N° RG 22/02145 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JDT5
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 24 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/01691
Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen du 7 juin 2022
APPELANTES :
Sas BOIS ET MATERIAUX
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen
et assistée par Me Annelise VAURS, avocat au barreau de Paris plaidant par Me Charlotte MASSON
Compagnie d'assurance ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen
et assistée par Me Annelise VAURS, avocat au barreau de Paris plaidant par Me Charlotte MASSON
INTIMEES :
Sasu COBEIMA
RCS de Rouen 344 947 072
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Laure VALLET, avocat au barreau de Rouen
Samcv SMABTP - SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
RCS de Paris 775 684 764
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Laure VALLET, avocat au barreau de Rouen
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 8 mars 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 8 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
En 2009, l'Oph Alcéane, bailleur social et maître d'ouvrage assuré par la Smabtp au titre d'une police dommages-ouvrage, a réhabilité plusieurs logements au Havre.
Sont intervenus à l'opération :
- le cabinet Amoyal en qualité de maître d''uvre,
- la Sas Cobeima, titulaire du lot n°8 bardage, assurée par la Smabtp au titre de la responsabilité civile décennale.
La réception a été prononcée le 21 juin 2011 pour le bâtiment A et le 28 juin 2011 pour les bâtiments B, C, D et E.
Le maître de l'ouvrage a constaté, courant 2013, que plusieurs panneaux de bardage devenaient instables et, à l'occasion d'une intervention, la Sas Cobeima a relevé que les chevrons de support de ces panneaux étaient fortement dégradés.
La Sas Cobeima et l'Oph Alcéane ont déclaré le sinistre à la Smabtp qui a diligenté une expertise amiable. L'expert désigné a conclu, le 8 avril 2018, à un défaut de traitement des chevrons en bois.
Par exploits d'huissier des 20 et 25 mai 2020, la Sas Cobeima et la Smabtp ont fait citer la Sas Bois et matériaux et son assureur, la société Zurich insurance public limited company, en paiement de la somme de 404 788,62 euros, sur le fondement de l'article 1648 du code civil, expliquant que cette société avait fourni les chevrons pour le lot bardage.
Le 1er décembre 2021, la Smabtp a payé à l'Oph Alcéane, maître de l'ouvrage, la somme de 412 264,25 euros TTC.
Par ordonnance du 7 juin 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- débouté la Sas Bois et Matériaux et son assurance Zurich insurance des fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité, d'intérêt à agir ainsi que de la prescription ;
- déclaré recevable l'action engagée par la Sas Cobeima et son assurance la Smabtp ;
- condamné in solidum la Sas Bois et matériaux et son assurance, Zurich insurance, à verser à la Sas Cobeima et la Smabtp la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties.
- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 18 octobre 2022.
Par déclaration reçue au greffe le 27 juin 2022, la Sas Bois et matériaux et Zurich insurance ont interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 février 2023, la Sas Bois et matériaux et la compagnie Zurich insurance public limited company demandent à la cour, au visa des articles 31, 122, 126 du code de procédure civile, L.121-12 du code des assurances, 1346 et 1348 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, d'infirmer l'ordonnance dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
- juger que la Smabtp, agissant en qualité d'assureur dommages-ouvrage, ne justifie d'aucun intérêt à agir né et actuel au titre des réclamations dirigées à l'encontre de la société Bois et matériaux et de la société Zurich insurance ;
