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21/04/2022 | FRANCE | N°21/00227

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 21 avril 2022, 21/00227


21/04/2022



ARRÊT N°321/2022



N° RG 21/00227 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N5LU

CBB/MB



Décision déférée du 05 Novembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI - 19/01280

Mme PRIVAT

















S.A.S. ENFANCE CASTRES

S.A.S. ENFANCE ALBI





C/



Association SERVICE PARITAIRE DE SANTE AU TRAVAIL DU TARN































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



S.A.S. ENFANCE CASTRES

89, avenue Charles ...

21/04/2022

ARRÊT N°321/2022

N° RG 21/00227 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N5LU

CBB/MB

Décision déférée du 05 Novembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI - 19/01280

Mme PRIVAT

S.A.S. ENFANCE CASTRES

S.A.S. ENFANCE ALBI

C/

Association SERVICE PARITAIRE DE SANTE AU TRAVAIL DU TARN

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

S.A.S. ENFANCE CASTRES

89, avenue Charles de Gaulle

81100 CASTRES

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP INTER-BARREAUX BUGIS PERES BALLIN RENIER ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S. ENFANCE ALBI

127, Boulevard de Valmy

81000 ALBI

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP INTER-BARREAUX BUGIS PERES BALLIN RENIER ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Association SERVICE PARITAIRE DE SANTE AU TRAVAIL DU TARN

32, chemin des Coquelicots

81000 ALBI

Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat au barreau D'ARIEGE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 23 Février 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS

Conformément à l'article L4622-1 du Code du travail, les employeurs sont tenus d'organiser des services de santé au travail.

Lorsque l'entreprise compte moins de 500 salariés ou lorsqu'elle n'a pas souhaité constituer un service autonome de santé au travail, elle doit adhérer à un service de santé au travail inter-entreprise (SSTI) constitué par plusieurs entreprises sous forme d'association à but non lucratif.

L'entreprise adhérente à un service de santé au travail commun à plusieurs entreprises doit payer une cotisation annuelle destinée à financer les dépenses du service.

La SAS Enfance Castres et la SAS Enfance Albi «'Family Sphere'» qui emploient des salariés dans le domaine de l'aide à domicile, ont adhéré au service paritaire de santé au travail du Tarn (SPSTT) pour organiser le service de santé au travail de leurs salariés.

Considérant qu'en application de l'article L4622-1 du code du travail et au vu d'un arrêt de la Cour de Cassation du 19 septembre 2018, le mode de calcul des cotisations doit être fondé sur le nombre d'équivalents temps plein plutôt que sur le nombre de salariés comme c'est le cas actuellement, elles ont sollicité le remboursement d'un indû de cotisation.

PROCEDURE

Par acte en date du 19 août 2019, la SAS Enfance Castres (Familly Sphère Enfance Castres) et la SAS Enfance Albi (Familly Sphère Enfance Albi) ont fait assigner le Service Paritaire de Santé au Travail du Tarn (SPSTT) devant le Tribunal de Grande Instance d'Albi sous le bénéfice de l'exécution provisoire, pour obtenir sur la base d'un calcul des cotisations en fonction des ETP et non plus en fonction du nombre de salariés, sa condamnation à payer un indû de 12338,84€ à Familly Sphère Enfance Castres et 17484,81€ à Familly Sphère Enfance Albi.

Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes et condamnées solidairement à verser au service paritaire de santé au travail du Tarn la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a dit que':

- il n'est pas contesté que le service rendu par la médecine du travail est le même pour tous, qu'un salarié soit à temps plein ou temps partiel, l'article L4622-6 du code du travail ne fait pas de distinction et fait référence seulement au nombre de salariés. C'est donc le nombre de personnes physiques qui déclenche les actes et les actions du service de santé au travail,

- la Cour de Cassation dans sa décision du 19 septembre 2018, s'est prononcée en faveur d'un calcul du nombre de salariés par équivalent temps plein alors qu'elle n'était pas saisie de cette question mais de celle de trancher entre le système dit «'per capita'» et le système dit «'de la masse salariale'».

Par déclaration en date du 12 janvier 2021, la SAS Enfance Castres et la SAS Enfance Albi ont interjeté appel de la décision. L'ensemble des chefs du dispositif du jugement sont critiqués, à l'exception du rejet de toutes demandes plus amples ou contraires.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SAS Enfance Castres et la SAS Enfance Albi, dans leurs dernières écritures en date du 1er octobre 2021, demandent à la cour au visa des articles L. 4622-6 du code du travail et 1302-1 du code civil, de':

- réformer le jugement n° 172/2020 du Tribunal judiciaire d'Albi en date du 5 novembre 2020 dans toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau,

- dire et juger que les cotisations dues par les requérantes au Service Paritaire de Santé au Travail du Tarn (SPSTT) devront être fixées à une somme, par salarié équivalent temps plein de l'entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le SPSTT rapporté au nombre total de salariés pris en charge par cet organisme,

- condamner en conséquence le SPSTT à payer les sommes de :

*12.338,84 € en faveur de Familly Sphère Enfance Castres,

*17.484,81 € en faveur de la Familly Sphère Enfance Albi,

- le condamner au paiement d'une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avocat soussigné.

