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24/05/2023 | FRANCE | N°22/00076

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 24 mai 2023, 22/00076


N° RG 22/00076 - N° Portalis DBV2-V-B7G-I7FM







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 24 MAI 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/01272

Tribunal judiciaire du Havre du 25 novembre 2021





APPELANTE :



Sa GAN ASSURANCES

RCS de Paris 542 063 797

[Adresse 6]

[Localité 4]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Juliette RIBEIRO de l'A

ARPI BJMR, avocat au barreau de Paris







INTIMES :



Madame [W] [R]

née le 19 juin 1992 au [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée et assistée par Me Valérie ADONIU de la SELARL ADONIU ROUTEL ...

N° RG 22/00076 - N° Portalis DBV2-V-B7G-I7FM

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 24 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/01272

Tribunal judiciaire du Havre du 25 novembre 2021

APPELANTE :

Sa GAN ASSURANCES

RCS de Paris 542 063 797

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Juliette RIBEIRO de l'AARPI BJMR, avocat au barreau de Paris

INTIMES :

Madame [W] [R]

née le 19 juin 1992 au [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Valérie ADONIU de la SELARL ADONIU ROUTEL SELARL, avocat au barreau du Havre

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/002817 du 16/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

Monsieur [I] [G]

exploitant à titre individuel sous l'enseigne DAYTONA

RCS du Havre 409 285 996

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté et assistée par Me Ghislaine VIRELIZIER de la SELARL KREIZEL VIRELIZIER, avocat au barreau du Havre plaidant par Me Estelle LANGLOIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 5]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice remis à personne habilitée le 7 février 2020

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2023

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 10 septembre 2016, Mme [W] [R], qui effectuait son premier cours de conduite de moto auprès de l'auto-école Daytona, exploitée par M. [I] [G], a chuté de sa moto sur le circuit privé du centre routier du [Localité 5].

Elle a été hospitalisée. Lui a été diagnostiquée une fracture ouverte de l'extrémité supérieure du tibia droit.

Par ordonnance du 4 avril 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance du Havre, saisi par Mme [W] [R] le 25 janvier 2017, a notamment fait droit à sa demande de réalisation d'une expertise médico-légale et a désigné à cet effet le Dr [F] [N].

Suivant actes d'huissier de justice du 11 mai 2018, Mme [W] [R] a fait assigner M. [I] [G] et son assureur, la Sa Gan Assurances, ainsi que la Cpam du [Localité 5], devant le tribunal de grande instance du Havre, aux fins de reconnaissance de la responsabilté de M. [I] [G] et d'indemnisation de ses préjudices.

L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 30 octobre 2018 aux termes duquel il a arrêté la date de consolidation au 29 janvier 2018.

Par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire du Havre a :

- déclaré M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, entièrement responsable des préjudices subis par Mme [W] [R] du fait de l'accident survenu le 10 septembre 2016,

en conséquence,

- condamné M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, à payer à Mme [W] [R], les sommes suivantes :

au titre des préjudices patrimoniaux

- temporaires,

. dépenses de santé actuelles : 332,64 euros,

. perte de gains professionnels actuels : 3 399,57 euros,

. frais divers : 7 717,50 euros,

- permanents,

. dépenses de santé futures : 9 361,04 euros,

. incidence professionnelle : 5 000 euros,

au titre des préjudices extra-patrimoniaux

- temporaires,

. déficit fonctionnel temporaire : 3 478,75 euros,

. souffrances endurées : 7 000 euros,

. préjudice esthétique : 3 000 euros,

- permanents,

. déficit fonctionnel permanent : 7 840 euros,

. préjudice esthétique : 2 000 euros,

- dit qu'au titre des dépenses de santé futures, les organismes sociaux auront un recours subrogatoire éventuel pour 1 488,48 euros,

- condamné la société Gan Assurances à garantir M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, de l'intégralité de ses condamnations en paiement,

- rejeté les autres demandes formées par les parties,

- condamné in solidum M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, et la société Gan Assurances à payer à Mme [W] [R] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [I] [G] exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona et la société Gan Assurances aux entiers dépens, en ce compris les dépens de référé et les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés, à hauteur de 50 %, par l'Etat, conformément aux dispositions des articles 124 et suivants du décret du 19 décembre 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Par déclaration du 7 janvier 2022, la Sa Gan Assurances a formé appel du jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2022, la Sa Gan Assurances demande, en application des articles L.113-3 et R.113-1 du code des assurances et 1147 du code civil, de voir :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité pleine et entière de M. [I] [G], a condamné celui-ci à réparer l'entier préjudice de Mme [W] [R], et a condamné la Sa Gan Assurances à le garantir de l'ensemble des condamnations ainsi prononcées,

statuant à nouveau,

- à titre principal,

. débouter Mme [W] [R] et M. [I] [G] de leurs demandes de condamnation dirigées à son encontre, en raison de la résiliation de la police d'assurance souscrite par ce dernier antérieurement à l'accident du 10 septembre 2016,