- juger que la Sas Cobeima et la Smabtp, son assureur, ne justifient pas d'une subrogation régulière dans les droits de la Smabtp, assureur dommages-ouvrage, pas plus que dans les droits de l'Oph Alcéane et ne justifient ainsi d'aucun intérêt ni qualité à agir au titre des réclamations formulées ;
- juger prescrite toute demande dirigée à leur encontre sur le fondement de l'action en non-conformité contractuelle compte tenu de l'acquisition du délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce ;
- juger forcloses et prescrites l'action et les demandes dirigées contre la société Bois et matériaux et la société Zurich insurance sur le fondement de la garantie des vices cachés compte tenu de l'acquisition des délais de forclusion et de prescription respectivement prévus par les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;
en conséquence,
- déclarer irrecevables l'action et les demandes formées à leur encontre par la Sas Cobeima et la Smabtp, agissant en qualité d'assureur responsabilité civile décennale ; - déclarer irrecevables l'action et les demandes formées à leur encontre par la Smabtp agissant en qualité d'assureur dommages-ouvrage ;
- débouter la Sas Cobeima, la Smabtp, agissant en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la Sas Cobeima et la Smabtp agissant en qualité d'assureur dommages-ouvrage de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Bois et matériaux et de la société Zurich insurance ;
- mettre hors de cause la société Bois et matériaux et la société Zurich insurance ;
- débouter la Sas Cobeima et la Smabtp de toutes demandes dirigées à l'encontre de la Sas Bois et matériaux et de la société Zurich insurance ;
- condamner in solidum la Sas Cobeima et la Smabtp à leur payer une somme de
8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum la Sas Cobeima et la Smabtp aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Céline Bart, Selarl Bourdon Bart associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elles soutiennent en substance ce qui suit :
- l'extinction de l'action du maître d'ouvrage à l'encontre des constructeurs empêche toute subrogation au profit de l'assureur dommages-ouvrage ;
- la prescription opposable au subrogeant est opposable à celui qui se prétend subrogé et le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant ;
- le paiement subrogatoire n'a pas été effectué en exécution de la police, puisque les travaux litigieux ne faisaient alors pas partie du périmètre des garanties souscrites par la Sas Cobeima auprès de la Smabtp et celle-ci aurait donc dû refuser de mobiliser ses garanties ;
- la Sas Cobeima n'était pas assurée pour les travaux litigieux à la date de la déclaration d'ouverture du chantier ;
- la Smabtp, prise en sa qualité d'assureur RCD de la Sas Cobeima, a donc bien procédé à une indemnisation 'hors contrat' ;
- la Smabtp, assureur dommages-ouvrage, n'a pas expressément subrogé la Smabtp, assureur RCD, de la Sas Cobeima dans ses droits ;
- la Smabtp ne justifie pas du caractère mobilisable des garanties souscrites au titre de la police dommages-ouvrage à hauteur des montants réclamés ;
- aucune action n'a jamais été introduite par le maître d'ouvrage à l'encontre de la Sas Cobeima et de son assureur, pas plus que par l'assureur dommages-ouvrage à l'encontre de ces deux entités ;
- l'action en non-conformité contractuelle est soumise au délai de prescription de droit commun prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce ;
- l'action en garantie des vices cachés entre commerçants, qui doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce, qui court à compter de la vente initiale ;
- l'action en garantie des vices cachés invoquée par les intimées est également forclose, puisqu'elle a été introduite plus de deux ans après la découverte du vice allégué. La date de réception du rapport amiable constitue le point de départ de ce délai.
