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04/09/2024 | FRANCE | N°23/00867

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 04 septembre 2024, 23/00867


N° RG 23/00867 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJ52







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 4 SEPTEMBRE 2024









DÉCISION DÉFÉRÉE :



18/01296

Tribunal judiciaire de Dieppe du 26 janvier 2023





APPELANTE :



SA QBE EUROPE

COEUR DEFENSE

[Adresse 7]

[Localité 5]



représentée par Me Charlotte DUGARD-HILLMEYER, avocat au barreau de Rouen

et assistée de Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de

Paris substitué par Me Chantal VILLEMAIN, avocat au barreau de Paris





INTIMES :



Monsieur [H] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté et assisté par Me Angélique MERLIN de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ...

N° RG 23/00867 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJ52

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 4 SEPTEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

18/01296

Tribunal judiciaire de Dieppe du 26 janvier 2023

APPELANTE :

SA QBE EUROPE

COEUR DEFENSE

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Charlotte DUGARD-HILLMEYER, avocat au barreau de Rouen

et assistée de Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de Paris substitué par Me Chantal VILLEMAIN, avocat au barreau de Paris

INTIMES :

Monsieur [H] [R]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté et assisté par Me Angélique MERLIN de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen substituée par Me Marion MARECHAL

SCI LES FORGES

[Adresse 1]

[Localité 6]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Stéphane BARBIER de la SELARL BARBIER VAILLS, avocat au barreau de Dieppe

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 mai 2024 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 29 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 septembre 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 4 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

En 2013, la Sci Les Forges, propriétaire d'un immeuble à usage locatif, y a entrepris le remplacement des menuiseries extérieures. Le 25 septembre 2013, la Sas Calimat a établi un devis pour un montant de 18 931,55 euros TTC, comprenant la fourniture et la pose des menuiseries extérieures.

La Sci Les Forges a confié la pose des menuiseries à M. [H] [R], assuré auprès de la Sa Qbe Europe, avec commande des matériaux auprès de la société Calimat. M. [R] a établi un devis le 10 octobre 2013, reprenant celui de la société Calimat du 25 septembre 2013, à l'exception de la porte de garage, lequel a été signé par la Sci Les Forges le 25 octobre 2013.

La Sci Les Forges a réglé un acompte de 7 000 euros le 2 décembre 2013. Le 19 décembre 2013, M. [R] a établi une facture d'un montant total de

15 356,57 euros soit après remise un solde dû pour paiement du solde des travaux d'un montant de 7 520,91 euros TTC. Suite à l'apparition de désordres, une expertise amiable a été diligentée par la société Qbe Europe, laquelle a été réalisée par le cabinet Saretec.

Par acte d'huissier du 29 novembre 2018, la Sas Calimat a assigné M. [R] et la Sci Les Forges en paiement de sa facture de matériaux d'un montant de

12 527,85 euros TTC.

Par acte d'huissier du 20 décembre 2018, la Sci Les Forges a assigné en intervention forcée la Sa Qbe Europe.

Par jugement contradictoire du 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Dieppe a :

- reçu l'intervention volontaire de la Sa Qbe Europe,

- mis hors de cause la Sa Qbe Insurance Europe Limited,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement de la Sas Calimat Négoce de Bois et Matériaux formulée par la Sci Les Forges,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir,

- condamné la Sci Les Forges à payer à la Sas Calimat Négoce de Bois et Matériaux la somme de 8 416,88 euros TTC au titre de la livraison des matériaux avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

- condamné M. [R] à payer à la Sas Calimat Négoce de Bois et Matériaux la somme de 4 111 euros TTC au titre de la livraison des matériaux avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018, date de l'assignation et avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté la Sas Calimat Négoce de Bois et Matériaux de sa demande indemnitaire formulée sur le fondement de la résistance abusive,

- débouté M. [R] de sa demande en paiement formulée à l'encontre de la Sci Les Forges sur le fondement de l'enrichissement sans cause,

- fixé la date de réception judiciaire des travaux au 23 décembre 2013,

- déclaré forclose l'action formulée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement,

- débouté la Sci Les Forges de sa demande formulée sur le fondement décennal,

- condamné in solidum M. [R] et son assureur la Sa Qbe Europe à payer à la Sci Les Forges la somme de 4 350,75 euros TTC au titre de la responsabilité contractuelle,

