AR/EB
DOSSIER N 99/00945
ARRÊT DU 02 MARS 2009
3ème CHAMBRE,
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème Chambre,
N 09/265
Prononcé publiquement le LUNDI 02 MARS 2009, par la 3ème Chambre des Appels Correctionnels,
SUR OPPOSITION formée par Monsieur X... contre l'arrêt de défaut rendu par la Cour d'Appel de Toulouse en date du 11 octobre 2004
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur ROGER,
Statuant à juge unique conformément aux dispositions de l'article de l'article 547 du Code de Procédure Pénale,
GREFFIER :
Madame BOYER lors des débats et du prononcé de l'Arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC :
Monsieur GAUBERT, Avocat Général, aux débats et au prononcé de l'arrêt
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
Z... Emile
DECEDE
intimé,
Représenté par Maître DE LAFORCADE, avocat au barreau de TOULOUSE
LACAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE
Allée de Villote - 09000 FOIX
Partie intervenante, non appelant
LA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES
...
Partie intervenante, non appelant, non comparante,
Représenté par Maître DE LAFORCADE, avocat au barreau de TOULOUSE
En présence du MINISTÈRE PUBLIC :
X... Régis
Demeurant ...
Partie civile, appelant, comparant,
Assisté de Maître A..., avocat au barreau de FOIX
L'OPPOSITION
Opposition formée le 04 novembre 2004 par Monsieur B... Régis contre l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Toulouse en date du 11 octobre 2004.
PROCÉDURE DEVANT LA COUR :
A l'audience publique du 02 Mars 2009,
Ont été entendus :
Monsieur le Président ;
B... Régis assisté de Maître C... Florence, avocat au barreau de FOIX, en ses conclusions oralement développées ;
Monsieur GAUBERT, Avocat Général, en ses observations ;
Maître DE LAFORCADE avocat de Z... Emile (décédé) et de la Mutuelle du Mans Assurance, en ses conclusions oralement développées ;
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 02 MARS 2009.
DÉCISION :
La Cour est saisie de l'opposition formée par M. X... contre l'arrêt par défaut de la Cour d'appel de Toulouse en date du 11 octobre 2004
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
Par jugement en date du 18 juin 1998, le Tribunal de Police de PAMIERS (09) a
- déclaré coupable M. Emile Z... de la contravention de blessures involontaires sur la personne de M. X... ;
- jugé que M. Z... est entièrement responsable de l'occident de la circulation routière survenu le 22 mars 1998 à LA BASTIDE DE BESPLAS et, en conséquence, l'a condamné à en réparer les effets dommageables ;
- avant dire droit, ordonné l'expertise médicale de M. X... et commis pour y procéder le Dr D... ou à défaut le Dr E...
- condamné M. Z... à verser à M. X... une provision de 5 000 F.
Par jugement en date du 16 septembre 1999, le Tribunal de Police de PAMIERS statuant sur intérêts civils, a condamné Monsieur Emile Z... et son assureur, les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES, à payer à Régis X... la somme de 140 030.66 Francs (21 347.54 €) en réparation du préjudice subi,
Monsieur X... a interjeté appel de cette décision le 27 septembre 2009.
Par arrêt en date du 12 octobre 2000, la Cour a déclaré l'appel recevable et a ordonné une nouvelle expertise médicale qui a été confiée au docteur F....
Emile Z... est décédé le 9 Goût 2001.
A l'audience du 21 novembre 2001, Régis X... a fait connaître qu'il se désistait de son action dirigée contre Emile Z... et qu'il ne maintenait sa demande d'indemnisation qu'à l'égard de la compagnie d'assurances. Il a sollicité une nouvelle expertise confiée à un spécialiste en neurologie.
Par arrêt en date du 6 décembre 2001, la Cour d'Appel de TOULOUSE a ordonné un complément d'expertise pour vérifier les séquelles neurologiques. M. X... ne s'est pas présenté aux opérations d'expertise.
Par arrêt de défaut à l'égard de Monsieur Régis X... qui n'a pas comparu, la Cour d'Appel de TOULOUSE par arrêt en date du 11 octobre 2004, a donné acte aux MUTUELLES DU MANS ASSURANCES de ce qu'elles proposaient de payer à Monsieur X... les sommes de :
- ITT (22.03.1998 au 02.04.1999). 3481.02 €
- IPP 10366.53 €
- Pretium doloris 4/7 6097.96 €
- Préjudice esthétique 2/7 1372.04 €
- Préjudice d'agrément 1 219.59 €
- Incidence professionnelle 3 270.03 €
- Gêne dans les actes de la vie courante 6 097.96 €
Cet arrêt a été signifié à Monsieur Régis X... le 4 novembre 2004.
Le même jour, par courrier recommandé avec accusé de réception, Monsieur X... a formé opposition.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La Caisse Mutualité Sociale Agricole n'a pas comparu. L'arrêt sera par défaut à son égard.
