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02/12/2020
ARRÊT N°430
N° RG 18/03095 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MNBL
AA/JBD
Décision déférée du 01 Juin 2018 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 15/00159
MME [E]
[R] [B]
C/
SA CEGC - COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIO NS
SA CREDIT FONCIER DE FRANCE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT
***
APPELANT
Monsieur [R] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Fadi KARKOUR de la SCP KARKOUR-LAPLAZE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
SA CEGC - COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIO NS
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Sébastien BRUNET-ALAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
SA CREDIT FONCIER DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Catherine BENOIDT-VERLINDE de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2020 en audience publique, devant la Cour composée de :
F. PENAVAYRE, président
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller
A. ARRIUDARRE, vice-président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par F. PENAVAYRE, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.
Exposé du litige :
Suivant offre de prêt acceptée le 19 février 2008, la Sa Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées (la Sa Caisse d'Epargne) a consenti à M. [B] un prêt immobilier n°7278633 d'un montant de 112 956 euros remboursable en 300 mensualités de 688,57 euros, garanti par le cautionnement de la Sa Compagnie européenne de garanties et cautions (Sa Cegc).
Suivant offre de prêt acceptée le 7 novembre 2008, la Sa Crédit Foncier de France (Sa Crédit Foncier) a consenti à M. [R] [B] un prêt immobilier n° 2239432 aux fins d'acquérir un bien situé à Sainte Clotilde (la Réunion) d'un montant de 193 000 euros remboursable en 300 mensualités de 1 343,35 euros, garanti par le cautionnement de la Sa Compagnie européenne de garanties et cautions.
Suite à la défaillance de l'emprunteur, la Sa Crédit Foncier a vainement mis en demeure M. [B] de régler les échéances impayées avant de prononcer la déchéance du terme par courrier du 13 juin 2014.
La Sa Caisse d'Epargne en a fait de même par courrier du 30 septembre 2014 avant de prononcer la déchéance du terme par courrier du 24 octobre 2014.
La Sa Cegc a réglé en qualité de caution, suivant quittance subrogative du 4 août 2014, la somme de 191 527,40 euros à la Sa Crédit Foncier et celle de 99 576,50 euros, suivant quittance subrogative du 19 novembre 2014, à la Sa Caisse d'Epargne.
Par lettres recommandées avec avis de réception en date des 5 août 2014 et 21 novembre 2014, la Sa Cegc a vainement mis en demeure M. [B] de lui régler la somme de 204 963,97 euros au titre du prêt n°2239432 et celle de 106 574,14 euros au titre du prêt n°7278633.
Par acte d'huissier en date du 29 décembre 2014, la Sa Cegc a fait assigner M. [B] devant le tribunal de grande instance de Toulouse, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, afin de le voir condamner à lui payer les sommes de 206 298,10 euros, outre intérêts au taux de 5,65% l'an à compter du 20 septembre 2014 et capitalisation desdits intérêts, celle de 106 655,98 euros outre intérêts au taux de 5% l'an à compter du 28 novembre 2014 et capitalisation desdits intérêts et celle de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Suivant acte d'huissier en date du 12 novembre 2015, M. [B] a appelé en cause la Sa Crédit Foncier et les procédures ont été jointes par ordonnance du 10 décembre 2015.
