29/01/2021
ARRÊT No148/2021
No RG 18/05203 - No Portalis DBVI-V-B7C-MVUW
FCC/VM
Décision déférée du 29 Novembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 16/02270)
Corinne COLOMBO BILLAUD
[N] [I]
C/
SCA VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
CONFIRMATION TOTALE
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN
***
APPELANT
Monsieur [N] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
SCA VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE DES EAUX
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Anne-marie ABBO, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme A.PIERRE-BLANCHARD, conseillère, et Mme F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. PARANT, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : E. LAUNAY
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. PARANT, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [N] [I] a été embauché par la SCA Veolia Eau suivant contrat de travail non versé aux débats à compter du 20 janvier 2001. Il y occupe actuellement un poste d'agent réseaux.
La SCA Veolia Eau a convoqué M. [N] [I] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire en date du 13 juin 2016, puis elle lui a notifié, par LRAR du 29 juin 2016, une mise à pied disciplinaire de 3 jours prévue les 11, 12 et 13 juillet 2016, pour défaut de port des EPI et défaut de rangement du matériel dans le véhicule.
Par LRAR du 12 juillet 2016, la SCA Veolia Eau a indiqué à M. [N] [I] que les 11, 12 et 13 juillet 2016 seraient finalement considérés comme des jours de congés payés et que la mise à pied serait exécutée les 16, 17 et 18 août 2016.
Le 2 septembre 2016, M. [N] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse en contestant la mise à pied disciplinaire et en invoquant un harcèlement moral et une violation de l'obligation de sécurité.
En cours de procédure, M. [N] [I] a été placé en arrêt maladie à compter du 8 octobre 2018.
Par jugement du 29 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :
- dit que la mise à pied du 29 juin 2016 était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SCA Veolia Eau à payer à M. [N] [I] la somme de 130 € bruts de rappel de salaire pendant la mise à pied, outre 13 € bruts de congés payés afférents,
- dit qu'il n'y avait pas eu de harcèlement moral et débouté M. [N] [I] de sa demande de ce chef,
- dit que la SCA Veolia Eau n'avait pas violé son obligation de sécurité et débouté M. [N] [I] de sa demande de ce chef,
- condamné la SCA Veolia Eau à payer à M. [N] [I] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,
- condamné la SCA Veolia Eau aux dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le 13 décembre 2018, M. [N] [I] a interjeté appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2019, auxquelles il est fait expressément référence, M. [N] [I] demande à la cour de :
rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes et infondées,
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] [I] de ses demandes hormis sur l'annulation de la mise à pied et le rappel de salaire y afférent et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau :
- dire et juger que :
* la mise à pied est sans cause réelle et sérieuse et doit être annulée,
* la SCA Veolia Eau est responsable de faits relevant de la législation réprimant le harcèlement moral ou à tout le moins constituant une inexécution gravement fautive du contrat de travail,
* la SCA Veolia Eau a violé son obligation de sécurité,
- condamner la SCA Veolia Eau à payer à M. [N] [I] les sommes suivantes :
* 130 € bruts au titre de la mise à pied, outre 13 € bruts de congés payés afférents,
* 15.000 € nets de CSG/CRDS de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à tout le moins inexécution gravement fautive du contrat de travail,
* 15.000 € nets de CSG/CRDS de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
la moyenne des 3 derniers mois de salaire étant de 1.300 €,
* 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCA Veolia Eau aux dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2019, auxquelles il est fait expressément référence, la SCA Veolia Eau demande à la cour de :
- confirmer le jugement sur le remboursement de la mise à pied,
- statuer ce que de droit sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,
- confirmer le jugement sur tous les autres chefs,
- donner acte à la SCA Veolia Eau qu'elle ne sollicite pas la mise en jeu de l'article 700 du code de procédure civile à son profit.
MOTIFS
1 - Sur la mise à pied disciplinaire :
Le conseil de prud'hommes a estimé la mise à pied disciplinaire sans cause réelle et sérieuse car la SCA Veolia Eau ne produisait pas d'éléments justifiant de son bien-fondé, et en conséquence a condamné la SCA Veolia Eau à rembourser à M. [N] [I] le salaire pendant les 3 jours. Il y a lieu de confirmer le jugement sur ces points ainsi que le demandent les deux parties.