. débouter M. [I] [G] de sa demande tendant à voir confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la garantie de la Sa Gan Assurances,

. se voir mettre hors de cause,

- à titre subsidiaire, débouter Mme [W] [R] de ses demandes dirigées à son encontre, en l'absence de responsabilité de son assuré,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter les condamnations prononcées contre elle à hauteur de 70 % du préjudice subi par Mme [W] [R] consécutivement à l'accident du 10 septembre 2016 et les pertes de gains professionnels actuels à la somme de 244,54 euros,

- en tout état de cause, condamner tout succombant au versement de la somme de 3 000 euros à son profit au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ceux concernant la Selarl Gray & Scolan conformément à l'article 699 du même code.

Elle expose que le contrat d'assurance automobile n°041.564.238 conclu avec l'auto-école a été résilié le 14 juin 2016, soit avant la survenue de l'accident, au moyen d'une lettre recommandée de mise en demeure rappelant le délai de suspension de 30 jours de la garantie et la résiliation 10 jours plus tard ; que le tribunal s'est mépris sur la nature de cette correspondance et a ajouté à la procédure de résiliation des conditions non prévues par la loi ; que cette résiliation est corroborée par la confirmation de la réception de cette mise en demeure par M. [I] [G], par un courriel du 4 juillet 2016 de son agent général d'assurance, par un document interne mentionnant la résiliation à compter du 15 juin 2016, et par la conclusion d'une nouvelle police d'assurance garantissant les mêmes risques postérieurement au sinistre.

Elle indique que sa garantie n'est pas davantage mobilisable sur la base du contrat Omnipro qui exclut, aux termes de l'article 36 de ses conditions générales, les dommages corporels causés par des véhicules terrestres à moteur ; que cette clause ne vide pas le contrat de sa substance ; qu'elle ne garantit pas la responsabilité de M. [K] [J], moniteur d'auto-école à qui M. [I] [G] a confié la surveillance de Mme [W] [R] pendant son absence.

Elle fait valoir à titre subsidiaire que le tribunal, qui a retenu la responsabilité totale de M. [I] [G], a opéré un renversement de la charge de la preuve en exigeant que celui-ci démontre son absence de faute, alors qu'il appartient à Mme [W] [R] de prouver la faute de ce dernier dans le cadre de son obligation de sécurité de moyens, ce qu'elle ne fait pas ; que celle-ci n'a aucunement été livrée à elle-même puisque sa surveillance a été confiée à M.[K] [J] ; que Mme [W] [R] était parfaitement en capacité d'accomplir ses tours de piste sur le circuit privé qui était sécurisé.

Elle ajoute que cette dernière, qui ne pouvait raisonnablement ignorer son absence de maîtrise de la moto et devait refuser de poursuivre l'apprentissage sans son moniteur, a commis une faute qui doit exonérer son assuré ou, à tout le moins, conduire à un partage de responsabilité.

Par dernières conclusions notifiées le 5 juillet 2022, Mme [W] [R] sollicite de voir en application des articles 1217 et 1240 du code civil :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, l'ensemble des sommes qui lui ont été allouées au titre de la réparation de ses dommages, et la condamnation de la Sa Gan Assurances à garantir M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, au paiement de l'intégralité des condamnations qui seront prononcées à son encontre,

- débouter M. [I] [G] et la Sa Gan Assurances de l'ensemble de leurs autres demandes,

- confirmer la condamnation de ces derniers in solidum au paiement de la somme de 3 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,

- condamner M. [I] [G] et la Sa Gan Assurances in solidum au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamnation valant renonciation à l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Elle expose que, le 10 septembre 2016, elle circulait seule à moto sur le plateau poids lourds du circuit sans l'assistance de son moniteur M. [I] [G] qui s'était absenté pour aller chercher son prochain élève en ville et qui lui avait demandé de continuer à faire des tours de piste autour des camions stationnés en l'attendant ; que, s'agissant de sa première leçon d'apprentissage de la conduite d'une moto, elle encourait un danger accru qui appelait une vigilance plus importante du moniteur, lequel a manqué à son obligation de sécurité de moyens renforcée.

Elle fait valoir à titre subsidiaire, si une simple obligation de sécurité de moyens était retenue, que M. [I] [G] a commis une faute en lien direct avec le préjudice qu'elle a subi en la laissant seule lors de sa première leçon de conduite alors qu'il devait adapter son enseignement et ses choix d'apprentissage à la capacité de son élève ; qu'elle n'était pas capable d'arrêter elle-même son véhicule sans les conseils de ce dernier ; que la responsabilité contractuelle de M. [I] [G] est engagée pour défaut de surveillance et de conseil sans pouvoir s'exonérer par une délégation à M. [K] [J], moniteur d'une autre auto-école présent sur le plateau motos du circuit qu'elle ne connaissait pas et qui encadrait ses élèves ; que M. [I] [G] ne peut pas présenter la perte de contrôle de la moto comme un simple aléa.

