14/11/2007
ARRÊT No793
No RG : 06/05119
CP/MFM
Décision déférée du 12 Octobre 2006 - Conseil de Prud'hommes de CASTRES - 04/00152
B. BASTIE
SA LUMYFAR
C/
Nathalie X... épouse Y...
INFIRMATION PARTIELLE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
***
APPELANT(S)
SA LUMYFAR
LOU Z... TRINQUAT
Route deL'AEROPORT
81290 LABRUGUIERE
représentée par Me David DUBUISSON, avocat au barreau d'AGEN
INTIME(S)
Madame Nathalie X... épouse Y...
Chemin d'En Crozes
Les Auriols
81290 LABRUGUIERE
représentée par Me Jean-marc DENJEAN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2007, en audience publique, devant la Cour composée de:
B. A..., président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : P. B...
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
- signé par B. A..., président, et par P. B..., greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Nathalie Y..., devenue depuis épouse HALLINGER, a été engagée en qualité d'employée libre-service à temps partiel le 30 novembre 1991 par la S.A. LUMYFAR, qui exploite un commerce à l'enseigne INTERMARCHE.
En 1998, lors d'un changement du système de classification mis en place par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, elle a été classée comme employée de commerce de niveau III.
En octobre 2003, l'employeur lui a proposé la signature d'un avenant, qu'elle a refusée.
Le 17 novembre 2003, la société LUMYFAR a engagé la procédure de licenciement de la salariée pour raison économique et le 29 novembre, en raison de sa qualité de déléguée du personnel suppléante, a sollicité l'autorisation de la licencier, auprès de l'inspecteur du travail, qui l'a accordée.
Le licenciement a été notifié le 30 décembre 2003.
Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Castres en août 2004 pour contester son licenciement et obtenir son classement au niveau V de la convention collective nationale, avec toutes les conséquences financières.
Par jugement de départage en date du 31 janvier 2006, le conseil a sursis à statuer sur la légalité du licenciement et ses conséquences et par jugement du 12 octobre 2006 a:
- accordé le niveau V de la convention collective nationale,
- condamné la société LUMYFAR à payer à Mme X...:
* 8.652,15€ à titre de rappel de salaire,
* 865,22€ à titre de congés payés sur rappel de salaire,
* 500€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné la société à délivrer à la salariée un certificat de travail et une attestation destinée à l' ASSEDIC rectifiés, sous astreinte,
- condamné la société LUMYFAR aux dépens,
- dit que le litige relatif au licenciement sera examiné à l'issue de la procédure administrative en cours.
Par lettre recommandée envoyée au greffe le 31 octobre 2006, la société LUMYFAR a régulièrement relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société LUMYFAR, par conclusions écrites reçues au greffe le 19 juin 2007 et développées à l'audience de plaidoiries, ne contestant pas la décision de sursis à statuer sur le licenciement, demande à la cour de réformer le jugement déféré et de débouter Mme X... de sa demande de rappel de salaire, subsidiairement de fixer le montant de ce rappel à 346,45€ + 34,65€, en tout état de cause de condamner la salariée au paiement de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir que Mme X... ne peut prétendre au statut d'agent de maîtrise dont bénéficient les salariés de niveau V, ni d'ailleurs au niveau IV accordé aux responsables de secteur du magasin qui est une petite structure (moins de 20 salariés et de 7,5 millions d'euros de chiffre d'affaires); en effet, au sein du secteur "Frais" attribué à Mme MARTY Mme X... était affectée au rayon "fromage à la coupe" représentant 2% du chiffre d'affaires du magasin; elle ne participait pas à la définition des programmes mais seulement à leur mise en place, elle n'avait aucun objectif financier; elle n'assumait aucune fonction de management d'une équipe, de gestion, elle n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité; elle ne disposait d'aucun pouvoir disciplinaire; elle n'a d'ailleurs pas contesté sa classification pendant des années et a elle-même réclamé en octobre 2003 d'être classée au niveau IV; elle exerçait en fait les fonctions de vendeuse relevant du niveau II, étant considérée comme "responsable" en raison de son ancienneté; l'ensemble des tâches qu'elle revendique ne requéraient pas de compétences techniques particulières et ne relevaient pas de la responsabilité d'un agent de maîtrise participant réellement à la politique commerciale de l'entreprise.
Subsidiairement, la société soutient que les calculs effectués par la salariée sont erronés, ne tenant pas compte de l'évolution des salaires.
Mme X..., par conclusions reçues au greffe le 8 juin 2007, présentées oralement, conclut à la confirmation du jugement mais, formant appel incident, demande à la cour de condamner la société LUMYFAR à lui payer à titre de rappel de salaire 9.075,95€ outre 907,59€ à titre d'indemnité de congés payés ainsi que 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient que les responsabilités qu'elle exerçait depuis 1999, responsable du rayon "fromage à la coupe" et en outre à partir de septembre 2001, chargée des rayons fromage en libre service et boulangerie traditionnelle, sont celles d'un responsable de rayon de niveau V participant directement à la définition des programmes de travail et à la réalisation des objectifs de l'établissement et non celles d'un employé commercial de niveau III ou IV qui met à exécution des instructions qui lui sont données, éventuellement avec une part d'initiative; en effet, elle effectuait de nombreuses tâches relevant du statut d'agent de maîtrise, elle bénéficiait d'une totale autonomie sur les achats, la fixation des prix, l'assortiment des produits tout en étant responsable du chiffre d'affaires et des marges des rayons; elle disposait d'une longue expérience et avait suivi plusieurs formations.