Par jugement contradictoire en date du 1er juin 2018, le tribunal a :
- condamné M. [B] à payer à la Sa Cegc les sommes de :
* 206 298,10 euros au titre du crédit souscrit auprès de la Sa Crédit Foncier garanti par cette dernière, avec intérêts au taux conventionnel de 5,65% à compter du 20 septembre 2014,
* 106 547,73 euros au titre du crédit souscrit auprès de la Sa Caisse d'Epargne garanti par cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2014,
- dit que les intérêts échus des capitaux produiront des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- débouté M. [B] de sa demande de délais de paiement et de ses autres demandes subsidiaires,
- débouté M. [B] de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la Sa Crédit Foncier,
- condamné M. [B] à payer à la Sa Cegc la somme de 1 500 euros et celle de 1 500 euros à la Sa Crédit Foncier au titre de l'article 700 du code civil,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté toutes demandes plus amples formées par les parties,
- condamné M. [B] aux dépens,
- accordé au cabinet Camille et Associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour faire droit aux demandes de la Sa Cegc, le tribunal après avoir rappelé les actions personnelle et subrogatoire ouvertes à la caution et les avantages de chacune d'elles et que la Sa Cegc n'avait réglé les deux banques que sur demandes expresses de celles-ci a considéré que M. [B] ne démontrait pas qu'il disposait de moyens pour faire déclarer sa dette éteinte et que les stipulations contractuelles insérées au sein du contrat de prêt consenti par la Sa Crédit Foncier prévoyant que le recours de la caution porterait sur les intérêts conventionnels devaient s'appliquer.
Il a rejeté la demande de délais de paiement faute pour M. [B] de justifier de sa situation actuelle et d'expliquer en quoi sa situation serait susceptible de s'améliorer.
Il l'a également débouté de ses demandes reconventionnelles fondées sur un manquement de la Sa Crédit Foncier à son devoir de mise en garde en considérant que s'il était bien un emprunteur profane, il n'avait pas déclaré trois prêts immobiliers récents dans la fiche patrimoniale qu'il avait signée et dont il avait certifié exacts les éléments indiqués par son conseiller en patrimoine et que si le taux d'endettement de 43% pouvait paraître élevé au moment de la souscription de ce nouveau prêt, il était prévu que ses charges diminuent en 2011 et 2012, que le bien acquis allait dégager des revenus locatifs et qu'il disposait d'un patrimoine immobilier et d'économies de sorte que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard.
Il a également rejeté sa demande indemnitaire fondée sur un manquement de la banque à son obligation contractuelle en relevant qu'elle lui avait accordé un report de paiement de 6 mois, que les courriers envoyés par M. [B] se limitaient à l'informer de ses difficultés sans réclamer une modulation des échéances ou une suspension du prêt et qu'il ne pouvait pas valablement se prévaloir d'un cas de force majeure lié au passage d'un ouragan dès lors que sa défaillance dans les paiements était antérieure et que les travaux à réaliser imputables à ce phénomène climatique étaient de l'ordre de 300 euros.
Par déclaration en date du 12 juillet 2018, M. [B] a interjeté appel de l'ensemble du dispositif du jugement.
Prétentions et moyens des parties :
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 janvier 2020, M. [B] demande à la cour, au visa des articles 6-1 de la convention européenne des droits de l'Homme, 331 et 367 du code de procédure civile, 1134, 1147 et 2308 du code civil, rejetant toutes conclusions contraires, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a :
* débouté de l'intégralité de ses demandes principales et reconventionnelles,
* condamné à payer à la Sa Cegc les sommes de 206 298,10 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,65% à compter du 20 septembre 2014 et celle de 106 547,73 euros outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2014 au titre des deux prêts avec capitalisation des intérêts,
* condamné à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau :
- déclarer la Sa Cegc irrecevable en ses demandes dirigée contre lui et les dire, à tout le moins, mal fondées,
- juger que la Sa Crédit Foncier a engagé sa responsabilité à son égard en méconnaissant son obligation de mise en garde ou, à tout le moins, en agissant avec une imprudence blâmable,
- condamner en conséquence la Sa Crédit Foncier à lui payer à titre de justes dommages-intérêts la somme principale de 206 298,10 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 5,65% avec anatocisme, à compter du 20 septembre 2014 et jusqu'au règlement définitif,
- juger que la Sa Crédit Foncier a agi de mauvaise foi en prononçant la déchéance du terme alors qu'il justifiait d'un cas de force majeure l'empêchant d'honorer les règlements de sa dette,
- condamner la Sa Crédit Foncier à lui payer la somme de :
* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de bonne foi contractuelle,
* 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,
A titre subsidiaire :
- supprimer les clauses pénales réclamées par la Sa Cegc et suspendre les intérêts et majorations d'intérêts réclamés,
En toutes hypothèses :
- condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2019, la Sa Cegc, intimée, demande à la cour, au visa des articles 2305 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Y ajoutant, condamner M. [B] à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit du cabinet Camille et Associés.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2019, la Sa Crédit Foncier, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 anciens du code civil, de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre elle,
- le condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il est fait renvoi aux conclusions pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2020.