2 - Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aux termes de l'article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.
En application de l'article L 1154-1, en sa version en vigueur à l'époque, il appartient au salarié qui se prétend victime d'agissements répétés de harcèlement moral d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [N] [I] allègue les faits suivants :
- le fait que l'employeur lui a laissé conduire pendant deux mois un véhicule de service "très gravement accidenté et dangereux" ;
- la mise en place d'un système de tournée obligeant M. [N] [I] à honorer deux rendez-vous en même temps dans des lieux éloignés ;
- le défaut de fourniture des EPI ;
- la multiplication des sanctions disciplinaires infondées.
Concernant le véhicule, la SCA Veolia Eau réplique qu'il a seulement fait l'objet de travaux de réparation du pare-choc, de la calandre, des optiques et de la climatisation selon facture du 18 décembre 2012. Faute de dommages concernant des équipements de sécurité essentiels, la cour considère donc que M. [N] [I] n'établit pas que le véhicule était inapte à circuler et dangereux.
S'agissant de la question des tournées, M. [N] [I] ne fournit ni précisions ni pièces, de sorte que ce fait n'est pas non plus établi.
S'agissant des EPI, le salarié se plaint :
- d'avoir, en 2016, attendu plusieurs mois ses vêtements et chaussures de sécurité, puis d'avoir reçu des chaussures de sécurité trop petites et de s'être vu indiquer par l'employeur qu'il devait s'équiper à ses frais dans une jardinerie ;
- de n'avoir, en 2017, reçu aucun EPI ;
- de ne pas avoir reçu suffisamment de vêtements en 2018 de sorte qu'il devait les laver tous les jours, et de ne pas avoir reçu de chaussures de sécurité.
Or, l'attribution des EPI s'effectue selon un système de points, et chaque salarié doit choisir ses EPI en fonction de ses points ; les EPI ne comprennent pas les t-shirts, de sorte que le salarié doit laver lui-même ses propres vêtements personnels. Cette attribution est effectuée régulièrement même si parfois les salariés doivent attendre en raison de stocks insuffisants, cette insuffisance de stocks ne concernant pas seulement M. [N] [I].
Le salarié a choisi des chaussures de sécurité trop petites qui le blessaient de sorte que l'employeur l'a invité à en choisir lui-même dans un magasin puis à se faire rembourser.
In fine, le seul fait établi est la délivrance d'une sanction disciplinaire injustifiée (la mise à pied disciplinaire du 29 juin 2016), le salarié ne fournissant ni précisions ni pièces sur d'autres sanctions. Ce fait unique ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté M. [N] [I] de sa demande de dommages et intérêts fondée à l'époque seulement sur le harcèlement moral.
En cause d'appel, le salarié soutient que sa demande en dommages et intérêts est également fondée sur "l'inexécution gravement fautive" du contrat de travail. Toutefois, il n'établit pas ladite inexécution. Des dommages et intérêts ne sont pas davantage justifiés sur ce fondement.
3 - Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
En application de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il appartient au salarié d'établir le non-respect de cette obligation par l'employeur.
Le salarié se plaint du défaut de fourniture des EPI et de l'utilisation du véhicule accidenté, déjà évoqués précédemment. La cour considère que ces griefs ne caractérisent pas des fautes imputables à l'employeur.
Le salarié soutient également qu'il a été victime d'un accident du travail le 15 février 2006 ou le 15 février 2016, à la suite duquel il a conservé une incapacité permanente partielle de 30%, mais que l'employeur n'a pas respecté les préconisations faites par le médecin du travail tendant à l'aménagement du poste. Or, il ne fournit aucun autre détail sur ces préconisations et les conditions de travail, et ne produit que des certificats de son médecin traitant reprenant ses plaintes sur ses conditions de travail, mais aucun avis du médecin du travail. Il ne justifie donc d'aucun manquement de l'employeur de ce chef.
Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
4 - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées ; aucune indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ne sera allouée. Le salarié conservera à sa charge les dépens de l'appel injustifié qu'il a interjeté.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la SCA Veolia Eau n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat de travail,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne M. [N] [I] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANECaroline PARANT.