27/02/2006 ARRÊT No78 No RG: 05/00097 HM/CD Décision déférée du 18 Novembre 2004 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2004/959 M. MONIER SA X... représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI C/ SA DV CONSTRUCTION représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE
REFORMATION Grosse délivrée le à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
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ARRÊT DU VINGT SEPT FEVRIER DEUX MILLE SIX
[***] APPELANTE SA X... 66 rue Jean Jacques Rousseau 94200 IVRY SUR SEINE représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de Me Marie Laure MARLE PLANTE, avocat au barreau de MONTPELLIER INTIMEE SA DV CONSTRUCTION Le Sévillé 22 avenue Pythagore 33702 MERIGNAC CEDEX représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de la SCP DELAVALLADE-GELIBERT, avocats au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2006, en audience publique, devant H. MAS, Président, O. COLENO, conseiller, chargés d'instruire l'affaire, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : H. MAS, président O. COLENO, conseiller C. FOURNIEL, conseiller Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN ARRET : - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe après
avis aux parties - signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
FAITS ET PROCEDURE
La société SPAPA, aujourd'hui société X..., a, en 1991, signé aux mêmes conditions générales avec la société BISSEUIL, aujourd'hui DV CONSTRUCTION, deux marchés de sous traitance pour l'étanchéité l'un concernant la polyclinique FERRAN, l'autre le lot no 4 d'une résidence rue Riquet à Toulouse.
Les ouvrages ont été réceptionnés sans réserve par le maître d'ouvrage le 30 juin 1992 pour le premier chantier et le 18 novembre 1992 pour le second.
Par acte du 7 février 2004 la société DV CONSTRUCTION a fait assigner la société X... devant le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir sa condamnation à lui payer une somme de 547,38 ç outre intérêts au titre du chantier polyclinique FERRAN du Comminges et une somme de 3.966,42 ç outre intérêts au titre du chantier de la résidence Riquet, en faisant valoir qu'elle a du régler ces sommes préfinancées par les assureurs dommages ouvrage des deux opérations AXA ASSURANCE et ALLIANZ à la suite de désordres affectant les ouvrages d'étanchéité du fait de la franchise qui lui a été opposée par son propre assureur garantie décennale la compagnie AGF.
La société X... a conclu au rejet en invoquant la prescription de l'action pour dépassement du délai de 10 ans des articles 1792 et 2270 du code civil, le caractère tardif au regard de l'article 15 du nouveau code de procédure civile des justificatifs fournis par la société DV CONSTRUCTION quant aux versements effectués par elle, l'inopposabilité du rapport d'expertise dommage ouvrage, et l'absence de preuve de l'imputabilité des désordres à son intervention.
Par jugement du 18 novembre 2004 le tribunal de commerce de Toulouse a condamné la société X... au versement des sommes réclamées avec
les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et la somme de 750 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au visa des articles 1792 à 1792-4 et 2270 du code civil.
Les premiers juges ont retenu que le sous traitant ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 2270 du code civil, que la société X... avait été informée des malfaçons et des opérations d'expertise auxquelles elle n'a pas participé, que les désordres pour lesquels la société DV a dû payer sont relatifs à l'étanchéité et que la société SPAPA qui avait procédé à la réparation de ces désordres était de mauvaise foi.
La société X... a régulièrement fait appel de cette décision.
Elle demande à la cour, dans ses dernières écritures, de rejeter toutes les demandes de la société DV CONSTRUCTION en soutenant qu'elle n'aurait ni qualité ni intérêt à agir faute de démontrer l'existence d'une dette qu'elle aurait été légalement tenue de payer dans la mesure où la réclamation qu'elle prétend avoir dû honorer lui a été présentée postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale par l'assureur dommage ouvrage.
Elle fait valoir subsidiairement qu'elle est bien fondée en qualité de sous traitante à opposer à l'entrepreneur principal la forclusion décennale de l'article 2270 du code civil en invoquant la jurisprudence et les articles 2 et 5 de l'ordonnance du 8 juin 2005. Elle expose plus subsidiairement que l'expertise dommage ouvrage lui est inopposable que la preuve de l'imputabilité des désordres n'est pas rapportée et qu'elle n'a procédé à aucune réparation de désordres mais à des travaux exploratoires à la demande de l'expert dommage ouvrage.
Elle sollicite la condamnation de la société DV CONSTRUCTION à restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire avec
les intérêts au taux légal à compter du versement et application de l'article 1154 du code civil.
Elle soutient que la demande d'application de cet article formée pour la première fois en cause d'appel par la société DV CONSTRUCTION est irrecevable et demande 5.000 ç à titre de dommages intérêts pour procédure abusive avec application de l'article 1154 du code civil et 5.000 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société DV CONSTRUCTION conclut à la confirmation et sollicite la capitalisation des intérêts fixés par le premier juge outre 1.500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. A titre subsidiaire elle demande que la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui pourrait être désigné soit mise à la charge de la société appelante.