MOTIFS :
Sur le recours exercé par la caution :
M. [B] considère que les demandes de la Sa Cegc doivent être déclarées irrecevables pour atteinte au principe de l'égalité des armes en ce qu'elle s'est fondée initialement sur les articles 1134 et 1147 du code civil avant de se prévaloir à la fois de son recours personnel et subrogatoire, sans opter pour l'un ou l'autre ou hiérarchiser ses demandes, le privant ainsi de la possibilité de se défendre efficacement. Il soutient également que ses demandes sont mal fondées dès lors qu'elle n'a jamais produit l'acte de cautionnement relatif au prêt que la Caisse d'Epargne lui a consenti et qu'elle a réglé la Sa Crédit Foncier sans être poursuivie par cette dernière et l'avoir averti alors qu'il disposait de moyens sérieux pour s'y opposer en raison du prononcé de la déchéance du terme de mauvaise foi par le prêteur.
La Sa Cegc affirme fonder ses demandes sur son recours personnel de sorte que M. [B] est irrecevable à lui opposer les exceptions et moyens tirés de ses rapports avec la Sa Crédit Foncier. Elle rappelle que les conditions posées par l'article 2308 du code civil sont cumulatives et qu'elle a notamment réglé les sommes dues sur demandes des deux banques.
Aux termes de l'article 2305 du code civil, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s'il y a lieu.
L'article 2306 du code civil dispose pour sa part que la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.
Ces recours ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et la caution dispose de la faculté d'exercer ces deux recours successivement ou simultanément en cours d'instance sans toutefois pouvoir cumuler le produit des deux actions.
Aucune rupture dans l'égalité des armes n'existe au préjudice du débiteur dès lors qu'il a été en mesure de faire valoir l'ensemble de ses moyens de défense sur le fondement de ces deux recours ouverts à la caution.
Si la Sa Cegc s'est fondée sur les articles 1134 et 1147 du code civil dans son assignation, elle a expressément indiqué dans ses dernières conclusions fonder sa demande en paiement à hauteur de la somme de 291 103,90 euros sur son recours personnel et pour le surplus des sommes sur son recours subrogatoire, comme repris dans le jugement, et affirme, en cause d'appel exercer son seul recours personnel. M. [B] a pu systématiquement présenter ses moyens de défense au titre de ces deux recours de sorte qu'il doit être débouté de sa demande d'irrecevabilité à ce titre.
Il ne peut pas davantage se prévaloir de l'article 2308 alinéa 2 du code civil, lequel dispose lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où au moment du payement, ce débiteur aurait eu les moyens de faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier, dès lors que la Sa Cegc a payé la Sa Caisse d'Epargne et la Sa Crédit Foncier après avoir reçu une demande de leur part respectivement par courriers des 13 novembre 2014 et 7 juillet 2014, après que M. [B] ait été mis en demeure de régulariser les arriérés dus par chacune des banques par courriers des 30 septembre 2014 s'agissant de la Caisse d'Epargne et 22 mai 2014 pour la Sa Crédit Foncier et qu'elles se soient prévalues de la déchéance du terme par courriers des 24 octobre 2014 et 13 juin 2014. Les conditions posées par cet article étant cumulatives, il n'y a pas lieu d'examiner s'il était en mesure de faire déclarer éteinte l'action de la Sa Crédit Foncier dès lors que la première condition n'est pas remplie.