- condamné la Sa Qbe Europe à garantir M. [R] du paiement de la somme de

4 350,75 euros TTC dans les termes et limites de la police souscrite,

- débouté la Sci Les Forges de sa demande indemnitaire formulée au titre du préjudice de jouissance,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- condamné in solidum la Sci Les Forges et M. [R] à payer à la Sas Calimat Négoce de Bois et Matériaux la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la Sci Les Forges et M. [R] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 7 mars 2023, la Sa Qbe Europe a formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 2 juin 2023, la Sa Qbe Europe demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

. condamné in solidum M. [R] et son assureur la société Qbe Europe à payer à la Sci Les Forges la somme de 4 350,75 euros TTC au titre de la responsabilité contractuelle,

. condamné la société Qbe Europe à garantir M. [R] du paiement de la somme de 4 350,75 euros TTC dans les termes et limites de la police souscrite,

. débouté la société Qbe Europe de ses demandes tendant à voir débouter la Sci Les Forges de ses demandes en paiement et condamner la Sci Les Forges à payer à Qbe Europe la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- la mettre hors de cause, les garanties souscrites par M. [R] n'étant pas dues,

subsidiairement,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

. fixé le préjudice de la Sci Les Forges au titre des dommages matériels à la somme de 4 350,75 euros TTC,

. débouté la Sci Les Forges du surplus de ses demandes,

y ajoutant,

- la déclarer bien fondée à opposer tant à M. [R] qu'à la Sci Les Forges ses clauses et limites de garantie dont la franchise d'un montant de 500 euros,

- condamner in solidum la Sci Les Forges et M. [R] à lui payer la somme de

3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci Les Forges in solidum avec tout autre succombant à l'instance aux dépens dont distraction au profit de Me Charlotte Dugard Hillmeyer, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le tribunal a retenu à tort que la police souscrite par M. [R] garantissait les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile au titre des dommages survenant après réception ayant pour origine des travaux exécutés et a procédé à une mauvaise appréciation des conditions d'application du contrat et de l'exclusion de garantie qui y est stipulée.

Elle précise que le contrat 'CUBE Entreprises de construction' souscrit le 1er janvier 2013 a pour objet la garantie :

- des dommages en cours de travaux,

- de la responsabilité civile générale,

- de la responsabilité civile décennale ;

qu'en l'espèce, aucune de ces garanties ne peut être mobilisée.

En l'absence de réception des travaux, expresse ou tacite, le premier juge a prononcé la réception judiciaire des travaux ; les désordres étaient apparents à la date de la réception judiciaire et ne peuvent être couverts par une garantie souscrite. La garantie responsabilité décennale ne peut dès lors être appliquée.

Elle ajoute que la responsabilité civile générale est également inapplicable au regard des exclusions de garantie au titre :

- des dommages matériels relevant des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil (page 16 des conditions générales),

- du prix du travail effectué par l'assuré et les frais engagés pour réparer, parachever, refaire le travail ou pour remplacer tout ou partie du produit (page 18 des conditions générales).

Cette garantie a pour objet l'indemnisation de dommages spécifiques tels que des dommages aux existants ou des dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels relevant de la garantie décennale. En revanche, lorsque les dommages ont été réservés à la réception, cette garantie n'a pas pour objet de suppléer la carence de l'assuré dans l'obligation de réparer l'ouvrage sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement sur les montants fixés et le débouté au titre du trouble de jouissance, rappel étant fait de la franchisse fixée par le contrat à 500 euros.

Par dernières conclusions notifiées le 28 novembre 2023, M. [H] [R] demande à la cour de :

- débouter la société Qbe Europe et la Sci Les Forges de leurs demandes respectives,

- confirmer le jugement entrepris,

y ajoutant,

- dire que les parties conserveront la charge de leur dépens,

- condamner la société Qbe Europe à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Se prévalant des conditions du contrat de responsabilité civile à effet au 1er janvier 2013, il fait valoir que la société Qbe Europe devra être déboutée de sa demande d'infirmation en ce que le jugement dont appel l'a condamné in solidum avec lui à payer à la Sci Les Forges la somme de 4 350,75 euros, et indique qu'il conviendra de confirmer la décision entreprise en ce sens.

Sur l'appel incident de la Sci Les Forges, s'agissant de la garantie décennale et tout en indiquant que la Sci Les Forges a procédé au règlement de 7 000 euros sur la facture initiale et pris possession des lieux, confirmant par ailleurs la fin des travaux au 23 décembre 2013, il expose que même en l'absence de procès-verbal de réception, la Sci Les Forges justifie de sa volonté non équivoque de prendre possession de l'ouvrage, le 23 décembre 2013, date à laquelle doit être fixée la réception tacite et à défaut judiciaire des travaux.