Elle ajoute qu'il ne peut y avoir un partage de responsabilité dès lors qu'elle n'a commis aucune faute ; que, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, elle n'a pas pris l'initiative de conduire seule la moto, ce que confirme d'ailleurs M. [I] [G] ; qu'elle n'a pas fait d'erreur dans le maniement de la moto ; qu'il ne lui appartenait pas de s'opposer aux préconisations de son moniteur qui était le professionnel.

Elle indique, s'agissant du recours en garantie de M. [I] [G] contre la Sa Gan Assurances, que la mise en demeure que celle-ci a adressée à son assuré, pour l'informer de la suspension des garanties en cas de non-régularisation des primes impayées entre le 25 mars et le 24 juin 2016, ne comporte aucun justificatif d'envoi en recommandé, ni de sa réception par M. [I] [G] ; que, pour le surplus, elle s'en rapporte aux explications développées par ce dernier sur l'absence de résiliation de sa police d'assurance et la mobilisation de la garantie de la Sa Gan Assurances.

Par dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022 et précédemment signifiées à la Cpam le 28 juin 2022, M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, demande de voir en application des articles 1217 et 1240 du code civil, L.113-3 du code des assurances :

- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la Sa Gan Assurances à le garantir de l'intégralité de ses condamnations en paiement,

- à titre principal, débouter Mme [W] [R] de l'intégralité de ses demandes et condamner celle-ci à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- à titre subsidiaire, prononcer un partage de responsabilité à hauteur d'au moins 50 % à la charge de Mme [W] [R],

- en toutes hypothèses, condamner la Sa Gan Assurances à le garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre, y compris au titre d'un éventuel article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement, minorer le montant des condamnations sollicitées par Mme [W] [R] et condamner cette dernière et la Sa Gan Assurances en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl Kreizel Virelizier qui affirme en avoir fait l'avance.

Il expose qu'en sa qualité de moniteur d'auto-école, il a une obligation de sécurité de moyens simple à l'égard de ses élèves, et non pas renforcée, mais, qu'en l'espèce, sa faute n'est pas démontrée ; que, s'il a été obligé de s'absenter durant le cours de Mme [W] [R] pour aller chercher un élève, il a toutefois pris la précaution au préalable de déléguer à M. [K] [J], moniteur d'une autre auto-école sur place, la surveillance de son élève qu'il avait avisée, qu'il n'a donc pas manqué à son devoir de surveillance ; qu'un accident reste un aléa toujours possible inhérent à l'apprentissage de la conduite d'une moto quelle que soit la surveillance du moniteur présent ; que le 10 septembre 2016, M. [K] [J] n'a pas été en mesure de l'éviter et que sa présence n'aurait rien changé, de sorte que sa responsabilité ne saurait être recherchée.

Il ajoute que Mme [W] [R] a commis une faute dans le maniement de la moto même si elle était en apprentissage ; qu'il appartenait à celle-ci qui en connaissait encore peu l'usage de prendre les plus grandes précautions pour la maîtriser ; que cette faute l'exonère totalement ou, en tout état de cause, partiellement, de sa propre responsabilité.

Il indique subsidiairement que la Sa Gan Assurances doit le garantir en application de son contrat Omnipro n°051737063 assurant sa responsabilité civile découlant de son activité professionnelle et de son contrat Assurecole n°041.564.238 assurant les véhicules terrestres à moteur constituant sa flotte au moment de l'accident de Mme [W] [R] ; que l'article 36 des conditions générales du contrat Omnipro, qui vide la garantie de sa substance, n'est pas applicable, de sorte que l'article 32 l'est.

Il précise que, s'il a eu des difficultés de paiement de ses cotisations en 2016, son contrat Assurecole n'a pas été résilié car il a régularisé la situation en réglant la totalité de l'arriéré et les échéances à venir jusqu'au 7 mars 2017 ; que le courrier de résiliation invoqué par la Sa Gan Assurances n'est pas daté et sa réception n'est pas prouvée de sorte que les délais de 30 jours et de 10 jours qui y sont visés n'ont pas couru, que le formalisme de l'article L.113-3 du code des assurances n'a pas été respecté ; que le nouveau contrat Assurecole n°161587672 prenant effet le 21 septembre 2016 ne fait pas la preuve de la résiliation du contrat précédent ; qu'il a été conclu seulement pour une modification dans la flotte des véhicules assurés ; que l'argument de son assureur selon lequel il ne garantirait pas M. [K] [J] est dénué de pertinence car ce dernier n'a aucune responsabilité dans la réalisation de l'accident.

La Cpam, à qui la déclaration d'appel avait été signifiée le 7 février 2022 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 mars 2023.

