N° RG 24/03067 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JX4M
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 28 AOUT 2024
Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Mme DEVELET, Greffier ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du PRÉFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 15 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour M. [V] [J], né le 15 Octobre 2001 à [Localité 2] ( ALGÉRIE), de nationalité Algérienne ;
Vu l'arrêté du PRÉFET DE LA SEINE-MARITIME en date du 22 août 2024 de placement en rétention administrative de M. [V] [J] ayant pris effet le 22 août 2024 à 14h10 ;
Vu la requête du PRÉFET DE LA SEINE-MARITIME tendant à voir prolonger pour une durée de vingt-six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de M. [V] [J] ;
Vu l'ordonnance rendue le 26 Août 2024 à 14h35 par Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [V] [J] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté, et disant n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative le concernant ;
Vu l'appel interjeté le 26 août 2024 à 18h29 par M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de ROUEN, avec demande d'effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen à 19h03, régulièrement notifié aux parties ;
Vu l'ordonnance du 27 août 2024 disant qu'il sera sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue le 26 Août 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen à l'égard de M. [V] [J] dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public à l'encontre de ladite ordonnance ;
Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :
- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],
- à l'intéressé,
- au Préfet de la Seine-Maritime,
- à Mme Véronique PARAISO, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,
- à M. [K], interprète en langue arabe ;
Vu les dispositions des articles L. 743-8 et R. 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1];
Vu la demande de comparution présentée par M. [V] [J] ;
Vu l'avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en présence de M. [K], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du PREFET DE LA SEINE-MARITIME et du ministère public ;
Vu la comparution de M. [V] [J] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;
Mme Véronique PARAISO, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
M. [V] [J] et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS :
M. [V] [J] a été placé en rétention administrative le 22 août 2024.
Saisi d'une requête du préfet de la Seine-Maritime en prolongation de la rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 26 août 2024, déclaré irrecevable la requête aux fins de prolongation de la mesure de rétention prononcée à l'encontre de l'intéressé, au motif que n'était pas joint le registre actualise du centre de rétention.
Le procureur de la République a formé appel de cette ordonnance avec demande d'effet suspensif.
Suite à cet appel suspensif du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, une ordonnance a été rendue par le magistrat délégué pour remplacer le premier président, le 27 août 2024, laquelle a ordonné le sursis à l'exécution de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen dans l'attente de la décision sur l'appel interjeté par le ministère public.
Au fond, le procureur de la République soutient que s'il résulte de la requête présentée par la Préfecture qu'aucune copie du registre n'a été fournie au juge des libertés et de la détention, cette omission, constitue une simple erreur matérielle pouvant être rectifiée par la production dudit registre à hauteur d'appel.
A l'audience, le conseil de M. [V] [J] demande confirmation de la décision en ce qu'elle a dit la requête irrecevable. Il maintient le surplus des moyens développés devant le premier juge. M. [V] [J] a été entendu en ses observations.
Le préfet de la Seine-Maritime n'a pas comparu, ni s'est fait représenter et n'a pas formulé d'observations.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 27 août 2024, sollicite l'infirmation de la décision.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
Il résulte des énonciations qui précèdent que l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen, à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de ce tribunal en date du 26 Août 2024 est recevable.
Sur la recevabilité de la requête :
Aux termes de l'article R.742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures ( de quatre jours depuis le 15 juillet 2024) mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.
La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.
Aux termes de l'article R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.
L'article L.744-2 du même code dispose en outre que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.
Il appartient au juge, gardien de la liberté individuelle, de s'assurer par tous moyens, et notamment d'après les mentions figurant au registre, émargé par l'étranger, que celui-ci a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé des droits qui lui sont reconnus et placé en mesure de les faire valoir ainsi que de les exercer effectivement (1re Civ., 31 janvier 2006, pourvoi n° 04-50.093). Il lui incombe en particulier alors qu'il est saisi d'une demande en ce sens de vérifier les périodes pendant lesquelles les droits ont pu être suspendus du fait de transferts du retenu vers des institutions extérieures au centre de rétention telles que des juridictions, des centres hospitaliers, des instances consulaires ou des structures aéroportuaires.
Par ailleurs, le registre doit être actualisé et la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention. A cet égard, le défaut de production d'un registre actualisé constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (1re Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 23-10.130, 1re Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 22-23.567 ).
Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande et il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655 1ère Civ 15 décembre 2021n pourvoi n°20-50.034).
Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que le préfet n'avait pas joint à sa requête une copie actualisée du registre dans le but d'assurer un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, le dossier ne contenant aucun élément permettant de procéder à de telles vérifications, de sorte qu'il y a lieu d'acceuilir la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête, par confirmation de l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen,
Confirme l'ordonnance entreprise,
Rappelle à M. [V] [J] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.
Fait à Rouen, le 28 Août 2024 à 12h05
La greffière La présidente de chambre
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.