S'agissant des désordres de nature décennale, il souligne essentiellement que les désordres invoqués étaient visibles lors de la réception des travaux ; qu'en outre, au regard du procès-verbal de constat dressé le 28 février 2014 par Me [F], huissier de justice, certains désordres évoqués ne sauraient lui être imputables, notamment ceux concernant le garage puisqu'ils étaient exclus de son intervention, au visa du bon de livraison et des factures émises par la société Calimat.

Il relève que l'attestation de la locataire de la Sci Les Forges, visant sa présence dans les lieux durant les travaux ainsi qu'au terme de ceux-ci, vient conforter la thèse selon laquelle les désordres allégués ne présentaient pas la gravité requise pour mettre en jeu la garantie décennale. Plus encore, il ajoute que les autres éléments qui seraient prétendument affectés de désordres n'ont pas donné lieu à reprise, de sorte qu'il ne peut être soutenu valablement de l'existence de désordres alors même qu'aucune reprise n'a été nécessaire.

Il conteste l'existence d'un préjudice de jouissance de la part de la Sci Les Forges dans la mesure où notamment, à aucun moment, il n'a été fait état d'une interruption du bail en cours.

Sur la garantie de parfait achèvement, il affirme que la réception des travaux étant intervenue le 23 décembre 2013, le délai d'un an est expiré de sorte que l'action sur ce fondement est forclose.

Par dernières conclusions notifiées le 3 mai 2024, la Sci Les Forges demande à la cour de :

- débouter la société Qbe de son appel et de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. fixé la date de réception judiciaire des travaux au 23 décembre 2013,

. déclaré forclose l'action formulée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement,

. débouté la Sci Les Forges de sa demande formulée sur le fondement décennal,

. débouté la Sci Les Forges de sa demande indemnitaire formulée au titre du préjudice de jouissance, ainsi que de ses autres demandes au titre notamment de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

. et en ce qu'il a limité la condamnation solidaire de M. [H] [R] et de son assureur, la société Qbe, à la somme de 4 350,75 euros TTC au titre de la réparation de son préjudice matériel,

statuant à nouveau,

- sur la responsabilité de M. [R],

à titre principal, sur la garantie décennale,

- dire que la réception tacite est intervenue le 23 décembre 2013 et, à titre subsidiaire, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé la date de réception judiciaire des travaux au 23 décembre 2013,

- dire que les désordres concernant les menuiseries intérieures et extérieures n'étaient pas visibles au jour de la réception et rendent dans l'ensemble l'ouvrage impropre à sa destination,

- dire que la responsabilité décennale de M. [R] est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil et le condamner à indemniser la Sci Les Forges de l'ensemble de ses préjudices matériels et immatériels, solidairement avec son assureur, la société Qbe Europe,

à titre subsidiaire, sur la garantie de parfait achèvement,

- dire que l'action de la Sci Les Forges n'est pas prescrite en sa demande formée au titre de la garantie de parfait achèvement et ce compte tenu de la reconnaissance de responsabilité de M. [R] intervenue dans le délai d'un an de la date de réception de l'ouvrage,

- dire que la responsabilité de M. [R] est engagée sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et le condamner, solidairement avec son assureur, la société Qbe Europe, à réparer le préjudice subi par la Sci Les Forges de ce chef,

à titre encore plus subsidiaire, sur le manquement de M. [R] à son obligation de résultat,

- dire que M. [R] a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité contractuelle,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [R] à réparer les préjudices subis par la Sci Les Forges au titre de la responsabilité contractuelle mais l'infirmer quant à son quantum,

sur la garantie de la société d'assurance Qbe Europe,

- dire que M. [R] avait souscrit un contrat d'assurance auprès de la société Sagena, au droit de laquelle vient la société Qbe Europe, dans le cadre du chantier litigieux,

- condamner la société Qbe Europe à garantir M. [R] de toutes les sommes qui seront mis à sa charge en application de la garantie décennale, à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie de parfait achèvement et à titre encore plus subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- débouter la société Qbe Europe de son appel, de l'ensemble de ses demandes,

sur l'indemnisation des préjudices de la Sci Les Forges,

à titre principal,

- condamner solidairement M. [R] et la société Qbe Europe à payer à la Sci Les Forges les sommes suivantes :

. 6 824,75 euros TTC en réparation du préjudice matériel, avec intérêt au taux légal à compter 20 décembre 2018, date de l'assignation de mise en cause,

. 895,87 euros au titre du préjudice financier,

. 3 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

à titre subsidiaire,

- condamner solidairement M. [R] et la société Qbe Europe à payer à la Sci Les Forges les sommes suivantes :

. 4 350,79 euros TTC en réparation du préjudice matériel, avec intérêt au taux légal à compter de la signification de l'assignation,

. 835,66 euros au titre du préjudice financier,

. 3 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

en tout état de cause,

- débouter M. [R] et la société Qbe Europe de leurs demandes à son encontre,

- condamner in solidum M. [R] et la société Qbe Europe à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [R] et la société Qbe Europe aux entiers dépens.