MOTIFS

Sur la responsabilité de M. [G]

En vertu de l'ancien article 1147 du code civil applicable au contrat d'apprentissage pour la préparation du permis A (moto) conclu entre l'auto-école Daytona et Mme [R] le 26 avril 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'auto-école dispensant une leçon de conduite d'une moto est débitrice à l'égard de son élève d'une obligation de sécurité de moyens simple, dès lors que celui-ci a la possibilité de prendre les initiatives nécessaires pour assurer sa propre sécurité, le moniteur ne disposant pas d'une double commande pour intervenir dans la conduite. Il appartient à l'élève blessé de prouver une faute de l'auto-école.

En l'espèce, il est constant que l'accident s'est produit lors du premier cours de conduite de moto de Mme [R] le 10 septembre 2016 et en l'absence de son moniteur M. [G].

Si Mme [R] a pu effectuer plusieurs tours du circuit comme elle l'explique elle-même, de sorte qu'elle avait au moins reçu des explications sur le fonctionnement de la moto, elle était encore en début d'apprentissage et ne s'était pas encore familiarisée avec cet engin. Pour sa sécurité, la leçon aurait dû être suspendue jusqu'au retour de son moniteur qui a fait preuve d'imprudence en cessant sa surveillance et, par là même, ses conseils pour prévenir une chute du véhicule. Le manquement de M. [G] à son obligation de sécurité est caractérisé.

Pour s'exonérer, ce dernier justifie avoir demandé à M. [J], autre moniteur d'auto-école se trouvant sur le circuit, de surveiller Mme [R] le temps d'aller chercher un autre candidat.

Toutefois, l'étendue de cette surveillance temporaire ne pouvait être que très limitée, dès lors que M. [J] n'était pas le moniteur attitré de Mme [R]. D'ailleurs, celui-ci atteste qu'il a 'porté attention' à celle-ci. S'il existe toujours un aléa quant à la survenue d'un accident, celui-ci a été accru du fait de l'interruption de sa surveillance par M. [G]. M. [J] ne précise pas si ce dernier lui a indiqué que Mme [R] effectuait sa première leçon de conduite et les instructions de conduite qu'il lui avait dispensées avant son départ.

M. [G] invoque également pour se dédouaner une faute de Mme [R] dans le maniement de la moto et le manque de précaution de celle-ci.

M. [J] atteste qu'il a constaté la perte de contrôle, ainsi que la chute, de la candidate.

Cependant, le défaut de maîtrise de Mme [R], eu égard à son inexpérience dans l'exercice de la conduite d'une moto, a été la conséquence de la faute d'imprudence commise par M. [G]. Seule cette faute a été à l'origine du dommage qu'elle a subi.

M. [G] vante ses qualités professionnelles, son implication, et sa bienveillance, reconnues par le responsable du Bureau Education Routière dans un courrier du 6 février 2017.

Néanmoins, elles ne constituent pas la cause étrangère de nature à l'exonérer.

Sa responsabilité contractuelle est pleinement engagée à l'égard de Mme [R] dans l'accident du 10 septembre 2016 dont elle a été victime. Il sera tenu de l'indemniser de ses dommages. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur le montant des réparations

A- Les préjudices patrimoniaux

I - Les préjudices patrimoniaux temporaires

a) les dépenses de santé actuelles

- Sur les semelles orthopédiques

Mme [R] conclut à la confirmation du montant resté à charge et retenu par le tribunal.

M. [G] estime que ce solde est égal à 110,62 euros après remboursement par la Sécurité sociale.

Selon le relevé d'honoraires du 13 octobre 2017 de Mme Chevalier, orthopédiste-orthésiste, Mme [R] lui a versé 151 euros pour deux orthèses plantaires. La somme totale de 28,86 euros (14,43 euros par orthèse × 2) lui a été remboursée par la Sécurité sociale et par sa complémentaire santé Maaf.

Reste donc à sa charge la somme de 122,14 euros telle qu'arrêtée par le tribunal.

- Sur les consultations d'orthopédiste et d'ostéopathie

La somme de 30 euros retenue par le tribunal au titre des séances d'orthopédiste n'est pas contestée. N'est pas davantage discuté le rejet de la prétention au titre des séances d'ostéopathie.

- Sur les autres frais restés à charge

Mme [R] sollicite la confirmation du montant de 180,50 euros fixé par le tribunal au titre des frais de chambre lors de ses hospitalisations, de pansements, et de soins, restés à sa charge.

M. [G] fait valoir que le prix des flacons Bi-Oil doit être écarté car leur acquisition n'est pas justifiée, ni prévue, dans le rapport d'expertise et que le choix d'une chambre d'hôpital particulière résulte du seul souhait de Mme [R] et non d'une nécessité. En revanche, il est d'accord pour la prise en charge des frais de pansements de 18,50 euros.

La victime a droit au confort dont elle aurait disposé si l'accident n'était pas survenu. Mme [R] est donc légitime à se voir rembourser le surcoût exposé pour une chambre seule avec télévision lors de ses hospitalisation du 10 au 15 septembre 2016 de 102 euros et du 2 mai 2017 de 35 euros, soit la somme totale de 137 euros.

