N° RG 24/03066 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JX4K
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 28 AOUT 2024
Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Mme DEVELET, Greffier ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté d'expulsion en date du 03 juillet 2024 par le PRÉFET DE [Localité 3] à l'égard de M. [R] [S], né le 24 Juin 1995 à [Localité 1] (CENTRAFRIQUE), de nationalité Centrafricaine ;
Vu l'arrêté du PRÉFET DE [Localité 2]EURE en date du 22 août 2024 de placement en rétention administrative de M. [R] [S] ayant pris effet le 22 aout 2024 à 10h00 ;
Vu la requête du PREFET DE [Localité 3] tendant à voir prolonger pour une durée de vingt-six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [R] [S] ;
Vu l'ordonnance rendue le 26 Août 2024 à 15h45 par Juge des libertés et de la détention de [Localité 5], déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [R] [S] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté et disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative le concernant;
Vu l'appel interjeté le 26 août 2024 à 18h32 par M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de ROUEN, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 18h51, régulièrement notifié aux parties ;
Vu l'ordonnance du 27 aout 2024 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 26 Août 2024 par le juge des libertés et de la détention de [Localité 5] à l'égard de M. [R] [S] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 4],
- à l'intéressé,
- au Préfet de l'Eure
- à Mme Véronique PARAISO, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 4];
Vu la demande de comparution présentée par M. [R] [S] ;
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en présence de , qui a prêté serment - expert assermenté, en l'absence du PREFET DE L'EURE et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [R] [S] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 4] ;
Mme Véronique PARAISO, avocat au barreau de ROUEN, étant présente au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
M. [R] [S] et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [R] [S] a été placé en rétention administrative le 22 août 2024, à sa levée d'écrou.
Saisi d'une requête du préfet de l'Eure en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [R] [S] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 26 août 2024, déclaré irrégulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de l'intéressé et a ordonné sa mise en liberté.
Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen a formé appel de cette ordonnance avec demande d'effet suspensif.
Suite à cet appel suspensif du procureur de la République, une ordonnance a été rendue par le magistrat délégué pour remplacer le premier président le 27 août 2024, laquelle a ordonné le sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public.
Au fond, le procureur de la République soutient que M. [R] [S] présente un risque de menace grave à l'ordre public, l'analyse de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de déduire que les éléments constitutifs de la menace à l'ordre public n'ont pas à être apparus au cours des quinze derniers jours de la rétention dans l'hypothèse d'une troisième ou quatrième prolongation et qu'il suffit que ces éléments génèrent des effets persistants, qu'une telle menace est en l'espèce caractérisée, l'intéressé ayant démontré sa propension à commettre des actes délictueux.
A l'audience, le conseil de M. [R] [S] demande la confirmation de la décision en ce qu'elle a retenu l'absence de menace grave à l'ordre public, expliquant que si l'intéressé a fait l'objet d'une lourde condamnation, les faits ont été commis alors qu'il était très jeune, qu'ils sont donc anciens, que la situation a évolué, qu'au cours de son incarcération s'est investie de façon positive, travaillant, suivant une formation, et ayant passé un diplôme, manifestant sa volonté de prendre un nouveau départ, qu'il est par ailleurs soutenu par sa famille et notamment par sa mère, la commission d'expulsion ayant souligné les liens étroits l'unissant à celle-ci, il ne constitue pas une menace actuelle à l'ordre public contrairement aux affirmations de la préfecture.
Il maintient les moyens présentés devant le premier juge tenant à l'insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative liée à la possibilité d'assignation à résidence, au caractère disproportionné de la mesure de rétention, aux conséquences négatives sur l'étranger en cas d'éloignement effectif en termes d'atteinte à son droit à la vie privée et quant au risque pour sa vie. Il conclut également à l'insuffisance des diligences consulaires pendant sa détention.
M. [R] [S] a été entendu en ses observations.
Le préfet de l'Eure n'a pas comparu, ni ne s'est fait représenter et n'a par ailleurs formulé aucune observation.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 27 août 2024, sollicite l'infirmation de la décision.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Il résulte des énonciations qui précèdent que l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de ce tribunal en date du 26 Août 2024 est recevable.
Sur le fond
Aux termes de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
Aux termes des articles L. 731-1 et L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L. 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.
Aux fins de motiver sa décision, le préfet par son arrêté de placement en rétention retient que M. [R] [S] ne présente aucune garantie de représentation effective et que son comportement constitue une menace à l'ordre public.
Après avoir relevé que l'arrêté de placement en rétention reprenait les éléments de la situation personnelle et administrative de M. [R] [S], qu'il réside en France depuis l'âge de quatre ans ayant toujours été hébergé au domicile de sa mère, et qu'il justifie de liens étroits avec celle-ci, qui lui a régulièrement rendu visite lors de son incarcération et le soutient financièrement, ces éléments ayant été mis en évidence par la commission d'expulsion, et également que le préfet retenait qu'avant d'être incarcéré, l'intéressé n'avait jamais travaillé, alors qu'il était tout juste âgé de 19 ans, le premier juge a justement pu considérer que le préfet n'était pas fondé à soutenir une absence de garanties de représentation.
En outre, relativement à la menace grave à l'ordre public, le casier judiciaire de M. [R] [S] mentionne une condamnation à une peine d'un mois avec sursis le 16 avril 2015 pour infraction à la législation des stupéfiants, faits commis en 2012 et une condamnation par la cour d'assises de la Seine-et-Marne le 21 avril 2017 pour des faits de tentative de viol avec torture ou actes de barbarie, torture ou actes de barbarie en réunion arrestation enlèvement séquestration ou détention arbitraire de personnes suivies de libération avant le septième jour, vol en réunion et menace de mort réitérée, faits commis en septembre 2014, pour lesquels une lourde peine a été prononcée.
M. [R] [S] n'a pas fait l'objet d'autres sanctions pénales et justifie avoir positivement évolué. Au regard des éléments soumis à la cour, la préfecture n'établit pas qu'il constitue une menace grave actuelle et persistante à l'ordre public, procédant par affirmation, alors qu'il lui incombe de rapporter la preuve d'une telle menace ne permettant pas d'envisager une mesure autre que la rétention administrative, la production du dossier disciplinaire de l'intéressé qui mentionne des faits de 2015 à 2022, sans plus de précision sur leur nature et sur les sanctions infligées, étant insuffisant à vade de de deloir preuve.
La cour confirmera l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que la préfecture avait commis une erreur d'appréciation et qu'elle a remis en liberté M. [R] [S].
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par le procureur de la République de [Localité 5] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26 Août 2024 par Juge des libertés et de la détention de [Localité 5], déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [R] [S] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté, et disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative le concernant,
Confirme l'ordonnance entreprise,
Rappelle à M. [R] [S] qu'il fait l'objet d'un arrêté portant expulsion du territoire français.
Fait à [Localité 5], le 28 Août 2024 à 18h10
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.