30/01/2006 ARRÊT No No RG : 04/00038 Décision déférée du 12 Octobre 2004 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 03/00223 GUILHEM SEM CONSTELLATION ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SEM DE BLAGNAC CONSTELLATION C/ Liliane X... EPOUSE Y... Christiane X... EPOUSE Z... Rina PICCININ VEUVE X... SERVICES FISCAUX DE LA HAUTE-GARONNE
CONFIRMATION PARTIELLE
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Chambre des Expropriations
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ARRÊT DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE SIX
[***] APPELANT(S) SEM CONSTELLATION ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SEM DE BLAGNAC CONSTELLATION 5, Avenue Albert Durand Aéropole 5 BP 109 31703 BLAGNAC CEDEX Assisté de Me BOUYSSOU Avocat au barreau de TOULOUSE INTIMÉES Madame Liliane X... EPOUSE Y... 73, Rue Pérignon 31330 GRENADE Assisté de la SCP VAYSSE-LACOSTE AXISA Avocats au barreau de TOULOUSE Madame Christiane X... EPOUSE Z... 240-248, Vieux chemin de Grenade 31700 BLAGNAC Assisté de la SCP VAYSSE-LACOSTE AXISA Avocats au barreau de TOULOUSE Madame Rina PICCININ VEUVE X... 248, Vieux Chemin de Grenade 31700 BLAGNAC Assisté de la SCP VAYSSE-LACOSTE AXISA Avocats au barreau de TOULOUSE
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT SERVICES FISCAUX DE LA HAUTE-GARONNE Hôtel des Impôts de Rangueil 33, Rue Marvig 31404 TOULOUSE CEDEX 04 Représentés par M. MONTARIOL COMPOSITION DE LA COUR A... a été débattue le 28 Novembre 2005, en audience publique, devant la Cour
composée de: Président
: C. BABY, Assesseurs
: L. PARANT, juge de l'expropriation pour le département de l'Ariège, désigné par ordonnance du premier président du 3 décembre 2002
: I. MOLLEMEYER, juge de l'expropriation pour le département de Tarn et Garonne désigné par ordonnance du premier président du 18 septembre 2003 qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : R. GARCIA ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par C. BABY, président, et par R. GARCIA, greffier de Chambre
Vu les mémoires déposés et régulièrement notifiés à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement. Vu les convocations adressées aux parties et au commissaire du gouvernement. A l'audience, le Commissaire du Gouvernement est entendu à sa demande en ses observations. FAITS ET PROCÉDURE La création de la ZAC Andromède, qui représente une emprise de 200 ha environ sur les communes de Blagnac et de Beauzelle, est l'une des conséquences de l'installation à Blagnac des nouveaux ateliers destinés à la construction de l'Airbus A 380. Elle a été décidée pararrêté préfectoral du 27 février 2002, l'enquête parcellaire s'est déroulée du 5 au 28 mai 2003, et les ordonnances d'expropriation sont intervenues les 10 février et 1er octobre 2004.
L'opération concerne entre autres une parcelle sise sur la commune de Blagnac, cadastrée AK 16, lieudit Ferradou, d'une superficie totale de 3 716 m , objet d'une emprise partielle (2 622 m ), soit un reliquat de 1 084 m , appartenant à l'indivision constituée entre Mesdames Liliane X... épouse Y..., Christiane X... épouse Z... et Rina Piccinin veuve X...
Les propriétaires n'ayant pas accepté l'offre qui leur a été faite à 11 ç/m , l'autorité expropriante a saisi le juge de l'expropriation de Toulouse, qui, par jugement du 12 octobre 2004, a retenu une valeur de 60 ç/m , soit une indemnité principale de 157 320 ç. L'indemnité de remploi, au taux de 15 % jusqu'à 77 000 ç et 10 % au-delà, ressortait à 19 582 ç, soit une indemnité globale de 176 902 ç, arrondie à 176 910 ç. La demande d'indemnité pour clôture a été admise en son principe, la SEM acceptant de payer sur devis la reconstitution d'une clôture identique à celle en place.
