22/04/2022
ARRÊT N° 2022/260
N° RG 19/03074 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NCDX
NB/KS
Décision déférée du 20 Juin 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CASTRES
( 18/00049)
MV RIVES FABRE
SECTION ENCADREMENT
[A] [H]
C/
Société COMPTOIR DES BOIS DE SOREZE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [A] [H]
06 rue le Bois du Lac
31250 REVEL
Représenté par Me Nicolas MATHE de la SELARL LCM AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Société COMPTOIR DES BOIS DE SOREZE
3 avenue Jean Croux ZA de la Condamine
81540 SOREZE
Représentée par Me Claire MANGHOLZ de la SELARL LEGAL WORKSHOP, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , M.DARIES et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [A] [H] a été embauché par la SARL Comptoir des Bois de Sorèze (CBS), à compter du 4 septembre 2017, en qualité de directeur de production, niveau C7, coefficient 550, par contrat à durée indéterminée à temps complet régi par les dispositions de la convention collective des bois d''uvre et produits dérivés. Son contrat prévoyait une période d'essai de quatre mois.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel brut s'élevait à la somme de 6 221,55 euros brut.
Par courriers remis en main propre les 5 et 12 février, la société CBS a convoqué le salarié à des rendez-vous de discussion sur une rupture conventionnelle, respectivement fixés au 12 février et au 16 février 2018.
Dès le 5 février 2018, M. [H] était placé en congés payés et ce jusqu'à épuisement des jours acquis, à savoir pour une durée de six jours ouvrés du 6 février 2018
au 13 février 2018 inclus. Il lui était également fait injonction de restituer dès
le 5 février 2018 les biens de l'entreprise en sa possession à savoir, la clé de l'entreprise et la carte bancaire, le véhicule de service utilitaire de marque Peugeot 308, et le téléphone portable de marque Samsung.
Lors de l'entretien du 12 février 2018, un courrier était remis au salarié, mentionnant que dès le lendemain celui-ci était dispensé d'activité de droit et de fait et qu'il n'était pas tenu de se présenter à son poste ni d'exercer ses fonctions.
Le 16 février 2018, lors du deuxième entretien, M. [H] s'opposait à la signature d'une rupture conventionnelle.
Ce même jour, par courrier remis en mains propres contre décharge, le salarié était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 28 février 2018, et était dispensé d'activité jusqu'à cette date.
Son licenciement a été notifié au salarié par lettre recommandée du 5 mars 2018 pour insuffisance professionnelle. M. [H] a été dispensé de l'exécution de son préavis de 3 mois, lequel a été rémunéré. La lettre de licenciement est ainsi motivée : ' Vos fonctions de directeur de production, et la classification C7 adossée à votre poste, et qui prévoit selon les termes de la convention collective une responsabilité majeure dans la gestion de l'entreprise, vous conféraient des fonctions extrêmement importantes au sein de notre structure, dont les effectifs sont par ailleurs de taille modeste.
Malgré nos rappels à l'ordre et l'accompagnement qui a été le vôtre dans votre prise de poste, nous ne pouvons que constater que vous avez été incapable d'exécuter vos fonctions de façon satisfaisante, accumulant retards, erreurs, et mauvaise exécution de l'ensemble de vos fonctions, et ce alors même que, dans le même temps, vous avez pris des libertés et initiatives qui ne relèvent pas de votre poste, préjudiciant ainsi aux intérêts de l'entreprise.
Sans que cette liste soit limitative, nous vous reprochons, en particulier, les insuffisances suivantes :
- Vous avez pris l'initiative d'entamer des démarches au nom de notre structure afin d'acheter un bâtiment situé sur un terrain voisin. Nous ne vous avons pourtant jamais mandaté pour entamer des démarches commerciales auprès de M. [X], dirigeant de la société Tompress, puisque nous n'avons strictement jamais envisagé d'acheter son bâtiment. Vous avez donc outrepassé vos fonctions en vous présentant comme un représentant de l'entreprise dûment habilité à entamer de telles négociations, tout à la fois dans la mesure où ces négociations n'ont jamais été ni envisagées ni autorisées par nos soins, et que vous ne disposez, en toute hypothèse, d'aucun mandat de représenter et d'engager la société en votre qualité de directeur de production.