Elle soutient que la décision entreprise a considéré à tort qu'aucune réception tacite n'était intervenue entre M. [R] et la Sci Les Forges, dans la mesure où elle a pris possession de l'ouvrage à la date du 23 décembre 2013 par l'intermédiaire de son locataire occupant les lieux. La dénonciation de désordres par lettre du 30 janvier 2014, réitérée le 24 février 2014 ne remet pas en cause la réception intervenue le 23 décembre 2013.

Sur la nature décennale des désordres, elle expose que les désordres sont apparus postérieurement à la réception ; qu'ils n'étaient pas visibles au jour de celle-ci et que ces désordres rendent impropres l'ouvrage à sa destination, dans la mesure particulièrement où l'absence de goutte d'eau sous les appuis de fenêtre empêche l'eau de s'évacuer correctement de l'appui de fenêtre, et entraîne des infiltrations. Il en est de même pour les désordres affectant les joints de silicone qui ont vocation à assurer l'étanchéité à l'eau et à l'air, étanchéité qui n'est plus assurée du fait du délitement des joints à plusieurs endroits. Il est établi que les menuiseries posées par M. [R] ne sont pas conformes et ne répondent pas à la fonction qui devrait être la leur et rendent l'ouvrage, à savoir l'aménagement intérieur et extérieur de la maison impropre à sa destination. En conséquence, elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande que la responsabilité décennale de M. [R] soit engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

À titre subsidiaire, se fondant sur la garantie de parfait achèvement, elle explique notamment que les travaux se sont achevés le 23 décembre 2013 et que le 13 février 2014 puis le 8 avril 2014, M. [R] a reconnu sa responsabilité dans les désordres subis tout en considérant que le montant de la remise devait s'élever à 4 350,79 euros TTC. Elle fait alors valoir que cet aveu de responsabilité et cette reconnaissance de dette a fait courir le délai, non d'un an, mais de cinq ans, pour agir en paiement pour le cas où ce dernier ne respecterait pas son engagement. Dès lors, lorsqu'elle a demandé le paiement du coût de la remise en état par conclusions du 20 décembre 2018, elle n'était nullement prescrite.

À titre encore plus subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle de M. [R], elle prétend qu'il est constant que ce dernier n'a pas réalisé les travaux commandés selon les règles de l'art, manquant ainsi à l'obligation de résultat à laquelle il était soumis contractuellement.

En tout état de cause, s'agissant de la garantie de l'assureur de M. [R], elle expose que conformément à l'article L. 124-3 du code des assurances, l'assurance de l'entrepreneur est bien mobilisable dès lors que les dommages matériels allégués relèvent des dispositions des articles 1792 et suivants et sont donc couverts par la garantie responsabilité civile décennale. Elle ajoute que si par impossible la cour ne la retenait pas, l'assureur resterait tenue au titre de la garantie civile générale.

Considérant que les travaux effectués par M. [R] ne respectent pas les règles de l'art, et ne sont ni finis ni correctement exécutés, s'appuyant sur le devis de la Sarl Maxime Dagicour du 14 février 2014, elle demande la condamnation de M. [R] et de son assureur in solidum à lui payer la somme de 6 824,75 euros

Indiquant que depuis l'intervention de M. [R], elle loue une maison d'habitation avec des malfaçons, elle estime son préjudice de jouissance à 50 euros par mois, et demande en conséquence à voir condamner in solidum M. [R] et son assureur à lui payer la somme de 3 000 euros.

Dans la mesure où il ressort du procès-verbal d'huissier que durant les travaux de remise en état, elle devra suspendre la location de la maison, ou à tout le moins louer la maison alors qu'elle est en cours de travaux, elle sollicite la somme de

500 euros à titre d'indemnité pour préjudice de jouissance, pendant la réalisation des travaux de reprise.

