27 / 05 / 2008
ARRÊT No
NoRG : 07 / 01246
AF / CC
Décision déférée du 16 Février 2007- Tribunal de Grande Instance d'ALBI-06 / 02126
Mme X...
SCI COTEAUX DE RANTEIL
représentée par la SCP DESSART- SOREL- DESSART
Bernard Y...
représenté par la SCP DESSART- SOREL- DESSART
C /
SAS FINANCIERE DBG
représentée par Me Bernard DE LAMY
confirmation
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT SEPT MAI DEUX MILLE HUIT
***
APPELANT (E / S)
SCI COTEAUX DE RANTEIL
Côte de Ranteil, Ad Vitam Eternam
81000 ALBI
représentée par la SCP DESSART- SOREL- DESSART, avoués à la Cour
assistée de la SCP PALAZY- BRU ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ALBI
Monsieur Bernard Y...
...
81000 ALBI
représenté par la SCP DESSART- SOREL- DESSART, avoués à la Cour
assisté de la SCP PALAZY- BRU ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ALBI
INTIME (E / S)
SAS FINANCIERE DBG
2 route de Morangis
91320 WISSOUS
représentée par Me Bernard DE LAMY, avoué à la Cour
assistée de la SELARL HOCHE (Me OTTAWAY), avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 25 mars 2008 en audience publique devant la cour composée de :
C. DREUILHE, président
M. O. POQUE, conseiller
A. FAVREAU, vice président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. DREUILHE, président, et par C. COQUEBLIN, greffier de chambre
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement rendu le 16 février 2007, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albi, considérant que la société FINANCIÈRE DBG avait exécuté l'obligation mise à sa charge par l'ordonnance du 28 mai 1996 du président du tribunal de commerce d'Albi d'avoir, sous astreinte de 2. 000 francs par jour de retard à compter de la signification, à retirer le stock de marchandises annexé à l'acte de vente du 12 juin 1993 encombrant les terrains de Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil ", a débouté ces derniers de leur demande en liquidation d'astreinte provisoire et de fixation d'astreinte définitive et les a condamnés solidairement à payer à la société FINANCIÈRE DBG la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " ont régulièrement relevé appel de la décision.
Par conclusions en date du 2 juillet 2007 auxquelles, en application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les appelants font valoir que la société FINANCIÈRE DBG n'aurait que partiellement rempli son obligation. Ils soutiennent, constat d'huissier et attestations à l'appui, que se trouvent toujours présents sur le terrain de Bernard Y...un tas important de tissus, fils, bobines plastiques, pneus, papiers fondus et ballots de fils nylon éclatés, et sur le terrain de la SCI " Les Côteaux de Ranteil " des bidons plastiques bleu coupés ou prédécoupés et des tas de lanières de métacrylate.
Ils prétendent que dans les 2. 001 tonnes enlevées en juin 1996 une partie était constituée par de la terre et que par ailleurs les marchandises qu'elle devait enlever avaient été rendues plus lourdes du fait de l'humidité suite à leur longue exposition aux intempéries.
Ils demandent à la cour de réformer le jugement entrepris, de liquider l'astreinte provisoire à la somme de 1. 135. 000 € et de condamner la société FINANCIÈRE DBG aux dépens et au paiement de la somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société FINANCIÈRE DBG, par conclusions du 12 octobre 2007 auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, fait valoir qu'elle aurait rempli ses obligations au- delà de ce à quoi elle était tenue. Elle dit avoir pris possession en 1994, après une procédure engagée à raison de l'opposition des appelants à leur délivrance, des matériels et marchandises acquis dans le cadre de la cession du 12 juin 1993, puis avoir exécuté, pour éviter de nouveaux conflits, l'ordonnance de 1996, ce qui l'a amenée à déblayer encore plus de 2. 000 tonnes supplémentaires de matériaux et déchets divers dont elle estime qu'ils appartenaient à Bernard Y...qui aurait poursuivi une activité sauvage de récupération.
La société FINANCIÈRE DBG demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " de toutes leurs demandes.
Reconventionnellement, elle demande à la cour de condamner solidairement Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " à lui payer 20. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 7. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile sans préjudice du prononcé d'une amende civile.
Subsidiairement, la société FINANCIÈRE DBG fait valoir que compte tenu de son comportement et des obstacles opposés par les appelants la liquidation de l'astreinte provisoire ne pourrait excéder la somme symbolique de 1 €.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2007.
