REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE SAINT DENIS DE LA REUNION
L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
No RG 22/01576 - No Portalis DBWB-V-B7G-FYVM
No de MINUTE :
Décision déférée : ordonnance rendue le 01er novembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis
ORDONNANCE DU 04 Novembre 2022
Nous, Patrick CHEVRIER, président de chambre délégué par le premier président par ordonnance
no 2022/ 258 du 2 novembre 2022, assisté de Marina BOYER, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance.
APPELANT :
M. [U] [C]
Aéroport de [3]
Zone d'attente
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1984 à SRIL LANKA
de nationalité Sri lankaise
Assisté de Me Zeïneb DRIDI, avocate au barreau de Saint Denis de la Réunion, substituée par Me Xavier BELLIARD
INTIMES :
Monsieur le Commissaire de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières de la Réunion,
Représenté par M. [J] [T]
Monsieur le préfet de LA REUNION,
Non représenté
Madame la procureure générale près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, représentée par Madame Emmanuelle BARRE, avocate générale, avisée de la date et de l'heure de l'audience
EN PRESENCE DE
Madame [D] [E], interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi,
DEBATS : audience publique du 3 novembre 2022 à 11h
Président : M. Patrick CHEVRIER, délégué par le premier président par ordonnance no2022/258 du 2 novembre 2022
Greffier : Marina BOYER
ORDONNANCE prononcée publiquement le 4 novembre 2022 à 11h00
FAITS ET PROCEDURE :
Vu les articles L 341-3, L. 342-2, R 341-1, R 342-2, R 342-4 à R 342-9, R 342-18 du CESEDA;
Vu l'appel formé par l'intéressé M. [C] [U], né le [Date naissance 1]1984 au Sri-Lanka, de nationalité sri lankaise, à l'encontre de l'ordonnance de seconde prolongation du placement en zone d'attente, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 1er novembre 2022 ;
Vu les débats en audience publique tenus le 3 novembre 2022 dans l'enceinte de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion,
Vu la comparution de l'intéressé qui a pu s'exprimer et répondre aux questions du délégué du premier président de la cour, ayant été préalablement informé qu'il était en droit de ne pas faire de déclarations, assisté d'un interprète en langue tamoule, serment préalablement prêté conformément à la loi, selon les dispositions de l'article
Entendue la plaidoirie de l'avocat de l'appelant ;
Entendues les observations du Ministère public,
Entendues les observations du commandant de la Police de l'Air et des Frontières ;
A la fin des débats, en application des articles R 342-18 du CESEDA, 640 et 642 du code de procédure civile, le président, délégué du premier président de la cour d'appel a informé les parties que la décision serait rendue le 4 novembre 202 à 11 h 00.
Sur les éléments de procédure :
Le 20 octobre 2022, à 17 heures 55, le bateau immatriculé IMUL-A-0238 TLE accoste à la darse Sud [Localité 4] OUEST sur la commune du [Localité 4] accompagné par un zodiac de la gendarmerie maritime. A son bord se trouvaient trois femmes, un enfant et treize hommes, soit un total de dix-sept personnes. L'ensemble de ces personnes font savoir qu'elles veulent demander l'asile.
La décision de placement de l'étranger en zone d'attente a été prise le 20 octobre 2022 à 22 heures 28, compte tenu de la volonté exprimée par l'intéressé de présenter une demande d'asile.
Par ordonnance en date du 24 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Saint-Denis a autorisé la prolongation du maintien en zone d'attente de l'étranger pour une durée maximale de huit jours ;
Par décision en date du 26 octobre 2022, la demande d'entrée en France au titre de l'asile de Monsieur [C] [U] a été rejetée par l'OFPRA.
Sa requête en annulation de cette décision présentée a été rejetée par jugement du tribunal administratif en date du 31 octobre 2022.
Selon requête adressée au juge des libertés et de la détention du tribunal judicaire de Saint-Denis, le Cheffe du Service Territorial de la Police Aux Frontières a sollicité la prolongation du maintien en zone d'attente de Monsieur [C] [U].
Par ordonnance du 1er novembre 2022, notifiée à l'intéressé le même jour, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Saint-Denis a statué en ces termes :
Rejetons les nullités de procédure soulevées ;
Ordonnons la SECONDE PROLONGATION du MAINTIEN de M. [C] [U] pour une durée maximale de huit jours ;
L'avocat de l'intéressé a interjeté appel de la décision par déclaration déposée au greffe de la cour le 2 novembre 2022 à 14 heures 00.
Aux termes de ses conclusions d'appel, le requérant demande de :
INFIRMER l'ordonnance attaquée en date du 24 octobre 2022 ;
FAIRE droit au moyen d'irrecevabilité invoqué ;
REJETER toutes conclusions contraires comme étant infondées
ORDONNER la mainlevée de la mesure de maintien en Zone d'attente et la remise en liberté du concluant
L'appelant fait valoir l'irrecevabilité de la requête aux fins de prolongation du maintien en zone d'attente par application des articles L. 342-2 et R. 342-2 du CESEDA en l'absence de motivation individualisée de cette demande.
Selon l'appelant, l'administration n'expose pas dans sa saisine le délai nécessaire pour assurer le départ de l'intéressé de la zone d'attente, se bornant à exposer les raisons pour lesquelles les étrangers n'ont pu être rapatriés, sans référence au délai de réacheminement de l'intéressé.
L'appelant invoque aussi le fait que le premier juge n'a pas répondu au grief tiré de l'absence d'individualisation de la requête de l'administration en nouvelle prolongation de la mesure de maintien en zone d'attente de l'étranger en cause alors que la requête était nominative et que les pièces annexées à la requête concernaient spécifiquement ce dernier.