S'y ajoutent les frais justifiés de pansements de 18,50 euros. Les autres dépenses (doliprane et Bi-Oil) n'étant pas prescrites médicalement, elles seront écartées.

La somme de 155,50 euros sera retenue.

M. [G] sera en définitive condamné à verser à Mme [R] la somme de 307,64 euros au titre des dépenses de santé actuelles. Le montant retenu par le premier juge sera infirmé.

b) la perte de gains professionnels actuels

Mme [R] sollicite la confirmation du montant de 3 399,57 euros arrêté par le tribunal (perte de salaires entre mars et mai 2017 de 1808,98 euros + perte de primes pour 2016 et 2017 de 1 590,59 euros).

M. [G] soutient que Mme [R] ne justifie pas du montant de son salaire de mars 2017 à janvier 2018, alors qu'elle avait repris à mi-temps à compter de juin 2017, qu'elle ne peut pas davantage solliciter le paiement de primes au titre de 2016 et 2017 qui ne sont pas automatiques, sauf preuve contraire. Il conclut au rejet des demandes et, subsidiairement, indique que seule une perte de chance pourrait être envisagée.

La Sa Gan Assurances avance que la somme allouée par le tribunal est erronée ; que la perte nette de revenus de mars 2017 à janvier 2018 s'élève à 244,54 euros ; que ne peut être intégrée une perte de primes qui dépendent par nature et sauf preuve contraire du travail fourni et/ou des résultats de l'entreprise ; que Mme [R] ne les aurait pas nécessairement perçues en l'absence d'accident ; que, si elles s'avéraient automatiques, elles sont incluses dans le revenu antérieur pris en référence pour le calcul et donc déjà comptabilisées.

L'expert judiciaire précise que la période d'incapacité professionnelle de Mme [R] a duré du 10 septembre 2016 au 5 juin 2017 ; qu'à compter du 6 juin 2017, elle a repris son travail d'aide-soignante au centre hospitalier du [Localité 5] à 50 %, en raison des douleurs apparaissant lors des stations debout prolongées, jusqu'au 15 janvier 2018, date à laquelle elle est revenue à 80 % comme antérieurement à l'accident du 10 septembre 2016.

La perte de revenus se calcule en net et non en brut comme indiqué de manière erronée par le tribunal. Il ressort du bulletin de paie d'août 2016 de Mme [R] qu'elle a perçu un salaire net imposable de 1 447,93 euros selon son cumul annuel imposable de 11 583,41 euros au 31 août 2016.

Le versement de son salaire a été maintenu jusqu'en février 2017.

Elle justifie avoir perçu de mars à mai 2017 de son employeur un revenu net imposable de 2 150,26 euros au vu de ses bulletins de paie afférents et du Comité de Gestion des Oeuvres Sociales des Etablissements Hospitaliers Publics la somme de 1 249,30 euros, soit la somme totale de 3 399,56 euros.

Elle aurait dû percevoir la somme totale de 4 343,79 euros (1 447,93 euros × 3 mois) pendant cette période.

Sa perte de gains est donc égale à 944,23 euros (4 343,79 euros ' 3 399,56 euros).

S'agissant des primes, Mme [R] peut en réclamer le remboursement dès lors qu'elles constituent un revenu professionnel dont elle a été privée du fait de l'accident et qui n'étaient pas incluses dans son salaire de base (primes des dimanches et de service). Elle justifie qu'à ce titre elle n'a pas perçu la somme totale de 1 590,59 euros (756,84 euros du 10 septembre au 31 décembre 2016

+ 833,75 euros du 1er janvier au 31 décembre 2017) selon le certificat administratif du Groupe hospitalier du [Localité 5] du 3 avril 2018.

M. [G] sera condamné à verser à Mme [R] la somme totale de

2 534,82 euros. Le montant retenu par le tribunal sera infirmé.

c) les frais de tierce personne et de cantine scolaire

Mme [R] sollicite l'application d'un taux horaire moyen de 17 euros pour l'indemniser de l'assistance par une tierce personne de sa famille. Elle ajoute qu'elle a été contrainte de faire manger son fils à la cantine de l'école maternelle car elle n'a pas pu aller le chercher le midi et le raccompagner du 10 septembre 2016 au 7 juillet 2017. Elle sollicite la confirmation de l'indemnité totale de 7 717,50 euros allouée par le tribunal.

M. [G] considère que l'indemnité pour l'assistance par une tierce personne doit être calculée sur la base de 10 euros par heure, soit un total de 4 240 euros.

L'expert judiciaire a précisé que Mme [R] avait besoin d'une aide temporaire 3 heures par jour du 16 septembre 2016 au 11 janvier 2017, puis deux heures par jour du 12 janvier au 15 février 2017.

Le premier juge a fait une exacte appréciation de l'indemnisation des frais de tierce personne à la somme de 7 208 euros en retenant un taux de 17 euros par heure d'assistance. Le principe et le montant de l'indemnité de 509,50 euros allouée au titre des frais de cantine scolaire du fils de Mme [R] ne sont pas discutés.

