19/09/2018
ARRÊT N° 568/2018
N° RG 18/00829
MT/AB
Décision déférée du 07 Février 2018 - Juge de l'exécution de TOULOUSE ( 17/03101)
Mme X...
Yasser Y...
Vanessa Z...
C/
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
SCP FERES-MALE-RAYNAUD-SENEGAS
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT
***
APPELANTS
Monsieur Yasser Y...
[...]
Représenté par Me François A..., avocat au barreau de TOULOUSE
Madame Vanessa Z...
[...]
Représentée par Me François A..., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS pris en la personne de son représentant légal, domicilié [...]
SCP FERES-MALE-RAYNAUD-SENEGAS pris en la personne de son représentant légal
[...],
[...]
[...]
Représentés par Me Damien F... de la SELARL CLF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Guillaume B... de la SCP REBOTIER B... & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juillet 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. C..., chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. G..., président
A. C..., conseiller
A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller
Greffier, lors des débats : A. BORDE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. G..., président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l'appel interjeté le 20 février 2018 par les consorts Yasser Y... et Vanessa Z... à l'encontre d'un jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TOULOUSE en date du 7 février 2018.
Vu les conclusions des consorts Yasser Y... et Vanessa Z... en date du 21 juin 2018.
Vu les conclusions de Fonds de Garantie et de la SCP FERES MALE RAYNAUD SENEGAS en date du 5 mai 2018.
Vu l'ordonnance de clôture du 16 juillet 2018 pour l'audience de plaidoiries fixée au 23 juillet 2018.
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Par jugements du Tribunal Correctionnel de LYON des 25 avril 2002 et 16 décembre 2004, Monsieur Y... a été condamné solidairement avec ses deux co-auteurs à payer à Monsieur D... les sommes de 18.000,00 euros et 46.785,46 euros et à Monsieur E... les sommes de 2.200,00 euros et 5.700,00 euros.
Par décisions de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance de LYON en date des 18 avril 2003 et 13 février 2004, ont été allouées à Monsieur D... les sommes de 10.000,00 euros et 54.785,46 euros et par décision en date du 1er juillet 2005, à Monsieur E... la somme de 4.700,00 euros.
En exécution de sept décisions du Tribunal Correctionnel de LYON et de la CIVI du tribunal de grande instance de LYON, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions (FGTI) subrogé dans les droits de la victime conformément à l'article 706-11 du code de procédure pénale a fait pratiquer, selon procès verbal du 27 juillet 2017, une saisie-attribution des comptes bancaires de Monsieur Y... détenus par la banque CIC Sud Ouest pour un montant de 110.466,59 euros ; cette saisie a été dénoncée le 1er août 2017 à Monsieur Y....
Par acte d'huissier du 28 août 2017, Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... ont assigné le FGTI et la SCP Emmanuel PERES- Alexandra MALE- Christian RAYNAUD-SENEGAS, huissiers de justice associés aux fins de voir prononcer la nullité de la saisie-attribution, sa mainlevée, limiter la saisie à cinq années d'intérêts, déclarer insaisissables les sommes saisies et condamner le FGTI et de la SCP d'huissiers de justice au paiement de la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 novembre 2017 qui a reconnu au FGTI la possibilité de se prévaloir à l'encontre de Monsieur Y... des jugements du tribunal correctionnel de LYON et de la CIVI de LYON, une réouverture des débats a été ordonnée pour permettre au FGTI de produire les copies exécutoires des décisions fondant les poursuites et recueillir, au besoin, les observations des parties sur ce point.
