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29/08/2024 | FRANCE | N°23/01424

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 29 août 2024, 23/01424


N° RG 23/01424 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLDF







COUR D'APPEL DE ROUEN



CH. CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 29 AOÛT 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



22/00463

Tribunal judiciaire d'Evreux du 04 avril 2023





APPELANTE :



S.C.I. LBCP

[Adresse 3]

[Localité 5]



représentée et assistée par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de ROUEN







INTIMEE :



S.A.

AXA FRANCE IARD

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée et assistée par Me Jean-yves PONCET de la SCP PONCET DEBOEUF BEIGNET, avocat au barreau d'EURE







COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 805 du code...

N° RG 23/01424 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLDF

COUR D'APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 29 AOÛT 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/00463

Tribunal judiciaire d'Evreux du 04 avril 2023

APPELANTE :

S.C.I. LBCP

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Jean-yves PONCET de la SCP PONCET DEBOEUF BEIGNET, avocat au barreau d'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 11 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme MENARD-GOGIBU, conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 11 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024 puis prorogé à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 août 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur [C] [K] a exercé à compter de mars 1999 une activité de vente au détail d'articles d'ameublement au [Adresse 1] à [Localité 5] (76), locaux appartenant depuis le 25 janvier 2007 à la SCI LBCP qui les a rachetés aux associés de la SCI Normandie Bretagne.

Par acte du 29 décembre 2014, Monsieur [K] a cédé son fonds de commerce à la société Bedding & Sofa International dont il est le président.

Se plaignant de désordres d'étanchéité dans les locaux loués dans la suite de dégâts des eaux, la société Bedding & Sofa International a fait assigner la SCI LBCP le 21 mars 2019 devant le juge des référés d'Evreux aux fins de mise en 'uvre d'expertises.

La société Bedding & Sofa International a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 28 mai 2019.

Par ordonnance du 24 juillet 2019, le juge des référés d'Evreux a ordonné une mesure d'expertise des locaux loués par la société Bedding & Sofa International, ainsi qu'une expertise comptable.

La société Bedding & Sofa International a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 19 novembre 2019.

Elle a interjeté appel de l'ordonnance de référé du 24 juillet 2019. Par arrêt du 21 janvier 2021, la cour d'appel de Rouen a déclaré nulle la déclaration d'appel régularisée par la société Bedding & Sofa International.

Les opérations d'expertise n'ont pas été poursuivies par Maître [G], mandataire judiciaire.

Le 9 février 2022, la société AXA France IARD a assigné la SCI LBCP aux fins de paiement de la somme de 13.213,38 euros correspondant au montant des indemnités versées par l'assureur à son assurée, la société Bedding & Sofa International.

Par conclusions d'incident, la SCI LBCP invoquant l'exception de compensation légale a sollicité du juge de la mise en état que la société AXA France IARD soit déclarée irrecevable à agir.

Par ordonnance du 21 novembre 2022, le juge de la mise en état a ordonné le renvoi de l'affaire devant la formation de jugement afin que celle-ci statue sur l'existence d'une créance au fond et sur la fin de non-recevoir soulevée.

Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- constaté que ne sont pas remplies les conditions de la compensation légale entre la créance invoquée par la SA AXA France IARD à l'encontre de la SCI LBCP par subrogation dans les droits de son assurée la SAS Bedding & Sofa International et la créance invoquée par la SCI LBCP à l'encontre de la SAS Bedding & Sofa International au titre des arriérés locatifs,

- rejeté la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de la société AXA France IARD soulevée par la SCI LBCP,

- déclaré recevable la société AXA France IARD en son action,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en mise en l'état du 15 mai 2023 à 13 h 30 et a invité la SCI LBCP à conclure au fond,

- débouté les parties de leur demande plus ample ou contraire, en ce compris celle formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

La SCI LBCP a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 21 avril 2023.

Par jugement du 6 février 2024, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Bedding & Sofa International pour insuffisance d'actif.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 10 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SCI LBCP qui demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 04 avril 2023 en ce qu'il a constaté que les conditions de la compensation légale entre la créance invoquée par la société AXA et celle opposée par la SCI LBCP n'étaient pas réunies et rejeté en conséquence la fin de non-recevoir invoquée par la SCI LBCP,

Statuant à nouveau,

- constater qu'il existe une compensation légale entre la créance de loyers détenue par la SCI LBCP à l'encontre de la société Bedding & Sofa International et la créance invoquée par AXA France IARD à l'encontre de la SCI LBCP par subrogation dans les droits de son assurée la SAS Bedding & Sofa International,

- juger en conséquence que la société AXA France IARD est dépourvue d'intérêt à agir,

- déclarer la société AXA France IARD irrecevable à agir,

- débouter la société AXA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société AXA France IARD à payer à la société LBCP la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société AXA France IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions du 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société AXA France IARD qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Evreux du 4 avril 2023 en ce qu'il :

- constate que ne sont pas remplies les conditions de la compensation légale entre la créance invoquée par la SA AXA France IARD à l'encontre de la SCI LBCP par subrogation dans les droits de son assurée la SAS Bedding & Sofa International et la créance invoquée par la SCI LBCP à l'encontre de la SAS Bedding & Sofa International au titre des arriérés locatifs,

- rejette la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de la société AXA France IARD soulevée par la SCI LBCP,

- déclare recevable la société AXA France IARD en son action,

- renvoie l'examen de l'affaire à une prochaine audience de mise en état,

- condamner la SCI LBCP au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'intervention devant la cour,

- condamner la SCI LBCP aux entiers dépens de la procédure d'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir

A l'appui de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société AXA France IARD, la SCI LBCP articule l'exception de compensation légale.

