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18/01/2010
ARRÊT N° 31
N° RG: 08/05882
CF/CD
Décision déférée du 15 Octobre 2008 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI - 07/02226
Mlle [J]
SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
C/
[G] [M]
sans avoué constitué
[B] [W]
représenté par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI
SARL AMPLITUDE
représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE
MEDICAL INSURANCE COMPANY LTD
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI
CPAM DU TARN
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART
REFORMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX
***
APPELANTE
SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
[Adresse 10]
[Localité 7]
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour
assistée de Me Géraud VACARIE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [G] [M]
[Adresse 11]
[Localité 9]
sans avoué constitué
Monsieur [B] [W]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 3]
représenté par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour
assisté de Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS
SARL AMPLITUDE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour
assistée de la SCP DUPEYRON-BARDIN-COURDESSES-FONTAN, avocats au barreau de TOULOUSE
MEDICAL INSURANCE COMPANY LTD
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour
assistée de Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS
CPAM DU TARN
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assistée de la SCP RASTOUL FONTANIER COMBAREL, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. MILHET, président, C. FOURNIEL, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
A. MILHET, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
*******
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'un accident de la circulation survenu en 1978, monsieur [G] [M] a reçu une prothèse totale de sa hanche droite, implantée initialement par le docteur [E] en 1980, changée en totalité par le docteur [W] en juillet 1995, puis en décembre 2002 par la mise en place d'une prothèse de marque 'Extrême Amplitude'.
En fin d'année 2005, monsieur [M] a ressenti des douleurs et entendu des craquements au niveau de sa prothèse, et une intervention chirurgicale de reprise totale de la hanche a dû être effectuée le 18 août 2006 par ablation de cette prothèse et mise en place d'une autre prothèse.
Après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 29 septembre 2007, monsieur [M] a fait assigner le docteur [W], la SARL AMPLITUDE et la CPAM du Tarn en réparation de son préjudice.
Le docteur [W] a appelé en garantie son assureur la SA SWISS LIFE.
Celle-ci estimant ne pas être tenue à garantie, a fait assigner en intervention forcée la compagnie MEDICAL INSURANCE COMPANY (MIC).
Suivant jugement en date du 15 octobre 2008, le tribunal de grande instance d'ALBI a :
-déclaré le docteur [W] et la SARL AMPLITUDE responsables du préjudice subi par monsieur [M] à la suite de la pose d'une prothèse défectueuse ;
-en conséquence, condamné le docteur [W] à payer à monsieur [M] :
*au titre du déficit fonctionnel temporaire une somme de 5.000 euros
*au titre du déficit fonctionnel permanent une somme de 17.250 euros
*au titre des souffrances endurées une somme de 7.000 euros
*au titre du préjudice esthétique une somme de 4.000 euros
*au titre du préjudice d'agrément une somme de 6.000 euros
*au titre du préjudice matériel une somme de 2.984,16 euros
-condamné la SARL AMPLITUDE à relever et garantir le docteur [W] de toutes les condamnations prononcées contre lui ;
-condamné la SARL AMPLITUDE à payer à la CPAM du Tarn :
*une somme de 14.226,80 euros au titre des dépenses de santé
*une somme de 941 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 376-1alinéa 9 du code de la sécurité sociale ;
-prononcé la mise hors de cause de la compagnie MIC ;
-dit que le contrat conclu entre la SA SWISS LIFE et le docteur [W] avait vocation à s'appliquer et que la SA SWISS LIFE devait garantie au docteur [W] ;
-dit en conséquence qu'il incombait à la SA SWISS LIFE de rembourser les frais engagés par son assuré dans le cadre de cette procédure, selon les modalités prévues au contrat ;
-débouté la compagnie MIC de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SA SWISS LIFE ;
-condamné la SARL AMPLITUDE à verser à monsieur [M] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la SA SWISS LIFE à verser au docteur [W] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA SWISS LIFE, de la compagnie MIC et de la CPAM du Tarn ;
-ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
-condamné la SARL AMPLITUDE aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
La SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 21 novembre 2008 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées.
