire échec, par des dispositions trop restrictives, à la force obligatoire du contrat autorisant l'Ogec à l'exercice d'un droit de passage pour les besoins du chantier, dont la Fondation Apprentis d'Auteuil avait connaissance au jour de la vente, mais également des servitudes de passage des sapeurs-pompiers et des secours piétons.
En conséquence, les prétentions de cette dernière seront rejetées. La décision du tribunal sera confirmée.
Sur les demandes de l'Ogec pour abus de droit
La faute de la Fondation Apprentis d'Auteuil a été caractérisée ci-dessus.
Par contre, l'Ogec ne démontre pas les retards de chantier qu'elle indique avoir subis, ni d'éventuels incidents quant à la sécurité au sein de ses locaux, du fait de la privation de l'exercice de son droit personnel de passage des engins de chantier et des servitudes de passage des sapeurs-pompiers et des secours piétons au profit de son fonds. En outre, le fondement de la responsabilité extracontractuelle qu'elle invoque au soutien de sa prétention indemnitaire n'est pas applicable dès lors qu'existe un lien contractuel entre les parties dont les obligations constituent l'objet du litige.
Ses demandes complémentaires et sa demande de dommages et intérêts seront donc rejetées. La décision du premier juge ayant écarté cette demande indemnitaire sera confirmée.
Sur la demande de l'Ogec de liquidation de l'astreinte
La Fondation Apprentis d'Auteuil n'explicite aucun moyen relativement à cette demande.
Or, il appartient à la partie tenue d'exécuter une obligation assortie d'une astreinte, et non pas au créancier venu en réclamer la liquidation, de prouver qu'elle s'en est bien acquittée.
En l'espèce, le jugement du 23 septembre 2021 a été signifié à la Fondation Apprentis d'Auteuil le 7 octobre 2021. Elle n'a déféré à l'injonction de remettre une télécommande du portail électrique à l'Ogec qu'à l'issue d'un commandement aux fins de saisie-appréhension délivré par celle-ci le 13 octobre 2021, soit deux jours après l'expiration le 11 octobre 2021 du délai de trois jours suivant la signification, en application des règles de computation des articles 641 alinéa 1er et 642 du code de procédure civile.
Aucun motif légitime ne justifie ce retard dans l'exécution de cette injonction judiciaire.
La Fondation Apprentis d'Auteuil era donc condamnée à payer la somme de
300 euros (150 euros × 2 jours) en liquidation de l'astreinte prévue par le jugement.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais de procédure.
Partie perdante, la Fondation Apprentis d'Auteuil sera condamnée aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande. Ceux-ci n'incluront pas les frais du commandement aux fins de saisie-appréhension et de réception du matériel par voie d'huissier de justice, visés dans la facture du 21 octobre 2021 de la Selarl CJSeine, qui ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de condamner également l'appelante à payer à l'Ogec la somme de 5 500 euros au titre de ses frais exposés pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la Fondation Apprentis d'Auteuil à payer à l'Ogec Lycée Providence Sainte Thérèse la somme de 300 euros en liquidation de l'astreinte prononcée contre elle aux termes du jugement entrepris,
Condamne la Fondation Apprentis d'Auteuil à payer à l'Ogec Lycée Providence Sainte Thérèse la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne la Fondation Apprentis d'Auteuil aux dépens d'appel, n'incluant pas les frais du commandement aux fins de saisie-appréhension et de réception du matériel, visés dans la facture du 21 octobre 2021 de la Selarl CJSeine, huissiers de justice, et, avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Gray Scolan, avocats associés, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,