05/09/2007
ARRÊT No535
No RG : 06/02203
BB/MB
Décision déférée du 06 Avril 2006 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'ARIÈGE - 20400175
B. BONZOM
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATION DE SÉCURITÉ SOCIALES ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ARIÈGE
C/
SYNDICAT OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS VALLÉE D'ARIÈGE
D.R.A.S.S.
INFIRMATION PARTIELLE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT
***
APPELANTE
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATION DE SÉCURITÉ SOCIALES ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ARIÈGE
Rue Victor Hugo
Peysales - BP 60
09000 FOIX
représentée par la SCP GOGUYER-LALANDE, avocats au barreau d'ARIÈGE
INTIMÉS
SYNDICAT OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS VALLÉE D'ARIÈGE
6 bd Delcassé
BP 95
09103 PAMIERS
représentée par Me Antoine SOLANS, avocat au barreau de CARCASSONNE
D.R.A.S.S.
10 chemin du raisin
31050 TOULOUSE
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Mai 2007, en audience publique, devant la Cour composée de:
B. BRUNET, président
M.P. PELLARIN, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : P. MARENGO
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
- signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par lettre du 1er juillet 2004, l'OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS ET DE LA VALLÉE DE L'ARIÈGE à PAMIERS (Ariège), a contesté devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ariège la décision notifiée le 19 mai 2004, par laquelle la Commission de recours amiable de I'URSSAF de l'Ariège a, dans sa séance du 26 mars 2004, confirmé le redressement opéré par cet organisme, lequel a réintégré dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, en premier lieu, deux primes versées en 2001 à deux salariés sous contrat dénommé "contrat emploi consolidé", ce chef de redressement s'élevant à 343 euros, et, en second lieu, la rémunération versée à des artistes du spectacle, ce chef de redressement s'élevant à 18 064 euros.
Suivant jugement en date du 6 avril 2006, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ariège a considéré :
- que la mise en demeure a permis à l'office du tourisme de connaître l'étendue de son obligation en ce qui concerne les deux salariés engagés par contrat dit "contrat emploi consolidé" ;
- que, par contre, en ce qui concerne les cachets versés à divers artistes, le tableau dressé par l'inspecteur du recouvrement et figurant en page 5/7 de son rapport ne précise pas le mode de calcul des cotisations réclamées, mais se borne à indiquer les assiettes auxquelles sont appliquées des pourcentages ; que ce tableau ne permet pas à un cotisant de connaître l'étendue précise de ses obligations ; qu'il y a lieu d'annuler le redressement litigieux sur ce point ;
- qu'il y a lieu de condamner l'OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS ET DE LA VALLÉE DE L'ARIÈGE à verser à l'URSSAF la somme de 343€.
Le 2 mai 2006, l'URSSAF a relevé appel de cette décision.
Dans ses explications reprenant et développant ses écritures l'URSSAF de l'Ariège expose :
- que figure dans le corps de la mise en demeure les motifs du contrôle, les chefs de redressement; que les mentions ont permis à l'employeur d'avoir connaissance de la cause de son obligation ; que le vice éventuel affectant la mise en demeure n'affecte pas la procédure de contrôle dans son entier ;
- que la lettre d'observations répond aux exigences de l'article R 243-59 dès lors que figurent la nature des chefs de redressement envisagés, le contenu et les modalités d'application des textes législatifs et réglementaires invoqués, l'assiette et le montant du redressement par année, le taux de cotisation appliqué ; qu'il n'est nullement exigé que soit mentionné le mode de calcul des assiettes ou encore le mode de calcul des cotisations ; qu'il suffit que soit mentionnée l'assiette, c'est-à-dire les sommes réintégrées ainsi que le taux de cotisation qui leur est appliqué ;
- que si l'agent de contrôle a l'obligation, avant la clôture de son rapport, de porter à la connaissance de l‘employeur, pour provoquer éventuellement les explications de celui-ci, les omissions ou erreurs qui ont été relevées, ainsi que la nature, le mode de calcul et le montant des redressements proposés, il n ‘est pas tenu de préciser la liste nominative des salariés concernés, ni le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement ;
- qu'il est reproché à l'inspecteur du recouvrement de ne pas avoir expliqué l'assiette de 37.602€ figurant au titre de l'année 2002 et d'avoir retenu une assiette plafonnée qui ne peut qu'être erronée ; que cette prétendue incompréhension n'est pas de nature à remettre en cause la validité de la lettre d'observation et le respect du caractère contradictoire ;
- que la décision de la CDJE du 15 juin 2006 n'a mis en cause le droit français que pour autant que ce dernier s'applique à des artistes prestataires de service, en provenance d'un autre Etat membre ; que cela ne peut concerner qu'un seul salarié de nationalité italienne ; que dès lors que la présomption de salariat tombe par la production du formulaire CERFA E 101, l'article L 762 du Code du travail peut recevoir application ; qu'elle était fondée à appliquer la présomption de salariat de l'article L 762-1 du Code du travail, a assujetti les intéressés au régime général des travailleurs salariés, à demander le paiement des cotisations sociales correspondantes ;
- qu'il y a lieu de condamner l'intimé à régler la somme de 19.251€ représentant les cotisations redressées ainsi que les majorations correspondantes, outre la somme de 1600€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses explications reprenant et développant ses écritures l'OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS ET DE LA VALLÉE DE L'ARIÈGE expose :
- qu'il abandonne le moyen tiré de l'établissement du rapport de contrôle avant la fin du délai de réponse de 30 jours ;
- que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; que la mise en demeure ne lui permet pas de connaître l'origine exacte des sommes réclamées ; que le mode de calcul n'est pas mentionné ; qu'aucun décompte ne justifie le montant ; que l'assiette plafonnée ne peut qu'être erronée ; que le plafond retenu par l'inspecteur de recouvrement au titre de l'année 2000 ne correspond à rien ; qu'en l'absence de précision de la méthode de calcul de l'assiette la mise en demeure doit être annulée ;
- qu'il ne connaît le détail du chiffrage qu'en ce qui concerne le groupe Sabroson et non en ce qui concerne les autres groupes ;
- que différents contrats d'engagement sont passés avec des agents qui se trouvent en Italie et avec une association qui se trouve en Suisse ; que les sommes versées à l'agent et au producteur ne sont pas ensuite reversées intégralement aux artistes ;
- que la jurisprudence Deperne a provoqué la réforme par décret du 28 mai 1999 du 3o alinéa de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale qui est ainsi rédigé: «à l'issue du contrôle, les Inspecteurs du Recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s ‘il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l‘indication de la nature, du mode de calcul et du montant du redressement envisagé. L‘employeur ou le travailleur indépendant dispose d'un délai de 30 jours pour faire part à l'organisme de recouvrement de sa réponse à ses observations par lettre recommandée avec accusé de réception »; que si le mode de calcul est simplement la fourniture d'une assiette globale et des taux de cotisation, la réforme de 1999 ne présentait aucun intérêt ;
- que rien ne justifie que le mode de calcul utilisé dans le cadre du contrôle ne soit pas porté à la connaissance de l'employeur ; que le fait de ne pas fournir le détail de l'assiette rend impossible la régularisation des droits des salariés ;
- que l'article L 762-1 du Code du travail dispose dans ses deux premiers alinéas: «tout contrat par lequel une personne physique ou morale, s ‘assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé un contrat de travail dès lors que cet artiste n ‘exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n ‘est pas non plus détruite par la preuve que l'artiste conserve la liberté d ‘expression de son art, qu'il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu ‘il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu ‘il participe personnellement au spectacle »; que la CJCE a condamné la République Française, dès lors qu'elle imposait une présomption de salariat aux artistes qui sont reconnus comme des prestataires de service établis dans leur état membre d'origine et où ils fournissent habituellement des services analogues ;
- que les artistes étant régulièrement déclarés en qualité de travailleurs indépendants dans leur pays d'origine n'avaient aucune raison de cotiser en France conformément au règlement 1408/71 ; que la présomption de l'article L 762-1 du Code du travail français soumet les artistes étrangers à des conditions de concurrence inégale par rapport aux artistes inscrits en qualité de travailleurs indépendants ; qu'il y a, donc, lieu d'annuler le redressement.
En conséquence, l'Office du Tourisme du Pays de Pamiers sollicite que notre juridiction :
- confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ;
- subsidiairement, dise et juge que le redressement litigieux fondé sur l'article L 762-1 du Code du travail français doit être annulé, puisque ce texte est contraire au droit européen conformément à la décision de la CJCE du 15 juin 2006 ;
- condamne l'URSSAF de l'Ariège à lui verser la somme de 1.500 € sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
La nullité du contrôle est recherchée sur deux fondements:
- celui tiré du non respect de l'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale par I'URSSAF de l'Ariège qui aurait dû mentionner la méthode de calcul de l'assiette du redressement, omission qui n'aurait pas permis à l'OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS ET DE LA VALLÉE DE L'ARIÈGE de présenter valablement sa réponse à ces observations,
- celui tiré du laconisme de la mise en demeure qui n'aurait pas permis à l'employeur de connaître l'origine exacte des sommes réclamées.
L'article R 243-59 du Code de la sécurité sociale dispose: "A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce. document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. L'employeur ou le travailleur indépendant dispose d'un délai de trente jours pour faire part à l'organisme de recouvrement de sa réponse à ces observations par lettre recommandée avec accusé de réception.".
La lettre d'observations en date du 7 avril 2003 comporte mention des périodes concernées par le redressement, du montant des rémunérations intégrées, du taux de cotisations appliqué.
Le redressement comporte trois volets, le volet relatif à des rémunérations non soumises à rémunération (1), celui relatif aux artistes du spectacle (2), celui relatif à l'allégement Aubry (3), ce dernier volet n'ayant pas donné lieu à contestation. Les volets 1 et 3 (343€ et 905€ de redressement) comportent mention du nombre de salarié. Ils remplissent, donc, les conditions posées par l'article R 243-59 précité.
Le volet 2, par contre, relatif aux "artistes" (18.064€ de redressement), ne porte pas mention du nombre de salariés et ne cite que les "groupes".
Or, la lecture des propres écritures de l'URSSAF démontre que la notion de groupe est inappropriée pour déterminer les cotisations dues dans la mesure où cet organisme déclare avoir fait application d'un plafond horaire de 15€ multiplié par 12H par jour multiplié par le nombre de musiciens ; autant la liste nominative des salariés concernés n'est pas indispensable, autant le nombre de salariés concernés l'est. Ceci d'autant plus, qu'il convenait de mettre en mesure l'employeur de connaître le nombre de musiciens ressortissants français, le nombre de musiciens "étrangers", le nombre de musiciens ressortissants de l' Union européenne ; cette information aurait mis l'employeur en mesure de justifier de ce que éventuellement les musiciens ressortissant de l'Union européenne exerçaient régulièrement dans leur pays d'origine une activité de prestataire de service.
La cour note que, à supposer exacte la thèse de l'URSSAF relative à la compatibilité de la présomption de salariat de la législation française (article L 762-1 du Code du travail) avec l'article 49 du traité, la possibilité donnée à l'employeur de justifier de l'imprimé Cerfa 101 et de bénéficier de la circulaire du 18 janvier 2001 dépend intimement de la précision du nombre de salariés susceptibles de rentrer dans le champ d'application de la circulaire ayant effectivement, selon l'URSSAF, pour conséquence de rendre la présomption de salariat automatiquement combattue. Plus précisément, l'URSSAF qui soutient qu'une circulaire et un imprimé priment les dispositions de l'article L 762-1 du Code du travail et permettent d'écarter la jurisprudence de la CJCE du 15 juin 2006 ne peut, dans le même temps, adresser à l'employeur des observations ne lui permettant pas de se prévaloir du dispositif mis en place à l'effet de rendre la présomption de salariat automatiquement inapplicable. Le caractère contradictoire et loyal du contrôle n'a pas été assuré.
Le redressement relatif aux "artistes" est directement affecté par ce vice ; il concerne la quasi totalité du rappel des cotisations. Il doit être annulé en totalité, à l'exception du volet 3 qui n'a pas fait l'objet d'un recours, la nullité entraînant celle de la procédure subséquente et de la mise en demeure délivrée à sa suite.
L'URSSAF qui succombe supportera les dépens ; il y a lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'Office du Tourisme à hauteur de la somme de 1000€ eu égard aux circonstances de la cause.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant comme il est dit ci dessus,
Infirme partiellement la décision déférée ; en conséquence :
Annule le contrôle à l'exception de son point 3 ("allègement Aubry"), la mise en demeure et le redressement subséquent,
Condamne I'URSSAF de l'Ariège aux dépens et à verser à l'OFFICE DU TOURISME DU PAYS DE PAMIERS ET DE LA VALLÉE DE L'ARIÈGE la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffier,Le président,
P. MARENGOB. BRUNET