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02/09/2024 | FRANCE | N°24/03121

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre des etrangers, 02 septembre 2024, 24/03121


N° RG 24/03121 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JYAH





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 2 SEPTEMBRE 2024









Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,



Assistée de Mme VESPIER, Greffière ;



Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des

étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 29 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour m...

N° RG 24/03121 - N° Portalis DBV2-V-B7I-JYAH

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 2 SEPTEMBRE 2024

Mariane ALVARADE, Présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme VESPIER, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 29 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour monsieur [L] [Y] [G] né le 16 Août 1990 à [Localité 5], de nationalité Soudanaise ;

Vu l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime en date du 27 août 2024 de placement en rétention administrative de monsieur [L] [Y] [G] ayant pris effet le 27 août 2024 ;

Vu la requête de monsieur [L] [Y] [G] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administratinve en date du 30 août 2024 ;

Vu la requête du préfet de la Seine-Maritime tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de monsieur [L] [Y] [G] ;

Vu l'ordonnance rendue le 31 Août 2024 à 15h00 par le juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Monsieur [L] [Y] [G] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours à compter du 31 août 2024 à 14h55 jusqu'au 26 septembre 2024 à la même heure ;

Vu l'appel interjeté par monsieur [L] [Y] [G], parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 1er septembre 2024 à 15h00 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

- à l'intéressé,

- au préfet de la Seine-Maritime,

- à Me ANNABELLE DANTIER, avocat au barreau de ROUEN, choisi dans le cadre de son droit de suite (de permanence devant le JLD),

- à M. [C] [Z], interprète en langue arabe ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision prise de tenir l'audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d'entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Vu la demande de comparution présentée par monsieur [L] [Y] [G] ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de M. [C] [Z], interprète en langue arabe, expert assermenté, en l'absence du préfet de la Seine-Maritime et du ministère public ;

Vu la comparution de monsieur [L] [Y] [G] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me ANNABELLE DANTIER, avocat au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Vu les conclusions écrites du préfet de la Seine-Maritime en date du 2 septembre 2024 ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L'appelant et son conseil ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [L] [Y] [G] a été placé en rétention administrative le 27 août 2024.

Saisi d'une requête du préfet de la Seine-Maritime en prolongation de la rétention et d'une requête de M. [L] [Y] [G] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 31 août 2024 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours, décision contre laquelle M. [L] [Y] [G] a formé un recours.

A l'appui de son recours, par la voie de son conseil, l'appelant allègue les moyens suivants :

-l'irrégularité de la procédure précédant immédiatement le placement en rétention tenant

à l'absence d'avis à magistrat du placement en retenue

à l'absence d'avocat

au caractère déloyal de la convocation devant les services de police

-l'illégalité de l'arrêté portant placement en rétention tenant

au défaut de motivation

à l'erreur de droit

à la méconnaissance des articles L. 731-1 et L. 741-1 du CESEDA et l'erreur manifeste d'appréciation

-l'insuffisance de diligences et l'absence de perspectives d'éloignement

A l'audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l'acte d'appel. M. [L] [Y] [G] a été entendu en ses observations.

Le préfet de la Seine-Maritime demande la confirmation de l'ordonnance.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 2 septembre 2024, requiert la confirmation de la décision.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par M. [L] [Y] [G] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 31 Août 2024 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.

Sur la régularité de la procédure précédant immédiatement le placement en rétention

Sur l'absence d'avis à magistrat du placement en retenue

L'article L 813-4 du ceseda dispose que le procureur de la République est informé dès le début de la retenue et peut y mettre fin à tout moment.

L'appelant observe qu'il est indiqué au procès-verbal de placement en retenue administrative que le parquet a été avisé de son placement en retenue, qu'aucun avis à magistrat ne figure toutefois à la procédure tant du début que la fin de cette mesure, ce qui ne permet pas à la juridiction de vérifier que cette obligation procédurale a été respectée, que le procureur de la République a été informé du placement en rétention, non de la fin de la retenue, de sorte que la procédure est irrégulière.