Elles soutiennent que':

- l'article L 4622-6 du code du travail prévoit que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs. Dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés. »,

- or, la Cour de Cassation, dans son arrêt du 19 septembre 2018 a dit que «' la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l'entreprise»,

- ce mode de calcul qui est celui revendiqué est bien plus favorable pour les requérantes qui emploient un grand nombre de salariés à temps partiel compte tenu de leur activité (service de garde d'enfants),

- le SPSTI a refusé ce mode de calcul alors que l'article L 4622-6 qui ne fait référence qu'au nombre de salariés, n'est pas dérogatoire de la notion d'effectif visé aux articles L 1111-2 et 3 du code du travail'; rédigé en termes généraux, ce texte n'interdit pas de se référer aux articles L 1111-2 et 3 et donc à la notion d'ETP chaque fois qu'il est fait état de l'effectif,

- dans sa note explicative, la Cour de Cassation a indiqué: « Au regard du texte actuel du code du travail, le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein » et tous les commentaires de cet arrêt, ainsi que le directeur général du travail dans son courrier du 13 décembre 2019, accueillent favorablement cet arrêt,

- la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 qui est précisément venue modifier l'article L. 4622-6 du code du travail, dispose dorénavant que la cotisation est « proportionnelle au nombre de travailleurs suivis comptant chacun pour une unité »; elle n'entre en vigueur que le 31 mars 2022 et ne s'applique pas en l'espèce,

- le Conseil Constitutionnel, saisi d'une QPC relative à la conformité de l'article L4622-6 nouveau, a rappelé dans sa décision du 23 septembre 2021 que le nombre doit s'apprécier en ETP, confortant ainsi la Cour de Cassation,

- et il n'est pas possible de déroger à l'article L4622-6 qui est d'ordre public.

Le Service Paritaire de Santé au Travail du Tarn, dans ses dernières écritures en date du 28 janvier 2022 demande à la cour au visa des articles L4622-6, L4631-1, D4622-22, D4626-4 du Code du travail et de la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, de':

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'Albi le 5 novembre 2020 en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes, fins et conclusions des SAS Enfance Castres et SAS Enfance Albi,

à titre infiniment subsidiaire,

- rejeter la demande de restitutions des cotisations formulées par les SAS Enfance Castres et SAS Enfance Albi puisqu'elle ne prend pas en compte le nombre total de salariés équivalent temps plein placés sous la responsabilité du service de santé au travail,

- rejeter les demandes de remboursement portées sur des périodes antérieures au 19 août 2014 comme étant prescrites,

en toutes hypothèses,

- condamner les SAS Enfance Castres et SAS Enfance Albi à verser au SPSTT la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient que':

- l'article L 4622-6 vise un calcul du coût de l'adhésion au nombre de salariés'; cet article ne renvoie pas aux dispositions des articles L 1111-2 et L 1111-3 définissant l' effectif et il en est de même de l'article D 4622-22 du Code du travail';

- il s'en déduit 2 conséquences': d'une part, l'autonomie des dispositions sur la santé au travail par rapport aux dispositions des articles L 1111-2 et L 1111-3 en ce qu'elles répondent à des objectifs différents; d'autre part, le principe d'égalité': le suivi de l'état de santé des salariés dans l'établissement ne dépend pas de la durée du travail,

- la Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021qui entre en vigueur à partir du 31 mars 2022 a modifié l'article L 4622-6 du Code du travail et dispose que «'les frais sont répartis proportionnellement au nombre de salariés comptant chacun pour une unité'»'; la loi exclut donc le calcul des cotisations selon l'effectif équivalent temps plein';

- la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 septembre 2018 tranche en faveur du «'per capita'» et écarte le calcul par «'masse salariale'»'; mais elle a ajouté à la question posée en évoquant la notion de salarié équivalent temps plein alors qu'elle n'était pas saisie de la détermination de la notion d'effectif';