Elle soutient que l'assureur de la société SPAPA, la société AXA COURTAGE, a réglé aux assureurs dommage ouvrage le coût des travaux de reprise des désordres préfinancé par celui-ci à l'exception de la franchise et que c'est ce montant que son assureur AGF n'a pas pris en charge en invoquant lui même la franchise qu'elle a dû régler et qu'elle réclame.
Elle soutient que l'article 1792 du code civil ne peut être utilement invoqué par la société X... dès lors que ce texte n'est pas légalement applicable au sous traitant et que son application contractuellement prévue aux marchés de sous traitance réserve expressément ses recours contractuels après expiration des régimes de garantie légale.
Elle se dit donc recevable à agir sur le fondement contractuel dans le délai de 10 ans courant à compter de l'événement dommageable engageant la responsabilité de son sous traitant soit le dépôt des
rapports d'expertise dommage ouvrage, en soutenant que l'ordonnance du 8 juin 2005 n'est pas applicable aux instances en cours qui restent régis par la loi applicable au jour de l'introduction de l'action.
Elle soutient rapporter la preuve de l'imputabilité des désordres à la société SPAPA et dit que le rapport de l'expertise dommage ouvrage peut être à cet égard retenu d'autant que la société SPAPA a elle même procédé à des travaux de reprise de ces désordres sur le chantier polyclinique FERRAN.
MOTIFS DE LA DECISION sur la recevabilité de l'action
Attendu que la société DV CONSTRUCTION justifie par les pièces produites qu'elle a été amenée à régler, par suite du refus de l'assureur de la société SPAPA de prendre en charge le sinistre au motif d'un montant inférieur à celui de sa franchise contractuelle, une somme de 547,38 ç qu'elle a payée le 29 août 2003 sur le chantier polyclinique du Comminges et une somme de 3.966,42 ç qu'elle a payée le 7 mars 2002 sur le chantier de la résidence Riquet ;
Attendu que la société X... soutient vainement que la société DV CONSTRUCTION a payé des sommes qui n'étaient pas dues, en raison de l'expiration du délai de garantie décennale au jour du paiement dès lors que ces sommes ont été payées à l'assureur dommage ouvrage subrogé dans les droits du maître d'ouvrage à la suite d'opérations d'expertise au cours desquelles ont été constatés, avant expiration du délai décennal, les désordres pour lesquels la société DV CONSTRUCTION, dont il ne peut pas être contesté utilement qu'elle est une des filiales de la société BOUYGUES, devait supporter le coût inférieur à la franchise contractuelle en vertu d'une convention de règlement passée avec son assureur garantie décennale AGF prenant
effet au 1o janvier 1996 ;
Attendu en outre que la société DV CONSTRUCTION a participé aux opérations d'expertise et ne pouvait, au vu des rapports déposés, utilement contester son obligation à paiement ; qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir payé hors toute procédure judiciaire alors que la responsabilité de son sous traitant pouvait encore être recherchée par l'assureur dommage ouvrage subrogé ;
Attendu en effet que la société X... soutient tout aussi vainement qu'elle ne pourrait être recherchée pour le paiement des sommes susvisées du fait de l'expiration à son égard du délai de garantie décennale qui n'a jamais été interrompu ;
Attendu qu'avant l'ordonnance du 8 juin 2005, qui ne comporte pas, en son article 2 de dispositions interprétatives, l'article 2270 du code civil, fixant à 10 années à compter de la réception le délai pour agir à l'encontre des personnes tenues de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil, ne pouvait être appliqué aux sous traitants qui ne sont pas tenus de cette présomption de responsabilité mais pouvaient être recherchés sur le fondement de l'article 1382 du code civil par le maître d'ouvrage ou son subrogé et sur le fondement de la responsabilité contractuelle par l'entrepreneur principal, le délai courant alors de la constatation ou de la dénonciation du désordre ;
Attendu par ailleurs que si l'article 5 de l'ordonnance du 8 juin 2005, différant son application aux contrats et marchés conclus après sa publication, n'est pas applicable à l'article 2 de ladite ordonnance créant un article 2270-2 du code civil étendant aux sous traitants le délai de dix ans courant à compter de la réception pour agir à leur encontre, cette circonstance est sans effet sur les actions en cours qui restent recevables dès lors qu'elles l'étaient au regard de la loi applicable au jour de l'introduction de
l'instance ;
Attendu qu'en l'espèce les deux parties étant commerçantes c'est la prescription de 10 ans à compter de la manifestation du dommage qui doit trouver application sauf disposition contractuelle particulière ;
Attendu que la société appelante soutient à cet égard que le contrat de sous traitance prévoyait expressément l'application entre les parties des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;