- Vous avez signé un contrat de maintenance SAVIM pour un chariot élévateur au mois de janvier 2018, au nom de l'entreprise sans accord de notre part ni instruction de notre part. Comme précédemment exposé, vous ne disposez pas de la signature pour engager l'entreprise pour un achat.
- Vous avez, de façon récurrente, pris un temps considérable pour exécuter votre travail sur des démarches pourtant simples. Nous vous avions en particulier demandé d'effectuer les démarches administratives pour que soit passé commande d'un portail pour fermer notre bâtiment au mois de novembre 2017. Nous vous avons, à cette date, demandé de vous rapprocher du fournisseur pour qu'il nous fournisse des devis. Au mois de janvier 2018, après de multiples relances de notre part, vous n'aviez toujours pas avancé. Vous nous avez indiqué que vous alliez vous renseigner et récupérer les informations, mais n'avez pourtant pas relancé le fournisseur malgré nos demandes.
- Nous vous avions demandé, pour que vos fonctions soient correctement exercées, de passer au moins 1 à 2 heures par jour à l'atelier de débit de bois massif, afin d'analyser ce qu'il s'y passait - ce qui relève de votre poste de directeur de production-, de prendre les renseignements sur le travail fait, sur les bois utilisés, d'analyser les rendements afin de voir s'il était possible d'améliorer la production. Vous deviez, pour cela, travailler avec le chef d'atelier et le gestionnaire de production, ce que vous n'avez pourtant pas fait. Si vous passiez, effectivement, dire bonjour aux uns et aux autres, vous ne vous êtes jamais investi dans le travail qui était le vôtre, n'avez pas pris de renseignements sur le travail fait, les bois utilisés, ni n'avez analysé les rendements et n'avez donc effectué aucune préconisation pour améliorer la production. Pire, vos interlocuteurs, voyant que vous ne leur posiez aucune question pertinente, ou que vous remettiez simplement en cause leur travail de façon gratuite, ne pouvaient utilement collaborer avec vous, ce qui handicapait évidemment leur propre travail.
- Dans le même ordre d'idée, vous n'avez pas fourni d'aides ni conseils aux magasiniers dans le chargement des camions des panneaux. En tant que directeur de production, il vous appartenait pourtant de vous assurer que les commandes partaient correctement, ce que vous n'avez pas fait.
- Vous avez ensuite débuté un certain nombre de travaux administratifs, que soit vous n'avez pas commencés, soit vous avez terminés très tardivement. Vous avez, par exemple, purement et simplement, négligé de répondre à la demande que je vous faisais d'effectuer un fichier de correspondances entre les articles et les zones Rack pour le dépôt de Béziers, afin de pouvoir les mettre à jour informatiquement pour faciliter le travail des magasiniers. Bien que je vous ai demandé personnellement cette tâche début janvier, vous ne vous êtes pas exécuté, et j'ai donc du, après 15 jours sans réaction de votre part, procéder moi même à la réalisation de ce fichier.
- Nous ne pouvons ensuite que constater, de votre part, votre faible niveau de maîtrise des coûts de revient. S'en est d'ailleurs suivi, entre la mi et la fin janvier 2018, des discussions extrêmement tendues entre vous et le personnel du bureau d'études, qui vous faisait remarquer vos difficultés en matière de maîtrise des coûts, et les erreurs que vous commettiez en cette matière.
- Vous avez ensuite commis de nombreuses erreurs sur les calculs des prix de vente pour les pré-débits de panneaux au bureau d'études. Malgré 10 jours de formation interne au bureau d'études, et alors que les autres salariés de l'entreprise acquièrent aisément cette compétence, nous n'avons pu que constater vos erreurs répétées.
- Alors que votre fonction de directeur de production vous confère un rôle majeur dans l'entreprise, vous n'avez pas remonté au niveau de la Direction les informations pourtant importantes relatives à notre baisse d'activité sur le mois de janvier. C'est un autre salarié qui a du nous alerter à la fin du mois de janvier, devant votre inertie. Au regard de vos fonctions, ce manque de communication est particulièrement inadmissible.
- Enfin, vos interlocuteurs externes à l'entreprise (fournisseurs, artisans) nous ont, à de multiples reprises, alertés sur le fait qu'ils ne souhaitaient plus que vous soyez leur interlocuteur dans la gestion des dossiers. Votre façon de travailler, jugée agressive et insistante, notamment par des mails et appels répétitifs à vos interlocuteurs, les ont amenés à nous indiquer qu'ils ne souhaitaient plus travailler avec vous.
