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04/12/2020 | FRANCE | N°18/02162

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 04 décembre 2020, 18/02162


04/12/2020



ARRÊT N°2020/329



N° RG 18/02162 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MJBE

S.BLUMÉ/K.SOUIFA



Décision déférée du 09 Avril 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-GAUDENS ( 16/00086)

SECTION ENCADREMENT

















[V], [H], [C] [R]





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SA DIETSMANN TECHNOLOGIES






































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INFIRMATION PARTIELLE



Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***



APPELANT



Monsieur [V], [H], [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

...

04/12/2020

ARRÊT N°2020/329

N° RG 18/02162 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MJBE

S.BLUMÉ/K.SOUIFA

Décision déférée du 09 Avril 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-GAUDENS ( 16/00086)

SECTION ENCADREMENT

[V], [H], [C] [R]

C/

SA DIETSMANN TECHNOLOGIES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANT

Monsieur [V], [H], [C] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Emmanuelle MONTERAGIONI-LAMBERT de la SCP FLICHE-BLANCHÉ & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

INTIMÉE

SA DIETSMANN TECHNOLOGIES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE, et par la SELARL BOULET LAMBERTI BEBON, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. BLUME, présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

C. KHAZNADAR, conseillère

M. DARIES, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [V] [R] a été engagé aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée de chantier du 18 avril 2000 prenant effet le 1er mai 2000 par la SARL Mid Western Operating Services (MWOS), pour exercer les fonctions d'ingénieur télécom au Gabon, le contrat étant régi par la convention collective de la métallurgie.

Ce contrat a été transformé le 18 novembre 2002 en contrat de travail à durée indéterminée que M. [R] a signé avec la SA Dietsmann technologies, pour exercer les fonctions d'ingénieur.

Le salarié a été affecté sur plusieurs chantiers, et en dernier lieu en Angola. Sa mission dans ce pays a pris fin le 15 mai 2015 du fait du non renouvellement du contrat de maintenance et exploitation des systèmes de télécommunication dont était titulaire la société Dietsmann technologies.

Celle-ci et M. [R] ont signé le 26 mai 2015 une rupture conventionnelle du contrat de travail mais l'employeur s'est rétracté le 28 mai suivant.

La société a alors proposé au salarié une reconversion sur le poste d'instrumentiste au sein du département construction de l'établissement de [Localité 3] (31), avec période de formation et de compagnonnage d'une durée de 20 mois.

M. [R] a accepté cette proposition, signant le 19 août 2015 un document intitulé « conditions spécifiques d'affectation ». Mais après avoir débuté la formation, faisant usage de la possibilité de se rétracter prévue par la convention collective, il a refusé cette affectation par courrier du 30 octobre 2015.

La société Dietsmann technologies a convoqué M. [R] le 9 novembre 2015 à un entretien préalable à un licenciement économique, qui a eu lieu le 17 novembre, au cours duquel le salarié a été informé de la possibilité d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre du 23 novembre 2015, l'employeur lui a fait connaître les motifs du licenciement économique envisagé.

M. [R] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 2 décembre 2015 et le contrat de travail a été rompu le 8 décembre 2015.

Par courrier du 15 décembre 2015, M. [R] a sollicité le bénéfice de la priorité de réembauche.

Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Gaudens le 30 novembre 2016.

Par jugement du 9 avril 2018, la juridiction prud'homale l' a débouté de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société Dietsmann technologies de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [R] aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 mai 2018, M. [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 16 avril 2018.

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique

le 20 décembre 2018, M. [V] [R] demande à la cour de :

- infirmer les dispositions du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société Dietsmann technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement ;

- débouter la société Dietsmann technologies de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Dietsmann technologies au paiement des sommes suivantes :

* 90 000 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*10 260 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 026 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

* 10 260 € bruts à titre d'indemnité pour défaut de consultation des représentants du personnel ;

* 22 456,36 € bruts à titre d'indemnité pour violation de la priorité de réembauche ;

* 13 083,31 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 9 743,46 € bruts au titre des jours de détente ;

* 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première procédure ;

* 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner la société Dietsmann technologies aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel et d'exécution.

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique

le 25 octobre 2018, la société Dietsmann technologies demande à la cour de :

- dire que le licenciement de M. [R] est bien fondé, que l'employeur n'a pas entravé la priorité de réembauchage, que M. [R] a été rempli de ses droits en matière de congés payés et de jours de détente,

- débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [R] au paiement de la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

- Sur le licenciement

* Sur la procédure de licenciement

L'article L. 1233-8 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, énonce : « l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, les délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés. »

M. [R] soutient que la société Dietsmann technologies ne justifie pas avoir procédé à la consultation des délégués du personnel ou du comité d'entreprise, alors que trois salariés étaient concernés par la perte du marché angolais, et qu'en tout état de cause la consultation doit avoir lieu même pour un licenciement économique individuel.