Le montant total de 7 717,50 euros sera confirmé.

II - Les préjudices patrimoniaux permanents

a) les dépenses de santé futures

- Sur les semelles orthopédiques

Mme [R] conclut à la confirmation du capital de 7 813,76 euros accordé par le tribunal.

M. [G] estime que les frais échus pour 2018 et 2019 s'élèvent à 221,20 euros (110,60 euros × 2) et, les frais à échoir à titre viager à compter de 2020, à

4 353,53 euros (110,60 euros × 39,39).

L'expert judiciaire a indiqué qu'en raison du varus à droite, il y avait lieu de prendre en charge une paire d'orthèses plantaires chaque année à titre viager.

Le reste à charge annuel a été calculé ci-dessus à 122,14 euros.

Le capital est égal à 13 204,80 euros (coût initial de 122,14 euros + 122,14 euros tous les ans × 54,056 correspondant à l'euro de rente pour une femme âgée de 26 ans lors du premier renouvellement en 2019 selon le barème de capitalisation des rentes viagères publié par la Gazette du Palais le 15 septembre 2020 et basé sur un taux d'intérêt à 0,3 %).

Mme [R] ayant sollicité la confirmation de l'indemnité de 7 813,76 euros arrêtée par le tribunal et la cour d'appel ne pouvant pas statuer au-delà de cette demande, le montant de cette indemnité sera retenu.

- Sur les consultations d'orthopédiste

Mme [R] sollicite la confirmation du capital de 1 547,28 euros fixé par le tribunal.

M. [G] estime que les frais échus pour 2018 et 2019 s'élèvent à 60 euros

(30 euros × 2) et, les frais à échoir à titre viager à compter de 2020, à 1 181,70 euros (30 euros × 39,39).

Le reste à charge annuel de 30 euros n'est pas contesté.

Le capital est égal à 3 253,36 euros (coût initial de 30 euros + 30 euros tous les ans × 54,056).

Pour les mêmes motifs que ceux explicités ci-dessus, le montant de 1 547,28 euros sera maintenu.

Mme [R] sollicite la confirmation de la décision du tribunal ayant rejeté ses réclamations au titre des séances d'ostéopathie et des frais restant à sa charge au titre de l'achat de flacons Bi-Oil. M. [G] sera donc condamné à lui verser la somme totale de 9 361,04 euros en réparation de ses dépenses de santé futures. Ce montant sera confirmé.

b) l'incidence professionnelle

Mme [R] demande la confirmation de l'indemnité de 5 000 euros allouée par le tribunal. Elle explique qu'elle conserve un handicap certain car elle ne peut plus supporter les stations debout prolongées dans le cadre de son emploi, et donc des gardes trop longues, ce qui limitera ses choix professionnels ; que, du fait de l'accident, sa titularisation qui devait intervenir à partir du 1er octobre 2016 a été retardée pendant deux ans, ce qui a une incidence directe sur sa carrière et ses droits à la retraite.

M. [G] conclut au rejet de cette prétention, car l'incidence professionnelle a pout but d'indemniser une dévalorisation sur le marché du travail, et non pas l'incidence sur les droits à la retraite, et car le préjudice allégué n'est pas démontré.

Mme [R] fait état de la persistance de difficultés à rester debout de manière prolongée.

Toutefois, l'expert judiciaire n'a pas retenu ces difficultés, ni une inaptitude professionnelle, bien qu'au cours de son examen par celui-ci le 12 octobre 2018, Mme [R] s'est plainte de douleurs au niveau du bassin et du bas du dos et de douleurs du genou lors des stations debout prolongées et des changements de temps. Il a considéré que l'état de celle-ci n'avait pas eu d'impact sur sa vie et sa carrière professionnelles. Il a relevé l'absence de boîterie à la marche, l'existence d'un léger varus du membre inférieur droit, la possibilité de s'accroupir de manière incomplète et de s'agenouiller avec difficultés.

Mme [R] verse aux débats le compte-rendu du 28 septembre 2018 de Mme [Z], ostéopathe consultée pour des douleurs dorsales, selon laquelle l'examen ostéopathique révèle une perte de mobilité de l'articulation lombo sacrée L5-S1 à droite créant un déséquilibre du bassin, une restriction de mobilité des zones charnières de la colonne vertébrale, et des tensions musculaires qui, associées à ces dysfonctionnements articulaires, peuvent expliquer les douleurs. Mme [Z] évoque des mécanismes de compensation.

Ces constatations faites uniquement par un ostéopathe ne sont corroborées par aucun élément médical et ne permettent pas de remettre en cause les conclusions contemporaines de l'expert judiciaire.

Mme [R] ne démontre pas qu'elle a été contrainte de quitter le service qu'elle occupait plusieurs années avant l'accident pour une raison médicale, ni qu'elle subit une dévalorisation professionnelle et/ou sociale, ou qu'elle y sera confrontée de manière certaine dans l'avenir.