Les avocats des parties ont été entendus en leur plaidoirie à l'audience du 25 mars et avisés que l'arrêt sera rendu le 27 mai 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des pièces versées aux débats que suite à la liquidation judiciaire de la société RECUP, dont la gérante était l'épouse de Bernard Y..., la société DERICHEBOURG, aux droits de laquelle se trouve la société FINANCIÈRE DBG, s'est rendue acquéreur d'une unité de production comportant un bâtiment à usage industriel avec terrain attenant sis à ALBI, lieu- dit " Ranteil ", no 159 section LO- concomitamment cédée à la société RECUP par la SCI " Les Côteaux de Ranteil "- et le fonds de commerce comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, le matériel et le mobilier commercial ainsi qu'un stock de marchandises.
C'est l'enlèvement de ce stock de marchandises qui est à l'origine du présent litige.
Le stock de marchandises visé à l'acte de cession représente un poids total de 1. 775 tonnes pour un prix de 86. 440 francs, soit 13. 177, 69 €. Les marchandises sont limitativement énumérées : métacrylite 20 T, polyestyrène 150 T, A. B. S. 150 T, polyéthylène 200 T, PVC souple 110 T, PVC rigide 200T, polyamide 40T, polycarbonate 10 T, carton 400 T, journaux neufs 20 T, journaux lus 35 T, listing couleur 50T, listing blanc 20 T, Afnor VII 300 T, bobines blanc 30 T, bobines cassé journal 20 T, bobines couleur 20 T.
Dans un premier temps, l'acquéreur, confronté à l'opposition violente de Bernard Y..., a été contraint de saisir le juge des référés afin de pouvoir entrer en possession du matériel et des marchandises dont une partie se trouvait sur les terrains contigus appartenant à Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil ".
Une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce d'Albi du 8 février 1994 condamnait Bernard Y...sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance.
L'opération d'enlèvement a fait l'objet de deux constats d'huissier réalisés en présence de Bernard Y....
Le premier en date du 19 mars 1994 fait un constat de l'état des terrains de Bernard Y...et de la SCI " Les Côteaux de Ranteil ". Sur le terrain de la SCI " Les Côteaux de Ranteil ", l'huissier constate la présence sur l'ensemble des 2 hectares de bennes, de papier, de PVC, de cartons et autres matériaux divers.
Sur le terrain de Bernard Y..., il constate la présence de bidons plastiques bleus, de cartons et autres divers matériaux et précise que Bernard Y...revendique alors la propriété d'un stock de bobines et de sacs entreposés à l'avant de celles- ci.
Dans le second en date du 19 avril 1994, l'huissier constate, s'agissant du matériel, que la société FINANCIÈRE DBG n'a pu retirer qu'une partie du matériel acquis, certains d'entre eux étaient manquants et, s'agissant des matières premières, que la société FINANCIÈRE DBG en a rempli des bennes. Il note que ces marchandises sont invendables et précise que toutes les matières premières se trouvant sur le site de la SCI sont pourries et invendables.
Lors de ce constat, Bernard Y..., présent, n'a formulé aucune observation notamment quant au fait que la société FINANCIÈRE DBG aurait laissé sur place des marchandises incluses dans la liste de marchandises visée à l'acte de cession et aucune demande d'enlèvement supplémentaire n'interviendra avant 2006, lorsque Me A..., mandataire liquidateur, et Bernard Y...vont assigner la société FINANCIÈRE DBG devant le juge des référés commercial par assignation du 16 avril.
Entre- temps en effet, la liquidation judiciaire de la société RECUP a été étendue à Bernard Y...pris en sa qualité de gérant de fait et à la SCI " Les Côteaux de Ranteil ", et par arrêté préfectoral du 25 avril 2005 Me A...a été mise en demeure de remettre le site des Côteaux de Ranteil en état, l'administration " considérant que le dépôt de déchets (papiers, plastiques etc...) situé sur le terrain de la SCI " Les Côteaux de Ranteil " a été installé sans autorisation et est poursuivi dans des conditions irrégulières et qu'il y a lieu de mettre fin à l'infraction ".
Par ordonnance du 28 mai 1996, le président du tribunal de commerce, au vu d'un constat d'huissier établi à l'initiative de Bernard Y...et de la SCI " Les Côteaux de Ranteil " le 13 mai 1996 faisant état de la présence de divers produits sur leur terrain, a condamné la société FINANCIÈRE DBG à retirer ceux correspondant aux marchandises listées à l'acte de cession du 12 juin 1993, et ce sous astreinte de 2. 000 francs par jour de retard à compter de la signification de la décision.
Sans attendre la signification de l'ordonnance intervenue le 2 juillet 1996, la société FINANCIÈRE DBG a fait procéder à l'enlèvement par des entreprises extérieures de 2. 001 tonnes de déchets de produits industriels divers, ce qui a été constaté par huissier les 19 et 25 juin 1996.