Par jugement en date du 7 février 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TOULOUSE a :
- débouté Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... de leurs contestations et demandes,
- condamné solidairement Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... à payer au FGTI et à la SCP FERES- MALE- RAYNAUD-SENEGAS la somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... aux dépens,
- rappelé que le jugement est exécutoire par provision de plein droit.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
Les consorts Yasser Y... et Vanessa Z... demandent à la cour de :
- réformer en tous points le jugement entrepris,
- constater que le Fonds de garantie et la SCP FERES ' MALE ' RAYNAUD-SENEGAS, huissier exécutant, ne possèdent aucun titre à l'encontre de Monsieur Yasser Y... assorti de la formule exécutoire, conforme à l'article 502 du code de procédure civile, l'article L111-2 du code des procédures civiles d'exécution et à l'article 1 du décret n° 47-1047 du 12 juin 1947,
- constater qu'il n'est justifié d'aucune dérogation à l'article 502 du code de procédure civile,
- déclarer nulle et de nul effet la saisie des comptes n° [...] et n° [...] effectuées auprès du CIC Sud-Ouest, [...] le 27 juillet 2017, faute par l'huissier de justice d'avoir été mandaté par une décision de justice assortie de la formule exécutoire,
- dire que la saisie attribution effectuée sur le compte joint de Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... [...] est nulle faute d'avoir été dénoncée à Madame Vanessa Z...,
- ordonner la mainlevée des deux saisies,
- dire qu'en tout état de cause, la créance du FGTI devra être limitée au montant des intérêts au taux légal non majoré et à 5 années, eu égard à la prescription de ceux-ci,
- dire que les sommes saisies sur le compte de Monsieur Yasser Y... n° [...] demeurent insaisissables constituant la fraction insaisissable de ses rémunérations,
- condamner le FGTI et la SCP d'huissiers FERES - MALE - RAYNAUD-SENEGAS à leur payer la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les succombants aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils font valoir que :
- les titres invoqués pour fonder la voie d'exécution critiquée ne sont pas revêtus de la formule exécutoire. Le FGTI devait saisir la juridiction de son recours subrogatoire pour obtenir un titre à l'encontre de l'auteur de l'infraction qui n'était pas partie à l'instance devant la CIVI, or il n'y a pas procédé. Le FGTI est donc dépourvu de titre exécutoire à leur encontre,
- le montant de la créance est contesté, Monsieur Y... n'étant pas partie à l'instance devant la CIVI, ne peut se voir réclamer d'intérêts sur les sommes allouées, et encore moins au taux majoré. En tout état de cause la prescription quinquennale s'applique,
- la saisie du compte joint est irrégulière, elle n'a pas été dénoncée à Madame Z... cotitulaire du compte,
- Monsieur Yasser Y... ayant deux enfants à charge, sa rémunération mensuelle est insaisissable à hauteur de 1.532,00 euros par mois et il devra donc être donné mainlevée de la saisie pratiquée sur son compte pour 1.131,38 euros.
Le FGTI Garantie et la SCP FERES ' MALE ' RAYNAUD - SENEGAS demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- en conséquence, constater que la saisie-attribution pratiquée par le Fonds de Garantie et la SCP FERES ' MALE ' RAYNAUD - SENEGAS du 27 juillet 2017 sur les comptes bancaires de Monsieur Y... est bien fondée et régulière,
- débouter Monsieur Y... et Madame Z... de leurs contestations et demandes,
- condamner solidairement Monsieur Y... et Madame Z... à leur payer la somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code procédure civile,
- rejeter toute autre demande,
- condamner solidairement Monsieur Y... et Madame Z... aux dépens,
- y ajoutant, condamner in solidum Monsieur Y... et Madame Z... à payer au FONDS DE GARANTIE la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum Monsieur Y... et Madame Z... aux entiers dépens d'appel.
Ils font valoir que :
- le FGTI peut exercer son action subrogatoire devant les juridictions civiles pour l'ensemble des sommes qu'il a versées sans devoir obtenir un titre exécutoire contre l'auteur de l'infraction. Il dispose d'un titre exécutoire,
- le montant de la créance ne peut être contesté, l'absence de Monsieur Y... devant la CIVI est sans incidence, ses paiements jusqu'en 2015 ont interrompu la prescription,
- l'absence de dénonciation de la saisie attribution au co titulaire du compte joint n'est pas sanctionnée,
- le tiers saisi a laissé à la disposition du débiteur les sommes prescrites par l'article L 162-2 du code de procédure civile d'exécution.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
1- Sur le titre exécutoire.
Il résulte de l'article 706-11 du code de procédure pénale que le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des réparations à la charge desdites personnes et qu'il peut exercer ses droits par toutes voies utiles ;
La subrogation opère en principe au bénéfice du subrogé une transmission de la créance avec ses caractères propres ainsi que de tous les accessoires qui y sont attachés notamment l'existence d'un titre exécutoire. Par l'effet de la subrogation, le subrogé peut invoquer les titres constatant la créance pour fonder une voie d'exécution, il est dispensé d'obtenir un nouveau titre exécutoire.