Elle rappelle que le tribunal a reconnu un lien contractuel entre elle et la société Calimat et l'a condamnée à lui payer la somme de 8 416,88 euros TTC, mais que les premiers juges ont également condamné M. [R] à payer la somme de

4 111 euros au titre de l'enrichissement sans cause à la société Calimat. En définitive, elle indique qu'elle est contrainte de payer la somme totale de

15 416,88 euros, alors que son marché avec M. [R] devait lui coûter la somme de 14 520,91 euros, soit un surplus de 895,97 euros. Elle sollicite l'indemnisation de cette somme au titre de son préjudice financier. À titre subsidiaire, elle s'estime bien fondée à solliciter la condamnation de M. [R] et de son assureur à lui verser la somme de 835,66 euros au titre du préjudice financier, correspondant à la remise que M. [R] lui avait accordée et dont elle a perdu le bénéfice du fait de la carence de celui-ci.

La clôture de l'instruction est intervenue le 7 mai 2024.

Par courrier du même jour, les observations des parties ont été sollicitées s'agissant de la recevabilité de la demande à hauteur de 895,87 euros au titre du préjudice financier formulée pour la première fois par conclusions du 3 mai 2024 (articles 654 et suivants et 909 et suivants du code de procédure civile).

Par courrier du 21 mai 2024, le conseil de la Sci Les Forges a demandé à la cour de déclarer recevable la demande de préjudice financier à hauteur de 895,87 euros, en soutenant qu'elle se rattache par un lien suffisant avec la demande originaire tendant à l'indemnisation de ses préjudices et à l'engagement de la responsabilité de M. [R].

MOTIFS

Sur la garantie décennale de l'artisan

L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Selon l'article 1792-6 du même code, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

L'article 1792-4-1 précise que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.

- Sur la réception des travaux

La réception expresse est formalisée par un écrit conforme à l'article

1792-6 susvisé.

La réception tacite suppose une prise de possession des lieux manifestée par une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage.

La réception judiciaire suppose quant à elle de déterminer la date à laquelle l'ouvrage était en état d'être reçu.

En l'espèce, comme relevé par le premier juge, le défaut de paiement intégral du prix de la prestation de M. [R] par la Sci Les Forges et les correspondances de cette dernière faisant état de plusieurs désordres empêchent de caractériser une prise de possession des lieux manifestée par une volonté non équivoque d'accepter les travaux effectués, et partant une réception tacite de l'ouvrage.

La Sci Les Forges ne s'est acquittée que de l'acompte prévu au devis du 10 octobre 2013 en somme arrondie, 7 000 euros pour un montant fixé à 6 844,95 soit moins de la moitié que le montant devisé (17 112,39 euros TTC et ne s'est acquittée d'aucune somme sur présentation de la facture du 19 décembre 2023 d'un montant de 15 356,57 euros.

Le premier juge vise la lettre de contestation émise par la Sci Les Forges le

30 janvier 2014 précisant qu'elle n'entendait pas verser le solde de la facture.

Dès le 14 février 2014, elle a obtenu un devis de reprise des travaux par la Sarl Maxime Dagicour, avant même de faire dresser un constat des travaux par huissier de justice le 28 février 2014, marquant sa résistance à tout paiement et donc à toute réception même tacite des travaux.

A défaut de réception tacite, les parties ne remettent pas en cause la fixation de la date de réception judiciaire au 23 décembre 2013, le jugement étant confirmé sur ce point.

- Sur la nature des désordres allégués par la Sci Les Forges

Conformément à l'article 1792-2 du code civil, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couverts lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat établit par Me [F], huissier de justice, le 28 février 2014, les désordres suivants :

'- chambre au fond à droite : depuis l'intérieur, il est possible de remarquer des tâches sur l'appui de fenêtre, en extérieur ainsi que l'absence de goutte d'eau sous ledit appui. Par ailleurs, la bavette se trouve actuellement collée à la maçonnerie, ce qui, effectivement, supprime l'effet goutte d'eau. Le joint extérieur entre le bâti et la maçonnerie reste souple, non séché et se délite par endroits. Les deux attaches de volets sont posées à vingt centimètres du bas de la fenêtres.

- chambre face : dans cette pièce, se trouvent deux fenêtres et pour chacune d'elles la bavette est plus courte que la maçonnerie.

- chambre gauche : la bavette tombe au ras du joint en silicone. L'ensemble se trouve ainsi dépourvu de goutte d'eau. Les deux attaches de volets sont posées à vingt centimètres du bas de la fenêtre.

- fenêtre de la salle de bains à gauche de la porte d'entrée : le joint est en silicone et, côté gauche, n'adhère pas au bas de la fenêtre. En pourtour de la fenêtre, sont visibles différents éclats de l'enduit de façade. Cette constatation reste valable pour toutes les fenêtres au rez-de-chaussée.