Au regard de votre statut de directeur de production, de votre qualification de cadre classifié C7, du petit effectif de notre entreprise et du préjudice certain causé par votre insuffisance professionnelle à notre structure, nous nous voyons contraints de vous licencier pour insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.
Contestant son licenciement, M. [H] a saisi, le 19 avril 2018, le conseil de prud'hommes de Castres, section Encadrement, aux fins d'entendre prononcer, à titre principal, la nullité du licenciement pour cause de harcèlement moral et à titre subsidiaire, de juger le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 20 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Castres a :
-jugé que le licenciement de M. [H] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;
-jugé qu'il n'y a pas eu harcèlement moral de la part de la SARL Comptoir des Bois de Sorèze à l'encontre de M. [A] [H] ;
En conséquence,
-débouté M. [A] [H] de l'ensemble de ses demandes ;
-débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle d'article 700 du code de procédure civile ;
-condamné M. [A] [H] aux entiers dépens.
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Par déclaration du 2 juillet 2019, M. [H] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas justifiées.
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Aux termes de ses dernières conclusions, envoyées par voie électronique
le 2 février 2022, M. [H] demande à la cour de :
-réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Castres en date du 20 juin 2019 en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
-réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Castres en date du 20 juin 2019 en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas eu de harcèlement moral de la part de la SARL Comptoir des Bois de Sorèze à l'encontre de M. [H] ;
-réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Castres en date du 20 juin 2019 en ce qu'il a débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ;
En conséquence,
A titre principal,
-prononcer la nullité du licenciement de M. [H] intervenu dans un contexte de harcèlement moral ;
-condamner la société Comptoir des Bois de Sorèze au paiement des sommes suivantes :
- 6.222,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamner la société Comptoir des Bois de Sorèze aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire,
-juger que le licenciement de M. [H] ne repose sur aucune cause réelle
et sérieuse ;
En conséquence,
-condamner la société Comptoir des Bois de Sorèze au paiement des sommes suivantes :
- 6.222,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamner la société Comptoir des Bois de Sorèze aux entiers dépens ;
M. [H] fait valoir, pour l'essentiel, que son licenciement est intervenu dans un contexte de harcèlement moral, la chronologie des événements et leur brutalité démontrant l'acharnement qu'il a subi de la part de l'employeur afin de l'exclure définitivement de l'entreprise : une convocation à un entretien préalable alors qu'aucun grief n'avait été soulevé et que la période d'essai était terminée depuis 1 mois seulement; la prise forcée de congés et la restitution des biens professionnels visant à le déstabiliser; la dispense d'activité du 13 février au 16 février 2018, puis
du 16 février 2018 au 5 mars 2018 ; qu'aucune disposition légale n'autorise l'employeur à empêcher son salarié de venir travailler à compter de la convocation à l'entretien préalable, sauf à lui notifier une mise à pied à titre conservatoire; que ces événements ont contribué à la dégradation de ses conditions de travail, mais aussi de son état de santé.
Il conteste les allégations d'insuffisance professionnelle de l'employeur, exposant qu'il disposait d'une expérience professionnelle très solide acquise sur une période
de 30 ans et reconnue par ses anciens collègues.
Il rappelle que l'employeur n'a pas rompu sa période d'essai, et qu'il s'est écoulé
seulement 1 mois entre la date de fin de la période d'essai et la cessation effective du travail; que les griefs d'inaptitude professionnelle connus avant la fin de la période d'essai ne peuvent être invoqués à l'appui du licenciement; que les griefs qui lui sont reprochés sont en réalité de nature disciplinaire et ne peuvent être invoqués à l'appui d'un licenciement pour insuffisance professionnelle.
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Aux termes de ses dernières conclusions, envoyées par voie électronique
le 23 décembre 2019, la société Comptoir des Bois de Sorèze demande à
la cour de :
-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Castres du 20 juin 2019 en l'ensemble de ses dispositions, et :
-juger que l'employeur n'a commis aucun acte de harcèlement.
-juger qu'il n'y a lieu à nullité du licenciement.
-juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Ajoutant au jugement déféré,
-condamner M. [H] à la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, et le condamner aux entiers dépens d'appel.
