COUR D'APPEL DE TOULOUSE
No 127
O R D O N N A N C E
L'an DEUX MILLE SEIZE et le 12 mai-09 heures 30
Nous M. REGALDO SAINT-BLANCARD, Président de la Chambre de l'instruction délégué par ordonnance du Premier Président en date du 18 décembre 2015 pour connaître des recours prévus par les articles L 552-9 et L 222-6, R. 552. 12 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'ordonnance rendue le 09 Mai 2016 à 15H15 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de
-Wagih X...né le 15 Novembre 1990 à GHARBIA-EGYPTE-de nationalité Egyptienne
Vu l'appel formé le 10/ 05/ 2016 à 10 h 47 par télécopie, par Me Elodie BAYER, avocat ;
A l'audience publique du 11 mai 2016-13 heures 30, assisté de V. GRANIE avons entendu :
Wagih X...
-assisté de Me Elodie BAYER, avocat commis d'office-avec le concours de Madame Y..., Interprète en langue arabe, qui a eu la parole en dernier,
En l'absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé ;
En présence du représentant de la PREFECTURE DE LA HAUTE VIENNE ;
avons rendu l'ordonnance suivante :
Vu l'arrêté de Monsieur le Préfet de Police de Paris en date du 7 août 2015 portant obligation de quitter le territoire français pris à l'encontre de Wagih X..., né le 15 novembre 1990 à Gharbia (Egypte), de nationalité égyptienne,
Vu la notification de cet arrêté à l'intéressé le même jour,
Vu la décision de Monsieur le Préfet de la Haute Vienne en date du 4 mai 2016, de placement en rétention de Wagih X... dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu la notification de cette décision le même jour,
Vu la requête de Monsieur le Préfet de la Haute Vienne en prolongation de rétention reçue le 9 mai 2016, à 9 H 30,
Vu l'ordonnance de prolongation de rétention pendant 20 jours rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 9 mai 2016, à 15 H 15 et l'exposé des faits qu'elle contient auquel il est expressément renvoyé,
Vu la déclaration d'appel reçue le 10 mai 2016 à 10 H 47,
L'avocate de Wagih X... fait valoir, dans son acte d'appel, les arguments suivants :
- Wagih X..., bien que ne maîtrisant pas le français, n'a pas bénéficié d'un interprète lors de son interpellation, de la garde à vue dont il a fait l'objet et de son placement en rétention,- les diligences accomplies par l'administration pour organiser son éloignement ont été tardives au regard des dispositions de l'article L 5554-1 du CESEDA,- Wagih X... bénéficie d'un titre de séjour italien de sorte qu'une procédure de réadmission aurait dû être adoptée.
Elle conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance dont appel et demande que soit ordonnée la remise en liberté de Wagih X....
A l'audience, le conseil de Wagih X... a développé les moyens contenus dans son acte d'appel.
Monsieur le Préfet de la Haute Vienne conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée.
SUR QUOI :
Sur l'absence de l'assistance d'un interprète :
Il ressort de la procédure de notification de l'obligation de quitter le territoire, en août 2015, qu'il avait alors été sollicité l'assistance d'un interprète.
L'assistance d'un interprète avait donc à l'évidence été alors considérée comme nécessaire.
Certes, une certaine communication a été possible avec Wagih X... lors de sa garde à vue le 4 mai 2016, mais on note tout de même certaines zones d'ombre dans le PV d'audition telles qu'un travail à Toulouse et un domicile à Paris, ou encore l'absence de toutes ressources alors qu'il est indiqué qu'il a un travail, même si c'est depuis peu.
On note également que cette audition, qui est mentionnée comme ayant duré quarante minutes, se limite, hors renseignements sur l'état civil, à une douzaine de questions et de réponses, ces dernières étant le plus souvent laconiques.
On note encore que le peu d'empressement dont il a été fait preuve pour trouver un interprète, durant cette journée du mercredi 4 mai, à Limoges, interprète qui avait été pourtant considéré comme nécessaire pour la phase d'obligation de quitter le territoire, a également été considéré comme nécessaire devant le juge des libertés et de la détention et est apparu indiscutablement indispensable devant nous, marque une certaine légèreté concernant les impératifs d'assurer une communication de qualité avec l'intéressé, légèreté que l'on perçoit encore au travers du document du 4 mai par lequel le délégué du Préfet indique au directeur du directeur du centre de rétention que " l'intéressé lit le français ", en contradiction avec tout ce qui résulte par ailleurs des autres pièces de la procédure.
L'absence d'un interprète paraît avoir fait grief à Wagih X..., ne serait-ce qu'au travers de ce qui est apparu dans la procédure de prolongation de rétention, concernant le fait que Wagih X... bénéficiait en fait d'un titre de séjour " illimité " en Italie, même s'il devait faire l'objet de renouvellements successifs, ce qui aurait pu permettre d'envisager une procédure de réadmission.
A l'évidence, le concours d'un interprète aurait permis de cerner utilement la situation réelle de Wagih X..., ce qui n'a donc pas été possible en raison de ce qui apparaît comme une anomalie viciant l'ensemble de la procédure, de sorte que l'appel de Wagih X... sera reçu et que sa mise en liberté sera ordonnée, sans que soit abordés les autres moyens..
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons l'appel recevable ;
Au fond,
INFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de TOULOUSE le 9 mai 2016,
Constatons que l'absence du concours d'un interprète a vicié la procédure de garde à vue et l'ensemble de la procédure qui a suivi,
Ordonnons la libération immédiate de Wagih X....
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DE LA HAUTE VIENNE, service des étrangers, à Wagih X..., ainsi qu'à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LE GREFFIERP/ LE PREMIER PRESIDENT
Isabelle BACOUMichel REGALDO SAINT-BLANCARD