L'expropriante a relevé appel de cette décision par déclaration du 15 novembre 2004.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'expropriante précise que la parcelle en cause est, à la date de référence, soit le 21 décembre 2001, date à laquelle a été approuvée la modification du plan local d'urbanisme, classées entièrement en zone 1 AU-d, correspondant à la future base de loisirs de Pinot-Barricou et à la coulée verte reliant la Garonne à l'Aussonnelle. Dans cette zone, sont interdites toutes constructions ou installations autres que celles à usage de sports, loisirs et culture et services annexes, logements de fonction, aires de stationnement, installations et travaux divers qui y sont liés,
jardins familiaux et cimetières paysagers. Ces constructions et aménagement ne pourront être faits qu'après réalisation des équipements d'infrastructure indispensables (voirie et réseaux divers). Il n'est pas fixé de COS.
Elle rappelle que l'article L 13-15 exige qu'un terrain remplisse, pour être qualifié de terrain à bâtir, deux conditions cumulatives :
une desserte suffisante par la voirie et les réseaux électrique, d'eau potable, et, le cas échéant, le réseau d'assainissement, et une situation dans un secteur désigné comme constructible par le document d'urbanisme applicable ou la décision du conseil municipal et du représentant de l'Etat dans le département en l'absence d'un tel document. A défaut de remplir ces deux conditions, le terrain doit être évalué en fonction de son usage effectif, agricole ou d'agrément en l'espèce.
Elle considère que la condition réglementaire est remplie, mais pas la condition de desserte par les réseaux, qui doit être appréciée au regard de l'ensemble de la zone. En effet, la capacité des réseaux est insuffisante, car elle doit être appréciée par rapport à l'ensemble de la zone, et il n'y a pas de raccordement au réseau d'eaux usées. Il y a donc lieu de s'en tenir à l'usage effectif.
Elle considère que le tribunal ne pouvait appliquer en l'espèce la règle de l'unicité des terrains : le fait que la parcelle supporte une construction est indifférent lorsqu'il s'agit d'apprécier si elle remplit les conditions de desserte fixées par l'article L 13-15 du Code de l'expropriation.
Elle reproche au premier juge d'avoir raisonné à partir d'une valeur de terrain à bâtir correspondant à une parcelle adaptée à la construction d'une maison d'habitation, sans tenir compte de la constructibilité très limitée de la zone 1 AU-d.
Son offre de 11 ç tient compte de la plus-value imputable à la
situation privilégiée, non contestée, des parcelles en cause, la valeur d'un terrain agricole étant très inférieure. Elle cite de nombreuses cessions amiables à ce prix sur les communes de Blagnac et Beauzelle.
Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qui concerne l'indemnité de remploi, le principe d'une indemnité pour reconstitution de clôture et d'une autre pour reconstitution du puits.
Elle maintient donc son offre, arrondie à 33 200 ç.
En réplique au mémoire adverse, elle rappelle qu'elle ne conteste pas que la condition juridique de constructibilité est en l'espèce remplie, considérant que la condition physique ne l'est pas, du fait de l'insuffisance des réseaux. Peu importe à cet égard que la zone 1 AU-d soit réservée aux équipements sportifs et de loisirs : c'est au regard des besoins de la ZAC dans son ensemble que doit être analysée la capacité des réseaux.
Les expropriées, par mémoire déposé le 20 juillet 2005, soutiennent que les conditions de desserte permettent de retenir la qualification de terrain à bâtir. Le raccordement au réseau d'assainissement de Beauzelle est possible, celui-ci étant distinct de quelques dizaines de mètres seulement.
Elles ajoutent que la condition relative au caractère suffisant des réseaux par rapport à l'ensemble de la zone, même si elle a été jugée conforme à la constitution, présente un caractère arbitraire, voire inique. En l'espèce, l'expropriante n'a pas justifié des équipements qui seraient selon elle nécessaires, et les expropriés soutiennent à bon droit que, du fait de la vocation de la zone (loisirs et activités sportives) la question de la capacité des réseaux ne se pose pas.
Elles estiment que la valeur d'un terrain à bâtir à Blagnac, où ils
sont rares, est de 150 ç/m , citant les dernières éditions du GOFAR. Formant appel incident, elles demandent à la cour de les indemniser sur cette base.
