DU 9 MAI 2001 ARRET N°239 Répertoire N° 2000/01693 Première Chambre Première Section RM/CD 25/01/2000 TGI FOIX RG : 199901084 (M. X...) ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE S.C.P BOYER LESCAT MERLE C/ Epx Y... S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI REFORMATION GROSSE DELIVREE LE Y... COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Premère Section Prononcé: Y... l'audience publique du neuf mai deux mille un, par H. MAS, président, assisté de E. KAIM MARTIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :
H. MAS Conseillers :
R. METTAS
M. ZAVARO Z... lors des débats: E. KAIM MARTIN Débats: Y... l'audience publique du 12 Mars 2001. La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : contradictoire APPELANTE L'ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE A... pour avoué la S.C.P BOYER LESCAT MERLE A... pour avocat Maître LAGIER du barreau de Lyon INTIMES Monsieur et Madame Y... A... pour avoué la S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI A... pour avocat Maître VASSEROT Pierre du barreau de Foix FAITS - PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS
Le 3 septembre 1997 un arrêté préfectoral a procédé au retrait des propriétés de M. Y... du territoire de chasse de l'ACCA locale.
Le 8 juin 1999, par arrêté préfectoral, la plupart des parcelles (sauf deux) de M. Y... étaient réintégrées dans le territoire de chasse de l'ACCA après que cette dernière eût fait observer que les parcelles retirées n'étaient pas d'un seul tenant et que donc, la superficie minimale de 20 ha exigée pour permettre l'exercice du droit de retrait prévu par la loi Verdeille de 1964 n'était pas
remplie.
Par assignation du 5 octobre 1999 M. Y... et son épouse Mme Y... ont assigné l'ACCA pour lui faire cesser provisoirement toutes actions de chasse sur l'ensemble des parcelles possédées ou exploitées par eux, en considération d'un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 29 avril 1999.
Par jugement du 25 janvier 2000 le tribunal de grande instance de Foix a constaté que sont inapplicables les dispositions de la loi Verdeille incompatibles avec l'arrêt de la CEDH rendu le 29 avril 1999 ; a fait défense à l'ACCA et à ses membres de chasser sur la propriété des époux Y... sous astreinte et avec exécution provisoire et l'a condamnée à leur payer 3.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC.
L'ACCA a relevé appel.
Par décision du 8 novembre 2000 le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés des 8 juin et 9 novembre 1999 (abrogeant pour les rectifier certaines dispositions de l'arrêté précédent) du Préfet de l'Ariège.
L'ACCA , dans ses dernières conclusions du 5 décembre 2000, demande de déclarer irrecevable l'action des époux Y... comme présentée devant une juridiction incompétente, de les débouter de leurs demandes et de les condamner à 5.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC.
Elle relève que le juge administratif est saisi d'une requête des époux Y... qui contestent la décision préfectorale qu'elle estime, pour sa part, fondée par l'article R 222-56 du code rural.
Elle fait valoir que, devant le tribunal, les époux Y... ne fondaient leur requête sur aucun des textes de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de ses protocoles avec précision et que l'invocation de l'arrêt au 29 avril 1999 était insuffisante.
Au fond, elle fait valoir que cet arrêt ne peut s'appliquer à M.A qui
ne se prévaut pas de convictions contraires à l'exercice de la chasse et qui ne peut donc invoquer les violations de l'article 1° du protocole n° 1 seul ou combiné avec l'article 14 de la convention ni de l'article 11 seul ou combiné avec ce même article 14, ni de l'article 9 de la convention.
Elle dit que la CEDH a bien reconnu l'intérêt général de la législation française, ce que la commission avait admis pour la Suède en 1992, et que le législateur a mis en conformité, en adoptant la loi du 26 juin 2000, la loi de 1964 avec la décision de la CEDH.
M. et Mme Y..., dans leurs dernières conclusions du 27 décembre 2000, concluent à l'irrecevabilité, au visa des articles 74 et 75 du NCPC de la demande d'incompétence et à la confirmation de la décision au visa de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des protocoles annexes et de l'arrêt du 29 avril 1999.
Ils réclament 5.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC.
Ils observent que l'exception d'incompétence n'a pas été soulevée en première instance ; qu'elle n'est pas motivée ; que l'ACCA ne dit pas quelle juridiction serait compétente et que l'action a trait à une atteinte, jugée illicite par la Cour Européenne, à la propriété immobilière d'autrui, ce qui justifie la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Sur le fond, ils disent que les agriculteurs subissent, du fait des chasseurs, de nombreux tracas et que les termes de l'arrêt du 29 avril 1999 de la CEDH s'appliquent à leur situation puisqu'est sanctionnée une discrimination fondée par l'imposition d'une charge démesurée et par une distinction entre grands et petits propriétaires.
Ils soutiennent que les articles L 222-10 et L 222-13 violent la Convention Européenne sans qu'il puisse être opposé à M. Y... le fait qu'il serait chasseur.
