21/04/2022
ARRÊT N°330/2022
N° RG 21/03298 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OJOD
EV/CD
Décision déférée du 07 Juillet 2021 - Juge de l'exécution de TOULOUSE ( 20/04853)
M. [T]
[D], [C], [L] [G]
[H] [F] épouse [G]
C/
Etablissement Public LE COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA HAUTE-GARONNE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTS
Monsieur [D], [C], [L] [G]
Appartement 60
12 rue du général Giraud
31200 TOULOUSE
Représenté par Me Colette FALQUET, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [H] [F] épouse [G]
Appartement 60
12 rue du général Giraud
TOULO 31200
Représentée par Me Colette FALQUET, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Etablissement Public LE COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA HAUTE-GARONNE
17 Boulevard Lascrosses
31098 TOULOUSE CEDEX
Représentée par Me Catherine BENOIDT-VERLINDE de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] ont fait l'objet d'impositions supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales pour les années 2011 à 2013 en vertu d'extraits de rôles émis en recouvrement par l'administration fiscale le 30 avril 2016.
Les époux [G] qui ont contesté ces rôles ont fait appel de la décision rendue le 10 avril 2020 par le tribunal administratif .
Dans le cadre d'une procédure de saisie-immobilière, le juge de l'exécution de Toulouse a, par jugement du 11 janvier 2018, ordonné le sursis à statuer sur les poursuites jusqu'au prononcé d'une décision définitive sur la réclamation des époux [G].
Par procès-verbaux des 4 et 17 novembre 2020, le comptable du Pôle de recouvrement spécialisé de Haute-Garonne a procédé à des saisies des parts sociales détenues par les époux [G] dans les sociétés suivantes:
' pour les actes du 4 novembre 2020, les SCI Espace Diffusion, SCI Résidence du Soleil, SCI Espace France Investir, la SARL Espace France informatique, la SARL Espace France Initiative et la SARL Easycom, actes dénoncés aux époux [G] le 5 novembre 2020,
' la SCI Everest Investissement par acte du 17 novembre 2020 dénoncé aux époux [G] le 17 novembre 2020.
Par acte du 5 novembre 2020, M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] ont fait assigner le comptable du pôle recouvrement spécialisé de la Haute-Garonne devant le juge de l'exécution de Toulouse afin de voir à titre principal ordonner la mainlevée des saisies pratiquées eu égard à leur caractère inutile ou abusif et subsidiairement d'en voir limiter l'effet aux seuls droits et valeurs détenus au sein de la SCI Espace Diffusion, avec mainlevée pour les saisies engagées auprès des autres sociétés.
Par décision du 7 juillet 2021, le juge de l'exécution de Toulouse a :
' déclaré M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] irrecevables en leur contestation des saisies des droits d'associé et des valeurs mobilières pratiquées les 4 et 17 novembre 2020 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Haute-Garonne,
' rejeté tout autre demande,
' condamné solidairement M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] aux dépens,
' rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Par déclaration du 21 juillet 2021, M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] ont formé appel de la décision en ce qu'elle a : «déclaré M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] irrecevables en leur contestation des saisies des droits d'associé et des valeurs mobilières pratiquées les 4 et 17 novembres 2020 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Haute-Garonne, rejeté tout autre demande».
Par dernières conclusions du 4 mars 2022, M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] demandent à la cour de :
Déclarer recevable l'appel interjeté à l'encontre de la décision du Juge de l'exécution rendue le 7 juillet 2021,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Déclaré M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] irrecevables en leur contestation des saisies des droits d'associé et de valeurs mobilières pratiquées 4 et 17 novembre 2020 par le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de la Haute-Garonne,
- Rejeté toute autre demande,
Statuant à nouveau :
A titre principal,
- Constater le caractère inutile ou abusif des saisies des droits d'associés et de valeurs mobilières engagées à l'encontre des époux [G],
- Ordonner la mainlevée des saisies des droits d'associés et de valeurs mobilières engagées à l'encontre des époux [G],
A titre subsidiaire :
- Limiter l'effet de la saisie des droits d'associés et de valeurs mobilières engagées à l'encontre des époux [G] aux droits d'associés et valeurs mobilières détenus par eux dans la SCI Espace Diffusion,
- Ordonner la mainlevée des saisies des droits d'associés et de valeurs mobilières engagées à l'encontre des époux [G] concernant les SCI Everest Investissements, SCI Résidence du Soleil, SCI Espace France Investir, SARL Espace France Informatique, SARL Espace France Initiative, et SARL Easycom,
En toute hypothèse,
- Constater que l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent,
- Statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit des avocats de la cause.