Par dernières conclusions notifiées le 27 février 2023, la Smabtp et la Sas Cobeima demandent à la cour, au visa de l'article 1648 du code civil, de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, en ce qu'elle a :
. débouté la Sas Bois et matériaux et son assureur Zurich insurance de leurs moyens tirés du défaut de qualité et intérêt à agir ainsi que de la prescription ;
. déclaré recevable l'action engagée par la Sas Cobeima et son assureur la Smabtp ;
. condamné in solidum la Sas Bois et matériaux et son assureur Zurich insurance à verser à la Sas Cobeima et son assureur la Smabtp la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
en conséquence,
- juger que la Sas Cobeima et la Smabtp ont qualité et intérêt à agir contre la Sas Bois et matériaux et son assureur, Zurich insurance ;
- juger que l'action de la Sas Cobeima et de son assureur la Smabtp n'est ni prescrite, ni forclose ;
- rejeter les demandes de la Sas Bois et matériaux et de son assureur Zurich insurance en toutes ses dispositions ;
- condamner in solidum la Sas Bois et matériaux et son assureur Zurich insurance à payer à la Sas Cobeima et la Smabtp la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel ;
- condamner solidairement la Sas Bois et matériaux et son assureur la compagnie Zurich insurance au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Gray Scolan, pour ceux la concernant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elles soutiennent en substance ce qui suit :
- la question de la subrogation s'apprécie au moment où le juge du fond statue ;
- l'action engagée par l'assureur avant l'expiration du délai de forclusion décennale est recevable, bien qu'il n'ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu'il a payé l'indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n'ait statué :
- l'indemnité versée par la Smabtp en sa qualité d'assureur RCD de la Sas Cobeima est bien intervenue en exécution du contrat d'assurance ;
- l'ouvrage réalisé répond à la définition de l'activité 3811 visée par la police, s'agissant de parois en bardages simples sans mixité de matériaux sur des bâtiments de forme simple ;
- les conditions de la subrogation légale prévues par l'article L. 121-12 du code des assurances sont bien remplies ;
- le délai dont dispose l'entrepreneur pour agir en garantie des vices cachés à l'encontre du fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui, le délai décennal de l'article L. 110-4 du code de commerce étant suspendu jusqu'à ce que sa responsabilité ait été recherchée par le maître de l'ouvrage ;
- le point de départ du bref délai de l'action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés doit être fixé à la date à laquelle l'assureur dommages-ouvrage exerce son recours contre le locateur d'ouvrage incriminée, ou en l'absence d'assignation, la date à laquelle le paiement d'une somme d'argent lui est réclamée ;
- le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce courant à compter de la vente est suspendu jusqu'à ce que la responsabilité du constructeur soit engagée par le maître de l'ouvrage.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2023.
MOTIFS
Sur la qualité à agir de la Smabtp
- Sur la subrogation de la Smabtp, assureur dommages-ouvrage
Afin de se prévaloir de la subrogation légale régie par l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur doit rapporter la preuve de la réalité du paiement, mais également du fait que ce paiement a été effectué en application de la police.
La réalité du paiement effectué par la Smabpt, assureur dommages-ouvrage, à l'Oph Alcéane, n'est pas contestée.
La Smabtp verse copie de 'l'acceptation d'indemnité définitive' signée par le maître d'ouvrage le 14 octobre 2021 dans laquelle ce dernier déclare accepter l'indemnité de 412 264 euros au titre des travaux de réparations, outre les sommes de
19 281,94 euros et de 43 242,19 euros déjà réglées au titre des mesures conservatoires et d'expertise. Elle verse également, en pièce 13, la copie d'un courrier qu'elle a rédigé afin d'avertir l'Oph Alcéane de la mise en paiement de la somme de
412 264,25 euros.
Les appelants soutiennent que la subrogation serait inefficace dès lors que le paiement est intervenu au titre de la garantie décennale après l'expiration du délai de 10 ans, qui a commencé à courir à la réception les 21 et 28 juin 2011, alors qu'aucun acte interruptif de forclusion n'avait été délivré dans ce délai par le maître de l'ouvrage.
Les paiements effectués par la Smabtp à l'Oph Alcéane en qualité d'assureur dommages ouvrages sont intervenus après l'expiration du délai de forclusion, soit le 9 décembre 2021 pour une réception intervenue au mois de juin 2011. Toutefois, l'assureur qui a payé l'indemnité contractuellement due à son assuré est légalement subrogé dans les droits de ce dernier, peu important que ce paiement intervienne alors que l'action de l'assuré était éteinte.
L'effectivité de la subrogation légale est conditionnée à la démonstration de paiements effectués en exécution de la police.
La police dommages-ouvrages n° 204690K à effet au 8 mars 2010 est versée en pièce n° 10 par la Smabtp. Il s'agit de la police que vise l'Oph Alcéane dans sa déclaration de sinistre. Il est donc établi que les paiements intervenus au profit de l'Oph Alcéane à hauteur de 474 788,38 euros (412 264, 25 + 19 281, 94 euros + 43 242,19) l'ont été en exécution de cette police.