La société Dietsmann technologies admet que trois salariés étaient concernés par la fin du contrat télécom en Angola, elle expose que l'un d'eux M. [I] a signé le 23 juin 2015 une rupture conventionnelle qui n'a pas à être comptabilisée, qu'un autre M. [X] a été licencié pour motif économique le 28 août 2015, le troisième étant M. [R], de sorte qu'il n'y a pas eu licenciement de plus d'une personne dans un délai de 30 jours.

Toutefois, force est de constater que la société employeur ne justifie pas des faits qu'elle expose, elle ne produit ni la convention de rupture du contrat de travail de M. [I], ni les documents relatifs au licenciement de M. [X], de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier que le licenciement de M. [R] ne fait pas partie d'un licenciement économique d'au moins deux personnes exigeant la consultation du comité d'entreprise, puisque l'entreprise employait plus de cinquante salariés.

Or, le document intitulé « information consultation sur la situation du personnel affecté sur le projet télécom en Angola » daté du 18 juin 2015, dont on ne sait à qui il était destiné, qui n'est pas accompagné d'un procès-verbal du comité d'entreprise, et qui mentionne que des licenciements ne sont pas envisagés dans l'immédiat, ne peut constituer la consultation prévue par l'article L. 1233-8 du code du travail.

Toutefois, le non respect de cette formalité est sanctionné par des dommages-intérêts évalués, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-12 du code du travail, en fonction du préjudice subi.

Or, M. [R] n'explicite pas le préjudice qu'il a pu subir, alors que les postes des trois salariés employés par la société Dietsmann technologies en Angola ont été supprimés. Sa demande de dommages-intérêts n'est donc pas fondée.

Elle a été pertinemment rejetée par les premiers juges.

Il convient par ailleurs de faire observer que le moyen présenté par M. [R], selon lequel la société Dietsmann technologies, faisant partie d'un groupe international occupant, selon lui, plus de 1 000 salariés, aurait dû lui proposer un congé de reclassement et non un contrat de sécurisation professionnelle, est sans intérêt dès lors que le manquement de l'employeur à ce titre ne peut donner lieu qu'à des dommages et intérêts.

Or, le salarié ne formule aucune demande indemnitaire à ce titre.

* Sur le bien fondé du licenciement

Aux termes de la lettre du 23 novembre 2015, la société Dietsmann a énoncé les motifs du licenciement économique de M. [R] de la manière suivante :

« En Avril 2015, notre client TOTAL, nous a informés que le contrat Telecom ne serait pas renouvelé.

Votre affectation en Angola a pris fin le 15 Mai 2015.

Nous avons alors recherché si nous disposions de la possibilité de vous proposer un poste de reclassement correspondant à votre qualification professionnelle.

Nous vous rappelons que l'activité télécom est marginale par rapport à l'activité globale de notre société.

Les recherches de reclassement que nous avons entreprises n'ont pas abouti. Cela a été porté à votre connaissance.

Nous vous avons alors par courrier daté du 06/07/2015, notifié notre proposition de reconversion vers le métier d'instrumentation.

Cette reconversion vous aurait permis, au terme de la période de formation, d'occuper un poste sur un de nos contrats maintenance ou construction.

Le programme de reconversion a débuté le 3 Août 2015.

Le 30 octobre 2015, vous nous avez adressé un courrier refusant cette reconversion.

Votre reclassement et reconversion s'étant révélé impossible, nous avons donc dû nous résigner à engager une procédure de licenciement économique afin de sauvegarder la compétitivité de notre société. »

° Sur la motivation du licenciement

La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse. L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

Ce document doit énoncer la cause économique mais également son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié concerné.

La lettre énonçant les motifs du licenciement, adressée au salarié le 23 novembre 2015, pendant la procédure de licenciement, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, mentionne que le contrat avec le client a été rompu, dont il se déduit que l' emploi de l'intéressé en Angola a été supprimé, fait état du refus du poste de reconversion, de l'impossibilité de reclassement, et indique que le motif économique est constitué par la sauvegarde de la compétitivité de la société.

Contrairement à ce que soutient M. [R], cette lettre est donc valablement motivée.

° Sur le motif économique

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.