Elle demande à la cour de :
-rejeter toutes demandes formées à son encontre ;
-constater que la première réclamation adressée au docteur [W] est postérieure à la résiliation du contrat souscrit auprès de cette société ;
-dans l'hypothèse où la condamnation du docteur [W] serait confirmée, dire et juger que seule la société MIC pourrait être condamnée à le garantir de toutes condamnations en principal, frais et article 700 du code de procédure civile qui pourraient être prononcées à son encontre ;
-la mettre hors de cause ;
-condamner la société MIC Ltd prise en la personne de son représentant légal en France, la SAS François BRANCHET, à lui payer une somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dire que le recouvrement des dépens d'appel sera opéré par la SCP NIDECKER-PRIEU-JEUSSET.
La société appelante fait valoir que le contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle du docteur [W] souscrit auprès d'elle a été résilié le 30 décembre 2002, antérieurement à la première réclamation constituée par l'assignation délivrée au docteur [W] par monsieur [M] le 10 décembre 2007, que tant le fait dommageable que la réclamation se situent en dehors de la période qu'elle garantit, et qu'en application des nouvelles dispositions du code des assurances issues de la loi ABOUT du 30 décembre 2002, il appartient à l'assureur de monsieur [W] à l'époque de la première réclamation de garantir les éventuelles conséquences du sinistre en cause.
Monsieur [W] et la compagnie MIC Ltd concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la compagnie SWISS LIFE à garantir le docteur [W] des conséquences financières du litige en cause, au débouté de l'ensemble des demandes de la société SWISS LIFE à leur encontre, à la condamnation de cette dernière à payer au docteur [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés directement par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU-CERRI.
Les intimés soutiennent que l'article 5 alinéa 2 de la loi About institue une période transitoire de 5 ans pendant laquelle, lorsque le contrat conclu antérieurement à la date de publication de la loi nouvelle n'a pas été renouvelé, c'est le fait générateur qui continue de déterminer l'assureur responsable, que la lecture des dispositions nouvelles proposée par la société SWISS LIFE contrevient aux dispositions de l'article 1131 du code civil relatives à la cause de l'obligation, que la reconnaissance de cette position aurait pour effet de priver de cause le versement des primes d'assurance auquel a satisfait le docteur [W], et de créer un avantage illicite au profit de la société SWISS LIFE, que plusieurs juridictions ont fait droit à cette analyse, même postérieurement à l'arrêt de la cour de cassation du 2 octobre 2008 invoqué par l'appelant, qu'il est manifeste que le débat n'est pas tranché, et que le contrat liant la société SWISS LIFE au docteur [W] entre dans les prévisions légales, le fait générateur étant survenu pendant la période de validité du contrat conclu avec cette société, et la première réclamation ayant été formulée dans le délai de 5 ans.
La SAS AMPLITUDE sollicite la confirmation du jugement dont appel, et la condamnation de la compagnie SWISS LIFE, voire de tout succombant, à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de la SCP BOYER-LESCAT-MERLE.
La CPAM du Tarn conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SARL AMPLITUDE à lui payer la somme de 14.226,80 euros au titre de sa créance, de le réformer sur les frais de gestion en lui allouant la somme de 955 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, et de condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP DESSART-SOREL-DESSART.
Monsieur [M] régulièrement assigné n'a pas constitué avoué.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 novembre 2009.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la détermination de l'assureur tenu de garantir monsieur [W]
Aux termes de l'article L 251-2 du code des assurances, issu de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 publiée au Journal Officiel du 31 décembre 2002 :
'Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L 1142-2 du code de la santé publique garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait dommageable est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.
Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé au contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité du contrat et dans le cadre des activités garanties à la date de résiliation ou d'expiration des garanties, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.
(. . .)
(. . .)
Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article 121-4.'
L'article 5 de la loi du 30 décembre 2002 relatif aux modalités d'entrée en vigueur de ces dispositions précise :
'L'article L 251-2 du code des assurances s'applique aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la date de publication de la présente loi.
Sans préjudice de l'application des clauses contractuelles stipulant une période de garantie plus longue, tout contrat d'assurance de responsabilité civile garantissant les risques mentionnés à l'article L 1142-2 du code de la santé publique, conclu antérieurement à cette date, garantit les sinistres dont la première réclamation est formulée postérieurement à cette date et moins de cinq ans après l'expiration ou la résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à la date d'expiration ou de résiliation et s'ils résultent d'un fait dommageable survenu pendant la période de validité du contrat'.
En l'espèce il est constant que le contrat d'assurance liant le docteur [W] à la compagnie SWISS LIFE a été résilié le 30 décembre 2002.
Il n'est pas contesté que le contrat souscrit par le docteur [W] auprès de la société MEDICAL INSURANCE COMPANY était en vigueur lors de la première réclamation formée par monsieur [M] aux termes de l'assignation en référé du 18 janvier 2007.
Par application de l'article 5 alinéa 1er de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002, il relève des dispositions du dernier alinéa de l'article L 251-2 du code des assurances, de sorte que le sinistre résultant de l'intervention du 20 décembre 2002, susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par deux contrats successifs, est couvert par priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans que puisse être appliqués les alinéas 4 et 5 de l'article L 121-4 du code des assurances régissant les assurances cumulatives.
La garantie subséquente prévue par l'article 5 alinéa 2 de la loi du 30 décembre 2002 n'a donc pas vocation à s'appliquer dans ce cas, sauf à démontrer que le sinistre ne serait pas en tout ou partie couvert par le contrat prioritaire.
La société MIC n'est pas fondée à opposer à la société SWISS LIFE une absence de cause, dès lors que son obligation à garantie résulte des dispositions spécifiques de la loi du 30 décembre 2002.
Le contrat souscrit par monsieur [W] auprès de la société MIC doit garantir les conséquences du sinistre survenu le 20 décembre 2002 au préjudice de monsieur [M].
Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la société MIC, dit que la société SWISS LIFE devait sa garantie au docteur [W], et condamné la société SWISS LIFE à verser au docteur [W] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les autres dispositions du jugement
Les dispositions du jugement relatives aux condamnations prononcées au profit de monsieur [M] et dans les rapports entre le docteur [W] et la SARL AMPLITUDE ne sont pas remises en cause.
Il en est de même du rejet de la demande de dommages et intérêts formée par la société MIC à l'encontre de la SA SWISS LIFE, et du rejet des demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la compagnie MIC et de la CPAM du Tarn.
La CPAM du Tarn qui a obtenu la somme de 941 euros au titre de l'indemnité de gestion forfaitaire, condamnation assortie de l'exécution provisoire, n'est pas fondée à solliciter une augmentation de ce montant en cause d'appel.
Sur les autres demandes
La SAS AMPLITUDE ne justifie pas d'un préjudice susceptible de fonder sa demande de dommages et intérêts.
Il convient de lui allouer une somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer devant la cour.
Une somme de 1.500 euros sera octroyée à la société SWISS LIFE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Le jugement sera confirmé de ce chef.
La compagnie MIC qui succombe devant la cour supportera les dépens de la présente procédure.
* * *
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare l'appel régulier,
Au fond, réforme le jugement,
Prononce la mise hors de cause de la SA SWISS LIFE,
Dit que la compagnie MIC Ltd doit sa garantie au docteur [W] au titre des conséquences financières du sinistre résultant de l'intervention chirurgicale du 20 décembre 2002, selon les modalités prévues au contrat,
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires aux présentes,
Condamne la compagnie MIC Ltd à payer au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance d'appel :
-la somme de 1.000 euros à la SAS AMPLITUDE
-la somme de 1.500 euros à la SA SWISS LIFE
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne la compagnie MIC Ltd aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés par les SCP BOYER-LESCAT-MERLE, DESSART-SOREL-DESSART et NIDECKER-PRIEU-JEUSSET, avoués à la cour.
LE GREFFIERLE PRESIDENT