La Smabtp est donc subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage par l'effet de ce paiement.
- Sur la subrogation de la Smabtp, assureur RCD de la Sas Cobeima
Les parties débattent par ailleurs de la question de savoir si la Smabtp, assureur RCD de la Sas Cobeima, est légalement subrogée dans les droits de cette dernière au titre du virement de 477 817,93 euros mentionné dans un courrier adressé à son assuré le 9 décembre 2021 qu'elle s'est adressée à elle-même en qualité d'assureur dommages ouvrages, documenté par un relevé HSBC du jour suivant.
Ce virement vaut bien paiement, ce qui n'est pas contesté, puisque la Smabtp, venant aux droits de la Sas Cobeima, s'est désintéressée en ce qu'elle vient aux droits de l'Oph Alcéane.
La Smabtp verse une police RCD CAP 2000 souscrite par Cobeima le 26 avril 1999 qui couvre les activités '.... murs rideaux et façades industrielles ' dans la limite des définitions de qualification Qualibat ou Qualifelec correspondant notamment aux numéros 3811 et dont la définition est la suivante : 'paroi en bardage simple technicité courante. Fourniture et pose de tous types de parois en bardages simples sans mixité des matériaux y compris calepinage d'éléments façonnés sur des bâtiments de forme simple'.
Cette police était bien en vigueur lors de l'exécution des travaux.
Les appelants soutiennent qu'en l'espèce la pose des bardages, au regard de leur technicité, relèverait de la nomenclature 3813 'fourniture et pose de bardage complexe', car plusieurs matériaux ont été utilisés (panneaux type Trespa, isolant et bois) et que la Sas Cobeima a réalisé les études préalables à la pose.
La Sas Cobeima et la Smabtp répliquent que les bardages posés sont simples, comprennent une ossature bois, une isolation thermique et un panneau et que les bâtiments présentent une forme octogonale ou rectiligne classique.
Il n'est pas démontré, au vu des pièces du dossier, et notamment des photographies en page 9 des conclusions signifiées par les intimées, que les parois de bardages seraient elle-même composées de matériaux mixtes, sachant que, quant à lui, le complexe d'isolation que le bardage recouvre l'est toujours nécessairement. Les bâtiments sont de forme classique.
La police RCD couvrait donc bien l'activité réalisée.
La Smabtp est donc subrogée ès qualités d'assureur RCD, dans le droits de son assurée la Sas Cobeima.
Cette dernière n'est plus titulaire de ses recours puisqu'elle les a transmises à son assureur. Elle n'a donc pas qualité à agir contre les appelants.
Sur la prescription de l'action directe en non-conformité et la forclusion des demandes fondées sur le vice caché
L'action exercée par la Smabtp, assureur de la Sas Cobeima contre la Sas Bois et matériaux, est régie par le délai quinquennal de l'article L. 110-4 du code de commerce, dont le point de départ est la livraison des matériaux.
En l'espèce, la livraison des éléments litigieux, que la Sas Bois et matériaux conteste, est nécessairement antérieure à la réception, intervenue en 2011, et même aux factures alléguées des 25 février, 30 mars, 29 avril, 28 mai, 24 juin et 29 septembre 2010.
La prescription de cette action est acquise, ce que les intimés ne contestent pas d'ailleurs, puisqu'ils font essentiellement plaider que leurs demandes sont fondées sur le vice caché et ne sont, quant à elles, pas prescrites.
Ils se réfèrent ici à la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, et soutiennent que, sur le fondement du vice caché, le bref délai de l'action récursoire dont dispose l'entrepreneur contre son fournisseur court à compter du jour où il a été assigné, ou, en l'absence d'assignation, du jour où le paiement lui est réclamé, car le délai de l'article L.110-4 du code de commerce est suspendu avant que l'entrepreneur ne soit lui-même mis en cause.