Le dossier de la procédure contient le procès-verbal portant notification du placement en retenue établi le 27 août 2024 mentionnant un placement en retenue de M. [L] [Y] [G] à compter du 27 août 9h50 et un avis relativement à cette mesure qui a été adressé à 10h au magistrat de permanence près du tribunal judiciaire de Rouen, ainsi que le procès-verbal du même jour indiquant une fin de retenue à 14h55 et que tant le magistrat de permanence près de la Cour d'appel de Rouen que le procureur de la République près du tribunal judiciaire de Rouen ont immédiatement été avisés du placement au centre de rétention administrative de [Localité 2], de même suite, ce qui signifie que les avis ont été concomitants, étant relevé qu'une copie du procès-verbal de fin de retenue a été transmise au procureur de la République ainsi que cela résulte de la mention de clôture.

Les éléments figurant aux procès-verbaux établissent suffisamment l'information du procureur de la République du début et de la fin de la mesure, étant rappelé que les mentions en cause font foi jusqu'à preuve contraire. En tout état de cause, le déroulement de la retenue administrative n'a pas porté atteinte aux droits de l'étranger, lequel ne justifie en l'espèce d'aucun grief.

Le moyen sera écarté.

Sur l'absence d'avis à avocat

M. [L] [Y] [G] indique avoir sollicité l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure de retenue, qu'aucune information n'est donnée quant à l'avis à avocat, que le procès-verbal de placement en retenue indique un avis à avocat à 10h10, et celui de fin, à 10h16, que ces incohérences, ainsi que l'absence d'avis à avocat et de procès-verbal concernant l'entretien mené avec son conseil ne permettent pas de s'assurer du respect de ses droits.

Le procès-verbal de début de retenue précise que la permanence des avocats a été contacté à 10h10 afin de les informer de la demande de M. [L] [Y] [G] d'être assisté d'un avocat et si le procès-verbal de fin de retenue indique que cet avis a été effectué à 10h16, il mentionne également que l'avocat, Me Bouillet Guillaume, est « arrivé à 10h40 jusqu'à 10h55 , a pu communiquer avec l'intéressé lors d'un entretien confidentiel d'une durée de 15 minutes », et que l'étranger a été entendu en présence de son avocat de 10h40 à 12h20, lequel a indiqué en fin d'audition ne pas avoir d'observations à formuler.

M. [L] [Y] [G] n'est pas fondé au regard de ce qui précède à prétendre que les pièces de la procédure ne permettent pas de s'assurer du respect de ses droits. Le moyen sera rejeté.

Sur le caractère déloyal de la convocation devant les services de police

M. [L] [Y] [G] indique que la décision de l'OFPRA du 29 février 2024 mettant fin à son statut de réfugié ne lui a pas été notifiée, que l'arrêté du 29 mai 2024, portant retrait de sa carte de résident valable du 6 décembre 2018 au 5 décembre 2028 et obligation de quitter le territoire français sans délai ne lui a pas été adressé, et ne lui a été notifié que le jour de sa retenue administrative, au moment de son placement en rétention, que dès lors qu'il était toujours bénéficiaire d'une carte de résident de dix ans avant son rendez-vous à la police aux frontières, il ne pouvait comprendre l'objet d'une telle convocation devant les services de police aux frontières, qui ne mentionne pas en outre qu'il pouvait être assisté d'un avocat, ce de manière déloyale.

Le premier juge a relevé que l'obligation de quitter le territoire du 29 mai 2024 mentionne que M. [L] [Y] [G] 'a été informé par courrier du 18 avril 2024 que le retrait de sa carte de résident était envisagé ; qu'il a été invité à faire part de ses observations écrites ; qu'il n'a pas été en mesure de faire état d'aucun élément de nature à modifier l'intention de procéder au retrait du titre de séjour', qu'il avait été convoqué « en vue d'un placement en retenue administrative afin de statuer sur sa situation administrative et familiale sur le territoire national'.

M. [L] [Y] [G] était donc informé qu'il s'agissait de vérifier sa situation administrative, la procédure administrative qui s'en est suivie en raison de l'irrégularité de sa situation étant justifiée, le fait que les décisions d' 'obligation de quitter le territoire français et de placement en rétention administrative soient concomitants n'étant pas irrégulier.