Subsidiairement, elles demandent à la cour, eu égard au caractère hautement privilégié du terrain, d'augmenter à 100 ç la valeur retenue par le premier juge.
Elles sollicitent pour le surplus la confirmation du jugement.
Mme le commissaire du gouvernement soutient que le prix de 11 ç est adapté, s'agissant de terrains de réserve : ils sont certes juridiquement constructibles, mais ne pourront être construits qu'après exécution des travaux d'aménagement nécessaires. Ils ne peuvent donc être indemnisés au prix du terrain à bâtir, et leur proximité avec des zones bâties importe peu à cet égard. Ils ne peuvent davantage l'être au prix du terrain agricole, compte tenu de leur situation privilégiée.
La valeur retenue se trouve confortée par la vente intervenue le 5 février 2003 d'un terrain de 111 855 m à Cornebarrieu au prix de 13,99 ç. Ce terrain est affecté à la construction d'immeubles collectifs réservés pour les 3/4 à l'usage d'habitation et à leurs dessertes, parkings, cours et jardins, la SHON étant de 17 243 m .
Elle ajoute que, toutes les parcelles étant en zone AU du PLU, il n'y a pas lieu de traiter différemment les fonds de propriétés bâties, qui sont en outre invendables et inutilisables du fait de leur configuration et de leur situation.
Elle demande donc à la cour de retenir l'offre, et d'allouer à l'indivion X... une indemnité globale de dépossession de 33 200 ç.
SUR QUOI
SUR QUOI
Aux termes de l'article L 13-13 du Code de l'expropriation , les indemnités allouées à l'exproprié doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation.
Ni l'usage effectif agricole (par défaut) à la date de référence, ni la fixation de celle-ci au 21 décembre 2001, date de la modification du plan local d'urbanisme aboutissant au classement de la parcelle partiellement expropriée en zone 1-AU-d ne sont discutés par les parties, non plus que le principe d'une indemnité de clôture. Celles-ci s'opposent en revanche sur sa qualification de terrain à bâtir de l'emprise.
Sur la qualification de terrain à bâtir
Il convient de rappeler que l'article L 13-15-II du Code de l'expropriation, d'ordre public aux termes de l'article L 13-19 du même Code, et qui contient la définition du terrain à bâtir, la réserve aux terrains qui, à la date de référence,
"sont, quelle que soit leur utilisation, tout à la fois :
a) effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent ... un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée à l'égard de l'ensemble de la zone ;
b) situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou par un document d'urbanisme en tenant lieu ..."
Il n'est pas discuté en l'espèce que la parcelle est juridiquement
constructible, comme incluse dans une zone 1AU du POS, et plus particulièrement dans la zone destinée à l'équipement sportif et aux loisirs.
La discussion porte en revanche sur l'existence et la suffisance de sa desserte par les réseaux et de la possibilité de la raccorder à des réseaux existants et suffisants.
Le texte prévoyant expressément le caractère cumulatif de la condition de desserte et de la condition de constructibilité juridique, le terrain ne peut en effet être qualifié de terrain à bâtir si l'une de ces deux conditions est défaillante.
Il ne peut être à cet égard demandé à la cour d'écarter la loi simplement parce que les expropriées considèrent qu'elle est arbitraire et inique : en état de droit, la loi, quelle qu'en soit la teneur, s'impose au juge, qui ne peut l'écarter, surtout lorsque son application est, comme en l'espèce, d'ordre public (article L 13-19 du Code de l'expropriation).
Or, si l'accès routier n'est pas spécialement discuté en l'espèce, il est établi que la parcelle en cause n'est pas raccordée au réseau d'assainissement. Rien ne permet de considérer qu'un terrain de Blagnac pourrait être raccordé au réseau de Beauzelle, commune distincte. Surtout, il est établi que le réseau électrique et les autres réseaux existants sont insuffisants par rapport à la zone dans son ensemble, que l'article L 13-15 impose de prendre en considération en pareil cas. Cette insuffisance est confirmée par la disposition du document d'urbanisme précisant que, dans les zones 1 AU qu'il détermine, et qui englobent les parcelles présentement en cause, "les constructions et opérations d'aménagement ne pourront être autorisées qu'après réalisation des équipements d'infrastructure indispensables (voirie et réseaux divers) mentionnés à l'article 1 AU 4."
L'absence de possibilité de raccordement à des réseaux suffisants interdit de considérer que la condition prévue à l'article L 13-15 - II - 1o- a) serait remplie à la date à laquelle la cour statue.
Dès lors que la qualification de terrain à bâtir ne peut être retenue au sens des textes applicables dans le cadre de la présente instance, force est d'évaluer le terrain en considération de son seul usage effectif, dont il n'est pas discuté qu'il est, par défaut, agricole. Le fait que l'emprise soit constituée par le fond d'une propriété bâtie n'apparaît pas de nature à entraîner une plus-value, d'autant que le délaissé lui-même, supportant un simple hangar, n'est pas en façade de la voie existante, à laquelle il n'accède que par une servitude établie sur la propriété de M. B... : une telle situation, en ce qu'elle postule un éloignement de la voirie existante et la nécessité de créer une deuxième servitude d'accès, sur le délaissé lui-même cette fois, ou un accès par l'arrière de l'emprise, au travers d'autres parcelles, est à l'inverse source de contraintes supplémentaires pour tout acquéreur autre que le propriétaire du bâti lui-même, raison pour laquelle le premier juge a d'ailleurs pratiqué un abattement plus important que dans le dossier des époux C..., propriétaires mitoyens. Mais la référence même à un prix de terrain à bâtir n'apparaît pas elle-même pertinente, en l'état d'un classement de l'emprise en zone 1 AU de la ZAD : ainsi que l'observe l'expropriante, l'application de la règle d'unicité du terrain suppose que l'on soit en présence d'un terrain dont l'ensemble est à bâtir au sens de l'article L 13-15-II du Code de l'expropriation, ce qui n'est pas le cas au moins de la partie sous emprise. Le classement de la partie bâtie n'est pas indiqué, mais il est nécessairement différent, puisque cette partie n'est pas concernée par l'expropriation : la partie bâtie n'est pas concernée
par l'application de la dernière phrase du point II-1o-a) de cet article. La règle de l'unicité du terrain n'a donc pas vocation à s'appliquer ici.
L'expropriante admet que, eu égard à son emplacement dans la périphérie toulousaine et à la pression foncière dont fait l'objet toute l'agglomération, dans un contexte de hausse générale du marché immobilier, il ne peut être retenu une valeur de terrain agricole au sens strict de ce terme. Elle admet donc que l'indemnisation doit tenir compte d'une situation privilégiée, caractérisée par la proximité des zones urbanisées de Blagnac.
Pour offrir dans ce contexte 11 ç/m , l'expropriante se fonde sur les accords amiables qu'elle a obtenus dans le cadre de la même opération, et qui, s'ils n'atteignent pas les seuils fixés par l'article L 13-16 du Code de l'expropriation, n'en constituent pas moins un terme de comparaison pertinent, d'autant que la rareté de ventes de terrains comparables ne permet pas de disposer d'une grande quantité de termes de comparaison.
Les expropriées n'en produisent en ce qui les concerne aucun.
En l'absence d'informations pertinentes permettant de considérer qu'elle n'est pas de nature à réparer l'entier préjudice matériel des expropriés, la valeur de 11 ç sera donc retenue, soit une indemnité principale de 28 842 ç.
Sur l'indemnité de remploi
Elle n'est contestée ni en son principe ni en ce qui concerne le taux applicable, soit 15 %, et s'élève donc à 4 326,30 ç.
Sur l'indemnité accessoire
Les parties étant sur ce point d'accord avec les dispositions du jugement, celui-ci sera simplement confirmé en ce qui concerne le principe d'une indemnisation de la reconstitution à l'identique d'une
clôture en limite d'emprise.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant à la date du jugement déféré,
Réformant partiellement ce jugement,
Fixe l'indemnité globale de dépossession revenant à l'indivision constituée entre Mesdames X... et Piccinin à la somme arrondie de 33 200 ç (trente trois mille deux cents euros),
Confirme le jugement en ce qu'il a retenu le principe d'une indemnité pour reconstitution de clôture,
Rejetant toute demande plus ample ou contraire,
Condamne les consorts X... aux dépens d'appel en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT R. GARCIA
C. BABY