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04/02/2019 | FRANCE | N°16/02977

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 04 février 2019, 16/02977


04/02/2019



ARRÊT N°26



N° RG 16/02977 - N° Portalis DBVI-V-B7A-LAWT

CB/AE



Décision déférée du 17 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de Montauban -

Mme X...

















Etablissement OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM)





C/



Jean-Luc Y...

Elsa Y...

Organisme CPAM DE TARN-ET-GARONNE

Organisme CAISSE NATIONALE DE RETRAITES DES AGENTS DES COLLECTIVITES LOCALES (CNRACL)





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT ...

04/02/2019

ARRÊT N°26

N° RG 16/02977 - N° Portalis DBVI-V-B7A-LAWT

CB/AE

Décision déférée du 17 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de Montauban -

Mme X...

Etablissement OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM)

C/

Jean-Luc Y...

Elsa Y...

Organisme CPAM DE TARN-ET-GARONNE

Organisme CAISSE NATIONALE DE RETRAITES DES AGENTS DES COLLECTIVITES LOCALES (CNRACL)

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANT

Etablissement OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM) agissant par la personne de son Directeur en exercice

[...]

Représentée par Me Jane Z... de la A..., avocat au barreau de BAYONNE

Représentée par Me Corinne B..., avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur Jean-Luc Y... agissant tant à titre personnel qu'es qualité d'ayant droit de sa défunte épouse, Madame Valérie Y..., née le [...] à MOYEUVRE-GRANDE (57) et décédée le [...] à MONTAUBAN (82)

Le Gajou n° 3

[...]

Représenté par Me Jean Christophe C... de la D..., COURTOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représenté par Me E... F... de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Mademoiselle Juliette Y... agissant tant à titre personnel qu'es qualité d'ayant droit de sa défunte mère, Madame Valérie Y..., née le [...] à MOYEUVRE-GRANDE (57) et décédée le [...] à MONTAUBAN (82)

Le Gajou n° 3

[...]

Représenté par Me Jean Christophe C... de la D..., COURTOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représenté par Me E... F... de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Mademoiselle Elsa Y... agissant tant à titre personnel qu'es qualité d'ayant droit de sa défunte mère, Madame Valérie Y..., née le [...] à MOYEUVRE-GRANDE (57) et décédée le [...] à MONTAUBAN (82)

[...]

Représentée par Me Nathalie G..., avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-2016-019480 du 11/08/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

Organisme CPAM DE TARN-ET-GARONNE

[...]

Sans avocat constitué

Organisme CAISSE NATIONALE DE RETRAITES DES AGENTS DES COLLECTIVITES LOCALES (CNRACL)

[...]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BELIERES, président

C. ROUGER, conseiller

C. MULLER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C.PREVOT

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BELIERES, président, et par C. PREVOT, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure

Mme Valérie H... épouse Y..., née le [...], est décédée le [...] à 1 h 45 à la clinique du Pont Chaume à Montauban où elle avait été admise la veille à 17 heures, en urgence, pour une douleur thoracique et un malaise syncopal et prise en charge par le docteur Paul I..., cardiologue, pour coronarographie.

Elle a laissé pour lui succéder son époux, M. Jean-Luc Y..., et ses trois filles, Caroline née le [...], Elsa née le [...] et Juliette, née le [...].

Par requête du 26 septembre 2014 M. Y... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales de la région Midi-Pyrénées (CRCI) qui a désigné en qualité d'expert les docteurs J... et K... et qui au vu de leur rapport déposé le 14 décembre 2014 concluant que le décès est consécutif à la dissection iatrogène du tronc coronaire gauche au cours de la procédure diagnostique coronographique, complication médicale anormale au regard de l'état de santé antérieur de la patiente et de l'évolution prévisible de celui-ci, a considéré, dans un avis du 10 février 2015 que cet accident médical non fautif lui ouvrait droit à réparation au titre de la solidarité nationale et a invité l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales (Oniam) à présenter une offre d'indemnisation du préjudice d'affection des ayants droit, des frais d'obsèques et funéraires et du préjudice économique de M. Y....

Il s'est vu adresser par l'Oniam une offre d'indemnisation qui a été refusée comme insuffisante.