- c'est bien le nombre de personnes physiques qui déclenche les actes et actions du service de santé au travail. Ainsi il n'est pas distingué suivant la nature du contrat (CDD ou CDI) ni sa durée'; le service de santé s'applique quelle que soit la nature du contrat et le temps de travail (une visite médicale coûte le même prix que le salarié soit ou non à temps complet)'; juger le contraire créerait une disparité une inégalité entre salariés (notamment les apprentis, les CDD, contrats initiative emploi etc...) et favoriserait les entreprises qui ont recours au travail à temps partiel alors que ce type d'organisation du travail favorise la précarité et est un facteur aggravant et nuisible sur la santé au travail,

- le critère du per capita ne saurait être assimilé ou remplacé par un critère d'équivalent temps plein,

- et le calcul proposé est impossible à appliquer: la cotisation de l'adhérent serait déterminée en divisant le budget global du service de santé au travail par le nombre total de salariés équivalent temps plein placés sous la responsabilité du service de santé au travail multiplié par le nombre de salariés équivalent temps plein de l'adhérent. Or, le SPSTT n'a pas connaissance de la situation réelle de chaque salarié de toutes les entreprises adhérentes. En d'autres termes, le service de santé au travail n'a pas connaissance du nombre total de salariés équivalent temps plein relevant de son service. Il faudrait disposer des DSN ( déclarations sociales nominatives) mensuelles de tous les employeurs adhérents qui seules permettent de déterminer l'effectif de l'entreprise, la durée de chaque contrat, le motif du CDD';

- et les appelantes ne fournissent pas ces éléments de calcul et leur propre calcul n'est pas justifié,

- donc l'indû n'est pas justifié et ainsi en application des articles 9 et 1353, les demandes doivent être rejetées,

- en outre, les demandes antérieures au 19 août 2014 sont prescrites (assignations du 19 août 2019).

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2022.

MOTIVATION

L'article L 4622-6 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2021-1018 du 2 août 2021, en vigueur le 31 mars 2022, dispose que «'Les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs. Dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés.

Par dérogation au deuxième alinéa, dans le cas des dépenses effectuées pour les journalistes rémunérés à la pige relevant de l'article L. 7111-3, pour les salariés relevant des professions mentionnées à l'article L. 5424-22 et pour ceux définis à l'article L. 7123-2, ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale.»

L'article D 4626-4 du code du travail dispose que : « L'effectif à prendre en considération pour l'organisation du service autonome de santé au travail est l'effectif physique de l'ensemble des agents y compris les personnels médicaux, employés dans l'établissement au 31 décembre de la dernière année civile ».

La loi et le règlement ont donc clairement fixé l'assiette de la cotisation à laquelle les employeurs sont tenus en fonction du nombre de salariés dans l'entreprise.

En optant pour un calcul en fonction du «'nombre de salariés'» sans viser la notion «'d'effectif'» définie aux articles L1111-2 et L1111-3 du code du travail, le législateur a clairement opté pour l'exclusion d'un critère prenant en compte le temps de travail du salarié.

Ce choix apparaît conforme à l'objectif poursuivi par l'article L 4622-6, d'ordre public, qui vise à garantir un mode de répartition des frais indépendant des prestations effectivement réalisées par les services de santé au travail interentreprises et dont la méconnaissance est assortie de sanctions prévues à l'article L. 4745-1 du même code, ainsi que le Conseil d'Etat l'a rappelé dans son arrêt du 30 juin 2014.

Par ailleurs, la mise en place d'un service de santé et sécurité au travail dans un établissement est étrangère à la durée du travail des salariés concernés': leur prise en charge est la même quelle que soit la durée mais également la nature de leur contrat de travail'; le service s'applique à tout salarié quel que soit son statut et donc même à ceux exclus du décompte de l'effectif au sens des articles L 1111-2 et L 1111-3.

De surcroît, à la suite de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 septembre 2018 qui se fondait sur la notion d'effectif pour calculer les dites cotisations, la loi nouvelle 2021-1018 du 2 août 2021 certes non applicable au présent litige, a précisé que les services de prévention et de santé au travail inter-entreprises sont financés par « une cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis comptant chacun pour une unité ».

Dans ces conditions et dès lors qu'en l'espèce le SPSTT opère un calcul de cotisation per capita c'est-à-dire par nombre de salariés personnes physiques, conforme à l'article L 4622-6 du code du travail, la critique présentée par les appelantes n'est pas fondée et la décision doit en conséquence être confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour

- Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Albi en date du 5 novembre 2020 en toutes ses dispositions.

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Enfance Castres et la SAS Enfance Albi à verser au Service Paritaire de Santé au Travail du Tarn la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamne la SAS Enfance Castres et la SAS Enfance Albi aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M. BUTELC. BENEIX-BACHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00227
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;21.00227 ?
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