Elle conteste l'existence de faits de harcèlement moral, la convocation au premier rendez-vous en vue d'une rupture conventionnelle procédant d'une information loyale et diligente sur le processus de rupture conventionnelle de la part de la partie qui en prend l'initiative. Elle précise que le salarié a accepté la prise de congés payés; que la restitution des biens professionnels est possible pendant la période de suspension du contrat de travail, dès lors qu'ils ne constituent pas des avantages en nature, comme tel est le cas en l'espèce; que ces biens professionnels n'avaient pas à être restitués au salarié à la fin des congés payés puisque cette période a été suivie d'une dispense d'activité; que M. [H] a accepté le second rendez-vous en vue d'une rupture conventionnelle, la convocation lui ayant été remise en main propre contre décharge lors du 1er rendez-vous; que les parties sont libres de prévoir les modalités d'exécution ou de non-exécution du contrat de travail qu'elles souhaitent mettre en 'uvre, et de procéder au besoin à une suspension du contrat de travail; qu'au demeurant, la période de suspension du contrat de travail a été rémunérée.
Sur le licenciement, l'employeur indique que le fait d'avoir commencé par proposer à son salarié un mode amiable de rupture du contrat de travail ne le prive pas de la possibilité d'exercer son pouvoir de direction à son égard, et plus précisément de le licencier; que s'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, il est possible pour l'employeur d'invoquer des manquements quelle que soit leur date; qu'un licenciement pour insuffisance professionnelle peut suivre immédiatement la fin de la période d'essai; que les griefs visés dans la lettre de licenciement sont justifiés et établis par les pièces qu'elle verse aux débats; que contrairement, à ce que prétend M. [H], les erreurs commises par lui ne relèvent pas d'une mauvaise volonté délibérée et ne peuvent pas fonder un licenciement disciplinaire.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 11 février 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur le harcèlement moral :
En application de l'article L.1152-1 du code du travail, «'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'».
En l'espèce, M. [A] [H] invoque des faits de harcèlement moral résultant de la chronologie des événements qui ont conduit à son licenciement et de leur brutalité, un mois après l'expiration de la période d'essai. Il indique avoir subi un traitement humiliant, étant brusquement écarté de ses fonctions et contraint à restituer ses biens professionnels; que ces événements ont contribué à la dégradation de son état de santé.
A l'appui de ses allégations, il verse aux débats un certificat médical de son médecin traitant en date du 23 février 2018 qui indique avoir constaté chez son patient un état anxieux majeur, nécessitant la prescription d'un anxiolytique, en liaison avec son licenciement.
Ce seul élément ne permet pas de caractériser un acte de harcèlement moral de la part de l'employeur, qui peut librement proposer une rupture conventionnelle à un salarié dont il souhaite se séparer, sans pour autant vicier le consentement du salarié. M. [H] a d'ailleurs refusé la rupture conventionnelle à l'issue du second entretien du 16 février 2018.
Le contrat de travail de M. [H] prévoit expressément qu'en cas de suspension du contrat de travail supérieur à 15 jours, il s'engage à laisser le téléphone portable de fonction et le véhicule utilitaire mis à sa disposition, lequel est à usage strictement professionnel à la disposition de l'entreprise. Le salarié a par ailleurs accepté de prendre ses congés payés du 6 au 13 février 2018.
Le demande de restitution des biens de l'entreprise, formée le 5 février 2018 témoigne d'une certaine précipitation de l'employeur. Ce seul fait ne peut être pour autant être assimilé à des agissements répétés de harcèlement moral, étant précisé que les faits dénoncés par M. [H] se sont déroulés pendant une très courte période, entre
le 5 et le 16 février 2018. Dés lors, le salarié n'établit pas de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes au titre du harcèlement moral. .
- Sur le licenciement :
M. [A] [H] a été licencié pour insuffisance professionnelle consistant dans son incapacité d'exécuter ses fonctions de façon satisfaisante, accumulant retards, erreurs, et mauvaise exécution de l'ensemble de ses fonctions, et ce alors même que, dans le même temps, il aurait pris des libertés et initiatives qui ne relèvent pas de son poste.
L'insuffisance professionnelle, qui n'est jamais une faute disciplinaire, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée notamment par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d'un acte volontaire ou d'un manquement volontaire mais, par exemple, du fait de son insuffisance professionnelle dans les tâches accomplies, de son incompétence dans l'exécution de ses tâches ou de son inadaptation professionnelle à l'emploi exercé.