L'appelant plaide que la sanction prévue par la loi en cas de défaut de motivation est l'irrecevabilité de la requête. Cette fin de non-recevoir doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief, conformément à l'article 124 du code de procédure civile.
La procureure générale conclut en premier lieu à l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il vise une ordonnance en date du 24 octobre 2022. Subsidiairement, elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Le représentant de l'administration, réplique que la requête est motivée, individualisée et donc régulière alors que les pièces annexées corroborent le bien fondé de la demande de prolongation exceptionnelle.
[C] [U] s'est exprimé à la fin de l'audience, soulignant les difficultés personnelles rencontrées au Sri Lanka, durant le voyage maritime et depuis son placement en zone d'attente.
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel :
Vu les articles L 342-12 et R 342-10, R 342-11, R 342-18 du CESEDA ;
Même si le dispositif de la déclaration d'appel tend à l'infirmation d'une ordonnance du 24 octobre 2022, il y a lieu de considérer cette mention comme constituant une simple erreur matérielle, l'ordonnance entreprise ayant été rendue en réalité le 1er novembre 2022.
En effet, la simple lecture des motifs de la déclaration d'appel établit qu'elle évoque la demande de seconde prolongation du maintien en zone d'attente de l'étranger en cause tandis que la seule pièce jointe à l'acte d'appel est l'ordonnance du JLD en date du 1er novembre 2022.
En outre, aucun préjudice résultant de cette erreur n'est démontré.
L'ordonnance querellée a été notifiée à l'intéressé le 01 novembre 2022.
La déclaration d'appel, motivé, a été déposée au greffe de la cour dans les 24 heures.
L'appel est donc recevable.
Sur les fins de non-recevoir :
L'article L. 342-2 du CESEDA prévoit que la requête aux fins de maintien en zone d'attente expose les raisons pour lesquelles l'étranger n'a pu être rapatrié ou, s'il a demandé l'asile, admis, et le délai nécessaire pour assurer son départ de la zone d'attente.
Selon l'article R. 342-2 du même code, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment d'une copie du registre prévu au second alinéa de l'article L. 341-2.
L'appelant fait grief à l'ordonnance querellée d'avoir accueilli la requête de l'administration alors que celle-ci est irrecevable pour défaut de motivation individualisée tandis que le premier juge n'aurait pas répondu à cette fin de non-recevoir.
En l'espèce, la requête datée du 31 octobre 2022, ayant pour objet d'obtenir du JLD l'autorisation de maintenir pour la seconde fois l'étranger appelant dans la zone d'attente, rappelle l'identité déclarée de l'intéressé, reprend les conditions de son arrivée par la mer près des côtes françaises, rappelle le jour et l'heure de son placement en zone d'attente ainsi que le sort de sa demande d'asile.
La requête énonce deux motifs justifiant la demande de prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente :
1/ L'exercice du droit de recours pour l'ensemble des étrangers qui ont été concernés par leur transport et leur arrivée près du territoire national, au nombre de treize ;
2/ Les difficultés de réacheminement de chacun des étrangers, compte tenu de leur nombre et des contraintes inhérentes à l'organisation de ces vols, compte tenu des possibilités limitées des compagnies aériennes localement et de la nécessaire mobilisation d'un effectif important de policiers pour assurer un retour sécurisé tout en prenant en compte les efforts diplomatiques en cours avec les autorités Sri Lankaises.
Ainsi, contrairement à ce qu'évoque l'appelant, la requête est motivée en fait et en droit, sans préjudice de son bienfondé.
Elle s'applique individuellement à l'appelant, même si le sort des douze autres personnes étrangères avec qui il a voyagé en bateau jusqu'au 20 octobre 2022 présente de nombreuses similitudes, ce qui ne peut être interprété comme une absence d'individualisation de la motivation de la requête alors que tous les passagers du bateau par lequel est arrivé l'appelant disposent du même statut administratif au regard de leur droit d'entrée sur le territorie national tandis que chacun reste libre de repartir vers la destination de son choix.
La fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de la motivation de la requête en prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente de l'appelant doit être écartée.
Le défaut prétendu de motivation de l'ordonnance querellée n'emporte aucun effet en cause d'appel compte tenu des moyens invoqués par l'appelant alors que les griefs exposés le sont pour soutenir une fin de non-recevoir tirée d'un défaut de motivation et non pour critiquer au fond les circonstances alléguées par l'administration.
Au fond :
Aucun moyen de fond n'est soulevé par l'appelant.
L'ordonnance querellée sera donc confirmée au fond par adoption de motifs.
Les dépens de l'instance resteront à la charge de l'Etat,
PAR CES MOTIFS
Nous, Patrick CHEVRIER, délégué de Monsieur le premier président de la Cour d'appel de Saint-Denis, statuant publiquement, par ordonnance rendue réputé contradictoire ,
DECLARONS l'appel recevable ;
ECARTONS la fin de non-recevoir tirée de l'insuffisance de la motivation de la requête en prolongation exceptionnelle du maintien en zone d'attente ;
CONFIRMONS l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
LAISSONS les dépens de l'instance à la charge de l'Etat
Informons les parties que la présente décision est susceptible d'un pourvoi en cassation
Fait à Saint-Denis de la Réunion, le 04 novembre 2022 à 11 H 00
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE DELEGUE
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
DECISION NOTIFIEE LE 04 NOVEMBRE 2022 A 11 H
- Monsieur le Préfet de la Réunion
- Monsieur le Commissaire de la Direction Départementale de la PAF
- Madame la procureure générale
- Greffe du JLD du TJ de Saint-Denis
Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 4 novembre 2022 :
L'intéressé assisté de l'interprète L'interprète L'avocat