Le premier juge a valablement motivé sa décision sur ces points.

Sur la légalité de l'arrêté portant placement en rétention

Sur le défaut de motivation et l'erreur de droit

M. [L] [Y] [G] allègue une insuffisance de motivation au motif que l'arrêté de placement en rétention ne prend pas pleinement en compte sa situation, puisqu'il ne mentionne pas les raisons du retrait de la protection qui lui avait été accordée.

Il résulte de l'article L  741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.

Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.

En l'espèce, l'arrêté préfectoral portant placement en rétention le 27 août 2024 a retenu au titre de sa motivation les circonstances de droit et de fait qui le fondent en fonction de la situation personnelle de M. [L] [Y] [G] en mentionnant que le 29 février 2024, l'OFPRA a mis fin à son statut de réfugié sur le fondement de l'article L.611-5 en raison de faits de menace grave à l'ordre public, décision notifiée le 5 avril 2024, qu'il est en situation irrégulière sur le territoire français, se déclare sans domicile fixe à [Localité 4] et occupe une chambre d'hôtel indûment depuis plusieurs mois, qu'il ne présente en outre aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité et ne peut bénéficier d'un arrêté portant assignation à résidence.

Il convient donc de retenir que le préfet a pris en considération les éléments de la situation personnelle de M. [L] [Y] [G] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée.

Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation sera rejeté.

Sur l'erreur de droit

M. [L] [Y] [G] fait grief au préfet de la Seine-Maritime de se référer à la décision prise par l'OFPRA le 29 février 2024 qui ne lui a pas été notifiée et qui n'est donc pas définitive, alors qu'il a contesté la décision du préfet de police de [Localité 3] du 29 mai 2024 portant retrait de sa carte de résident et obligation de quitter le territoire français, qui n'est donc pas non plus définitive, qu'il ne peut donc être considéré comme constituant une menace grave à l'ordre public, le préfet ne pouvant se fonder sur ce fait pour considérer qu'il ne bénéficie plus du droit au maintien et procéder à son éloignement.

Le préfet justifie de ce que la décision du 29 février 2024 a été notifiée à l'intéressé le 5 avril 2024, alors que ce dernier était domicilié au CCAS, [Adresse 1].

En tout état de cause, le défaut de notification n'ayant que pour seul effet de reporter le délai de recours contre cette décision sans entacher d'irrégularité l'acte lui-même et ceux subséquents, et la contestation de la décision préfectorale du 29 mai 2024 est sans incidence sur la rétention administrative, de sorte que le moyen ne peut qu'être rejeté, le préfet n'ayant pas commis d'erreur de droit.

Sur la méconnaissance des articles L. 731-1 et L. 741-1 du ceseda et l'erreur manifeste d'appréciation

Ayant relevé que M. [L] [Y] [G] a déclaré être sans domicile fixe et qu'il demeurait dans un hôtel de façon indue depuis plusieurs mois, la préfecture n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en retenant qu'il ne présentait pas de garanties de représentation.

Le moyen sera écarté.

Sur les diligences et la perspective d'éloignement

Selon les dispositions de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.

Aux termes des dispositions de l'article L742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1.

Selon les dispositions de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

En l'espèce, l'autorité préfectorale a saisi le consulat du Soudan dès son placement en rétention administrative le 27 août 2024, aux fins de délivrance d'un laissez-passer consulaire, ces éléments constituant des diligences suffisantes en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement au sens de l'article L741-3 précité, la demande de routing apparaissant prématurée en l'absence de reconnaissance de l'intéressé.

En outre, M. [L] [Y] [G] n'est pas fondé à prétendre qu'il ne peut être éloigné vers le Soudan, alors que ses droits résultant de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme seraient bafoués, dès lors que ce moyen tend à critiquer le pays de destination, moyen que ne saurait apprécier le juge judiciaire.

L'ordonnance qui a ordonné la prolongation sera en conséquence confirmé.

Au regard de l'issue du litige, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par M. [L] [Y] [G] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 31 Août 2024 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt six jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 02 Septembre 2024 à 17h20.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre des etrangers
Numéro d'arrêt : 24/03121
Date de la décision : 02/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-02;24.03121 ?
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