L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle, sans qu'il soit nécessaire de caractériser l'existence d'une négligence ou d'une mauvaise volonté de sa part.
Pour caractériser une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle alléguée par l'employeur doit reposer sur des éléments concrets et avoir des répercussions négatives sur la bonne marche de l'entreprise. Elle doit être appréciée en fonction d'un ensemble de données, telles que la qualification du salarié lors de l'embauche, les conditions de travail, l'ancienneté dans le poste, la formation professionnelle reçue.
En principe, l'insuffisance professionnelle est non fautive et relève du non disciplinaire. Toutefois, elle peut être fautive et relever du disciplinaire si l'employeur invoque des manquements procédant d'une mauvaise volonté délibérée de la part du salarié, de son incompétence dans l'exécution de ses tâches ou de son inadaptation professionnelle à l'emploi exercé.
A l'appui de ses allégations d'insuffisance professionnelle, la société Comptoir des Bois de Sorèze verse aux débats des attestations de la gérante (Mme [T]), de son époux, consultant au sein de la société CBS et de salariés de l'entreprise (M. [Y] [E], technicien bureau d'études, Mme [V], comptable et belle-soeur de la gérante, M. [D], cadre commercial, M. [F] [S], responsable unité panneau) qui font état d'interventions intempestives de M. [H] auprès de clients de l'entreprise, d'erreurs commises par M. [H] dans l'utilisation du logiciel 'optiplanning', d'un contrat d'entretien pour un chariot élévateur signé par M. [H] sans qu'il ait reçu de délégation de signature à cet effet, sans plus de précisions.
M. [C], gérant de la société Manutention Toulousaine, indique que M. [H] est devenu son interlocuteur dès son entrée au service de la société, et que très vite, les relations devenaient très dures .
M. [X], chef d'entreprise, indique qu'ayant appris qu'il souhaitait vendre les locaux de son entreprise, voisins de ceux de CBS, M. [H] l'a contacté le 24 novembre 2017 pour prendre des renseignements sur la vente.
M. [P] [J], responsable de l'agence de Béziers de la société Logi Bois, indique que M. [H] avait la charge de contrôler la mise en place des racks du nouveau dépôt; qu'à l'issue du montage des racks, il manquait des emplacements qui ont du être repositionnés, ce qui a engendré une charge supplémentaire de travail
d'environ 2 journées.
Ces attestations ne rapportent pas d'éléments précis, objectifs et imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise. De surcroît, l'ensemble des griefs adressés à M. [H] sont apparus, selon les propres dires de la direction de l'entreprise, quelques semaines après le début de sa prestation de travail, alors qu'il se trouvait en période d'essai.
Le fait que M. [H] ait été confirmé dans son poste à l'issue de la période d'essai ne prive pas nécessairement l'employeur de la possibilité d'invoquer une insuffisance professionnelle. Toutefois en l'espèce, la société employeur avait connaissance des éventuelles lacunes de M. [H] et ne s'en est pas prévalu avant la fin de l'essai, de sorte qu'il n'est pas fondé à les invoquer à l'appui d'un licenciement pour insuffisance professionnelle un mois après la fin de la période d'essai.
Le licenciement de M. [H] sera en conséquence, par infirmation sur ce point du jugement déféré, jugé sans cause réelle et sérieuse.
M. [H] a été licencié sans cause réelle et sérieuse d'une entreprise qui employait onze salariés, à l'issue de six mois de présence dans les effectifs de l'entreprise et à l'âge de 54 ans. Il a droit au paiement de dommages et intérêts qu'au regard des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, il y a lieu de fixer à la somme de 6 221,55 euros représentant l'équivalent d'un mois de salaire brut.
En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société Comptoir des Bois de Sorèze
à Pôle Emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite d'un mois d'indemnités.
- Sur les autres demandes :
La société Comptoir des Bois de Sorèze, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [H] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit à sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'une somme de 2000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Castres le 20 juin 2019, sauf en ce qu'il a jugé qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral de la part de la société employeur à l'encontre de M. [A] [H] et a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de M. [A] [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Comptoir des Bois de Sorèze à payer à M. [A] [H] une somme de 6 221,55 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Ordonne le remboursement par la société Comptoir des Bois de Sorèze à Pôle Emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite d'un mois d'indemnités.
Condamne la société Comptoir des Bois de Sorèze aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Condamne la société Comptoir des Bois de Sorèze à payer à M. [A] [H] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
.