La Sa Cegc produit les deux actes en date des 31 janvier 2008 et 20 octobre 2008 par lesquels elle s'est engagée en qualité de caution, les quittances subrogatives en date des 4 août 2014 et 19 novembre 2014, les mises en demeure adressées au débiteur les 5 août 2014 et 21 novembre 2014 ainsi que les décomptes des sommes dues en date des 19 septembre 2014 et 27 novembre 2014 incluant les intérêts au taux conventionnel pour le prêt accordé par la Sa Crédit Foncier en application des sitpulations contenues par ce contrat, et taux légal concernant le prêt accordé par la Sa Caisse d'Epargne, ainsi que les indemnités de résiliation.
Rien ne permet de priver la caution, la Sa Cegc, du remboursement des clauses pénales dont elle s'est acquittée ou d'ordonner la suspension des intérêts et majorations de retard telle que sollicitée par M. [B] sans qu'il n'en explicite le fondement légal ni réitère en cause d'appel sa demande de délais de paiement ou l'application des dispositions de l'article 1343-5 relatives au report des échéances.
La Sa Cegc étant fondée en sa demande en paiement, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [B] à lui payer les sommes de 206 298,10 euros au titre du crédit souscrit auprès de la Sa Crédit Foncier, avec intérêts au taux conventionnel de 5,65% à compter du 20 septembre 2014 et 106 547,73 euros au titre du crédit souscrit auprès de la Sa Caisse d'Epagrne, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2014, outre capitalisation des intérêts.
Sur les manquements reprochés à la Sa Crédit Foncier :
* au titre de son obligation de mise en garde :
M. [B] soutient que la Sa Crédit Foncier a manqué à son devoir de mise en garde envers lui, emprunteur profane, que les omissions sur la fiche patrimoniale au titre de certains prêts et charges dont se prévaut celle-ci ne lui sont pas imputables mais résultent de l'intervention d'un conseiller financier en gestion de patrimoine qui a remis un dossier qu'il avait lui-même présigné à la banque, dont il est le partenaire, et contre lequel il a déposé plainte pour faux et usage de faux. Il affirme que la banque aurait dû procéder à des vérifications complémentaires en raison des distorsions entre les éléments indiqués dans la fiche et les pièces remises, qu'à tout le moins, elle a fait preuve de légèreté blâmable en ne sollicitant aucun justificatif complémentaire et que son taux d'endettement, qui était de 62%, mais dont la banque ne conteste pas qu'il s'élevait à 42% après souscription du prêt, doit être considéré comme excessif, le seuil étant fixé à 33% dans une jurisprudence constante.
La Sa Crédit Foncier considère qu'elle n'était pas tenue à un tel devoir dès lors qu'il n'existait aucun risque d'endettement eu égard aux éléments déclarés par M. [B] qui a certifié exacts les éléments renseignés par le conseiller en gestion de patrimoine auquel il a fait appel et que le risque d'endettement doit s'apprécier in concreto, qu'en ce sens, le fait que son taux d'endettement soit passé de 23 à 42% avec la souscription du crédit qu'elle lui a consenti est sans incidence dès lors que sa situation financière présentait des éléments favorables et sécurisants. Elle souligne qu'en tout état de cause, il ne peut se prévaloir d'aucune perte de chance de ne pas avoir souscrit ce prêt puisque, même averti, il aurait accepté de tels risques au vu du nombre de prêts souscrits.
Le prêteur professionnel, dès lors qu'il offre son service à une personne physique ou morale demandant un emprunt et que cette dernière est non avertie, doit apprécier la situation de son cocontractant afin d'être en mesure de la mettre en garde à raison de ses capacités financières et des risques d'un endettement excessif nés de l'octroi du prêt et, si le concours l'expose à un tel risque en raison de ses facultés personnelles, doit pouvoir justifier l'avoir averti des risques encourus de ce fait avant de recueillir son engagement.
Le banquier qui ne satisfait pas à cette obligation, laquelle repose sur l'exigence de bonne foi devant présider aux relations contractuelles et sur le déséquilibre des connaissances dont disposent chacune des parties quant aux conséquences prévisibles, probables ou possibles d'une convention proposée par un professionnel du crédit, commet une faute par laquelle il engage sa responsabilité contractuelle et qui l'oblige à répondre du dommage subi par l'emprunteur, à raison de la perte de chance qu'il a subi pour ce motif, de ne pas souscrire à l'opération que lui a proposée l'établissement financier et qui lui a été préjudiciable.