Par ailleurs, si Mme [R] justifie que sa titularisation devait prendre effet le 1er octobre 2016 et qu'elle n'est survenue que le 1er décembre 2017, elle ne prouve pas que ce retard est imputable à l'accident du 10 septembre 2016. Aucun élément, émanant notamment de la direction des ressources humaines du centre hospitalier du [Localité 5], n'est produit pour corroborer son affirmation contraire. Au surplus, un tel retard, ayant trait à la période précédant la consolidation, relevait de la discussion sur les pertes de gains professionnels actuels.

Enfin, la perte ou la limitation de droits à la retraite n'est réparée que dans le cadre de l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs et non pas dans le cadre de l'incidence professionnelle, contrairement à ce qu'indique le tribunal. Mme [R] n'a pas formulé de prétention à ce titre, ni, au surplus, produit de pièces justificatives, notamment, chiffrées.

Dès lors, la preuve d'une incidence professionnelle imputable à l'accident n'étant pas apportée, Mme [R] sera déboutée de sa réclamation. Le jugement du tribunal l'ayant accueillie sera infirmé.

B- Les préjudices extrapatrimoniaux

I - Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

a) le déficit fonctionnel temporaire

Mme [R] sollicite la confirmation de l'indemnité de 3 478,75 euros calculée par le premier juge sur la base d'un montant de 25 euros par jour.

M. [G] demande que ce préjudice soit indemnisé sur la base de 23 euros par jour, soit la somme totale de 2 586,36 euros.

Les périodes et les proportions du déficit fonctionnel temporaire déterminées par l'expert judiciaire ne sont pas discutées. Seul l'est le montant journalier de l'indemnisation.

Le premier juge a fait une juste appréciation de la réparation de la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante subie par Mme [R]. Le montant de 3 478,75 euros qu'il a retenu sera confirmé.

b) les souffrances endurées

Mme [R] sollicite la confirmation de l'indemnité de 7 000 euros allouée en première instance.

M. [G] demande la minoration de celle-ci à une somme au plus de 4 500 euros au motif que le montant de 7 000 euros est très supérieur à ceux habituellement attribuées pour un tel préjudice quantifié à 3,5/7.

L'expert judiciaire a retenu ce taux au vu des souffrances physiques, morales, et psychologiques de Mme [R].

Le premier juge a fait une exacte appréciation de l'indemnisation de ce dommage. Le montant de 7 000 euros sera confirmé.

c) le préjudice esthétique temporaire

Mme [R] demande la confirmation de l'indemnité de 3 000 euros allouée en première instance.

M. [G] demande la minoration de celle-ci à la somme au plus de 500 euros en application de la jurisprudence actuelle.

L'expert judiciaire a quantifié ce préjudice à 2/7 eu égard à la présence du fixateur externe du 10 septembre 2016 au 2 mai 2017.

Le tribunal a fait une exacte appréciation de l'importance de ce préjudice au vu des photographies versées aux débats que Mme [R], qui n'était âgée que de 24 ans, a dû supporter pendant presque huit mois. Le montant de 3 000 euros sera confirmé.

II - Les préjudices extrapatrimoniaux permanents

a) le déficit fonctionnel permanent

Mme [R] sollicite la confirmation de l'indemnité de 7 840 euros allouée par le tribunal.

M. [G] demande la diminution de celle-ci à une somme qui ne saurait être supérieure à 5 000 euros.

L'expert judiciaire a chiffré ce dommage à 4 % en prenant en compte la difficulté à faire certains gestes (accroupissement et agenouillement) et l'aspect psychologique.

Eu égard à ce taux et à l'âge de Mme [R] à la date de la consolidation (25 ans), la somme de 7 840 euros arrêtée par le tribunal sera confirmée.

b) le préjudice esthétique permanent

Mme [R] sollicite la confirmation de l'indemnité de 2 000 euros accordée par le premier juge.

M. [G] offre la somme maximum de 1 000 euros.

L'expert judiciaire a évalué ce préjudice à 1,5/7 en raison des six cicatrices générées par les fiches du fixateur et d'une cicatrice de l'ouverture traumatique.

Le premier juge a fait une exacte appréciation de l'indemnisation de ce préjudice. La somme de 2 000 euros sera confirmée.

Sur la garantie de la Sa Gan Assurances

Selon l'article L.113-3 alinéas 2 et 3 du code des assurances dans sa version applicable au présent litige, à défaut de paiement d'une prime, ou d'une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l'assureur de poursuivre l'exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l'assuré. Au cas où la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d'une des fractions de prime, produit ses effets jusqu'à l'expiration de la période annuelle considérée. La prime ou fraction de prime est portable dans tous les cas, après la mise en demeure de l'assuré.

L'assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l'expiration du délai de trente jours mentionné au deuxième alinéa du présent article.