- fenêtre de la cuisine à droite de la porté d'entrée : de la même façon que la précédente, le joint sous la fenêtre a été réalisé en silicone et se décolle par endroits. Au niveau des fixations de l'attache du volet, de chaque côté, celles-ci sont réalisées avec des boulons et des écrous, dépassant de chaque côté.

- fenêtre du salon : sous l'appui, le joint a été réalisé en silicone et aucun retrait n'a été effectué par rapport à la bavette, interdisant tout effet de goutte d'eau. Quelques éclats de l'enduit sont visibles.

- porte-fenêtre de la salle à manger, côté jardin : des débords de ciment sont visibles sur l'appui de la fenêtre. Des éclats d'enduit assez importants sont visibles au niveau des tableaux. Les joints des tableaux restent souples, non séchés et se délitent par endroits.

- porte-fenêtre de droite : je peux procéder aux mêmes constatations que la porte-fenêtre précédemment décrite.

- fenêtre de la chambre arrière : le joint a été réalisé en silicone, à ras de la bavette et se décolle. Quelques éclats de l'enduit sont visibles en pourtour.

- mur pignon gauche : le joint sous la fenêtre a été réalisé en silicone, à ras de la bette, présente une hauteur de près de deux centimètres de haut et se décolle par endroits.

- porte de garage : il s'agit d'une porte coulissante, à quatre panneaux, avec ouvrant à droite poussant gauche. Aucun joint n'a été réalisé en pourtour.'

Les défauts concernant la porte de garage n'est pas imputable à M. [R] qui n'est pas l'auteur de la fourniture et de la pose à la lecture même du devis établi par la Sarl Calimat adressé par courriel dès le 21 octobre 2013 'sans la porte de garage' puis les devis et facture de M. [R].

Les autres défauts constatés par Me [F], huissier de justice, se rattachent directement à l'intervention de M. [R] compte tenu du devis et de la facture émis. Selon les termes mêmes de l'huissier de justice et la lettre de la Sci Les Forges adressée le 30 janvier 2014, certains défauts sont apparents et l'étaient compte tenu de leur nature lors de la réception. D'autres ne présentent aucun caractère de gravité, aucun dommage n'étant constaté tel que des infiltrations d'eau ou d'air. Les éclats d'enduit sont d'ordre esthétique sans certitude quant à leur origine.

Surtout, en l'absence de toute analyse par un professionnel de la construction neutre, non lié aux parties, et spécifiquement spécialiste de la menuiserie, les observations ci-dessus sont insuffisantes pour caractériser l'existence de désordres de nature décennale. Le rapport d'expertise du cabinet Saretec n'est pas versé aux débats, la communication de la seule convocation à une réunion d'expertise étant inopérante à ce titre. En aucun cas ne sont démontrés des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination

En conséquence, le jugement qui a exclu le fondement de la garantie décennale au titre de la responsabilité de l'artisan sera confirmé.

Sur la garantie de parfait achèvement

En application de l'article 1792-6 alinéa 2 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Il en résulte que la garantie de parfait achèvement doit être mise en oeuvre dans le délai d'un an suivant la réception. Il s'agit alors d'un délai de forclusion et non de prescription tel que relevé par le premier juge

Pour échapper à la forclusion de son action, telle que constatée par le premier juge et de nouveau soutenue par M. [R], la Sci Les Forges soutient avoir notifié à l'entreprise [R] les désordres et malfaçons alléguées dès le 30 janvier 2014, que le 13 février 2014, M. [R] a reconnu l'existence de malfaçons et a proposé une remise de 4 350,79 euros TTC, et que l'aveu de responsabilité de ce dernier dans son courrier du 8 avril 2014 aurait fait courir le délai, non plus d'un an, mais de cinq ans, pour qu'elle puisse agir en paiement à son encontre.

En l'espèce, par lettre du 30 janvier 2014, la Sci Les Forges alertait M. [R] comme suit :

'- des infiltrations d'eau apparaissent malgré le remplacement de la porte de garage,

- des réparations partielles de maçonnerie à l'extérieur et de rebouchage de trous à l'intérieur aux pourtours des fenêtres restent à finir ou sont mal réalisés,

- des caches pour les fixations des deux fenêtres de la chambre de l'étage restent à poser.'

Ainsi, si la Sci Les Forges a alerté M. [R] des différents désordres par courrier du 30 janvier 2014, soit dans l'année suivant la réception des travaux, cette dernière n'a agi en justice sur le fondement de la garantie de parfait achèvement que par acte d'huissier du 29 novembre 2018, soit près de cinq ans après la réception des travaux.

En conséquence, le jugement, qui a retenu que la garantie de parfait achèvement ne pouvait être mobilisée pour cause de forclusion, sera confirmé, l'attitude de

M. [R] ne modifiant pas les modalités de calcul du délai pour agir sur ce fondement.

Sur la responsabilité contractuelle de droit commun

Suivant l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il en résulte que la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de droit commun suppose la démonstration d'un manquement contractuel, d'une faute et d'un lien de causalité entre eux.

En l'espèce, le constat d'huissier de justice a été établi le 28 février 2014 en présence de M. [R]. Différents postes sont repris de façon concordante dans le devis de la Sarl Maxime Dagicour dont le montant s'élève à une somme totale de 6 824,75 euros TTC. Cependant, peuvent être exclues :

- la reprise de la porte de garage dévissée à hauteur de 240 euros HT,

- la reprise de tous les habillages intérieurs qui comme le souligne M. [R] dans sa lettre du 8 avril 2014 ne sont pas décrits dans le constat d'huissier établi contradictoirement.

Par cette correspondance, M. [R] admet le principe de sa responsabilité et la prise en charge d'une remise en état des lieux à hauteur de 4 350,75 euros TTC. Une mauvaise exécution des travaux constitue un manquement aux obligations contractuelles du professionnel tenu à une obligation de résultat. La nécessité de reprendre les rejingots, l'existence de protection trop courte et le délitement des joints posés correspondent à ces manquements qui causent préjudice à la Sci Les Forges.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de l'artisan et à hauteur de la somme de 4 350,75 euros admise par M. [R] s'agissant du préjudice matériel.

Déboutée par le premier juge, la Sci Les Forges sollicite le paiement d'une somme de 3 000 euros en arguant du fait qu'elle loue depuis l'intervention de M. [R] une maison avec des malfaçons, à laquelle elle souhaite que s'ajoute une somme de 500 euros en prétendant que durant les travaux elle devra suspendre la location de sa maison, ou à tout le moins louer sa maison alors qu'elle est en travaux.

La seule pièce produite est une attestation de M. [O] du 13 décembre 2018 visant la durée des travaux du 2 au 23 décembre 2013 et l'existence de défauts dans l'exécution des travaux. L'immeuble était loué sans qu'aucun trouble de jouissance ne soit établi tant durant l'intervention de M. [R] que durant les travaux de reprise puisque conformément aux constat et devis, les conséquences de la mauvaise exécution des travaux sont extérieurs aux lieux loués.

Le jugement, qui a débouté la Sci Les Forges de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance sera confirmé.

Enfin, à titre principal, la Sci Les Forges s'estime bien fondée à solliciter la condamnation de M. [R] à lui verser la somme de 895,87 euros au titre d'un préjudice financier, correspondant à la différence entre le coût total qu'elle doit assumer du fait de la carence de M. [R] et le montant du marché initialement contracté avec ce dernier.

À titre subsidiaire, elle s'estime bien fondée à solliciter la condamnation de

M. [R] à lui verser la somme de 835,66 euros au titre du préjudice financier, correspondant à la remise que M. [R] lui avait accordée et dont elle perd le bénéfice du fait de la carence de celui-ci à régler la facture de la société Calimat.

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 suivant, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, l'article 566 prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Ainsi, dès lors que l'ensemble des montants des marchés conclus à la fois entre la Sci Les Forges et la société Calimat et la Sci Les Forges et M. [R] ont été présentés devant le premier juge, la demande formulée par la Sci Les Forges au titre de son préjudice financier peut s'analyser comme l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes originelles telles qu'analysées par le tribunal judiciaire de Dieppe.

Toutefois, conformément à l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

En l'espèce, les conclusions de l'appelante ont été notifiées à la Sci Les Forges le 2 juin 2023. Cette dernière avait donc jusqu'au 2 septembre 2023 pour produire ses écritures et former appel incident, ce qu'elle a fait par conclusions du 1er septembre 2023. Or, ce n'est qu'aux termes de conclusions notifiées le 3 mai 2024, soit

4 jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture que la Sci Les Forges a formulé sa demande au titre de son préjudice financier, alors même que son délai pour conclure était expiré.

En conséquence, il y a lieu de considérer comme irrecevable la demande formulée par la Sci Les Forges au titre de son préjudice financier.

III. Sur la garantie de la société Qbe Europe

En application de l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En l'espèce, M. [R] a souscrit auprès de la société Qbe Europe une police d'assurance 'Cube Entreprises de construction' a effet au 1er janvier 2013, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, dont les conditions générales et particulières sont versées aux débats, lesquelles garantissent les activités de menuiseries extérieures et intérieures.