Par actes d'huissier en date des 2,3 et 13 novembre 2015 M. Y... et Juliette Y..., mineure représentée par son père, ont fait assigner l'Oniam, la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) du Tarn-et-Garonne et la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales (CNRACL) devant le tribunal de grande instance de Montauban en indemnisation et par conclusions en date du 2 mars 2016 Mme Elsa Y... est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement réputé contradictoire en date du 17 mai 2016 assorti de l'exécution cette juridiction a

- dit que la présente décision est opposable à la Cpam du Tarn-et-Garonne et à la CNRACL

- débouté Mme Elsa Y... de sa demande au titre des souffrances endurées subies par sa mère

- fixé à la somme de 4.000 € l'indemnité due à la succession de Mme Valérie Y... au titre des souffrances endurées par cette dernière

- fixé les indemnités dues à M. Y... aux sommes de

* 3.153,59 € au titre des frais d'obsèques

* 20.728 € au titre de la perte de revenus du fait du deuil pathologique

* 259.534,39 € au titre du préjudice économique

* 30.000 € au titre du préjudice d'affection

- fixé à 30.000 € l'indemnité due à Mme Juliette Y... au titre du préjudice d'affection

- fixé les indemnités dues à Mme Elsa Y... aux sommes de

* 11.724,81€ au titre du préjudice économique

* 30.000€ au titre du préjudice d'affection

- rejeté les demandes au titre du préjudice économique de Juliette Y... et du préjudice d'accompagnement de M. Y...

- dit qu'il conviendra de déduire des montants alloués les sommes qui auraient été perçues par M. Y..., Mme Juliette Y... et Elsa Y... pour les mêmes préjudices en sus de celles déjà déduites par le tribunal

- dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- dit que la somme allouée à Juliette Y... sera employée sous le contrôle du juge des tutelles des mineurs

- rappelé que les tiers payeurs ne peuvent pas exercer de recours subrogatoires à l'égard de l'Oniam

- condamné l'Oniam à payer la somme de 1.000 € à M. Y..., en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de Mme Juliette Y..., et la somme de 1.000 € à Mme Elsa Y... au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'Oniam aux dépens

Par déclaration en date du 14 juin 2016 l'Oniam a relevé appel général de cette décision.

Prétentions et moyens des parties

L'Oniam demande dans ses dernières conclusions du 4 juin 2018 à la cour, au visa de l'article L. 1142 II du code de la santé publique, de

- réformer le jugement sur le montant des indemnisations allouées à M. Y... et Mme L... Y... au titre du préjudice économique, sur l'indemnisation de la succession au titre des souffrances endurées par Mme Y... avant son décès, sur le montant des indemnisations allouées aux consorts Y... au titre de leur préjudice d'affection

- dire que l'indemnisation allouée à

* M. Y... au titre du préjudice économique n'excédera pas la somme de 263,23 €

* Mme Elsa Y... au titre du préjudice économique n'excédera pas la somme de 1.476,71 €

- débouter M. Y..., Mme Elsa Y... et Mme Juliette Y... de leurs demandes au titre des souffrances endurées par Mme Valérie Y... avant son décès

- dire que l'indemnisation allouée à M. Y..., Mme Juliette Y... et Mme Elsa Y... au titre de leur préjudice d'affection n'excédera pas la somme de 22.000 €

- confirmer le jugement sur les indemnisations allouées à M. Y... au titre des frais d'obsèques et de sa perte de revenus propres, sur le rejet du préjudice économique de Mme Juliette Y... et du préjudice d'accompagnement de M. Y...

- débouter les consorts Y... de leurs appels incidents

- les condamner aux entiers dépens.

Il conclut au rejet du poste des souffrances endurées subies par Mme Y... avant son décès aux motifs qu'il n'a pas été retenu par les experts, que l'accident s'est produit en cours d'examen alors qu'elle était endormie, que tous les gestes réalisés au cours de son hospitalisation l'ont été durant cette phase et qu'il n'est nullement établi qu'elle ait repris connaissance avant son décès.

Il critique le calcul du préjudice économique de M. Y... fait par le tribunal en ce qu'il a pris en considération son remariage en ne déduisant pas la pension de réversion à titre viager mais n'a pas pris en compte ce même remariage en n'intégrant pas dans son calcul les nouveaux revenus du foyer ; il rappelle que l'indemnisation due doit être calculée déduction faite des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; il propose le calcul suivant du jour du décès du [...] au remariage le 14 février 2010 : revenus du foyer avant le décès : 38.057 €, part d'auto consommation de l'épouse 20 %, revenu disponible du foyer : 30.445,60 €, revenus perçus par M. Y... après le décès : 29.966,97 € soit 21.051 € (revenus [...]) + 2.273,91 € pour janvier et février 2010 + 6.192,06 € au titre de la pension de réversion, perte de revenu du foyer 478,63 € pour la période considérée, ce qui donne selon son propre barème de capitalisation sur la base d'une table différenciée homme et femme comprenant un taux d'intérêt de 1,29 % et des tables d'espérance de vie de 2008 par référence à celui visé en annexe de l'arrêté du 27 décembre 2011 modifié relatif à l'application des articles R 376-1 et R 454-1 du code de la sécurité sociale

Pour Elsa Y... jusqu'à 25 ans à raison d'une part de 15 %

. une perte pour la période du 26 juillet 2008 au 14 février 2010 (567 jours) à raison d'une part de 15 % soit 71,80 € (478,63 € x 15 %)

. une perte pour la période du 15 février 2010 au 30 novembre 2010 soit 289 jours la somme de 243,95 € (478,63 € x 28 jours / 567 jours)

. une perte économique sur un an de 308,11 € (478,63 € x 365 jours / 567 jours)

. une perte économique capitalisée du 1er décembre 2010 (elle avait alors 16 ans) jusqu'à 25 ans soit 2.599,52 € (308,11 € x 8,437)

soit au total 2.915,27 € sauf à déduire la pension temporaire d'orphelin perçue à compter du remariage de son père soit 1.438,56 €, ce qui donne un solde de 1.476,71 €

Pour Juliette Y... jusqu'à 25 ans à raison d'une part de 15 %

. une perte pour la période du 26 juillet 2008 au 14 février 2010 (567 jours) à raison d'une part de 15 % soit 71,80 € (478,63 € x 15 %)

. une perte pour la période du 15 février 2010 au 9 mars 2010 soit 23 jours la somme de 19,41 € (478,63 € x 23 jours / 567 jours)

. une perte économique sur un an de 308,11 € (478,63 € x 365 jours / 567 jours)

. une perte économique capitalisée du 1er décembre 2010 (elle avait alors 11 ans) jusqu'à 25 ans soit 3.919,15 € (308,11 € x 12,72)

soit au total 4.010,36 € sauf à déduire la pension temporaire d'orphelin perçue à compter du remariage de son père soit 35.421,43 €, ce qui donne une absence de perte économique

Pour M. Jean-Luc Y...

. une perte économique du 28 juillet 2008 au 14 février 2010 de 263,23 € soit 478,63 € ( 71,80 € x 3 enfants) que l'indemnisation due doit être calculée déduction faite des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.

M. Y... et Mme Juliette Y..., devenue majeure, agissant ensemble tant à titre personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur épouse et mère, Mme Valérie Y..., demandent dans leurs conclusions du 24 mai 2018, au visa de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, de:

- prendre acte de la reprise de l'instance de Mme Juliette Y..., devenue majeure

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Oniam à prendre en charge les préjudices de Mme Y... et de ses proches, à verser à la succession la somme de 4.000 € au titre des souffrances endurées, à M. Y... celle de 20.728 € au titre des pertes de revenus professionnels du fait d'un deuil pathologique

- le réformer pour le surplus

- condamner l'Oniam à payer à

* M. Y... les sommes de 417.159 €, pension de réversion déduite, au titre du préjudice économique en lien avec le décès et 33.000€ au titre de son préjudice moral

* Mme Juliette Y... 33.000 € au titre du préjudice moral

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'assignation initiale;

- dire que la décision sera opposable à l'organisme social

- condamner l'Oniam à leur verser la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Ils font valoir au titre des souffrances endurées par la défunte que Mme Y... a subi une réanimation intensive à compter du 25 juillet 2008 19 heures et n'est décédée que le [...] vers 1 h 45, que les transmissions ciblées de réanimation précisent que, sur le plan neurologique, elle était réveillable à l'entrée et a été sédatée, qu'en toute hypothèse l'absence de conscience n'est pas un obstacle à l'indemnisation des préjudices corporels personnels tels les souffrances endurées.

Ils chiffrent le préjudice économique sur la base d'un revenu annuel du foyer de 38.057 € (21.288 € pour le mari et 16.769 € pour l'épouse) avec trois enfants à charge soit après déduction de la part d'auto consommation de la défunte de 15 % un solde annuel de 32.348,45 € et, déduction faite des revenus du mari après le décès (21.288 €) une perte [...] du foyer de 11.060 €, soit pour la période du décès à [...] une perte de 104.148€ (9 ans et 5 mois) et pour l'avenir de 479.403 € par capitalisation selon le barème de la Gazette du Palais de novembre 2017 et l'âge de Mme Y... en janvier 2018 soit un indice de 33,929.

Ils indiquent que cette perte doit être considérée comme subie par les enfants à hauteur de 15 % chacun jusqu'à 25 ans soit Caroline âgée de 18 ans au jour du décès (non partie à la procédure), 19.256 € pour Elsa âgée de 13 ans au jour du décès, 25.422 € pour Juliette âgée de 9 ans au jour du décès de sorte que le préjudice économique du père s'établit à 423.351 € (479.351 € - 11.374 € - 19.256 € - 25. 422 €)

Déduction faite de la pension versée pour Juliette par la CNRACL, aucune indemnité ne revient à cette enfant, et déduction faite de la pension de reversion versée à M. Y... jusqu'à son remariage en 2010 soit 6.192,06€, l'indemnité lui revenant s'établit à 417.159 €.

Mme Elsa Y... agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de sa mère, Mme Valérie Y... demande dans ses dernières conclusions du 15 juin 2018, au visa de l'article L.1142-1 II du code de la santé publique, de :

- confirmer le jugement sauf sur le montant de l'indemnisation allouée au titre de son préjudice économique et d'affection

- condamner l'Oniam à lui verser les sommes de

* 19.256€ au titre du préjudice économique en lien avec le décès dont il conviendra de déduire le montant de l'éventuelle pension de réversion

* 33.000€ au titre de son préjudice d'affection

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal

- dire que la décision à intervenir sera opposable à l'organisme social;

- condamner l'Oniam à lui verser la somme de 2.000 € par application de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle chiffre son préjudice économique sur la base de 15 % de la perte annuelle du foyer soit 1.659 € par an (11.060 € x 15 %) à capitaliser selon l'indice temporaire jusqu'à 25 ans d'une personne âgée de 13 ans au décès soit 11.607, ce qui donne une indemnité de 19.256 €.

La Cpam du Tarn et Garonne et la CNRACL assignées par l'appelant par actes délivrés le 22 septmebre 2016 et 30 novembre 2016 à personne habilitée et contenant dénonce de la déclaration d'appel et de ses conclusions n'ont pas constitué avocat ; l'arrêt sera réputé contradictoire conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Par courrier du 22 juin 2016 le premier tiers payeur a indique n'avoir versé aucune prestation et le second a fait connaître par courrier du 4 janvier 2016 le montant de sa créance.

Motifs de la décision

Sur les indemnisations

Le décès de la victime ouvre droit à deux actions distinctes, l'action successorale ou héréditaire et l'action propre ; la première, en prolongeant fictivement la personne juridique du défunt, permet aux héritiers ou légataires universels d'exercer l'action en réparation dont leur auteur aurait disposé s'il avait survécu ; la seconde est dévolue aux ayants droit ou aux tiers, victimes par ricochet pour leur préjudice personnel, patrimonial et extra patrimonial.

Les dispositions du jugement relatives aux frais d'obsèques, à la perte de revenus du mari pour deuil pathologique, au préjudice économique de l'enfant mineure Elsa, le rejet du préjudice d'accompagnement du mari ne sont critiquées par aucune partie ; l'appel étant général, elles doivent être confirmées sans examen au fond en application de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile.

La discussion ne persiste en cause d'appel que pour les dispositions du jugement relatives à l'existence, l'évaluation ou la liquidation de certains chefs de dommages à savoir la réalité du préjudice né des souffrances endurées par la victime directe avant son décès, l'évaluation du préjudice économique du mari et de sa fille Juliette, le montant des préjudices d'affection des trois victimes et le point de départ des intérêts légaux assortissant les indemnités.

*** sur l'action successorale

Seul est réclamé le préjudice né des souffrances endurées ; ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime entre l'accident et son décès.

Les souffrances subies par Mme Valérie Y... sont inhérentes à l'examen d'angio coronarographie pratiqué le 25 juillet 2008 à 17 heures qui a engendré une complication à type de dissection du tronc coronaire gauche aboutissant à une occlusion de la lumière artérielle provoquant un infactus antérieur ; celui-ci a entraîné la mise en place de stents, une intubation orotrachéale et CEE, la pose d'un BCPIA pour améliorer l'hémodynamique; adressée au service de réanimation à 19 heures, la patiente est décédée le lendemain à 1 h 45.

Le principe de la réparation intégrale et le principe de dignité de la personne humaine conduisent à la réparation de ce chef de dommage qui sera intégralement assuré par l'octroi d'une indemnité de 4.000 €.

*** Sur les préjudices des victimes par ricochet

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 28 novembre 2017 taux d'intérêt 0,5 % qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Sur les préjudices économiques

Au vu des avis d'imposition sur le revenu (revenus de 2007, année pleine précédant le décès survenu [...]) la défunte percevait un salaire annuel net imposable de 16.769 € et le mari des revenus annuels de 21.288 € de sorte que les revenus du couple à prendre en considération s'élevaient à la somme de 38.057 € par an.

La part conservée par Mme Y... pour ses besoins personnels doit être fixée à 15 % soit 5.708,55 €, étant souligné que le couple avait trois enfants à charge.

Le revenu annuel disponible avant le décès pour le conjoint survivant y compris les frais fixes incompressibles du ménage et pour les enfants est donc de 32.348,45 € (38.057 € - 5.708,55 €).

Après le décès, selon ses avis d'imposition [...] (revenus de 2008 et 2009) M. Y... a continué à percevoir son salaire.

Les nouvelles ressources dont il peut bénéficier, dues à la réorganisation de son existence à compter de février 2010 avec la reconstitution d'un foyer par remariage avec une épouse qui perçoit un salaire, n'ont pas à être prises en considération, s'agissant de revenus qui ne sont pas la conséquence directe du décès.

La perte annuelle du foyer s'établit ainsi à 11.060,45 € (32.348,45 € - 21.288 €), somme qui était affectée aux besoins personnels du mari, des trois enfants et aux frais fixes incompressibles du ménage.

Le préjudice viager du foyer s'élève ainsi à 406.195,02 € soit

* pour la période passée, du décès le [...] au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 116.134,72 € (11.060,45 € / 12 mois x 126 mois)

* pour la période à venir, au vu de l'euro de rente viagère du barème de capitalisation pour un homme âgé de 52 ans en février 2019 pour être né le [...], soit un indice de 26,225, la somme de 290.060,30 € (11.060,45 € x 26,225).

L'époux étant plus âgé que son conjoint né le [...] avait, selon les tables de mortalité, l'espérance de vie la plus faible de sorte que l'euro de rente à prendre en considération est le sien et non celui de l'épouse.

La part revenant à chaque enfant (étant précisé que l'aînée Caroline tout juste majeure lors du décès mais encore à charge n'est pas partie à la procédure) pour ses besoins personnels doit être fixée à 15 % de la perte annuelle soit 1.659,06 € par an (15 % de 11.060,45 €) de sorte que leur préjudice économique s'établit respectivement

pour Elsa à 19.070,89 €

* pour la période passée du décès le [...] au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 17.420,13 € (1.659,06 € / 12 mois x 126 mois)

* pour la période à venir au vu de l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 24 ans en février 2019 pour être née le [...], soit un indice de 0,995, la somme de 1.650,76 € (1.659,06 € x 0,995)

pour Juliette à 27.193,65 €

* pour la période passée du décès le [...] au jour de la liquidation soit le 4 février 2019, date du présent arrêt, soit 126 mois la somme de 17.420,13 € (1.659,06 € / 12 mois x 126 mois)

* pour la période à venir au vu de l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans pour une personne de sexe féminin âgée de 19 ans en février 2019 pour être née le [...], soit un indice de 5,891, la somme de 9.773,52 € (1.659,06 € x 5,891).

Le préjudice économique de M. Y... s'établit à 359.930,48 € soit la perte viagère du foyer (406.195,02 €) déduction faite de la part temporaire des deux enfants (19.070,89 € + 27.193,65 €).

En effet, la part temporairement absorbée par les enfants doit revenir au conjoint survivant lorsqu'ils auront cessé d'être à la charge du parent et seront devenus financièrement autonomes au-delà de 25 ans.

De chacune de ces indemnités doit être déduit, comme l'ensemble des parties l'admettent, les sommes versées par la CNRACL gérée par la caisse des dépôts et consignations au titre des pensions d'orphelin ou de la pension anticipée de réversion, soit 1.438,56 € pour Elsa, 35.530,18 € pour Juliette et 6.192,06 € pour M. Y... du 01/08/2008 au 13/02/2010, date de son remariage, ce qui les ramène respectivement à

* 17.632,33 € (19.070,89 € - 1.438,56 €) pour Elsa

* 0 € (27.193,65 € - 35.530,18 €) pour Juliette

* 353.738,42 € (359.930,48 € - 6.192,06 €) pour M. Y....

En effet, les prestations ainsi versées aux ayants droit de la victime directe par la CNRACL en raison du décès de Mme Y... relèvent de prestations mentionnées à l'article 7 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et à l'article 29 2° de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l'événement dommageable et réparent incontestablement le poste de leur préjudice économique ; elles doivent être déduites des indemnités judiciairement allouées pour ce chef de dommage, même si l'organisme en cause ne peut effectivement exercer son recours subrogatoire à l'encontre de l'Oniam, dès lors qu'il n'est pas l'auteur responsable de l'accident survenu à la victime mais assure la prise en charge des conséquences de l'accident médical non fautif au titre de la solidarité nationale.

Sur le préjudice d'affection

M. et Mme Y... étaient mariés depuis le 16 juillet 1987 soit depuis 21 ans au jour du décès accidentel de l'épouse ; l'indemnité de 30.000 € allouée par le premier juge au conjoint survivant indemnise intégralement le préjudice d'affection subi par le mari.

Il en va de même pour celui de même montant alloué par le tribunal à chacune des deux enfants Elsa et Juliette.

*

Les sommes allouées aux consorts Y... portent intérêt au taux légal à la charge de Mme M... en application de l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil à compter du jugement du 17 mai 2016 à hauteur des montants accordés par le premier juge et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

L'Oniam qui succombe dans ses prétentions et qui est tenu à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. Y... et Mme Juliette Y..., ensemble une indemnité de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter celle présentée à ce même titre sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile par l'avocat de Mme Elsa Y... qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

Par ces motifs

La cour,

- Donne acte à Mme Juliette Y..., devenue majeure, de sa reprise d'instance.

- Confirme le jugement

hormis en ses dispositions relatives au montant préjudice économique du mari et de la deuxième fille du couple.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales à payer à

. M. Y... la somme de 353.738,42 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 à hauteur de 259.534,39 € et à compter du 4 février 2019 à hauteur de 94.204,03 €

.Mme Elsa Y... la somme de 17.632,33 € avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2016 à hauteur de 11.724,81 € et à compter du 4 février 2019 à hauteur de 5.907,52 €

au titre de leur préjudice économique respectif, déduction faite des prestations reçues du tiers payeur.

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales à payer à M. Y... et à Mme Juliette Y..., ensemble, la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile.

- Déboute l'avocat de Mme Elsa Y... de sa demande sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile.

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales aux entiers dépens d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 16/02977
Date de la décision : 04/02/2019

Références :

Cour d'appel de Toulouse 11, arrêt n°16/02977 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-04;16.02977 ?
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