30 / 04 / 2008
ARRÊT No260
No RG : 07 / 02533
BB / MB
Décision déférée du 18 Avril 2007- Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TOULOUSE-20500402
SAINT RAMON
SCP X...
C /
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE
D. R. A. S. S.
EXPERTISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1- Chambre sociale
***
ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE HUIT
***
APPELANTE
SCP X...
Notaires associés
...- BP 48
31093 TOULOUSE CEDEX 9
représentée par Me Alfred PECYNA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE
Service juridique
...
31093 TOULOUSE CEDEX 9
régulièrement représentée par Mme Vanessa AUDARD
D. R. A. S. S.
...
31050 TOULOUSE
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
B. BRUNET, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : P. MARENGO
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
-signé par B. BRUNET, président, et par P. MARENGO, greffier de chambre.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur Gérard Z..., employé comme technicien auprès de la Société Civile Professionnelle de notaires associés X..., a déclaré le 17 mai 2004 un accident du travail qui se serait produit le 19 mars 2004, accident au cours duquel il aurait subi un traumatisme au bras droit et un traumatisme cervical.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne, par décision du 8 juillet 2004, a, d'abord, refusé la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle au motif que la déclaration du fait accidentel et la consultation médicale ont été faites tardivement.
Monsieur Z... a contesté cette décision devant la Commission de Recours Amiable qui, dans sa décision du 3 février 2005, a accordé la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
Contestant cette prise en charge, la SCP X... a saisi le Tribunal aux Affaires de la Sécurité Sociale de la Haute-Garonne le 8 avril 2005.
Par jugement en date du 18 avril 2007, le Tribunal aux Affaires de la Sécurité Sociale a confirmé la décision rendue par la Commission Amiable et a considéré :
- que le 19 mars 2004 est intervenu dans les locaux de la SCP un chahut entre deux clercs à l'occasion duquel le bras de M. Z... a été violemment tiré par Melle A... ;
- qu'à la suite de cet événement, M. Z... a consulté son médecin traitant qui a diagnostiqué un traumatisme du bras droit et un traumatisme cervical ;
- que la réalité de l'accident n'apparaît pas contestable ; que la lésion s'étant manifesté immédiatement après les faits, l'assuré bénéficie de la présomption d'imputabilité ;
- que le salarié a bien été victime d'un accident du travail au temps et au lieu du travail ;
- que les faits (démonstration d'arts martiaux) se sont déroulés en présence de son supérieur hiérarchique ; que le salarié était, donc, sous l'autorité hiérarchique de son employeur ;
- qu'il y a lieu de débouter la SCP de son recours.
La SCP X... a régulièrement interjeté appel le 4 mai 2007 de cette décision qui lui a été notifiée le 25 avril 2007.
Dans ses explications orales reprenant ses conclusions écrites la Société Civile Professionnelle de notaires associés X... expose :
- que les accidents du travail doivent être déclarés dans les 24 heures de la survenance, délai qui n'a pas été respecté par Monsieur Z... puisque celui-ci a envoyé cette déclaration le 17 mai 2004 alors que l'accident datait du 19 mars 2004 ; que cette tardiveté fait perdre à l'accident sa présomption d'imputabilité ;
- que la date de survenance de l'accident n'est pas démontrée et que Monsieur Z... connaissait déjà les problèmes de santé en cause avant la survenance de l'accident litigieux ;
- que la preuve d'un lien de causalité n'est pas rapportée ;
- que la preuve du caractère professionnel de l'accident n'est pas rapportée dans la mesure où l'accident est survenu pendant le temps de travail, mais à l'occasion d'une plaisanterie anodine entre collègues et donc sans lien avec l'activité professionnelle ; que le supérieur hiérarchique des salariés, s'il était bien présent au moment des faits, ne pouvait en aucun cas empêcher la prise d'art martial qui a entraîné le traumatisme, un tel événement se produisant en une fraction de seconde, ni prendre des dispositions une fois l'accident survenu ; que les salariés, en discutant librement à la fin du travail et en choisissant de réaliser une prise d'art martial de leur plein gré, s'étaient soustraits au pouvoir de direction de l'employeur dont la faute inexcusable ne saurait être retenue. Elle conclut à la réformation du jugement entrepris.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne réplique :
- que l'accident de Monsieur Z... est survenu alors qu'il se trouvait sur son lieu de travail, que sa collègue, Madame A..., a voulu procéder, contre son gré, à une démonstration d'arts martiaux sur sa personne et que le supérieur hiérarchique, Monsieur Guy B..., était présent au moment des faits ;
- qu'un tel incident était déjà survenu quelques jours auparavant et que Madame A... avait fait mal à la nuque de Monsieur Z... ;
- que le salarié a consulté son médecin à plusieurs reprises dès le 17 mars 2004 puis le 20 mars 2004, soit le lendemain de l'accident, et que le certificat n'a été établi que le 17 avril 2004 suite à une erreur de diagnostic ; que l'intimée déclare par ailleurs que l'accident ne s'est pas produit à la fin du travail, mais à 11h30, soit pendant les heures de travail et que les salariés ne s'étaient pas soustraits à l'autorité de l'employeur.