Il en résulte que le FGTI est autorisé par l'article 706-11 à se prévaloir du titre exécutoire obtenu contre l'auteur de l'infraction par la victime dans les droits de laquelle il est subrogé et peut exercer sur ce fondement une procédure d'exécution dans la limite des sommes mises à sa charge par la CIVI.
Le FGTI dispose en l'espèce de diverses décisions définitives émanant de la juridiction répressive et de la CIVI de LYON dont il peut se prévaloir, comme subrogé dans les droits de la victime, afin d'obtenir le recouvrement des indemnités versées en exécution des décisions de la CIVI dans la limite des réparations mises à la charge du responsable, ce dont il résulte que sa demande de saisie se fonde sur des titres exécutoires.
Les décisions pénales et de la CIVI fondant la saisie pratiquée par le FGTI sont définitives, elles ont été prononcées en 2002 et 2004. Pour la saisine de la CIVI la victime n'est pas tenue de produire des décisions pénales revêtues de la formule exécutoire, cette formalité ne peut donc être exigée du FGTI qui lui est subrogé, ainsi l'action subrogatoire du FGTI est donc une procédure dérogatoire au droit commun des voies d'exécution, une exception légale aux exigences du code de procédure civile d'exécution.
Le FGTI est donc en l'espèce titulaire d'un titre exécutoire lui permettant de procéder à une saisie attribution sur les comptes bancaires de Monsieur Y....
Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur le montant de la créance.
Monsieur Y... fait valoir que le FGTI ne peut lui réclamer paiement des intérêts au taux légal majoré depuis 2002 en raison de la prescription affectant lesdits intérêts et au motif qu'il n'était pas partie aux décisions rendues par la CIVI.
La présence de l'auteur de l'infraction devant la CIVI ne fait pas partie des conditions de la subrogation légale de l'article 711-6 du code de procédure pénale. Le fait que Monsieur Y... ait été absent devant cette instance est donc sans incidence sur les droits que le FGTI tient de la subrogation légale.
Monsieur Y... a procédé à divers paiements jusqu'au 12 novembre 2015, la saisie attribution est en date du 27 juillet 2017, la prescription quinquennale des intérêts n'était donc pas acquise.
Le FGTI précise en outre justement que ses titres ne sont pas prescrits, le délai de prescription de l'action en exécution du titre est de 10 ans en application de l'article L 111-4 du code des procédures d'exécution, et ce à compter du 19 juin 2008 en vertu de la réforme de la prescription, ce délai expire le 19 juin 2018 et la saisie est intervenue le 27 juillet 2017.
Le jugement est confirmé sur ce point.
3- Sur la régularité de la saisie attribution portant sur le compte joint.
Le procès verbal de saisie attribution n'a pas été dénoncé à Madame Z... titulaire du compte joint en application de l'article R 211-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Cependant le défaut d'accomplissement de cette formalité n'est sanctionné par aucune nullité ni aucune caducité de la saisie attribution.
Il apparaît en outre à la lecture du procès verbal de saisie attribution, que le tiers saisi n'a pas déclaré à l'huissier instrumentaire l'existence d'un compte joint.
Le jugement est confirmé sur ce point.
4- Sur la fraction insaisissable des revenus du débiteur.
Aux termes de l'article L162-2 du code de procédure civile d'exécution, le tiers saisi laisse à disposition du débiteur personne physique, dans la limite du solde créditeur du ou des comptes au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d'un montant égal au montant forfaitaire, pour un allocataire seul, mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.
Ce texte précise que la somme laissée à la disposition du débiteur saisi correspond au montant dû à un allocataire seul, de sorte qu'il ne peut être soutenu que le tiers saisi doit prendre en compte la composition de la famille et en l'espèce les deux enfants à charge de Monsieur Y....
Le tiers saisi a laissé à la disposition du débiteur saisi la somme de 536,78 euros, qui correspond au montant fixé par le texte sus visé à la date de la saisie attribution, étant relevé que Monsieur Y... ne rapporte pas la preuve du dépôt sur le compte saisi de sommes insaisissables par nature.
Le jugement est confirmé sur ce point.
5- Sur les demandes accessoires.
Les appelants succombent, ils supporteront la charge des dépens augmentée d'une somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,
Condamne Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... à payer au Fonds de Garantie des Victimes d'acte de terrorisme et d'autres infractions la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur Yasser Y... et Madame Vanessa Z... aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
M. BUTELC. G...