Bernard Y..., présent, avait alors indiqué à l'huissier que selon lui il restait encore sur place une soixantaine de tonnes de déchets. Il fera constater le 28 juin 1996 la présence autour de sa maison d'habitation de bidons de plastique bleus, de cartons et de papiers, et sur le terrain de la
SCI " Les Côteaux de Ranteil " d'un tas de plastique qui serait du métacrylate, de plusieurs tas de plastique bleu qui serait du polyéthylène, d'un lot de balles de PVC noir, d'un lot de bidons de plastique, d'une centaine de sacs de plastique noir ainsi que des traces sur le sol laissant penser qu'à certains endroits la terre a été décapée sur 10 à 20 cm.
Ce n'est qu'en novembre 2004 que Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " vont assigner la société FINANCIÈRE DBG en liquidation d'astreinte en produisant un constat du 31 juillet 2004 faisant état de la présence autour de la maison de Bernard PAUL sur 30 m ² d'un tas de tissus, fils, bobines plastique, pneus, papiers fondus et de sacs éclatés remplis de fils de nylon, et sur le terrain de la SCI " Les Côteaux de Ranteil " sur 100 m ² de la présence de bidons de plastique bleus, d'un tas de lanières de méthacrylate, de plastiques divers, caisses et bobines recouverts par la végétation. Cette première instance fera l'objet d'une radiation administrative le 15 avril 2005 ; elle ne sera pas reprise mais une nouvelle assignation aux mêmes fins sera délivrée le 6 novembre 2006- dont la recevabilité n'est plus contestée devant la cour- qui donnera lieu au jugement entrepris.
Entre- temps, de nombreuses procédures avaient opposé Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " à Me A..., y compris devant la Cour de cassation et cour de renvoi, qui ont finalement abouti à l'annulation des jugements de liquidation judiciaire de Bernard Y...et de la SCI " Les Côteaux de Ranteil " et à l'annulation de la vente sur adjudication du terrain de la SCI " Les Côteaux de Ranteil ", ces derniers retrouvant alors leur qualité et intérêt à agir.
Au vu de ces éléments, c'est par une exacte appréciation des faits et par une exacte application des dispositions de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991qui énonce que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter que le premier juge a dit n'y avoir lieu à liquidation d'astreinte.
En effet, l'on peut présumer qu'un acquéreur qui revendique la marchandise qu'il a chèrement payée a dû emporter en 1994 tout ce qu'il a trouvé lui appartenant sur les terrains des appelants, l'huissier ayant constaté la présence de bennes remplies et Bernard Y...n'ayant pas alors protesté qu'il en restait à enlever.
Déjà en 1994, ce dernier avait précisé que certaines marchandises lui appartenaient qui ont été laissées sur place, et notamment des bobines et des sacs.
L'on sait par ailleurs, au travers de l'arrêté préfectoral de 1995, que le dépôt de déchets industriels sur le site de Ranteil s'est poursuivi avec l'apport de nouveaux produits. Ce qui se vérifie par le volume de déchets enlevés par la société FINANCIÈRE DBG en exécution de l'ordonnance du 28 mai 1996, soit 2. 001 tonnes, s'ajoutant à ce qui avait déjà été retiré en 1994, ce poids particulièrement important ne pouvant à l'évidence résulter de l'augmentation de poids due à l'humidité qui d'ailleurs n'affecte pas les plastiques et Bernard Y...ne rapportant pas la preuve qu'un volume significatif de terre ait été prélevé lors de l'opération d'enlèvement des déchets.
La seule obligation mise à la charge de la société FINANCIÈRE DBG était limitée à l'enlèvement de la marchandise acquise et non à débarrasser et nettoyer à ses frais tous les déchets du site.
Si donc, en 2004, Bernard Y...prétend que des déchets restent présents sur le site, et quand bien même les témoins dont il produit les attestations affirment que certains d'entre eux seraient là depuis les années 1990, il n'établit pas qu'il s'agit du reste des marchandises acquises par la société FINANCIÈRE DBG qui démontre au contraire en avoir enlevé un poids largement supérieur à celui mentionné dans l'acte de cession.
La procédure engagée par Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " dix ans après que la société FINANCIÈRE DBG ait rempli ses obligations apparaît donc particulièrement abusive et sera sanctionnée par l'octroi dune somme de 3. 000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement du 16 février 2007 en toutes ses dispositions, sauf à porter à 3. 000 € le montant des dommages et intérêts alloués à la société FINANCIÈRE DBG à raison du caractère abusif de la procédure ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " à payer à la société FINANCIÈRE DBG la somme de 1. 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Déboute Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " de leur demande ;
Met à la charge de Bernard Y...et la SCI " Les Côteaux de Ranteil " les entiers dépens de première instance et d'appel, et reconnaît, pour ceux d'appel, à Maître de LAMY, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT