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28/10/2020
ARRÊT N°367
N° RG 20/00451 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NOCP
PHD/CO
Décision déférée du 30 Janvier 2020 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2019F2345
M.ARNAL
SCI DAVID
SCI [S]
SCI [S] [G]
C/
MP PG COMMERCIAL
Société CBF ASSOCIES REP PAR ME [O] ES QUALITE DE MANDATAIRE AD HOC DE LA SARL AMEUBLERIE
S.E.L.A.S. EGIDE
SARL AMEUBLERIE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT
***
APPELANTES
SCI DAVID
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
SCI [S]
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
SCI [S] [G]
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE assistée de Me Stéphane RUFF de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
MP PG COMMERCIAL
Cour d'Appel
[Adresse 7]
[Localité 4]
Société CBF ASSOCIES REP PAR ME [O] ES QUALITE DE MANDATAIRE AD HOC DE LA SARL AMEUBLERIE
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.E.L.A.S. EGIDE Prise en la personne de Maître [T] [R] es qualité de Liquidateur judiciaire de la SARL AMEUBLERIE
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat au barreau D'ARIEGE
SARL AMEUBLERIE prise en la personne de son gérant, domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 10]
[Localité 8]
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. DELMOTTE, Conseiller faisant fonction de président, S.TRUCHE, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
P. DELMOTTE, président
S. TRUCHE, conseiller
A. ARRIUDARRE, vice président placé,
Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND
MINISTERE PUBLIC:
Représenté lors des débats par M.JARDIN Substitut général , qui a fait connaître son avis.
ARRET :
-REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S.TRUCHE, conseiller et par J.BARBANCE-DURAND greffier de chambre.
Exposé du litige
La SARL Ameublerie(la Sarl), ayant son siège à [Localité 8] (31), immatriculée le 10 août 2015 au registre du commerce et des sociétés, avait pour activités la commercialisation, l'import, l'export de meubles intérieurs et extérieurs en bois ou dérivés, objets décoratifs et décorations.
Par trois conventions distinctes du 15 juin 2015, les SCI David, [S] et [S] [G](les SCI), représentées par leur gérant M. [B] [S], lui ont donné à bail des locaux commerciaux.
Le 17 décembre 2016, son gérant, M. [E], a été placé en détention provisoire et mis en examen pour escroquerie en bande organisée, usage de faux documents administratifs, faux et usages de faux en écritures privées, et blanchiment.
La Sarl n'ayant plus d'activités depuis le mois de janvier 2017, le Ministère public a sollicité la désignation d'un administrateur provisoire.
Par ordonnance du 10 septembre 2018, la SCP CaviglioliI-Baron-[O], a été désignée en qualité d'administrateur provisoire de la Sarl.
Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de commerce de Toulouse, statuant à la suite de la déclaration de cessation des paiements effectuée par l'administrateur provisoire de la Sarl, a ouvert la liquidation judiciaire de la Sarl, fixé la date de cessation des paiements au 15 mars 2018 et désigné la Selas Egide(le liquidateur) en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 30 janvier 2020, le tribunal de commerce de Toulouse, saisi le 7 août 2019 par le liquidateur, a :
- constaté la confusion des patrimoines de la Sarl et des trois SCI
- étendu la liquidation judiciaire de la Sarl aux trois SCI
- fixé la date de cessation des paiements au 15 mars 2018
Par déclaration du 4 février 2020, les SCI ont relevé appel de cette décision.
Avis de fixation de l'affaire à bref délai a été délivré par le Greffe le 2 mars 2020.
Par conclusions RPVA du 22 juin 2020, les SCI demandent à la cour
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- de débouter le liquidateur de son action en extension
- de le condamner à payer une somme de 3.000€ au bénéfice de chacune des SCI en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Elles font valoir que trois conditions sont requises afin de prononcer l'extension d'une procédure collective à une autre personne physique ou morale en cas de confusion de patrimoines :
- un mélange patrimonial qui suppose soit un transfert d'éléments d'actifs d'un patrimoine à l'autre, soit un transfert de passif
- une absence de contrepartie
- le caractère anormal des relations financières qui tient soit au fait que ces relations ne peuvent se rattacher à aucune obligation juridique soit au fait que ces relations sont dépourvues d'intérêt pour l'appauvri, une 'volonté systématique' devant être relevée, cette preuve incombant au demandeur à l'action.
Elles soutiennent qu'en l'espèce la preuve d'une volonté systématique de créer une confusion de patrimoines n'est pas rapportée, que des diligences ont été prises pour recouvrer les loyers impayés ; que M. [S], gérant des SCI, a été victime 'd'une véritable escroquerie' de la part de M. [E] lequel lui avait assuré qu'il participerait au redéploiement de l'industrie du meuble à [Localité 8] et que le nom [S] demeurerait attaché à cette activité; qu'un prêt de 300 000€ a été consenti le 13 janvier 2012 à la SCI [S] [G], les fonds ayant été virés au profit d'une société Immo 3000 détenue par M. [E], laquelle a procédé au rachat des stocks de meubles dépendant de la liquidation judiciaire de la Sarl [S] [P] et Fils ; que la souscription d'un tel prêt traduirait le manque de discernement de M. [S], traversant une période de dépression et la manipulation dont il a été l'objet.
Elles font encore valoir que l'incarcération à compter de décembre 2016 du dirigeant de la Sarl a conduit M. [S] à considérer qu'il était dépourvu de tout moyen d'action à l'encontre de la Sarl.
Par conclusions RPVA du 15 juin 2020, le liquidateur demande à la cour de confirmer le jugement.
Il fait valoir que les relations financières anormales ayant existé entre la Sarl et les trois SCI, constitutives d'une confusion des patrimoines, sont caractérisées par le fait que la Sarl n'a jamais payé, pendant plus de trois ans, de loyers en contrepartie de la mise à disposition des locaux, qu' aucune démarche n'a été entreprise par les SCI ,à l'exception de courriers recommandés de mars 2018 et qu'aucune action en résiliation des baux n'a été initiée.
Suivant avis du 20 avril 2020, communiqué aux parties via le RPVA, le ministère public a estimé que le jugement déféré devait être confirmé dès lors que la Sarl n'avait jamais payé de loyers en contrepartie de la mise à disposition des locaux dans le cadre des trois baux commerciaux, que les SCI n'avaient fait valoir leurs créances que très tardivement et qu'aucune action tendant au paiement des loyers ou la résolution du bail n'avait été mise en oeuvre.
Assigné en intervention forcée le 13 mars 2020 en la personne d'une employée qui s'est déclarée habilitée à recevoir l'acte, M. [O], membre de la SCP Caviglioli Baron [O], mandataire hoc de la Sarl, n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 29 juin 2020.
L'affaire a été fixée à l'audience du 6 juillet 2020 laquelle a été créée et s'est tenue, en accord avec le Premier président de cette cour(ordonnance du 3 juin 2020), en présence physique des parties constituées et du ministère public.
Motifs
Attendu qu'il est constant et non contesté qu'à compter de la signature des baux jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la Sarl, soit un peu plus de trois ans, la Sarl a joui des locaux, sans s'acquitter du moindre loyer, les SCI s'étant bornées, chacune, à délivrer, une mise en demeure au gérant de la Sarl, les 15 et 16 mars 2018 et à déclarer leurs créances, sans avoir engagé la moindre action en paiement des loyers avant le jugement d'ouverture ou en résiliation des baux .
Attendu qu'à cet égard, l'incarcération du gérant de la Sarl ne rendait pas impossible l'exercice de telles actions, la personnalité juridique de la Sarl n'ayant pas disparu et un mandataire ad hoc pouvant être désigné pour représenter la Sarl dans l'instance en paiement ou en résiliation des baux.
Attendu que la passivité et l'inaction prolongée des SCI, l'absence de perception par les sociétés bailleresses des loyers pendant plus de trois ans, sans aucune contrepartie, révèlent des relations financières anormales, incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques, propres aux relations entre bailleurs et locataires, constitutives d'une confusion des patrimoines.
Attendu que cette situation ne procède pas d'une simple négligence mais s'inscrit dans le cadre des relations d'affaires et du montage des opérations, objet d'une instruction en cours, qui se sont nouées entre le gérant des SCI, lui-même mis en examen, la SCI [S] [G] et M. [E] ; qu'il résulte en effet des explications des parties et des éléments produits aux débats que les fonds versés par la SCI [S] [G] à la SCI Immo 3000 dans laquelle M. [E] avait des intérêts ont servi à racheter partie de l'actif mobilier de la société familiale [S] [P] et Fils, en liquidation judiciaire, dont, contrairement à ses affirmations, M. [B] [S] était le gérant depuis le 13 août 2011(pièce n° 09 du liquidateur) ; qu'ainsi, et même si comme l'affirme le gérant des SCI, celui-ci ' a été subjugué par la personnalité de M. [E]', il apparaît que les SCI n'ont en réalité été utilisées que pour faire écran à certaines opérations, le défaut de réclamation des loyers à la Sarl pendant plus de trois ans obéissant , dans un tel contexte, à une volonté délibérée.
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
Condamne les SCI David, [S] et [S] [G] aux entiers dépens;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des SCI David, [S] et [S] [G].
Le greffier Le président