L'action de la Sas Cobeima et la Smabtp contre la Sas Bois et matériaux et son assureur, initiées selon assignations des 20 et 25 mai 2020 ne serait pas forclose, en outre, puisque le délai de forclusion de droit commun n'aurait commencé à courir qu'à la date du dépôt du rapport définitif de l'expert commun le 8 avril 2018, sous bénéfice de la prorogation de deux mois découlant de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.
Les appelants répliquent que, selon la jurisprudence de la première chambre civile et de la chambre commerciale de la Cour de cassation, l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai de forclusion biennal de l'article 1648 du code civil, mais également par le délai butoir de l'article L. 110-4 du code de commerce qui court à compter de la vente initiale. Ils remarquent qu'en l'espèce, l'assureur RCD a accepté d'indemniser l'assuré au-delà du délai décennal, alors qu'aucune action n'a jamais été introduite contre son assurée dans ce délai.
Ils soulignent en outre que le délai biennal est également éteint, puisque le rapport du FCBA évoquant l'insuffisance de traitement des chevrons a été établi le 4 mai 2017 et que le cabinet [K] concluait de façon très claire, dès le 15 juin 2017, que ces éléments étaient en cause.
Le délai de l'article 1648 du code civil court à compter de la découverte du vice, soit de sa connaissance certaine.
Les 15 juin et 25 juillet 2017, l'expert [K], diligenté par la Smabpt elle-même, contradictoirement à l'égard de la Sas Cobeima, a fait très clairement le lien entre 'la qualité du traitement' des chevrons 'et la dégradation du bois'. Il expliquait qu'en l'absence de défaut de mise en oeuvre, 'le traitement du bois constituait la variable en relation exclusive avec la dégradation du matériaux', et 'la cause exclusive des désordres résidait donc dans l'absence et/ou le défaut de traitement des bois, non conforme à la classe requise'.
La Sas Cobeima et son assureur avait bien connaissance, dès cette date, de l'origine du vice, les conclusions étant catégoriques et l'expertise technique approfondie et totalement aboutie. Le délai a donc commencé à courir le 25 juillet 2017 au plus tard. Si le juge a estimé que le point de départ du délai devait être reporté à la date du 9 avril 2018, date de remise du 'Rapport définitif n° 6' par [K], cette note de 4 pages ne contient en réalité aucun élément technique sur l'origine des désordres, mais son seul objet est de fixer le coût des réparations et le montant des recours.
Dès lors que les assignations ont été délivrées en mai 2020, le recours est forclos.
La Sas Cobeima et la Smabtp, ès qualités d'assureur RCD, ne peuvent se prévaloir, en l'espèce, des règles dégagées par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en matière de recours récursoire puisque, précisément, elles n'exercent pas une action récursoire après avoir été assignées, mais elles agissent directement, au titre d'une subrogation liée à des paiements effectués que l'assureur s'est effectivement spontanément à lui même, en sa double qualité, après l'expiration du délai décennal.
La Smabtp est donc forclose.
La décision sera donc infirmée en ce que le moyen, improprement qualifié de prescription, a été rejeté.
Sur les frais de procédure
La Sas Cobeima et la Smabtp seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Céline Bart de la Selarl Bourdon Bart, et la Selarl Gray Scolan outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable pour défaut de qualité à agir la Sas Cobeima ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité à agir de la Smabtp ;
Déclare prescrites les demandes formées par la Smabtp contre la Sas Bois et matériaux et Zurich insurance public limited company sur le fondement de la non-conformité ;
Déclare forcloses les demandes formées par la Smabtp contre la Sas Bois et matériaux et Zurich insurance public limited company sur le fondement du vice caché ;
Condamne in solidum la Sas Cobeima et la Smabtp à payer à la Sas Bois et matériaux et Zurich insurance public limited company la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la Sas Cobeima et la Smabtp in solidum aux dépens, dont distraction au bénéfice de Me Céline Bart de la Selarl Bourdon Bart et la Selarl Gray Scolan.
Le greffier, La présidente de chambre,