A l'audience de la Cour, M. X... demande de condamner les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à lui payer les sommes de :
- ITT 10948,57 €
- IPP 10 366,53 €
- Préjudice professionnel 433 544,36 €
- Gêne dans Ici vie courante 13 870,71 €
- Pretium doloris 4/7 7000,00 €
- Préjudice esthétique 2/7 2 000, 00 €
- Préjudice d'agrément 10 000, 00 €
- préjudice matériel... 1 407,22 €
- outre une somme de 10 000 € au titre de l'article 475-1 du CODE DE PROCÉDURE PÉNALE outre les entiers dépens de première instance et d'appel dans lesquels seront compris les frais des deux expertises médicales.
Les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES soulèvent l'irrecevabilité de l'opposition au motif que l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse en date du 11 octobre 2004 aurait du être rendu non par défaut mais par arrêt contradictoire à signifier. Elles invoquent l'application de l'article 410 du Code de Procédure Pénale l'article 425, enfin l'article 420-1 du Code de Procédure Pénale selon lequel toute personne lésée peut se constituer partie civile directement ou par son avocat, par lettre recommandée avec avis de réception et affirment que, dans ce cas, la décision rendue est contradictoire à signifier.
Au fond, elles demandent de confirmer l'arrêt entrepris et à titre subsidiaire, de reprendre les propositions qu'elles avaient faites en rejetant les demandes d'indemnisation du préjudice professionnel sur la base d'une cessation complète d'activité.
* * * * *
MOTIFS
SUR LA RECEVABILITÉ DE L'OPPOSITION :
Lors des débats devant la Cour d'Appel, M. X... n'était pas présent mais avait adressé à la Cour une lettre pour solliciter le renvoi. Le renvoi avait été refusé au motif que M. X... avait indiqué qu'il n'avait pas l'intention de mandater un autre avocat, que l'affaire était particulièrement ancienne et que le retard en était imputable à M. X... qui ne s'était pas présenté aux experts psychiatres commis pour procéder aux expertises qu'il avait pourtant sollicitées lui-même.
Ni l'article 410 du Code de Procédure Pénale, applicable au seul prévenu, ni l'article 425 inapplicable en appel, ni l'article 420-1 qui ne fait que préciser les conditions dans lesquelles une personne lésée peut se constituer partie civile par courrier ne sont applicables à la présente espèce.
Il y a lieu de se référer à l'article 487 du même code qui prévoit que «sauf les cas prévus par les articles 410, 411, 414, 415, 416 et 424, toute personne régulièrement citée qui ne comparait pas au jour et à l'heure fixés par la citation est jugée par défaut, ainsi qu'il est dit à 1'article 412 ». En application de ce texte, doit être qualifié par défaut l'arrêt intervenu alors que la partie civile n'était ni présente, ni représentée à l'audience.
L'opposition sera donc déclarée recevable.
SUR LE FOND,
RAPPEL DES ELEMENTS DE PRÉJUDICE
M. X... était au jour de l'accident (22 mars 1998) ouvrier forestier à l'Office National des Forêts (en CDI depuis le 4 mars 1996 et en CDD antérieurement et à partir de 1991). Il effectuait principalement des travaux d'entretien nécessitant une bonne forme physique.
Il bénéficiait d'un « contrat de travail à temps partiel annualisé » et travaillait, à l'origine, chaque année, des mois de mai à octobre, puis d'avril (voire de la mi-mars) à décembre.
Il percevait un revenu net moyen d'environ 8 200 F.
M. X..., âgé de 33 ans au jour de l'accident, a subi :
- fractures des deux radius droit et gauche
- fracture du scaphoïde droit,
- fracture de la base du premier métacarpien droit ;
- luxation du coude droit ;
- fracture phalange main gauche,
- entorse cheville droite avec fracture malléolaire interne
Ses blessures ont nécessité plusieurs interventions chirurgicales (4 hospitalisations) et différents soins. Aujourd'hui, il subsiste des « séquelles fonctionnelles touchant à /a fois le membre supérieur droit et /a cheville droite ».
SUR LES PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
- La perte de gains professionnels actuels (I.T.T.)
M. X... sollicite le complément de rémunération pour la période du 22 mars 1998 (jour de l'accident) au jour de sa consolidation (décembre 1999) alors que Les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES soutiennent que la période à retenir va jusqu'au 22 septembre + 15 jours.
M. X... n'ayant pas repris son travail le 07. 10. 1999, la date de décembre 1999 doit être retenue. Les calculs proposés par M. X... sont conformes aux éléments de rémunération connus. Il sera donc alloué au titre de la perte de salaire, la somme de 10 948,57 €
- Le préjudice matériel :
M X... demande 1.407,22 € qu'il justifie par ses frais de transport et la perte de ses vêtements. La demande est justifiée par un décompte précis des sommes engagées. Il sera fait droit intégralement à la demande.
- La perte de gains professionnels futurs (I.P.P)
L'IPP retenue par l'expert est de 10%.
Les MUTUELLES DU MANS ont proposé pour ce poste une indemnisation de10.366,53 € qui a été retenue par l'arrêt faisant l'objet de l'opposition. Cette proposition est acceptée et doit être confirmée.
- L'incidence professionnelle :
Les MUTUELLES DU MANS ont reconnu qu'il y avait un préjudice professionnel mais n'ont proposé qu'une somme de 3 270,03 € portée ensuite à
56. 612,32 €. Elles estiment que M. X... n'étant pas définitivement inapte à tout travail, la perte de salaire est égale au salaire net antérieurement perçu (1. 300 €) moins le salaire que M. X... pourrait percevoir au titre d'une activité sur la base du SMIC (1. 037 €), soit une perte mensuelle de 263 €.
M. X... demande que son préjudice professionnel soit évalué en tenant compte de la perte de son emploi d'ouvrier forestier à l'OFFICE NATIONAL DES FORETS et de son statut actuel de travailleur handicapé sans emploi.
SUR LA PERTE DE SALAIRE.
M. X... prétend qu'à l'heure actuelle, il percevrait sur 12 mois d'un salaire d'environ 1.600 € met mensuel alors qu'il ne perçoit que 456,94 € mensuel au titre de l'allocation de solidarité spécifique.
La perte de salaire est donc selon lui de 1.600 € - 456,94 € = 1.143,06 € mensuels, préjudice professionnel qui doit être indemnisé selon les barèmes de capitalisation proposés par le décret no 2004-1157 du 29 octobre 2004, par un capital de 276 131,29€ :
S'il n'est pas contesté que M. X... n'a jamais repris son activité professionnelle et a été déclaré inapte à la reprise à son poste antérieur, il a été reconnu travailleur handicapé catégorie B et donc il a la possibilité de retrouver un emploi du niveau du SMIC. Il y a donc lieu de tenir compte du SMIC et non pas de l'allocation de solidarité.
De plus, M. X... se livre à un calcul aléatoire en retenant qu'il percevrait un salaire de 1.600 € et que son poste aurait été transformé en temps complet. Il peut seulement se plaindre d'avoir perdu une chance d'obtenir une évolution statutaire favorable. Le calcul proposé par les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES sera donc retenu, soit une indemnité de 56. 612,32 € , outre une indemnité correspondant à la perte d'une chance que la Cour évalue en fonction des justificatifs produits et de l'indemnité déjà accordée au titre de l'IPP, à 10.000 euros.
SUR LA PERTE DE RETRAITE
M. X... soutient qu'à 65 ans, soit en 2029, il aurait pu bénéficier d'une retraite équivalente à son salaire et estime la perte de retraite à 157.413,07 €.
Sur ce point encore, le chef de préjudice n'est pas certain. M. X... ne peut prétendre qu'à une perte de chance. Compte tenu du fait que les chances de M. X..., aujourd'hui âgé de 44 ans et handicapé sont réduites, la Cour évalue cette perte d'une chance à 15.000 euros.
C'est donc au total une somme de 91.612,31 € qui est due au titre de l'incidence professionnelle.
SUR LES PRÉJUDICES PERSONNELS
- La gêne dans la vie courante ou déficit fonctionnel temporaire :
M. X... demande 13. 870,71 €. Cette somme est justifiée par 21 mois pendant lesquels M. X... a été gêné dans sa vie courante et privé des activités physiques qu'il avait l'habitude de pratiquer. Il sera donc fait droit à l demande.
- Les souffrances endurées (4/7) :
M. X... demande 7.000,00 €. La somme apparaît justifiée au regard du taux retenu par l'expert et de la jurisprudence locale.
- Le préjudice esthétique (2/7) :
M. X... demande 2.000,00 €. La somme apparaît justifiée au regard du taux retenu par l'expert et de la jurisprudence locale.
- Le préjudice d'agrément :
M X... demande 10. 000, 00 € alors que les MMA ne proposent que
1. 219,59€.
Il y a lieu de remarquer que M. X... ne demande pas d'indemnité du chef de son déficit fonctionnel permanent résultant de l'atteinte séquellaire. L'indemnité sollicitée au titre du préjudice d'agrément peut donc être appréciée en tenant compte non seulement de la privation des activités ludiques et sportives mais également de la perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence. Il sera donc fait droit intégralement à la demande.
Il sera enfin alloué à M. X... une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement contradictoirement à l'égard de M. X... et des MUTUELLES DU MANS ASSURANCES, par défaut à l'encontre de la Caisse MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE et en dernier ressort,
EN LA FORME,
Reçoit l'opposition formée par M. X... et constate que de l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse en date du 11 octobre 2004 est mis à néant.
AU FOND
Condamne les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à payer à M. X... ,
- au titre de ses préjudices professionnels soumis à recours, la somme de
114 334,63 € (10 948,57 € + 1 407,22 € + 10 366,53 € + 91 612,31€)
- au titre de ses préjudices personnels, la somme de 32 870,71 € (13 870,71 € + 7 000,00€ + 2 000,00 € + 10 000, 00 € )
- outre une somme de 1. 500 € au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale outre les entiers dépens de première instance et d'appel dans lesquels seront compris les frais des deux expertises médicales.
Dit que ces sommes sont dues sous déduction de la provision de 56 612,32 € déjà versée.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,