Pendant le délibéré, la société LUMYFAR a adressé une note par laquelle elle demande soit la jonction de la procédure avec celles en cours d'appel pas lesquelles trois autres salariées, Mmes D..., KOKADEJEVAS et BLANCH sollicitent d'être classées à un niveau supérieur, soit le sursis à statuer dans l'attente de la décision rendue dans l'affaire de Mme D....
Mme X... s'oppose à cette demande.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En liminaire, il convient d'écarter la demande de sursis à statuer dans l'attente des décisions qui seront rendues dans des procédures prud'homales distinctes.
Mme X... peut prétendre à la rémunération minimale fixée par la convention collective pour l'emploi de manageur de rayon 1, au statut d'agent de maîtrise, avec classement au niveau V, si elle justifie que les tâches qui lui étaient dévolues et qu'elle exerçait effectivement correspondent à la définition de ce niveau.
Aux termes de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, les fonctions de niveau V "impliquent la participation à la définition des programmes de travail et à la réalisation des objectifs de l'établissement" et l'emploi que revendique la salariée est ainsi défini:"responsable de l'approvisionnement, de la tenue et de l'animation de son rayon; de l'organisation et de l'animation de son équipe; dans le respect de la politique et des instructions établies par la société dans tous les domaines (commercial, gestion, social...)peut être amené dans le cadre d'instructions données, à réaliser des achats."
Il résulte des attestations, des documents de travail et des courriers produits par Mme X... que depuis 1998, elle était affectée au rayon "fromage à la coupe" et depuis septembre 2001, avait en outre la charge du rayon fromage en libre service et boulangerie-pâtisserie; qu'elle assurait la présentation, l'implantation, l'hygiène de ces rayons, contrôlait la qualité, l'étiquetage des produits, effectuait la vente, mais également les commandes, notamment pour les animations promotionnelles, ainsi que le traitement des marchandises non conformes, la réalisation des inventaires, et surtout, procédait au choix des fournisseurs directs et de leurs produits et fixait leur prix.
A cet égard, M. E..., producteur de fromages, a indiqué dans une attestation qu'il avait l'autorisation de négocier directement avec Mme X... pour traiter la gamme de produits, les tarifs, l'animation, en tous cas jusqu'à la fin de l'année 2003.
Cependant, il est établi que l'intéressée exerçait ces fonctions sous l'autorité de la responsable du secteur "Frais/Gel" qui était dans les derniers temps Mme D..., laquelle, selon l'attestation rédigée en sa faveur par Mme X... elle même, veillait au bon fonctionnement des rayons dépendant de son secteur (dont les rayons fromage et boulangerie), effectuait la gestion des personnels et la liaison avec la direction, était responsable des marges.
En outre, les données de la procédure ne déterminent pas que Mme X... disposait d'une quelconque responsabilité sur d'autres salariées travaillant dans son rayon, l'affirmation de Mme F... selon laquelle elle recevait des directives de sa part étant trop imprécise sur la nature de cette autorité pour être probante à cet égard.
Ainsi, s'il apparaît que Mme X... disposait d'une certaine autonomie pour négocier les prix d'une petite part, limitée aux petits producteurs, des produits mis en vente dans le rayon "fromage à la coupe", il est au contraire certain qu'elle ne participait pas à la définition des programmes mais seulement à leur mise en place, qu'elle n'avait pas d'objectif financier, n'étant pas responsable de la marge de son rayon, et qu'elle n'assumait pas de fonction de management d'une équipe, toutes fonctions relevant nécessairement du niveau V de la convention collective nationale.
Les tâches qu'elle exécutait ne correspondaient pas, non plus, à celles du niveau IV qui "comportent l'exécution de travaux hautement qualifiés", notamment la coordination du travail de quelques employés, mais relevaient bien du niveau III qui lui était attribué, impliquant "l'exécution de travaux qualifiés avec une part d'autonomie nécessitant une maîtrise professionnelle."
En conséquence, c'est par une inexacte appréciation des éléments de fait, que le conseil de prud'hommes a dit que Mme X... exerçait des fonctions relevant du niveau V et lui a accordé un rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi que la remise de documents sociaux rectifiés.
Le jugement déféré sera donc infirmé, sauf en ce qui concerne le sursis à statuer sur le licenciement qui n'est pas remis en cause.
Mme X..., qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.
Eu égard aux situations économiques des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette la demande de sursis à statuer,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de CASTRES en date du 12 octobre 2006, sauf en ce qu'il a dit que le litige relatif au licenciement sera examiné ultérieurement,
Déboute Mme X... de toutes ses demandes,
Condamne Mme X... aux entiers dépens,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffier Le président
P. B...B. A...