Elle conclut à la confirmation du jugement déféré.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
C'est par une motivation que la Cour adopte que les premiers juges ont considéré à bon droit que l'assuré bénéficiait de la présomption d'imputabilité prévue par l'article L 411-1 du Code de la sécurité sociale, dès lors qu'est intervenu aux temps et lieu de travail un fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et que les lésions au bras manifestées dans un temps très voisin de cet événement ont donné lieu à des soins médicaux dans un temps très voisin. Par ailleurs, les premiers juges ont, par une motivation pertinente que la Cour adopte également, considéré que les faits se sont déroulés en présence du supérieur hiérarchique de Monsieur Gérard Z..., avec cette précision que Monsieur Gérard Z..., à aucun moment, ne s'est soustrait à ce contrôle, alors que l'employeur devait exercer le dit contrôle.
Toutefois, la présomption d'imputabilité peut être détruite par l'employeur s'il est établi l'existence d'une pathologie antérieure évoluant pour son propre compte sans que le travail de la victime ait joué le moindre rôle. Lorsque la caisse primaire n'a pas recherché cette pathologie, l'employeur se trouve dans l'impossibilité pratique de rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant, à défaut de disposer d'un pouvoir d'investigation médicale et d'avoir accès à certains documents médicaux détenus par la caisse d'assurance maladie en raison de l'opposition du secret médical.
Dans ce cas de figure, la seule possibilité, pour l'employeur, de démontrer l'existence d'un état pathologique antérieur est d'obtenir que le juge ordonne une expertise médicale judiciaire ; à cet égard, le juge du fond apprécie souverainement l'opportunité d'une mesure d'expertise, laquelle suppose que l'employeur apporte des éléments au soutien d'un état pathologique antérieur du salarié de nature à exclure le rôle causal du travail dans l'accident.
En l'espèce, il est établi que, si Monsieur Gérard Z... a bien consulté le 20 mars 2004 (c'est à dire le lendemain de l'événement accidentel) le Dr C..., rhumatologue, il avait également été examiné par ce même praticien le 17 mars 2004 pour une cause qui n'est pas précisée ; or, cette visite antérieure à l'accident est de nature à combattre la présomption simple d'imputabilité.
Eu égard au silence gardé par la Caisse et à la difficulté d'ordre déontologique tenant au secret médical, il y a lieu, afin de répondre au moyen soulevé par l'employeur, avant dire droit, d'office, d'ordonner une expertise médicale judiciaire à l'effet de rechercher si n'existait pas un état pathologique antérieur à l'accident du 19 mars 2004.
L'organisation de l'expertise n'intervenant pas dans le cadre de l'article L 141-1 du Code de la sécurité sociale, il appartient à la Cour de désigner le médecin.
L'avance du coût de l'expertise médicale sera faite par la Caisse, eu égard au principe de gratuité de la procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant comme il est dit ci dessus,
Dit que l'appel est recevable ;
Avant dire droit, ordonne une expertise judiciaire ;
Commet pour y procéder M. Le docteur Claude D..., ... 31700 Cornebarrieu, lequel aura pour mission, en se conformant aux règles du code de procédure civile :
- de prendre connaissance du dossier et des pièces des parties ;
- de faire toutes démarches à l'effet de prendre connaissance du dossier médical de Monsieur Gérard Z... et de prendre tout contact auprès de tous médecins et du Dr C... afin de déterminer si Monsieur Gérard Z... avait un état pathologique antérieur qui a évolué indépendamment de l'accident du 19 mars 2004 ;
- dans cette hypothèse, de décrire le dit état antérieur et de déterminer en quoi l'accident du 19 mars 2004 n'a eu aucune conséquence sur l'évolution de son état de santé ;
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert désigné, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;
Dit que de ses opérations l'expert commis dressera un rapport qui sera déposé au greffe de la chambre sociale de la Cour d'appel et ce dans un délai de trois mois à compter de sa saisine et dont une copie sera adressée par l'expert à chaque partie ;
Enjoint à la Société Civile Professionnelle de notaires associés X... de conclure avant le 15 septembre 2008 et à la Caisse d'avoir à conclure avant le 30 octobre 2008 ;
Renvoie les parties à notre audience du 19 novembre 2008 à 8 heures 30.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffier, Le président,
P. MARENGO B. BRUNET