Le contrat d'assurance avait pour objet :

- la garantie des dommages en cours de travaux exclue en l'espèce puisqu'il s'agit de réparer des malfaçons,

- la responsabilité civile décennale, exclue également en l'espèce à défaut de désordres de nature décennale,

- la responsabilité civile générale.

Celle-ci garantit : 'les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'assuré en raison des dommages causés aux tiers, résultant de faits dommageables survenus du fait de l'exercice des seules activités assurées décrites aux conditions particulières', la garantie s'exerçant sous réserve des exclusions prévues au contrat. Ainsi, se trouvent être garanties : 'les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison de dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs ou non consécutifs, causés à des tiers au cours de l'exploitation des activités assurées mentionnées aux conditions particulières, et ce en tant qu'employeur, propriétaire, locataire, exploitant ou dépositaire à quelque titre que ce soit, de tous biens meubles ou immeubles.' .

Le contrat précise alors que font partie intégrante de la garantie notamment :

- les dommages aux biens confiés,

- les dommages aux existants.

Par ailleurs, le contrat d'assurance définit la garantie responsabilité civile après réception ou livraison comme : 'les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs ou non consécutifs causés à des tiers dans le cadre des activités assurées mentionnées aux conditions particulières survenant après réception ou livraison des travaux effectués, ou des produits livrés ou installés, par l'assuré, lorsque ces dommages ont pour origine :

- une malfaçon des travaux exécutés,

- un vice du produit, un défaut de sécurité,

- une erreur dans la conception, dans l'exécution des prestations, dans la rédaction des instructions et préconisations d'emploi, des documents techniques et d'entretiens de ces produits, matériaux ou travaux, un conditionnement défectueux,

- un défaut de conseil lors de la vente'.

La société Qbe Europe oppose pour la garantie responsabilité civile générale après réception ou après livraison les points 10 et 34 des exclusions mentionnées dans ses conditions générales qui exclus :

'10) les dommages qui, en droit français engagent la responsabilité des constructeurs en vertu des articles 1792, 1792-2, 1792-3 du code civil ou la responsabilité des fabricants ou assimilés en vertu de l'article 1792-4 du code civil. Sont également exclus les dommages de même nature résultant :

a. D'un contrat de sous-traitance en raison des recours dont l'assuré serait l'objet,

b. D'une législation étrangère similaire.

34) le prix du travail effectué et/ou du produit livré par l'assuré et/ou ses sous-traitants, ainsi que les frais engagés pour :

a. Réparer, parachever ou refaire le travail,

b. Remplacer tout ou partie du produit.'

Ainsi, si l'assureur de M. [R] garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré, il n'a toutefois pas vocation à prendre en charge les frais destinés à réparer, parachever ou refaire les travaux de l'assuré.

En conséquence et compte tenu de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu l'application de la garantie de la société Qbe Europe et l'a condamné in solidum avec M. [R], son assuré, à prendre en charge les travaux de reprise à hauteur de 4 350,75 euros TTC.

Les demandes formées à l'encontre de la Sa Qbe Europe, tant de condamnation de la part de la Sci Les Forges que de garantie de la part de M. [R], seront rejetées et M. [R] supportera seul le montant de la condamnation prononcée à son encontre.

IV. Sur les frais de procédure

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens n'emportent pas de critiques et seront confirmées.

La Sci Les Forges et M. [R] succombent à l'instance d'appel et seront condamnés in solidum à supporter les dépens d'appel avec droit de distraction au profit de Me Dugard Hillmeyer, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Déclare irrecevable les demandes de la Sci Les Forges formées au titre du préjudice financier, à titre principal à hauteur de 895,87 euros, à titre subsidiaire à hauteur de 835,66 euros,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné la Sa Qbe Europe, in solidum avec son assuré, M. [H] [R], à payer à la Sci Les Forges la somme de 4 350,75 euros TTC au titre de la responsabilité contractuelle,

- condamné la Sa Qbe Europe à garantir M. [H] [R] du paiement de la somme de 4 350,75 euros TTC dans les termes et limites de la police souscrite,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la Sci Les Forges d'une part, M. [H] [R] d'autre part, de leurs demandes à l'égard de la Sa Qbe Europe,

Déboute les parties de leur demande au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la Sci Les Forges et M. [R] aux dépens de l'instance d'appel avec droit de distraction au profit de Me Dugard Hillmeyer, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 23/00867
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.00867 ?
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