Ils ajoutent que la réforme du 26 juillet 2000 ne modifie pas les dispositions sur les exigences d'une clôture et de 20 ha d'un seul tenant, et que la loi reste soumise à la censure de la CEDH ; que l'avis de Mme RAVAUD, conseiller référendaire à la Cour Européenne, ne vise pas le point 121 qui souligne le caractère discriminatoire de la loi.
MOTIFS sur la procédure
ATTENDU que la partie qui soulève une exception d'incompétence doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée et ce en application de l'article 75 du NCPC ;
ATTENDU que l'ACCA qui n'a respecté aucune des prescriptions de cet article était irrecevable à s'en prévaloir mais que les juges saisis de cette difficulté, soumise à la discussion des parties, puisque soulevée dans les écritures de l'ACCA antérieurement à l'ordonnance de clôture, pouvaient statuer en application de l'article 92 du NCPC ;
ATTENDU que devant la cour ce même moyen peut être également tranché d'office en application du 2° alinéa de l'article 92, l'ACCA l'ayant soumis à débat (sans le motiver ni préciser qu'elle juridiction était compétente), puisqu'est en cause la compétence d'une juridiction administrative ;
ATTENDU, au fond sur cette exception, que l'action qui tend à faire respecter le droit de propriété immobilière de M. et Mme Y... est de la compétence exclusive et naturelle des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Que cette exception est infondée ;
Au fond
ATTENDU que M. et Mme Y... qui ont assigné l'ACCA pour atteinte illicite à leur propriété et à l'exploitation de leurs terres en se référant Ã
la Convention et à l'arrêt du 29 avril 1999 de la CEDH ont satisfait à l'obligation de préciser l'objet de leur demande ;
ATTENDU que l'arrêt de la CEDH a été rendu, sur saisine de la Commission, dans trois affaires où dix requérants ressortissant de l'Etat français, ayant en commun leur opposition à la chasse pour des raisons éthiques, avaient saisi la Commission à la suite de décisions émanant de juridictions des ordres judiciaire ou administratif, ayant écarté leurs contestations sur leur obligation de faire apport de leurs terres à l'ACCA dès lors qu'ils détenaient moins de 20 ha d'un seul tenant ;
ATTENDU que la décision rendue par la CEDH, qui a statué sur "le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences des articles 9, 11 et 14 de la Convention et 1 du protocole n° 1" (point 1 de son arrê t), ne peut, par conséquent, être transposée aux contestations de M. et Mme Y..., celui-ci ne contestant pas être chasseur et désirer continuer à chasser sur ses terres;
ATTENDU que la loi Verdeille du 10 juillet 1964 a permis le regroupement de territoires de chasse à l'échelle communale, en ACCA ou AICA, soit de manière impérative, soit sur décision d'une majorité au sein du département ; qu'elle a pour objet de "favoriser sur leur territoire le développement du gibier et la destruction des animaux nuisibles, la répression du braconnage, l'éducation cynégétique de leurs membres dans le respect des propriétés et des récoltes et, en général, d'assurer une meilleure organisation technique de la chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de ce sport" ;
ATTENDU que cette loi est donc conforme aux droits reconnus aux Etats à l'article 1° du protocole additionnel n° 1 de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général et qu'elle poursuit un but légitime ;
ATTENDU que l'Etat français a tiré les conséquences de l'arrêt de la CEDH en modifiant certaines dispositions de la loi et notamment en reconnaissant aux opposants à la chasse, au nom de convictions personnelles, le droit de refuser l'inclusion de leurs terres dans le territoire attribué aux ACCA, sans distinction fondée sur la dimension de la propriété ;
ATTENDU que l'obligation faite aux propriétaires non opposés à la chasse par conviction, d'apporter leurs terres aux ACCA en deça d'un certain seuil qui varie d'ailleurs selon le gibier chassé et la situation des lieux, et qui a pour contreparties de leur conférer la qualité de membre de droit de l'ACCA et de leur donner la possibilité de disposer d'un territoire de chasse étendu, géré dans le respect de l'intérêt général, ne constitue pas une atteinte aux articles 11 et 14 de la Convention, dès lors que les avantages accordés en contrepartie de la limitation apportée au droit de propriété sont bien réels et proportionnés à l'atteinte portée, laquelle est justifiée par un intérêt général certain ;
ATTENDU qu'il est en effet de l'intérêt général dans un souci de gestion rationnelle de la chasse et de sécurité, d'éviter, dans les régions où la propriété est très morcelée, l'instauration de plusieurs régimes de chasse sur des territoires voisins et très restreints en superficie ;
ATTENDU que M. et Mme Y... doivent donc être déboutés de leurs demandes ;
ATTENDU que M. et Mme Y... qui succombent doivent les entiers dépens et 5.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
déclare l'appel recevable en la forme,
réformant le jugement et statuant à nouveau,
déclare l'action recevable,
déboute M. et Mme Y... de leurs demandes,
condamne M. et Mme Y... aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BOYER LESCAT MERLE et au paiement de 5.000 Frs à l'ACCA . LE PRESIDENT ET LE Z... ONT SIGNE LA MINUTE. LE Z...
LE PRESIDENT