Mais attendu que si les contrats prévoient en leurs articles 1 et 15 que les dispositions de la loi du 4 janvier 1978 sont applicables au sous traitant et que celui-ci doit garantir l'entreprise principale contre tout recours concernant les ouvrages qu'il a exécutés en application des articles 1792 et suivants du code civil, l'article 15 prévoit également que la responsabilité contractuelle de droit commun reste applicable après expiration des régimes de garantie légale, ce qui interdit au sous traitant de se prévaloir de l'expiration à son égard du délai de l'article 2270 du code civil avant sa mise en cause sur le fondement de l'obligation de résultat qu'il doit à l'entrepreneur principal et qui est rappelée à l'article 1o du contrat ;
Attendu que la société X... restait également tenue à l'égard du maître d'ouvrage ou de son subrogé sur le fondement de l'article 1382 à la date de l'assignation compte tenu de la date d'apparition des désordres ;
Attendu que la demande est donc recevable ;
Attendu que la demande est donc recevable ; sur le bien fondé de la demande
Attendu que la société SPAPA n'a pas participé aux opérations diligentées par l'expert dommage ouvrage bien qu'elle y ait été
convoquée, qu'il résulte cependant des documents produits et particulièrement du rapport d'expertise dommage ouvrage du chantier polyclinique du Comminges, qu'elle est intervenue dans le cadre de l'expertise dommage ouvrage pour réparer les désordres affectant l'étanchéité qu'elle avait réalisée et non pour procéder, comme elle le soutient, à de simples opérations de contrôle et que la somme que la société DV CONSTRUCTION a dû payer correspond à ce qui lui a été réglé par l'assureur dommage ouvrage pour cette prestation ;
Attendu dès lors que la société X... n'est pas fondée à s'opposer au paiement au motif que l'expertise dommage ouvrage ne lui serait pas opposable et que l'imputabilité des désordres au travail par elle effectué ne serait pas établie ;
Attendu que la demande de la société DV CONSTRUCTION au titre du chantier polyclinique du Comminges est donc bien fondée ;
Attendu sur le chantier de la résidence Riquet que la société DV CONSTRUCTION ne peut invoquer la convocation de la société SPAPA à l'expertise dommage ouvrage pour prétendre lui opposer le rapport d'expertise déposé dans ce cadre et démontrer l'imputabilité des désordres à son travail, dès lors que l'expertise dommage ouvrage n'est pas opposable au sous traitant, que la société SPAPA n'y a pas volontairement participé et que rien ne démontre sa connaissance des désordres et l'acceptation de leur imputabilité ;
Attendu par ailleurs que l'article 15 du contrat de sous traitance prévoit expressément la nécessité de mettre en cause le sous traitant dans le cadre d'une expertise judiciaire pour que l'entrepreneur principal puisse se prévaloir de la subrogation dans les droits du maître de l'ouvrage lorsqu'il a mis fin au désordre par son intervention ;
Attendu que la société DV CONSTRUCTION prétend avoir mis fin au désordre imputé par elle aux travaux réalisés par la société SPAPA
mais n'a pas appelé en cause cette société dans le cadre d'une expertise judiciaire qu'elle sollicite aujourd'hui tardivement dès lors que, du fait de la réalisation des travaux, il n'y a plus rien à constater quant à l'imputabilité des désordres ;
Attendu que la demande formée au titre du chantier résidence Riquet est donc infondée ; sur les mesures accessoires
Attendu que la société X... ayant réglé les condamnations prononcées par les premiers juges au titre de l'exécution provisoire la demande d'application de l'article 1154 du code civil n'est pas fondée moins d'un an s'étant écoulé entre la date de l'assignation introductive d'instance constituant le point de départ des intérêts alloués par les premiers juges, dont la décision sur ce point doit être confirmée, et la date du paiement (7/02/04-6/12/04) ;
Attendu que les sommes dues par la société DV CONSTRUCTION à titre de restitution du fait de la réformation partielle, porteront intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt fondant le droit à restitution et non à compter du règlement comme demandé par la société X... ;
Attendu qu'en l'état de la succombance respective des parties il n'y a pas lieu à octroi de dommages intérêts pour procédure abusive ni à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
réforme la décision déférée,
déclare recevable l'action de la société DV CONSTRUCTION,
condamne la société X... à payer à la société DV CONSTRUCTION la somme de 547,38 ç au titre du chantier polyclinique du Comminges avec les intérêts au taux légal à compter du 7 février 2004,
rejette les autres demandes de la société DV CONSTRUCTION,
rejette les demandes en dommages intérêts formées par la société X...,
constate que la société DV CONSTRUCTION doit restituer les sommes trop perçues au titre de l'exécution provisoire avec les intérêts à compter de la signification de la présente décision et application de l'article 1154 du code civil,
dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel,
dit que la société DV CONSTRUCTION devra rembourser à la société X..., sur justificatif, les frais de recouvrement de l'huissier qui pourra être appelé à exécuter toute décision concourant au remboursement des sommes versées, dans la limite des sommes versées à cet huissier au titre du droit de recouvrement de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996. Le présent arrêt a été signé par H. MAS, président, et par E. KAIM MARTIN, greffier. LE GREFFIER
LE PRESIDENT E. KAIM MARTIN
H. MAS