La SCI LBCP soutient que :

* la prétendue créance de 13.213,38 euros contestée, est entièrement éteinte par compensation ;

* à supposer même que sa responsabilité dans les dommages subis par la société Bedding & Sofa International soit établie, la créance indemnitaire serait éteinte par compensation puisque cette somme est largement inférieure à la dette locative qui est indiscutable ;

* les créances en cause sont réciproques et issues d'un même contrat ; l'exigibilité découle notamment du commandement de payer du 1er octobre 2018 ;

* le cours de la prescription a été interrompu dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Bedding & Sofa, par l'effet de ses déclarations de créance des 11 juin et 25 novembre 2019 ; les impayés des années 2017, 2018 et 2019 n'encourent aucunement la prescription ;

* la facturation en juin 2017 d'une somme de 2000 euros HT correspond à un report d'exigibilité de la somme de 400 euros HT sur les loyers de janvier à mai 2017 et a été convenu amiablement entre le bailleur et le preneur ;

* l'absence de vérification du passif par le juge commissaire est indifférente, le caractère certain de la dette locative résultant tant de la force obligatoire du contrat de bail que de l'absence de quelconque contestation ; il résulte des écrits de Maître [G] qu'il n'y a pas eu de vérification du passif ;

* en exigeant une décision du juge commissaire sur la dette locative, la société AXA ajoute une condition à la compensation légale telle que résultant de l'article 1347 alinéa 1 du code civil ;

La société AXA France IARD réplique que :

* il n'est pas justifié de la réception par le mandataire liquidateur de la déclaration de créance du 11 juin 2019 ;

* la créance de la SCI LBCP indiquée comme correspondant à la dette locative de la société Bedding & Sofa comprend les impayés de loyer depuis 2011 jusqu'au 24 avril 2019 durant la période antérieure à la date retenue pour la cessation des paiements ;

* il n'est pas justifié de l'acceptation de cette créance dans le cadre de la procédure de vérification des créances ;

* si la vérification de créance n'a pas été opérée dans le cadre de la procédure collective, il appartient à la juridiction saisie de la demande de compensation de se prononcer sur son existence et son quantum, sur son caractère certain, liquide et exigible ;

* la déclaration de créance est insuffisante pour conférer un caractère certain à la dette du débiteur ; l'examen des pièces fait apparaître des créances de loyers prescrites, et il est réclamé des créances facturées pour un montant supérieur à 2 500 euros.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, '' Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.''

L'article L.121-12 al. 1er du code des assurances dispose que : '' l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.''

La société Bedding & Sofa International est devenue locataire des locaux appartenant à la SCI LBCP à compter du 29 décembre 2014 en vertu d'un bail commercial.

Le 1er octobre 2018, la SCI LBCP a fait délivrer à la société Bedding & Sofa International un commandement de payer la somme de 19 716, 12 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés en septembre 2018.

A la suite d'un dégât des eaux survenu le 27 décembre 2017 dans les locaux loués, la société AXA France IARD, assureur de la société Bedding & Sofa International au titre d'une assurance Multirisque professionnelle a indemnisé son assurée à hauteur de la somme de 13 213,38 euros par deux virements les 19 mars et 20 décembre 2018.

Subrogée dans les droits de son assurée, la société AXA France IARD recherche la responsabilité contractuelle la SCI LBCP du fait de son manquement à son obligation d'assurer le couvert du local commercial.

Les créances invoquées découlent de l'exécution du contrat de bail commercial dont la société Bedding & Sofa International était titulaire à compter du 29 décembre 2014 de sorte que s'appliquent les dispositions des articles 1289 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

Aux termes de l'article 1289 du code civil dans sa version applicable au litige, ''la compensation ne peut avoir lieu que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés.''

Aux termes de l'article 1290 du code civil dans sa version applicable au litige, ''la compensation s'opère de plein droit, par le seul effet de la loi, même à l'insu des débiteurs, et les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instant ou elles se trouvent exister à la fois, à concurrence de leurs quotités respectives'' et aux termes de l'article 1291 de ce code dans la version applicable au litige, ''la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.''

La compensation opère à la date où les créances existent et sont liquides et exigibles et lorsque la créance indemnitaire est contestée en son principe elle perd les caractères exigés pour le jeu de la compensation légale.

Il ressort des conclusions de la SCI LBCP que si elle affirme le caractère certain de sa créance de loyers elle n'admet pas le principe même de la créance de nature indemnitaire invoquée par la société AXA France IARD subrogée dans les droits de la locataire en ce qu'elle conteste formellement au fond sa responsabilité au titre d'un manquement à son obligation d'assurer le couvert du local commercial occupé par la société Bedding & Sofa International de sorte que la compensation ne pourrait intervenir qu'au jour d'une décision définitive retenant l'existence d'une créance de la société AXA France IARD en conséquence de la responsabilité contractuelle de la SCI LBCP.

A défaut, à ce jour, de décision définitive en ce sens et sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la demande présentée par la SCI LBCP tendant à la constatation de la compensation légale entre sa créance de loyers et la créance détenue à son égard par la société AXA France IARD ne peut dès lors pas prospérer.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté que ne sont pas remplies les conditions de la compensation légale entre la créance invoquée par la SA AXA France IARD à l'encontre de la SCI LBCP par subrogation dans les droits de son assurée la SAS Bedding & Sofa International et la créance invoquée par la SCI LBCP à l'encontre de la SAS Bedding & Sofa International au titre des arriérés locatifs, rejeté la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir de la société AXA France IARD soulevée par la SCI LBCP, déclaré recevable la société AXA France IARD en son action.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SCI LBCP aux dépens de l'appel,

Condamne la SCI LBCP à payer à la société AXA France IARD la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 23/01424
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;23.01424 ?
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