Par dernières conclusions du 12 octobre 2021, le comptable du pôle recouvrement spécialisé de la Haute-Garonne demande à la cour de:
Confirmer le jugement du 7 juillet 2021 en ce qu'il :
' Déclaré M. [D] [G] et Mme [F] épouse [G] irrecevables en leur contestation des saisies de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquées le 4 et 7 novembre 2020 par le comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de la Haute-Garonne ;
' Rejeté toute autre demande ;
Subsidiairement, sur le fond, dans l'hypothèse, si par impossible la Cour devait déclarer les époux [G] recevables en leurs demandes nonobstant l'absence de recours préalable auprès de l'administration;
' Rejeter la mainlevée des saisies de droits d'associés et de valeurs mobilières au vu de l'exigibilité de la créance et de la régularité de la procédure ;
' Constater que les saisies de parts sociales diligentées à la requête du comptable public ne sauraient être qualifiées d'abusives ou d'inutiles au regard notamment du montant de la créance, et de l'impossibilité actuelle de reprendre les poursuites de saisie-immobilière, suspendues par jugement du 11 janvier 2018 dans l'attente d'une décision définitive des juridictions administratives;
En tout état de cause :
' Condamner solidairement M. [D] [G] et Mme [H] [F] à payer au comptable du PRS de la Haute-Garonneune indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC;
' Condamner solidairement M [D] [G] et Mme [H] [F] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SPC Mercié, société d'avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
La clôture de l'instruction est intervenue le 14 mars 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
M. et Mme [G] font valoir que la nécessité d'un recours préalable n'est pas mentionnée dans les dénonciations des saisies pratiquées, que la saisie du juge de l'exécution n'est pas limitée aux cas d'insaisissabilité des parts mais concerne toutes les contestations relatives à la saisissabilité et qu'en l'espèce la saisie est au moins en partie abusive.
Le comptable du pôle recouvrement spécialisé de la Haute-Garonne oppose que la requête initiale des époux [G] était irrecevable pour absence de recours préalable devant le directeur départemental ou régional des finances publiques, ce recours préalable étant mentionné aux procès-verbaux de saisie des droits d'associés.
La cour rappelle qu'il résulte des dispositions des articles L. 281 et R 281-1 du livre des procédures fiscales (LPF), que la saisine du juge de l'exécution ou du juge de l'impôt doit à peine d'irrecevabilité être précédée d'une réclamation préalable gracieuse devant le Directeur Régional des Douanes et Droits Indirects, et ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de 2 mois de cette demande (R 281-4 du LPF), à défaut la saisine directe du juge est irrecevable.
Cependant, cette irrecevabilité est subordonnée à l'information faite au redevable de cette obligation de recours gracieux, de son délai, de ses modalités et de son destinataire.
Or, en l'espèce, les actes de notification de saisie indiquent qu'en cas de contestation il convient de saisir :
' le chef du service du département désigné pour toute contestation relative à l'acte à compter de sa signification dans le délai de deux mois pour certains recours, d'un mois pour d'autres et,
' le juge de l'exécution dans le délai d'un mois pour toute contestation relative à l'insaisissabilité des biens compris dans la saisie et ne remettant pas en cause leur propriété.
Il n'est pas indiqué que le recours devant le juge de l'exécution est subordonné au préalable obligatoire d'un recours gracieux devant l'autorité administrative.
En l'absence de mention précise et claire subordonnant la saisine du juge de l'exécution à un recours amiable à peine d'irrecevabilité, ce moyen ne peut être retenu.
En tout état de cause, les contestations des époux [G] ne concernent pas l'insaisissabilité des parts sociales mais portent sur le fait que les saisies des droits d'associés de valeurs mobilières doivent être considérées comme inutiles et abusives alors qu'une procédure de saisie-immobilière est en cours laquelle permettra sans doute de régler la dette et que la mesure de saisie de parts sociales doit être cantonnée à la SCI Espace Diffusion dont la valeur permettrait de désintéresser le fisc.
Les moyens soulevés par les époux [G] ne concernent donc pas la question de l'insaisissabilité des parts sociales et valeurs mobilières mais l'opportunité de la saisie.
Les époux [G] ont été déclarés redevables de la somme de 1'016'873 € à titre de rappel d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour les années 2011 à 2013.
Par décision du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a :
' décidé qu'il n'y a plus lieu de statuer, à concurrence d'une part de 2651 € en droits et de 997 € en pénalités pour l'année 2011, de 43'258 € en droit et de 22'538 € de pénalités pour l'année 2012 et de 10'882 € en droit et 5093 € de pénalités pour l'année 2013, sur les conclusions en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et, d'autre part, de 611 € en droit et de 363 € de pénalités pour l'année 2011, de 16'348 € en droit et de 8458 € de pénalités pour l'année 2012 et de 3621 € en droit et de 1746 € de pénalités au titre de l'année 2013 sur les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux,
' dit que la base d'imposition de M. et Mme [G] aux contributions sociales au titre des années 2012 et 2013 est réduit du montant correspondant à la majoration de 25 % prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts,
' accordé à M. Mme [G] la décharge de contributions sociales en droits et pénalités, découlant de la réduction de base d'imposition définie à l'article deux,
' rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Il convient d'en déduire que le montant maximum dont pourront être déclarés redevables les époux [G] est celui pour lequel ils ont fait l'objet des titres mis à exécution dans le cadre de la présente procédure.
Une procédure de saisie-immobilière a été engagée, elle est actuellement suspendue par le jugement du 11 janvier 2018, son issue est incertaine et en tout état de cause, le montant de mise en vente du bien dont il n'est pas établi qu'il sera atteint à l'issue de la procédure, est fixé à 485'000 € selon la décision du juge de l'exécution de Toulouse du 11 janvier 2018 qui a ordonné le sursis à statuer sur les poursuites à saisie immobilière.
C'est donc à bon droit que la procédure de saisie de parts sociales a été engagée, les impositions les fondant étant à nouveau exigibles au moins dans une large partie, sans que les époux [G] justifient d'un quelconque versement.
En conséquence, la saisie des droits d'associés de valeurs mobilières ne peut être qualifiée d'inutile ou abusive et il convient de rejeter la demande de mainlevée des époux [G].
Le pôle recouvrement spécialisé ne conteste pas les évaluations des immeubles produites par les époux [G] aux termes desquelles la SCI Espace Diffusion possède un patrimoine immobilier d'une valeur comprise entre 1'466'799 et 1'709 1491 € soit une valorisation nette qu'elle évalue à 2'270'788 € suffisante à désintéresser le Trésor public.
Cependant, ainsi que le relève le pôle recouvrement spécialisé les parts sociales d'une société immobilière ne sont pas réalisées dans les mêmes conditions et au même prix que les actifs immobiliers et seront en l'espèce soumise aux aléas de la procédure d'exécution forcée.
En conséquence, il convient de rejeter la demande de cantonnement de la saisie aux droits d'associés valeurs mobilières détenues par les époux [G] dans la SCI Espace Diffusion.
Enfin, selon l'article L 277 du livre des procédures fiscales, le contribuable qui conteste le bien fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée ; l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation, soit par l'administration, soit par le tribunal compétent.
En l'espèce, selon réclamation enregistrée le 15 novembre 2017,les époux [G] ont contesté les rôles mis en recouvrement avec demande du bénéfice du sursis légal de paiement conformément aux dispositions de ce texte. La procédure se poursuit devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Ainsi, l'exigibilité et la prescription des impositions fondant les poursuites sont suspendues.
Les dépens de première instance doivent être confirmés et M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] garderont la charge des dépens d'appel.
L'équité commande de rejeter les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine:
Infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a condamné M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] aux dépens,
Rejette la demande en mainlevée de saisie présentée par M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G],
Rejette la demande de cantonnement de la SCI aux droits d'associées valeurs mobilières détenues par eux dans la SCI Espace Diffusion présenté par M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G],
Dit que l'exigibilité de la créance et de la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur la réclamation présentée par M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G],
Rejette de les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [G] et Mme [H] [F] épouse [G] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTELC. BENEIX-BACHER