M. [B], dont la qualité d'emprunteur profane n'est pas réellement discutée, est fondé à se prévaloir d'un manquement de la Sa Crédit Foncier à son devoir de mise en garde.
Le risque d'endettement excessif né de l'octroi de ce prêt est établi eu égard aux éléments déclarés dans la demande de prêt en date du 9 août 2008.
Il importe peu que les éléments financiers et autres renseignements aient été fournis par M. [J], conseiller en gestion et patrimoine, lequel aurait volontairement omis de déclarer certaines charges et emprunts dès lors qu'il appartenait à M. [B] d'en vérifier le contenu puisqu'en signant ce document, il avait conscience d'en certifier l'exactitude suivant la mention insérée juste au-dessus de l'emplacement prévu pour la date et la signature de l'emprunteur.
Rien ne permet de considérer qu'il avait signé ce document par anticipation, avant qu'il ne soit rempli, ni que M. [J] ait agi avec le concours de la banque, la seule mention de son intervention sur ce document en qualité de partenaire étant insuffisante. Il convient de relever que la plainte déposée par M. [B] le 24 septembre 2015 à l'encontre de M. [J] ne porte que sur la falsification de ses relevés bancaires joints à la demande de prêt afin de dissimuler le prélèvement d'une somme mensuelle de 256,95 euros au titre d'un prêt d'un montant de 38 450 euros contracté le 4 juillet 2008 auprès de la Caisse régionale de crédit agricole, qu'informé de cette falsification par M. [J] dès juin ou juillet 2010, il n'en a jamais fait état auprès de la Sa Crédit Foncier et qu'il n'a, dans le cadre de cette plainte déposée plus de cinq ans après la conclusion du prêt, jamais indiqué avoir pré-signé le dossier de demande de prêt qui aurait ensuite été rempli par M. [J], lequel a été condamné pour avoir soutiré de l'argent à diverses victimes qui devait être investi dans des projets immobiliers qui n'ont jamais vu le jour, ce qui n'est pas le cas du projet dans lequel M. [B] a investi.
Tenu à une obligation de bonne foi à l'égard du prêteur, M. [B] n'est pas fondé à lui reprocher sa légèreté blâmable en raison de l'absence de vérification de l'adéquation entre les pièces remises et les déclarations réalisées dès lors qu'il n'existait aucune anomalie apparente à la lecture des renseignements fournis dans ce dossier. En ce sens, s'il critique le montant de 70 000 euros renseigné au titre de ses revenus annuels, il est bien précisé que le revenu fiscal de référence au titre de l'année 2007 est d'un montant de 46 095 euros, soit les revenus mentionnés dans son avis d'imposition à quatre euros près (46 091 euros) et il a bien perçu un revenu annuel d'un montant de 75 680 euros pour l'année 2008 comme établi par son avis d'imposition qu'il verse aux débats.
La Sa Crédit Foncier n'était pas en mesure de déceler l'absence de déclaration de la totalité des emprunts immobiliers souscrits par M. [B] dès lors qu'ils avaient été réalisés dans trois établissements bancaires différents (Caisse d'Epargne, Crédit Immobilier de France et Caisse régionale de crédit agricole).
Il en résulte que l'examen au titre d'un risque d'endettement excessif doit être réalisé à partir de ces données patrimoniales déclarées sur la base desquelles la Sa Crédit Foncier reconnaît qu'en tenant compte d'un revenu annuel de 79 710,84 euros, intégrant des revenus locatifs, et des charges déclarées pour 18 789,36 euros à l'année, le risque d'endettement de M. [B] passait de 23% à 42% avec les échéances de remboursement du prêt souscrit.
