04/12/2020
ARRÊT N° 2020/317
N° RG 17/04865 - N° Portalis DBVI-V-B7B-L4HD
C.KHAZNADAR/K.SOUIFA
Décision déférée du 21 Septembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 16/02012)
Section COMMERCE CH2
UNEDIC délégation AGS - CGEA DE [Localité 3]
SELARL EGIDE, prise en la personne de Me [L] [D], ès qualités de mandataire liquidateur de L'ASSOCIATION EPICERIE SOLIDAIRE MAILLOL
C/
[S] [K]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT
***
APPELANTS
UNEDIC délégation AGS - CGEA DE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
SELARL EGIDE, prise en la personne de Me [L] [D], ès qualités de mandataire liquidateur de L'ASSOCIATION EPICERIE SOLIDAIRE MAILLOL
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentées par Me Jean-françois LAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [S] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Clémence GARCIA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. KHAZNADAR, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
C. KHAZNADAR, conseillère
M. DARIES, conseillère
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS
Mme [S] [K] a été embauchée, à compter du 1er janvier 2015, par l'association Epicerie Solidaire Maillol, en qualité de responsable logistique et caisse du magasin, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 30 heures hebdomadaires.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [K] percevait un salaire brut mensuel de 1 326 euros.
Par jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 24 novembre 2015, l'association Epicerie Solidaire Maillol a fait l'objet d'une mise en redressement judiciaire, puis a été mise en liquidation judiciaire suivant jugement du 8 février 2016. La SARL Egide, en la personne de Me [D], a été nommée en qualité de mandataire liquidateur.
Par attestation en date du 26 mai 2016, la présidente de l'association Epicerie Solidaire Maillol a indiqué à la salariée que celle-ci avait été licenciée, en date
du 7 avril 2016, pour raison économique.
Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse
le 25 juillet 2016 aux fins de voir juger nul le licenciement et de voir condamner l'association Epicerie Solidaire Maillol au paiement de rappel de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 21 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce, a :
- dit que l'absence de licenciement de Mme [K] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- fixé la rupture du contrat de travail au 29 février 2016 ;
- fixé la créance de Mme [K], dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'Association Epicerie Solidaire Maillol, prise en la personne de son mandataire liquidateur Me [L] [D] de la SELARL Egide, aux montants suivants :
* 1 326 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 287,30 euros au titre d'indemnité de licenciement ;
* 1 326 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
* 7 856 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- fixé le salaire moyen de Mme [K] à 1 326 euros ;
- déclaré le jugement opposable au CGEA AGS de [Localité 3] dans la limite et plafonds applicables à sa garantie tel qu'ils résultant des articles L. 3253-8, L. 3253-17
et D. 3253-5 du code du travail ;
- débouté Mme [K] du surplus de ses demandes ;
- ordonné l'emploi des dépens en frais de liquidation, y compris les frais et honoraires d'huissier en cas d'exécution forcée du présent jugement.
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Par déclaration du 9 octobre 2017 parvenue au greffe de la cour d'appel de Toulouse, l'Unedic délégation AGS - CGEA de [Localité 3] et la SELARL Egide ont interjeté appel de ce jugement qui leur avait été notifié le 4 octobre 2017.
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Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique
du 8 janvier 2018, l'Unedic délégation AGS - CGEA de [Localité 3] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes au titre des salaires d'avril et mai 2016 et sa réformation pour le surplus. Il demande que :
- il soit constaté que Mme [K] n'a pas été licenciée dans les 15 jours suivant la mise en liquidation judiciaire de l'association Epicerie Solidaire Maillol et qu'aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'a été élaboré en l'espèce ;
- il soit en conséquence jugé que le paiement des salaires d'avril et mai 2016 ainsi que la totalité des indemnités de rupture ne sont pas garantis par l'AGS faute de justifier d'une rupture effective du contrat de travail dans les 15 jours de la date de la liquidation judiciaire en application des dispositions de l'article L. 3253-8-3 du code du travail ;
- il soit statué ce que de droit quant aux dépens.
Sur le licenciement, l'Unedic délégation AGS - CGEA de [Localité 3] fait valoir que Mme [K], inconnue du mandataire judiciaire, n'a pas pu être licenciée dans les délai d'ordre public de 15 jours après le prononcé de la liquidation et qu'aucun plan de sauvegarde de l'emploi n'a été élaboré compte tenu de la taille de l'entreprise et du nombre de salariés.
Sur les rappels de salaire des mois d'avril et de mai 2016, il soutient que la salariée ne justifie pas avoir travaillé ou s'être tenue à disposition de l'employeur durant cette période et que l'association Epicerie Solidaire Maillol n'avait plus d'activité à compter du 8 février 2016, date de son placement en liquidation judiciaire. Il soutient en conséquence, quand bien même la salariée parviendrait à établir qu'elle a travaillé postérieurement au 8 février 2016, que la garantie AGS n'est pas due.
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Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique
du 8 janvier 2018, la SELARL Egide, prise en la personne de Me [D], ès qualités de mandataire liquidateur de l'association Epicerie Solidaire Maillol, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce que Mme [K] a été déboutée de ses demandes au titre des salaires d'avril et mai 2016, postérieurs à la liquidation. Elle demande à ce qu'il soit statué ce que de droit sur l'appel principal de l'AGS et ce que de droit quant aux dépens.
Le mandataire liquidateur de l'association s'en rapporte dans ses écritures sur la demande de salariée tendant à dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif qu'elle n'a jamais reçu de lettre de licenciement. Il invoque le débouté de la demande de rappel de salaire par les premiers juges dont il demande confirmation. Il s'en rapporte sur les indemnités de rupture, le prévis, les dommages et intérêts et le travail dissimulé.
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Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique du 8 février 2018, Mme [S] [K] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'absence de licenciement produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sa réformation pour le surplus.
Elle demande que :
- la date de la rupture du contrat de travail soit fixée au 31 mai 2016 ;
- sa créance sur la liquidation judiciaire de l'association Epicerie Solidaire Maillol soit fixée aux sommes de :
* 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
* 7 856 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
* 2 652 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'avril et mai 2016 ;
* 1 326 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
* 397,80 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- la salariée demande en outre que :
- il soit dit que ces condamnations devront être prises en charge par le CGEA (AGS) ;
- l'association Epicerie Solidaire Maillol, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, soit condamnée en tous les dépens ;
- l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable au CGEA AGS de [Localité 3], unité déconcentrée de l'Unedic ;
- il soit ordonné l'emploi des dépens en frais de liquidation judiciaire.
Sur la rupture du contrat de travail, Mme [K] soutient ne jamais avoir reçu de courrier licenciement et ne plus avoir travaillé depuis le mois de mai 2016. Elle explique que le contrat a été rompu à la date du 31 mai 2016 en raison de l'attestation de la présidente de l'association établie le 26 mai 2016. Il s'agit d'une rupture de fait qui s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle invoque le caractère abusif de la rupture et sollicite l'indemnisation d'un préjudice distinct. Elle fait valoir que l'employeur, en ne l'ayant déclarée auprès d'aucun organisme social, s'est rendu coupable de travail dissimulé.
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Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures transmises par voie électronique.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date
du 25 septembre 2020.
SUR CE :
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
Il est constant que le mandataire judiciaire et la mandataire liquidateur n'ont pas procédé au licenciement de Mme [K] pendant la procédure collective, cette salariée leur étant inconnue.
La salariée produit l'attestation de la présidente de l'association Epicerie Solidaire Maillol du 26 mai 2016 de laquelle il résulte que Mme [K] a été licenciée
le 7 avril 2016 pour raison économique (liquidation judiciaire).
Or, le 7 avril 2016, l'association était placée en liquidation judiciaire depuis
le 8 février 2016 et la présidente de l'association était alors déssaisie des pouvoirs de gestion et d'administration par le mandataire liquidateur. La présidente n'a donc pu prononcer la rupture du contrat de travail de cette salariée ni en fait, ni en droit, ni au 7 avril 2016, ni au 31 mai 2016.
Il est rappelé que le prononcé du redressement et de la liquidation judiciaire ne mettent pas fin ipso facto au contrat de travail.
En l'absence d'autre demande relative à la rupture du contrat, Mme [K] sera déboutée de sa demande tendant à dire qu'elle a été licenciée sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé de ce chef ainsi que sur les conséquences financières de la rupture.
Sur la demande de paiement de salaires des mois d'avril et mai 2016 :
Il résulte des productions que l'employeur a fait l'objet d'une liquidation judiciaire sans continuation d'activité à compter de février 2016.
Dès lors, Mme [K] ne peut prétendre utilement avoir travaillé pour l'association en avril et mai 2016. De plus, la salariée ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'elle s'est tenue à disposition de l'employeur dans cette période.
Le débouté de la demande de rappel de salaire sera donc confirmé.
Sur la demande formée au titre du travail dissimulé :
Mme [K] produit un courrier de l'URSSAF Midi-Pyrénées
du 15 mai 2015 l'informant que son employeur association Epicerie Solidaire Maillol n'a pas procédé à la déclaration d'embauche.
Les premiers juges ont donc justement retenu que cette omission, sur une période de relation contractuelle de 13 mois, démontre l'intention claire de l'employeur de ne pas accomplir cette démarche.
Ainsi, par application des articles L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, la salariée est bien fondée à obtenir une indemnité forfaitaire de travail dissimulé, dont le montant n'est pas contesté, à hauteur de 7 856 €, fixé dans le cadre de la créance à l'encontre de la liquidation judiciaire de l'employeur. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la garantie de l'AGS :
Il résulte des dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail que :
'L'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre :
1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ; (...)'
L'indemnité de travail dissimulé concerne la période d'exécution du contrat de travail avant le prononcé du redressement puis de la liquidation judiciaire.
Dès lors la garantie de l'AGS est acquise au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
Sur les demandes accessoires :
Le mandataire liquidateur qui échoue en ses prétentions sera condamné, és qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [K] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure, le mandataire liquidateur, és qualités, sera donc tenu de lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 al. 1er 1° du code de procédure civile.
Il est rappelé que cette indemnité n'est pas couverte par la garantie de l'AGS dans la mesure où elle n'est pas rattachée à l'exécution du contrat de travail.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 21 septembre 2017 en ce qu'il a :
- fixé la créance de Mme [S] [K] à la liquidation judiciaire de l'association Epicierie Solidaire Maillol à la somme de 7 856 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- débouté la salariée de sa demande de rappel de salaires,
Réforme le jugement pour le surplus,
Statuant des chefs réformés et y ajoutant,
Déboute Mme [K] de sa demande relative au licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux demandes financières afférentes,
Déclare le présent arrêt opposable à l'Unedic, délégation AGS, CGEA de [Localité 3] dans les limites de la garantie,
Dit que la garantie de l'AGS est due pour l'indemnité de travail dissimulé allouée à Mme [K],
Condamne Me [D], és qualités de mandataire liquidateur de l'association Epicerie Solidaire Maillol, aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne Me [D], és qualités de mandataire liquidateur de l'association Epicerie Solidaire Maillol à payer à Mme [S] [K] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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