L'article R.113-1 du même code précise que la mise en demeure prévue au deuxième alinéa de l'article L.113-3 résulte de l'envoi d'une lettre recommandée, adressée à l'assuré, ou à la personne chargée du paiement des primes, à leur dernier domicile connu de l'assureur.

La mise en demeure peut ainsi être effectuée à l'aide d'une lettre recommandée sans avis de réception. Elle produit des effets de droit par son seul envoi et non par sa réception. L'assureur peut y notifier son intention de résilier le contrat, dès lors que cette notification ne prête à aucune équivoque.

En l'espèce, l'auto-école Daytona a souscrit auprès de la Sa Gan Assurances :

- un contrat Assurecole assurant les véhicules terrestres à moteur n°041.564.238 le 28 décembre 2004 avec prise d'effet le 17 novembre 2004,

- un contrat d'assurance Omnipro n°051737063 le 3 octobre 2005 avec prise d'effet le 8 octobre 2005.

La Sa Gan Assurances justifie que, s'agissant du contrat n°041.564.238, elle a adressé à son assurée 'une MISE EN DEMEURE pour NON PAIEMENT' depuis le 25 mars 2016 jusqu'au 24 juin 2016 par le biais d'une lettre recommandée n°2D 028 888 5675 5. Cette référence chiffrée, ainsi que le nom de son destinataire 'AUTO ECOLE DAYTONA' et son adresse, figurent sur le descriptif des plis-lettres recommandées sans AR déposés pour le compte de la Sa Gan Assurances par Orsid au bureau de poste de [Localité 7] (92) le 9 mai 2016 selon cachet postal.

Cette lettre indiquait notamment que le défaut de règlement dans les 30 jours qui suivaient l'envoi de cette mise en demeure provoquerait la suspension des garanties du contrat et, 10 jours plus tard, sa résiliation.

La garantie a été maintenue pendant une durée de trente jours suivant l'envoi de cette lettre recommandée, soit jusqu'au 8 juin 2016, en application des règles de computation des délais prévues par les articles 640 et suivants du code de procédure civile.

Le contrat a été résilié 10 jours plus tard, soit le 18 juin 2016, conformément à la volonté manifestée en ce sens par la Sa Gan Assurances dans la mise en demeure et dans la fiche interne de la gestion du contrat de l'auto-école Daytona et rappelée à celle-ci par courriel de l'agent d'assurance du 4 juillet 2016.

M. [G] justifie, au moyen des relevés de son compte bancaire au Crédit du Nord, avoir réglé à la Sa Gan Assurances la somme de 4 988,90 euros par virement du 14 septembre 2016, correspondant aux échéances trimestrielles du 7 mars au 7 décembre 2016 détaillées dans le relevé de compte du 28 janvier 2016.

La Sa Gan Assurances a encaissé sans réserve ce paiement à la fois des arriérés des échéances, mais aussi des échéances non échues du contrat. Elle a aussi accepté de contracter une nouvelle police d'assurance Assurecole avec l'auto-école Daytona à compter du 21 septembre 2016, visant expressément le contrat n°041.564.238 en ces termes dans le paragraphe 4 'Antécédents en matière de sinistres', et ne faisant aucune allusion à une résiliation de celui-ci : 'Le Souscripteur déclare être assuré auprès de Gan par contrat n° 041564238 pour la couverture d'un risque faisant l'objet d'une garantie souscrite dans le présent projet.'.

Par ces actes dénués d'ambiguïté, la Sa Gan Assurances a manifesté sa volonté implicite et non équivoque de renoncer à la résiliation antérieure du contrat n°041.564.238.

En application des garanties Responsabilité civile automobile et Accident corporel du conducteur et sans qu'il soit besoin d'examiner les conditions d'application du contrat d'assurance Omnipro, la Sa Gan Assurances sera condamnée à garantir M. [G] de toutes les condamnations prononcées contre lui. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Partie perdante, la Sa Gan Assurances sera condamnée aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Il n'est pas inéquitable de la condamner également à payer à l'avocat de Mme [R] la somme de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés pour cette procédure d'appel, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, à payer à Mme [W] [R], les sommes suivantes :

. dépenses de santé actuelles : 332,64 euros,

. perte de gains professionnels actuels : 3 399,57 euros,

. incidence professionnelle : 5 000 euros,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [I] [G], exerçant sous l'enseigne commerciale Daytona, à payer à Mme [W] [R] les sommes suivantes :

. dépenses de santé actuelles : 307,64 euros,

. perte de gains professionnels actuels : 2 534,82 euros,

Déboute Mme [W] [R] de sa demande indemnitaire au titre de l'incidence professionnelle,

Condamne la Sa Gan Assurances à payer à Me Valérie Adoniu, membre de la Selarl Adoniu Routel, de Mme [W] [R] la somme de 4 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sa Gan Assurances aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Gray Scolan et de la Selarl Kreizel Virelizier, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile, et qui seront recouvrés selon les textes applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 22/00076
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;22.00076 ?
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