Une cessation partielle de l'activité de l'entreprise ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, peu important que cette cessation résulte de la décision d'un tiers.

M. [R] fait valoir que la perte d'un marché ne constitue pas en soi une cause économique de licenciement, que le motif invoqué par l'employeur est insuffisant, la société Dietsmann technologies ne justifiant pas de difficultés économiques, car elle n'en a pas.

Cette dernière répond que l'activité « télécom » de l'entreprise a pris fin avec le dernier contrat auquel M. [R] était affecté, que ce dernier étant ingénieur télécom, elle s'est trouvée dans l'obligation de lui proposer une formation dans le domaine d'activité de l'entreprise, c'est-à-dire la maintenance industrielle, que cependant cette reconversion ne convenait pas au salarié, qu'elle n'avait donc d'autre solution que de le licencier pour motif économique suite au refus de la modification de son contrat de travail.

Elle ajoute que la sauvegarde de la compétitivité signifie qu'un employeur ne peut conserver indéfiniment à son service un salarié sans affectation.

La perte du marché de télécommunications en Angola, qui a eu pour effet de faire disparaître l'emploi de M. [R] et de faire cesser l'activité de la société Dietsmann technologies en matière de télécommunications, ne peut à elle seule justifier le licenciement pour cause économique.

La proposition de reconversion ayant donné lieu à une convention d'affectation avec conditions particulières de formation ne constitue pas une proposition de modification du contrat de travail dans le cadre de l'article L. 1226-2 du code du travail, alors que cette proposition, effectuée par le courrier du 6 juillet 2015, ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un licenciement économique et ne visait pas le délai d'un mois pour répondre.

La société Dietsmann technologies ne fournit aucun élément pouvant justifier

que la perte du marché de télécommunications en Angola, qui concernait seulement trois salariés, mettait en péril l'équilibre économique de la société et constituait

une menace pour sa compétitivité. L'argument selon lequel elle devait assurer

le paiement de la rémunération du salarié est insuffisant à cet égard.

Par ailleurs, la société n'invoque ni difficultés économiques ni mutation technologique.

Le motif économique du licenciement n'est donc pas justifié.

° Sur le reclassement

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes y compris par adaptation du salarié sur un poste disponible.

M. [R] soutient que la société Dietsmann technologies n'a effectué aucune recherche de reclassement, que son refus d'accepter le reclassement sur un poste d'instrumentiste, qui était en fait un déclassement, ne la dispensait pas de son obligation de reclassement, qu'elle disposait de postes en France et à l'étranger dans l'une des sociétés du groupe, qu'en outre il avait sollicité un congé individuel de formation, auquel la société n'a pas répondu, qui lui aurait permis d'être affecté sur un poste existant dans l'entreprise, qu'il pouvait évoluer vers des fonctions managériales.

La société Dietsmann technologies fait valoir au contraire que le seul contrat « télécom » qu'elle détenait a pris fin en mai 2015, qu'elle ne disposait donc d'aucun poste à proposer à M. [R], dès lors que celui-ci n'avait aucune formation en matière d'extraction des ressources naturelles, et qu'il avait refusé la formation en maintenance industrielle, qu'elle n'avait pas à lui proposer une reclassement exigeant une formation initiale, que la permutation avec les salariés des autres sociétés du groupe situées à l'étranger, notamment en Afrique, n'était pas pas possible, que la demande de formation individuelle concernait une formation devant débuter onze mois plus tard, qu'elle a donc respecté ses obligations.

La société Dietsmann technologies ne justifie d'aucune recherche de reclassement pour M. [R], au motif qu'il n'existe aucun poste relevant de son domaine de compétences, les télécommunications, au sein de l'entreprise.

Or, la société fait partie d'un groupe de sociétés, la société holding se trouvant aux Pays Bas, mais elle ne fournit pas les éléments utiles à la détermination exacte de la composition de ce groupe et de ses secteurs d'activité.

Il apparaît qu'elle exerce principalement l'activité d'exploitation et de maintenance industrielles, en particulier dans les secteurs pétrole et gaz, dans de nombreux pays, en Afrique, en Amérique du sud, en Russie, à travers de nombreuses structures internationales. Toutefois, elle ne produit pas de document permettant de déterminer précisément les liens entre ces différentes structures partenaires, leurs effectifs et la possibilité de permutation de leur personnel avec la société Dietsmann technologie.

Les éléments qu'elle produit sont insuffisants à justifier d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement de M.[R] au sein du groupe, sur un poste relevant de son domaine de compétences ou dans un autre domaine tel que le management avec période d'adaptation.

Il s'en déduit que le licenciement de M. [R], dont le motif économique n'est pas justifié et l'impossibilité de reclassement n'est pas établie, ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.

* Sur les incidences financières

M. [R] doit être indemnisé du préjudice qu'il a subi du fait de son licenciement injustifié.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, son préjudice est évalué, compte tenu de 15,5 ans d'ancienneté dans l'entreprise, de son âge, 57 ans, lors du licenciement, et de ce qu'il était encore au chômage en août 2018, à la somme de 50 000 €.

En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l'employeur est tenu au paiement du préavis, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié.

La durée du préavis de M. [R] étant de six mois, la société Dietsmann technologies lui a directement versé l'équivalent de trois mois de salaire.

Elle reste donc redevable des trois mois de salaire, soit 10 260 € et 1 026 € de congés payés, versés au titre de la participation de l'employeur au financement de l'allocation de sécurisation professionnelle.

Par ailleurs, pour le même motif, l'employeur est tenu de rembourser, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail.

- Sur la priorité de réembauche

Aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai ; l'employeur l'informe de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

M. [R] fait valoir que bien qu'ayant informé la société Dietsmann technologies de son souhait de bénéficier de la priorité de réembauche par courrier

du 15 décembre 2015, il ne s'est vu proposer aucun poste alors que 24 nouveaux contrats de travail ont été conclus pendant l'année qui a suivi son licenciement, notamment un pour pourvoir un poste de planning manager qui aurait pu lui être proposé.

Cependant, la société Dietsmann technologies justifie par la production du registre du personnel de l'ensemble de ses établissements depuis 2014, que les embauches ne concernaient pas des postes du domaine des télécommunications, et n'étaient pas compatibles avec la qualification de M. [R], notamment le poste de planning manager qui relève de la maintenance industrielle pour laquelle l'intéressé n'avait pas les connaissances et compétences nécessaires.

C'est donc à tort que le salarié sollicite des dommages-intérêts pour non respect de la priorité de réembauche. Le jugement déféré qui l'a débouté de cette demande sera donc confirmé.

- Sur les congés payés et les jours de détente.

Il ressort du document relatif aux conditions générales de déplacement au sein de la société Dietsmann technologies que les expatriés ont droit :

* aux congés légaux de cinq semaines par an qui sont défalqués de l'acquit au cours du premier mois non passé sur site à partir du 1er juin de chaque année et sur les mois suivant jusqu'à épuisement,

* à des jours de détente affectés à chaque fin de séjour sur site, pendant lesquels le salarié doit se tenir à disposition de l'employeur et éventuellement venir travailler au siège de l'entreprise, et pendant lesquels il perçoit une rémunération correspondant à son salaire en France.

M. [R] a quitté l'Angola définitivement le 27 mai 2015.

Sur son bulletin de salaire du mois de mai 2015, sont mentionnés 38 jours de congés acquis et 115,64 jours de détente après déduction de 30 jours de détente en mai.

L'employeur a appliqué les règles en vigueur dans l'entreprise en défalquant en juin et en juillet 2015 les jours de congés acquis par le salarié. La demande de celui-ci tendant à obtenir paiement d'une indemnité pour ces 38 jours de congés n'est donc pas fondée.

La société a également valablement décompté 30 jours de détente pris par le salarié en mai après la fin de sa dernière rotation en Angola, comme lui même l'a écrit dans un courrier du 3 juin 2015 , ainsi que 23 jours en juillet et 11 jours en août 2015, jusqu'au jour où il a débuté la formation pour devenir instrumentiste. Il restait ainsi 81,64 jours de détente au salarié.

Or, la société Dietsmann technologies lui a payé 58,31 jours de détente lors du solde de tout compte, de sorte qu'elle reste redevable de la rémunération de 23,33 jours de détente soit la somme de 3 685,39 € bruts.

- Sur les frais et dépens

La société Dietsmann technologies, partie principalement perdante, doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle devra également verser à M. [R] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant le conseil de prud'hommes et devant la cour.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes de dommages-intérêts pour défaut de consultation des délégués du personnel ou du comité d'entreprise, pour non respect de la priorité de réembauche, ainsi que de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées, et ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Dietsmann technologies à payer à M. [R] :

* 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 10 260 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 026 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 3 685,39 € bruts au titre des jours de détente,

* 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que la société Dietsmann technologies est tenue, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [R], sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail,

Condamne la société Dietsmann technologies aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 18/02162
Date de la décision : 04/12/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 41, arrêt n°18/02162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-04;18.02162 ?
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