Ce taux d'endettement doit être considéré comme excessif, lors même que M. [B] était célibaratire et qu'il n'avait pas de charges de famille ou que deux prêts à la consommation devaient se terminer en 2011 et 2012, soit trois et quatre ans plus tard, puisque l'endettement le plus important était lié à trois crédits immobiliers, dont celui souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale, l'engageant pour des durées de 20 à 25 ans et grevant de manière importante le patrimoine immobilier qu'il détenait, que les revenus locatifs escomptés de l'acquisition de ce nouveau bien immobilier n'étaient pas garantis et que ses économies de l'ordre de 60 000 euros ne pouvaient pas lui permettre de faire face à un endettement à hauteur de 42% de ses revenus sur des durées aussi longues que celles des prêts souscrits.
Le préjudice de M. [B] ne peut être constitué que par une perte de chance de ne pas avoir souscrit cet emprunt. Cette perte de chance n'est que résiduelle eu égard à la chronologie des prêts souscrits. Il ressort ainsi de l'examen des contrats produits qu'il s'est engagé dans 4 prêts immobiliers entre février et juillet 2008, pour un montant total emprunté de 261 423 euros, alors qu'il avait déjà emprunté la somme de 67 000 euros en 2004 et qu'il envisageait de souscrire un nouveau prêt pour un montant de 193 000 euros pour acquérir un bien dans le cadre d'une défiscalisation sous le régime de la loi Girardin. Il en résulte que les dommages et intérêts au titre de cette perte de chance doivent être fixés à 5 000 euros, le jugement infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre et la Sa Crédit Foncier condamnée à lui régler cette somme sans que celle-ci ne puisse être assortie d'intérêts conventionnels capitalisés.
* au titre de sa mauvaise foi :
M. [B] fait valoir que le prêteur a manqué à son obligation de bonne foi contractuelle en refusant de prendre en compte le passage d'un cyclone qui a endommagé son bien immobilier, financé avec l'emprunt souscrit auprès de cette banque, dont il n'a plus tiré de revenus locatifs alors que cet évènement constituait un cas de force majeure et qu'il s'est, en raison de cette faute du prêteur, retrouvé dans une situation inextricable sur le plan financier.
Aucun manquement de la Sa Crédit Foncier à la bonne foi contractuelle, laquelle est présumée, n'est établi par M. [B]. Si celui-ci produit divers courriers qu'il aurait faxés au prêteur entre le 22 janvier 2014 et le 30 août 2014, il n'a formulé aucune demande particulière au titre du prêt mais a simplement informé le banquier du passage d'un cyclone sur l'île de la Réunion le 2 janvier 2014 ayant endommagé son bien, de l'impossibilité de le proposer à la location en raison des travaux à réaliser et de son incapacité à honorer les échéances du prêt. Plus précisément, il n'a formulé aucune demande de report des mensualités ou de modulation alors qu'il avait su le faire par le passé comme il le démontre par un courrier du 2 novembre 2011, sollicitant un allongement de la durée de son prêt afin de réduire le montant des remboursements mensuels ou comme il l'avait fait en 2013, la Sa Crédit Logement justifiant par un courrier du 22 août 2013 lui avoir accordé un délai de 6 mois afin d'assurer la mise à jour de son prêt et de s'acquitter de la somme de 1 328,99 euros représentant le montant d'une mensualité.
Faute d'établir la mauvaise foi de la Sa Crédit Foncier, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
M. [B] n'établit pas l'existence d'un préjudice moral, dont il ne donne aucun détail dans ses écritures, imputable à une faute du prêteur de sorte qu'il doit être également débouté de sa demande à ce titre et le jugement confirmé de ce chef.
Sur les demandes annexes :
M. [B], partie perdante, supportera la charge des dépens d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel de sorte qu'elles seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre, le jugement méritant confirmation en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement,
sauf en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande indemnitaire au titre d'un manquement de la Sa Crédit Foncier à son obligation de mise en garde,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,
Retient la responsabilité de la Sa Crédit Foncier de France au titre d'un manquement à son obligation de mise en garde à l'égard de M. [R] [B],
La condamne à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [R] [B] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT