22/04/2022
ARRÊT N°2022/190
N° RG 20/00883 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQI6
CB/AR
Décision déférée du 13 Février 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/02087)
[M]
[L] [S] [E]
C/
Société SOLTECHNIC MAUGUIO
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 22 4 22
à Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE
Me Julie SALESSE
CCC POLE EMPLOI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [L] [S] [E]
96 Rue du LANGUEDOC
31600 MURET
Représenté par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Société SOLTECHNIC MAUGUIO
9 rue Charles Nungesser
34130 MAUGUIO
Représentée par Me Julie SALESSE de la SCP D'AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillere
F. CROISILLE-CABROL, conseillere
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] Filipe [E] a été embauché selon contrat à durée déterminée à compter du 9 avril 2008 avec effet au 14 avril 2008 par la SAS Soltechnic en qualité d'aide foreur.
À compter du 11 août 2008, la relation contractuelle s'est poursuivie dans les termes d'un contrat à durée indéterminée.
Le 28 août 2017, M. [E] a été victime d'un accident de travail et placé en arrêt de travail jusqu'au 5 janvier 2018. Il a été de nouveau placé en arrêt de travail le 8 janvier 2018.
Le 31 janvier 2018, la CPAM n'a pas reconnu le caractère professionnel de la rechute déclarée par M. [E] au motif que la lésion invoquée sur le certificat médical n'est pas imputable au sinistre référencé.
Le 30 août 2018, le médecin du travail a déclaré M. [E] inapte et a indiqué serait apte à un poste ne nécessitant pas de manutention $gt; 15 kg, pas de marteau piqueur ni conduite de minipelle.
Le 8 octobre 2018, la société Soltechnic a informé M. [E] de l'impossibilité de trouver une solution de reclassement.
Le 9 octobre 2018, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 octobre 2018, puis licencié par lettre du 24 octobre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 18 décembre 2018 en contestation de son licenciement.
Par jugement du 13 février 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :
- dit et jugé qu'il n'était pas apporté la preuve d'un lien de causalité entre l'inaptitude du salarié prononcée le 30 août 2018 et l'accident du travail du 28 août 2017,
- dit et jugé que la recherche de reclassement a été loyale et sérieuse,
- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude suite à une maladie non professionnelle était régulier et bien fondé,
En conséquence :
- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SAS Soltechnic Mauguio de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [E] aux entiers dépens.
M. [E] a relevé appel de ce jugement le 11 mars 2020 énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement et intimant la société Soltechnic.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [E] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 13 février 2020 en toutes ses dispositions,
- juger le licenciement du 24 octobre 2018, sans cause réelle et sérieuse
- condamner la SAS Soltechnic Aquitaine à régler à M. [E] les sommes suivantes :
- 28 788 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 7197 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre l'indemnité de congés payés y afférents de 719,70 euros,
- 4 967,32 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 14 394 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que son inaptitude a au moins pour partie une origine professionnelle et que l'employeur en avait connaissance au jour de la procédure de licenciement. Il invoque une absence de recherche de reclassement loyale et sérieuse.
Par ordonnances du 5 octobre 2021 et 8 mars 2022, le conseiller de la mise en état à déclaré irrecevables les conclusions d'intimé du 29 mai 2020 notifiées à nouveau le 23 mars 2021 puis celles du 28 février 2022.
La clôture de la procédure a été prononcée à l'audience avant les débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En l'état de l'irrecevabilité des écritures de l'intimée, la cour appréciera les seuls moyens développés par l'appelant au regard des motifs tels que retenus par les premiers juges pour écarter ses prétentions.
Pour conclure à la réformation du jugement, l'appelant fait tout d'abord valoir qu'il existait un lien de causalité au moins partiel entre l'inaptitude du salarié et l'accident du travail du 28 août 2017.
Il est constant que la protection des salariés victimes d'un accident du travail et déclarés inaptes s'applique dès lors que l'inaptitude trouve, au moins partiellement, son origine dans l'accident du travail et que l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Or, s'il est exact que le refus de prise en charge par la CPAM ne suffit pas à exclure tout lien de causalité entre l'accident et l'inaptitude, il n'en demeure pas moins que ce lien n'est pas établi par le rapport de l'expertise produite. En effet, l'expert se prononçait au regard de la question posée sur une absence de lien de causalité direct, entier et unique. Or, la réponse négative à cette question n'emporte pas a contrario la caractérisation d'un lien partiel, qui ne résulte pas du contenu de l'expertise. En outre, la connaissance par l'employeur d'une possible origine professionnelle, au moins partielle, de l'inaptitude fait en toute hypothèse défaut. En effet, l'avis d'inaptitude a été établi dans le cadre d'une visite de reprise pour une maladie non professionnelle. Il mentionne expressément une reprise du travail après maladie. Il n'y est jamais fait état d'une origine professionnelle de l'inaptitude. Il est certes fait état d'une demande temporaire d'inaptitude remplie par le médecin du travail et pour lequel il était mentionné que l'inaptitude était susceptible d'être en lien avec l'accident du travail. Toutefois, aucun élément ne permet de retenir que ce document, qui n'a pas même été signé par le salarié, aurait été transmis à l'employeur.
À la date du licenciement, il n'est ainsi pas justifié que l'employeur avait connaissance d'une origine professionnelle de l'inaptitude de sorte qu'il pouvait se placer dans le cadre des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail, sans qu'il y ait lieu pour la cour d'apprécier plus avant l'existence ou non d'un lien partiel de causalité. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Mais sur la recherche de reclassement, il résulte de ces mêmes dispositions que l'employeur est tenu de la recherche d'un poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail au sein de l'entreprise employeur ainsi que des entreprises du groupe auquel elle appartient.
Il est constant que la société Soltechnic appartient à un groupe ainsi qu'elle l'indiquait elle-même dans le courrier de licenciement.
Pour rejeter les demandes de l'appelant, les premiers juges ont considéré que l'employeur avait réalisé une recherche complète de reclassement au sein de toutes les sociétés du groupe et qu'il n'existait pas de poste disponible compatible avec les restrictions médicales.
Ces énonciations ne permettent toutefois pas à la cour de s'assurer du caractère exhaustif de la recherche. La cour constate ainsi que le médecin du travail n'a pas été interrogé après l'avis d'inaptitude. Le salarié fait valoir que certaines entreprises du groupe ont procédé à des embauches en particulier celles de deux ouvriers d'exécution. Or, aucun élément n'est donné sur la nature de ces postes de sorte qu'on ne peut considérer qu'ils n'étaient pas compatibles avec les restrictions médicales. Ceci est d'autant plus le cas que si le jugement fait état de fiches de postes incompatibles avec les restrictions, il ne donne pas plus de précisions permettant à la cour de s'en assurer alors que M. [E] soutient que c'est la fiche de poste d'une autre société qui a été produite en première instance.
Compte tenu de ces éléments, il n'est pas établi que l'employeur a bien satisfait à la recherche loyale et sérieuse de reclassement qui lui incombait. Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé en ce sens.
Quant aux conséquences, M. [E] peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail. Il peut également prétendre à l'indemnité de préavis d'une durée de trois mois par application des dispositions de l'article L 5213-9 du code du travail puisqu'il est justifié de la notification de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Il ne peut en revanche être fait droit à la demande au titre des congés payés sur préavis qui relèvent de la caisse spécifique compte tenu de la convention collective applicable. Il ne peut davantage obtenir un complément d'indemnité de licenciement puisqu'il la sollicite sur le fondement d'une inaptitude consécutive à un accident du travail, ce que la cour ne retient pas.
Le salaire moyen de M. [E] doit être fixé au regard des énonciations des bulletins de paie à la somme de 2 018,15 euros, ne tenant pas compte des indemnités de grand déplacement qui ne constituent pas un élément du salaire mais ayant pour objet de compenser des frais supplémentaires.
Compte tenu de ces éléments, d'une ancienneté de 10 années complètes au jour de la rupture et d'une situation de chômage justifiée jusqu'en juillet 2021, le montant des indemnités sera fixé ainsi que suit :
- 12 108,90 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De façon très laconique, M. [E] sollicite en outre la somme de 14 394 euros en faisant valoir que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. Il soutient avoir travaillé le 8 janvier 2018 en l'absence de visite de reprise et dans des conditions contraires à l'avis médical. Il ne produit toutefois pas d'élément permettant de caractériser à la fois un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et un préjudice en découlant pour lui dans un lien de causalité. Si la décision de consolidation du salarié par la CPAM est certes sans incidence, il n'en demeure pas moins que les circonstances de la rechute qu'il a déclarée le 8 janvier 2018 demeurent incertaines. En effet, le rapport d'expertise dont il se prévaut mentionne au conditionnel qu'il aurait ressenti une douleur en portant une charge. En outre, M. [E] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de la rupture de sorte que cette demande sera rejetée.
Il sera fait application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail dans la limite de six mois.
L'appel de M. [E] est partiellement bien fondé de sorte que l'intimée sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 13 février 2020 sauf en ce qu'il a écarté l'origine professionnelle de l'inaptitude,
Le confirme de ce chef et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Soltechnic Mauguio à payer à M. [E] les sommes de :
- 12 108,90 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Rappelle que les congés payés sur préavis relèvent de la caisse des congés payés du bâtiment,
Déboute M. [E] de ses plus amples demandes,
Ordonne dans la limite de six mois le remboursement par l'employeur des indemnités Pôle Emploi,
Condamne la SAS Soltechnic Mauguio à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Soltechnic Mauguio aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
A. RAVEANEC. BRISSET
.