21/04/2022
ARRÊT N°331/2022
N° RG 21/03375 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OJWK
EV/IA
Décision déférée du 20 Juillet 2021 - Juge de l'exécution de TOULOUSE ( 21/00393)
N.ELIAS-PANTALE
Société SCCV TOULOUSE 36 PONTS DEVELOPPEMENT
C/
S.C.I. MC IMMO
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Société SCCV TOULOUSE 36 PONTS DEVELOPPEMENT
agissant poursuites et diligences de sa Gérante en exercice, la Société DUVAL DEVELOPPEMENT OCCITANIE
123 rue du Château
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Représentée par Me Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.C.I. MC IMMO
Agissant en la personne de son représentant légal domicilié
en cette qualité audit siège
10 Bis rue Léo Lagrange
31000 TOULOUSE
Représentée par Me Hélène CAPELA de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
Par acte notarié de vente en l'état futur d'achèvement du 3 août 2016, la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement a vendu aux SA Sogefimur, SA Finamur et SA Bpifrance Financement, dans le bâtiment B dépendant d'un ensemble immobilier situé 8-10 rue des 36 Ponts à Toulouse, plusieurs locaux à usage de bureaux et des emplacements de parking au prix de 4'244'000 € HT payable selon l'avancée des travaux selon un échelonnement prévu et détaillé au contrat.
Cette vente est intervenue dans le cadre d'un crédit-bail immobilier, les sociétés Sogefimur, Finamur et Bpifrance Financement ayant accepté, par acte du même jour, de louer les biens à la SCI MC Immo.
L'immeuble a été livré le 10 mai 2017 avec des réserves dont la levée est contestée.
Le 16 septembre 2019, la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement a émis un appel de fonds de « levée de réserves » de 111'627,50 € TTC contesté par la SCI MC Immo.
En exécution de l'acte notarié, la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement a fait pratiquer le 24 juin 2020, une saisie-attribution à exécution successive des loyers dus aux sociétés Sogefimur, Finamur et Bpifrance Financement entre les mains de la SCI MC Immo.
Cette saisie, pratiquée pour un montant en principal de 15'278,40 € pour la BPIFrance Développement (16'277,93 € avec les frais et intérêts), lui a été dénoncée le 1er juillet 2020 et le 18 septembre 2020 un certificat de non-contestation a été notifié à la SCI MC Immo.
Par ordonnance du 2 septembre 2020, le juge de l'exécution de Toulouse a autorisé la SCI MC Immo à séquestrer les loyers dus à la société Bpifrance Financement.
Par acte du 20 janvier 2021, la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement a fait citer la SCI MC Immo devant le juge de l'exécution de Toulouse aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 98'355,23 € outre intérêts légaux depuis la date du commandement de payer du 27 novembre 2019 avec anatocisme et celle de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision du 20 juillet 2021, le juge de l'exécution de Toulouse à :
' débouté la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement de ses demandes,
' débouté la SCI MC Immo du surplus de ses demandes,
' condamné la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement aux dépens.
Par déclaration du 26 juillet 2021 la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement a formé appel de la décision en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Par dernières conclusions du 15 novembre 2021, la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement demande à la cour de :
' réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 juillet 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulouse,
Statuant à nouveau :
' rétracter l'ordonnance sur pied de requête en date du 2 septembre 2020 rendue par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Toulouse,
En conséquence,
' prononcer la mainlevée de la consignation des sommes entre les mains de la «SCI» Iacono Di Cacito- Marty, huissier de justice,
' ordonner à la «SCI» Iacono Di Cacito-Marty, huissier de justice, de restituer les sommes consignées entre ses mains,
' délivrer un titre exécutoire à l'encontre de la société MC Immo à hauteur des sommes restant dues,
En tout état de cause ,
' condamner la société MC Immo au paiement de la somme de 83'601,94 € outre intérêts au taux légal à compter du 1er août 2020, date à laquelle la saisie-attribution litigieuse est devenue définitive et anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil,
' la condamner au paiement d'une juste somme de 5000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
' mettre à sa charge les entiers dépens de l'instance en ce compris les frais exposés lors des saisie-attribution pratique au préjudice des sociétés BPI France et Finamur,
' la condamner à supporter les sommes découlant de l'application des articles A. 444-32 du code de commerce dans l'hypothèse d'un retour à l'exécution forcée de la décision à intervenir.
Par dernières conclusions du 30 septembre 2021, la SCI MC Immo demande à la cour de:
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
' débouté SCCV Toulouse 36 Ponts de l'intégralité de ses demandes ;
' condamné la SCCV 36 Ponts aux dépens ;
Y ajoutant,
' condamné la SCCV Toulouse 36 Ponts à verser à la SCI MC Immo la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' condamné la SCCV Toulouse 36 Ponts aux dépens de la présente instance dont distraction au profit de l'avocat constitué sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La clôture de l'instruction est intervenue le 7 mars 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
La cour précise que les procédures d'exécution engagées par la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement à l'égard de la SCI MC Immo au titre des loyers dus aux sociétés Sogefimur et Finamur ne relèvent pas de la compétence de la juridiction toulousaine.
Sur la rétractation de l'ordonnance :
La cour rappelle qu'elle n'est saisie que de la procédure concernant les loyers dus par la SA Bpifrance Financement à la SCI MC Immo.
La SCCV Toulouse 36 Ponts Développement considère que si la consignation peut être demandée par le tiers saisi sans que le débiteur ait contesté la saisie-attribution encore faut-il que cette contestation intervienne ensuite dans le délai légal. À défaut, le créancier peut demander le paiement des sommes qui ont été attribuées par la saisie.
La SCI MC Immo oppose que l'absence de contestation du débiteur ne suffit pas à justifier la rétractation de l'ordonnance de séquestre tant que les contestations persistent alors que l'article R 211-2 du code des procédures civiles d'exécution ne fait pas de la contestation du débiteur une condition de la demande de consignation
L'article L 211-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose : «L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.
La notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution.
Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours.
Lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date. ».
L'article R211-2 du même code prévoit : «Dans le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 211-11, tout intéressé peut demander que les sommes saisies soient versées entre les mains d'un séquestre désigné, à défaut d'accord amiable, par le juge de l'exécution saisi sur requête.
La remise des fonds au séquestre arrête le cours des intérêts dus par le tiers saisi.».
Enfin, aux termes des dispositions de l'article R 211-11 de ce code à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur.
En l'espèce, par ordonnance du 2 septembre 2020 le juge de l'exécution a ordonné le versement entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations désignée en qualité de séquestre des sommes objets de la saisie-attribution pratiquée par la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement signifiée à la SCI MC Immo le 24 juin 2020 au titre des loyers dont cette dernière était personnellement créancière à l'égard de la société Bpifrance Financement.
Or, il est constant que l'article R 211-2 du code des procédures civiles d'exécution n'a vocation qu'à permettre le versement entre les mains d'un séquestre, dans l'attente du résultat de l'instance en contestation, tout en garantissant à titre conservatoire la représentation de la somme saisie à la partie remportant le procès.
En effet, la demande de séquestre implique de fait qu'une contestation soit pendante puisque son but est la préservation des sommes saisies jusqu'à l'issue d'une contestation débattue devant le juge de l'exécution. Son but n'est pas de faire échec à la saisie.
Or, en l'espèce, le délai de contestation par la Bpifrance Financement est expiré sans recours de cette dernière, la poursuite du séquestre en l'absence de contestation du débiteur reviendrait à méconnaître le principe de l'effet attributif immédiat de la saisie- attribution, en méconnaissance des articles R 121-1 et L 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, peu importe l'existence ou non d'une « contestation latente » telle qu'évoquée par la SCI MCImmo.
En conséquence, il convient d'infirmer la décision déférée et de rétracter l'ordonnance du 2 septembre 2020 ordonnant le séquestre des sommes poursuivies par la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement entre les mains de la SA Bpifrance Financement , cette rétractation emporte l'obligation pour le séquestre de verser au créancier saisissant le montant de la somme consignée et des intérêts échus, sans qu'il soit besoin de prononcer sa mainlevée. Enfin, la cour constate que la SCP Iacono di Cacito, n'était pas le séquestre désigné par le juge de l'exécution de Toulouse.
Sur le refus de paiement :
La SCCV Toulouse 36 Ponts Développement rappelle que la saisie-attribution n'a pas été contestée par la société débitrice et fait valoir que le fait que des réserves ont été émises lors de la livraison de l'immeuble et resteraient à lever est indifférent à la résolution du présent litige. Elle considère que toute action de la SCI MC Immo pour le compte des sociétés Sogefimur, Finamur et Bpifrance Financement pour des réserves non levées serait en tout état de cause irrecevable comme forclose la livraison étant intervenue le 10 mai 2017, le procès-verbal du 16 décembre 2019 attestant la levée des réserves exception faite de quatre réserves qu'elle a toujours contestées et ne s'est jamais engagée à reprendre.
La MC Immo oppose qu'il ne peut y avoir refus de paiement lorsque le tiers saisi sur autorisation du juge verse les sommes objets de la mesure entre les mains d'un séquestre sur autorisation du juge et alors qu'en l'espèce dès la mise en 'uvre de la saisie-attribution le 24 juin 2020 elle a saisi le juge de l'exécution le 24 juillet 2020. Dès lors qu'il a été fait droit à sa demande elle a été libérée les paiements étant consignés en séquestre. Ainsi, aucun refus ne peut lui être opposé.
En tout état de cause, elle se considère fondée à opposer un motif légitime pour refuser de se soumettre à la mesure d'exécution, la saisie-attribution pratiquée étant fondée sur une créance qui n'est pas exigible au regard des recours encore possibles dans le cadre de la levée des réserves relative à l'immeuble acquis en VEFA.
L'article R 211-9 du même code précise: «En cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant le juge de l'exécution qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi.».
Ainsi qu'il a été dit, la saisie-attribution à exécution successive des loyers dus à la société Bpifrance Financement pratiquée le 24 juin 2020 par la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement entre les mains de la SCI MC Immo n'a pas été contestée par la débitrice à laquelle elle a été notifiée le 1er juillet 2020 ainsi qu'il ressort du certificat de non contestation du 7 août 2020.
Or, dès le 21 juillet 2020, la SCI MC Immo saisissait le juge de l'exécution de Toulouse aux fins de désignation d'un séquestre, demande à laquelle il a été fait droit le 2 septembre 2020. Il résulte du message de la caisse des dépôts et consignations du 22 avril 2021 qu'une somme de 27'830,76 € a été consignée alors que l'ordonnance du 2 septembre 2020 prévoyait un montant de 16'277,93 €.
Ainsi, le montant total objet de la saisie attribution telle que pratiquée le 24 juin 2020 est bien déposé à la caisse des dépôts et consignations.
Dès lors cette somme sera versée à la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement qui sera ainsi totalement remplie de ses droits sans qu'il y ait besoin au surplus de délivrer un titre exécutoire à l'encontre de la SCI MC Immo à hauteur des sommes restant dues.
Enfin, la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement sollicite la condamnation de la SCI MC Immo à lui verser 83'600,94 € soit 85 % des sommes restant dues en exécution des saisies pratiquées au préjudice des sociétés Bpifrance Financement et Finamur.
La cour rappelle qu'elle est exclusivement saisie de la procédure de saisie attribution diligentée le 24 juin 2020 et qu'aucun texte ne lui permet de condamner la SCI MC Immo à verser la somme de 83'600,94 €.
Dès lors, il ne peut être fait droit à la demande de la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement de délivrer un titre exécutoire à l'encontre de la SCI MC Immo et de la condamner à lui verser la somme de 83'601,94 €.
Sur les demandes annexes :
L'équité commande de rejeter les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 695 du du code de procédure civile, l'émolument prévu à l'article A444-32 du code de commerce est inclus dans les dépens.
La SCI MC Immo qui succombe gardera la charge des entiers dépens concernant exclusivement la présente procédure.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau :
Rétracte l'ordonnance du 2 septembre 2020,
Dit que la rétractation emporte restitution par le séquestre, la caisse des dépôts et consignations, des sommes consignées entre ses mains et des intérêts échus,
Déboute la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement de ses demandes en ce qu'elles visent la « SCI » Iacono Di Cacito-Marty,
Rejette la demande la SCCV Toulouse 36 Ponts Développement de délivrance d'un titre exécutoire à l'encontre de la SCI MC Immo et de condamnation de cette société au paiement de la somme de 83'601,94 € outre intérêts,
Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI MC Immo aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. BUTELC. BENEIX-BACHER