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22/04/2022 | FRANCE | N°20/01669

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 22 avril 2022, 20/01669


22/04/2022



ARRÊT N° 2022/265



N° RG 20/01669 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NT2F

NB/KS



Décision déférée du 04 Juin 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/01280)

A DJEMMAL

SECTION ENCADREMENT

















[T] [L]





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S.A. ALLIANZ VIE










































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INFIRMATION PARTIELLE



Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1



***

ARRÊT DU VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [T] [L]

5 IMPASSE JEAN BECANNE

31140 SAINT ALBAN



Repré...

22/04/2022

ARRÊT N° 2022/265

N° RG 20/01669 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NT2F

NB/KS

Décision déférée du 04 Juin 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/01280)

A DJEMMAL

SECTION ENCADREMENT

[T] [L]

C/

S.A. ALLIANZ VIE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [T] [L]

5 IMPASSE JEAN BECANNE

31140 SAINT ALBAN

Représenté par Me Pauline GELBER de l'AARPI GELBER & MONROZIES-MOREAU, avocat au barreau de TOULOUSE et par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

S.A. ALLIANZ VIE

1 COURS MICHELET CS 30051

92076 PARIS LA DEFENSE CEDEX

Représentée par Me Véronique CHILD de la SELAFA TAJ, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUME et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

M. [T] [L] a été embauché à compter du 17 août 1987 par la société AGF Vie, devenue société Allianz Vie, en qualité de conseiller en finance conseil par contrat à durée indéterminée à temps complet régi par les dispositions de la convention collective des producteurs salariés de base des services extérieurs de production des sociétés d'assurances.

A compter du 1er janvier 2005, M. [L] a été promu au poste d'ingénieur patrimonial AGF Finance Conseil, rattaché à la fonction de regroupement 'chargé d'affaire' de la classe 5 de la convention collective nationale de l'inspection d'assurance

du 27 juillet 1992. Il était soumis à un forfait annuel de 215 jours du 1er juin de l'année N au 31 mai de l'année N+1.

Le 8 juillet 2005 le salarié a accepté l'application du protocole d'accord du 3 juin 2005 applicable à compter du 1er septembre 2005 pour la détermination de la rémunération fixe et variable.

En 2011, M. [L] a refusé l'application du protocole d'accord du 27 septembre 2011 et est resté rémunéré sur la base du protocole d'accord du 3 juin 2005.

Le 16 octobre 2017, un nouvel accord d'entreprise relatif à la rémunération des conseillers de la société Allianz Expertise et Conseil était signé par la société et l'ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de celle-ci.

Le salarié était placé en arrêt maladie à compter du 4 décembre 2017, prolongé jusqu'au 10 octobre 2018. Il n'a jamais repris son activité au sein de la société Allianz Vie.

Après plusieurs échanges, la société Allianz Vie prenait acte du refus de M. [L] de signer un avenant à son contrat de travail intégrant l'application des dispositions issues de l'accord d'entreprise du 16 octobre 2017 et lui communiquait, par courrier

du 18 décembre 2017, la décision unilatérale définissant les dispositions applicables à compter du 1er janvier 2018 aux salariés n'ayant pas adhéré à l'accord d'entreprise du 16 octobre 2017.

Par courrier du 5 février 2018, M. [L] contestait cette décision.

Par requête en date du 3 août 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Encadrement, aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat aux torts exclusifs de l'employeur et en paiement de dommages et intérêts et de diverses indemnités de rupture.

Au terme d'une visite de reprise du 14 janvier 2019, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude, en indiquant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Par jugement du 4 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

-jugé que le salaire de référence est arrêté à la somme de 11 975 euros (onze mille neuf cent soixante quinze euros) ;

-prononcé la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur et ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-condamné en conséquence la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès qualités, au paiement des sommes suivantes :

*117 556 euros (cent dix-sept mille cinq cent cinquante-six euros) au titre de l'indemnité de licenciement actualisée,

* 35 925 euros (trente-cinq mille neuf cent vingt-cinq euros) au titre de l'indemnité de préavis

* 3 592 euros (trois mille cinq cent quatre-vingt-douze euros) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

-condamné la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, au paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondant au solde de congés payés acquis par le salarié à la date du présent jugement ;

-rejeté le surplus des demandes ;

-ordonné sans astreinte à la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès qualités, de délivrer à M.[L] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au jugement ;

-jugé n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit ;

-condamné la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [L] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, aux entiers dépens .

***

Par déclaration du 8 juillet 2020, M. [L] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, envoyées par voie électronique

le 25 janvier 2022, M. [L] demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 juin 2020 en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts exclusifs de la société Allianz Vie et ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 juin 2020 en ce qu'il a condamné la société Allianz Vie au paiement de l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis, l'indemnité de congés payés y afférents,

Vu l'actualisation des demandes de M. [L] arrêtées à la date du prononcé de la résiliation judiciaire, soit le 4 juin 2020,

Statuant à nouveau,

-fixer le salaire de référence des trois derniers mois d'activité, à la somme

de 13.210,44 euros,

-condamner, la société Allianz Vie à régler à M. [L] les sommes suivantes :

- 106.735,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 39.631,32 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 3 963 euros au titre des congés-payés y afférents,

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas les nouveaux calculs actualisés de M. [L],

-confirmer le jugement dont appel sur le montant du salaire de référence, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de congés payés de M. [L].

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 juin 2020 en ce qu'il a condamné la société Allianz Vie à la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 4 juin 2020 en ce qu'il a :

*débouté M. [L] de sa demande de condamnation de la société Allianz Vie à lui régler la somme de 239.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* débouté M. [L] de sa demande de condamnation de la société Allianz Vie à lui régler la somme de 71.850 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de loyauté.

En conséquence, statuant à nouveau,

-condamner la société Allianz Vie à régler à M. [L] la somme de 239.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

-condamner la société Allianz Vie à régler à M. [L] la somme de 71.850 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de loyauté,

-condamner la société Allianz Vie à remettre à M. [L] un bulletin de paye,une attestation pôle emploi, et un certificat de travail conforme à l'arrêt à intervenir sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt,

-débouter la société Allianz Vie de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

-condamner la société Allianz Vie à régler à M. [L] la somme de 3000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il fait valoir, pour l'essentiel, que la société Allianz Vie n'ayant pas relevé appel incident sur la résiliation judiciaire, le principe du prononcé de la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'employeur est donc acquis ; que néanmoins, plusieurs manquements

graves de l'employeur ont justifié cette résiliation judiciaire : la société Allianz Vie a modifié le contrat de travail de M.[L] sans son accord et s'est abstenue, durant plus d'un an à compter de l'avis d'inaptitude, de toute démarche tendant à son licenciement ou à son reclassement.

Il soutient que la résiliation judiciaire du contrat de travail étant prononcée aux torts de l'employeur, la rupture du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'il a droit aux indemnités en découlant ; que, contrairement à ce que prétend la société Allianz Vie, ses demandes ne sont pas injustifiées dans leur principe et dans leur chiffrage ; que concernant l'indemnité conventionnelle de licenciement, son calcul résulte de l'application des seules dispositions conventionnelles, sans cumul entre indemnité légale et indemnité conventionnelle, comme le prétend la société.

Sur les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié allègue d'abord qu'au vu de son ancienneté de 33 ans, le code du travail fixe une indemnité minimale de 3 mois de salaire ; que par ailleurs, son préjudice financier moral est parfaitement établi, M. [L] prenant un traitement médicamenteux et étant toujours suivi par un psychiatre ; que vu son âge proche de la retraite, ses chances de retrouver un emploi sont extrêmement minces, d'autant plus qu'il a été classé en invalidité 1ère catégorie ; que la société Allianz Vie ne lui a pas versé les sommes dues au titre du solde de tout compte, ni l'exécution totale du jugement entrepris ; qu'ainsi, durant 5 mois, il est demeuré sans revenu.

Il soutient également que les agissements commis par la société Allianz Vie à son égard, ayant conduit à justifier la résiliation judiciaire de son contrat, démontrent que cette dernière n'a pas respecté son obligation de loyauté ; que ses agissements ont gravement affecté son état de santé et ont conduit à son inaptitude, la société s'étant abstenue de toute proposition de reclassement et ayant fait sciemment «traîner » la procédure de licenciement sans motif valable ; de ce fait, M. [L] s'est trouvé durant près de 18 mois sans pouvoir chercher un autre emploi et n'a pu bénéficier des mesures d'ordre social de l'accord d'entreprise du 3 juin 2005 (notamment majoration de l'indemnité de licenciement de 6 mois de salaires bruts en cas d'inaptitude physique).

***

Aux termes de ses dernières conclusions, envoyées par voie électronique

le 3 février 2022, la SA Allianz Vie demande à la cour de :

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 4 juin 2020 en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes en paiement suivantes :

* 239.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

* 71.850 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la violation de l'obligation de loyauté ;

A titre d'appel incident,

A titre principal,

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes suivantes :

*117.556 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 35.925euros au titre de l'indemnité de préavis ;

*3.592 euros au titre des congés payés afférents ;

*1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau,

-limiter le montant des sommes afférentes au prononcé de la résiliation judiciaire comme suit :

*48.338,31euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 16.567euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

*1.656,70 euros au titre des congés payés afférents.

A titre subsidiaire,

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de paiement de la somme de 239.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Et, statuant à nouveau,

-limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à la somme de 16.567euros,

-limiter le montant de l'indemnité de licenciement à la somme de 48.338,31 euros.

En toutes hypothèses :

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

-condamner M. [L] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Allianz Vie soutient que si la rémunération du salarié est généralement déterminée entre les parties et fixée par le contrat de travail, elle peut également résulter d'une norme supérieure comme un accord collectif d'entreprise ; que la modification de la rémunération par un accord collectif s'impose aux salariés sans que ceux-ci puissent se prévaloir d'une modification de leur contrat de travail, et ce même lorsque la modification aboutit à une modification moins favorable pour le salarié ; qu'elle a respecté les règles de l'article L. 2261-13 du code du travail, les règles relatives à la fixation de rémunération de M. [L] n'étant pas contractualisées et

pouvant par conséquent être modifiées sans son consentement; que la modification des règles de rémunération issues de l'accord du 27 septembre 2011 était obligatoire depuis le 1er octobre 2018 afin d'être en conformité avec les dispositions de l'article L521-1 du code des assurances ; qu'au jour du prononcé du jugement de résiliation, la modification des règles de rémunération était régulière et obligatoire depuis

le 1er octobre 2018.

Elle affirme en outre qu'elle n'a pas manqué à son obligation de loyauté, aucune modification unilatérale du contrat n'a été réalisée; qu'elle n'a pas manqué à son obligation de reclassement, l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail dispensant l'employeur de son obligation de reclassement, puisqu'il était précisé que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Elle allègue avoir bien repris le versement du salaire de M. [L] à l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de l'avis d'inaptitude.

La société Allianz Vie estime enfin que le salarié ne justifie pas le montant de l'indemnité demandée; que contrairement à ce qu'il prétend, elle a agi avec rapidité dans l'émission des chèques correspondant à l'exécution totale puis provisoire et partielle du jugement du conseil de prud'hommes; que par ailleurs, le salarié ne démontre pas le lien entre son état de santé et ses conditions de travail.

Elle se prévaut du caractère disproportionné des demandes indemnitaires de M. [L], lequel est en arrêt de travail depuis le mois de décembre 2017, de sorte que son salaire de référence, est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie; que la rémunération variable versée en janvier 2018, alors qu'il était déjà en arrêt de travail pour cause de maladie, n'a pas à être incluse dans la rémunération des 12 derniers mois précédents l'arrêt de travail pour cause de maladie; que pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la convention collective nationale de l'inspection d'assurance prévoit bien que l'assiette à prendre en compte est la rémunération des 12 derniers mois d'activité; que concernant l'indemnité de licenciement, la convention collective nationale de l'inspection d'assurance prévoit que l'indemnité de licenciement dans le cas de M. [L] doit être calculée en différenciant ses années en qualité d'inspecteur de ses autres années; que l'indemnité légale de licenciement est plus favorable au salarié que l'application de l'indemnité pour la durée de présence du salarié en tant qu'inspecteur; que M. [L] ne justifie pas de son préjudice et qu'en fonction de son ancienneté dans l'entreprise, il ne pourrait solliciter plus de 20 mois de rémunération à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et non les 43 mois qu'il réclame.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 février 2022.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur le périmètre de la saisine de la cour :

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, dans sa décision du 4 juin 2020, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts exclusifs de l'employeur, en retenant comme manquement grave de ce dernier le fait que par décision du 10 décembre 2017, l'employeur a modifié unilatéralement les modalités de calcul de la rémunération variable de M. [L], et que la modification du cadre réglementaire de l'assurance, évoquée par la société Allianz Vie, ne saurait atténuer le manquement de l'employeur vis à vis de ses obligations contractuelles. Il a également jugé que la résiliation judiciaire produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'appel de M. [L] porte sur le débouté de ses demandes formées à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et au titre du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de loyauté.

L'appel incident de la société Allianz Vie porte, sur le calcul de l'indemnité de licenciement et sur le montant des indemnités de rupture, déterminées sur la base d'un salaire de référence qu'elle estime erroné, M. [L] étant en arrêt maladie depuis le mois de décembre 2017 ainsi que sur sa condamnation à payer au salarié une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour n'est pas saisie d'une contestation du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[L] aux torts exclusifs de l'employeur, de sorte que les développements contenus dans le II-1 de ses écritures, intitulées : ' A titre principal, sur l'absence de manquement de la société au titre de la modification des règles de rémunération de M. [L]' (pages 5 à 15)sont sans objet.

- Sur la détermination du salaire de référence de M. [L] :

Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celle des douze ou trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie. Lorsque le salaire comprend une partie fixe et une partie variable , cette dernière doit être prise en compte dans l'assiette de calcul de la rémunération.

Au titre des douze derniers mois précédant son arrêt de travail (de décembre 2016 à novembre 2017) M. [L] a perçu une rémunération brute incluant la partie variable dont la régularisation est intervenue en janvier 2017, de 66 276,20 euros, soit une moyenne mensuelle de 5 523 euros. Cette formule est plus avantageuse pour le salarié que celle des trois derniers mois (septembre, octobre et novembre 2017), M. [L] n'étant pas fondé à inclure dans cette moyenne le montant de la régularisation de sa rémunération variable perçue en janvier 2018, alors qu'il se trouvait en arrêt maladie depuis plus d'un mois.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fixé le salaire de référence de M. [L] à la somme de 11 975 euros .

- Sur la violation par l'employeur de son obligation de loyauté :

La structure salariale de la rémunération de M. [L] ayant une origine conventionnelle et non contractuelle, celle-ci pouvait être modifiée par voie conventionnelle sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord du salarié puisque cela ne constituait pas une modification du contrat de travail. Il en résulte que la société Allianz Vie pouvait parfaitement faire application du nouvel accord collectif sans recueillir préalablement l'accord de M. [L].

La société Allianz Vie a en réalité fixé unilatéralement les conditions de rémunération de M. [L] à compter du 1er janvier 2018, en référence à un accord collectif qui n'existait plus à cette date, puisqu'il était remplacé par l'accord du 16 octobre 2017, tout en décidant unilatéralement de supprimer les dispositions de cet accord concernant les modalités de calcul de la rémunération variable qui n'étaient pas conformes à la directive européenne du 20 janvier 2016 relative à la distribution d'assurance; ce faisant, elle a manqué à son exécution de bonne foi du contrat de travail de M. [L] et ce manquement a justifié le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts de l'employeur.

Le salarié ne justifie pas toutefois de l'existence d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages et intérêts pour rupture abusive, de sorte qu'il sera débouté de sa demande formée à ce titre.

- Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] :

La résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L], prononcée aux torts de l'employeur, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le contrat de travail de M. [L] a été résilié alors que le salarié était âgé de 60 ans et comptait près de 33 ans d'ancienneté dans l'entreprise, dont plus de trente ans de présence effective. Il a droit au paiement de l'indemnité de préavis à hauteur de la somme brute de 16 569 euros,outre celle de 1 656,90 euros au titre des congés payés y afférents.

Il a droit également au paiement de l'indemnité de licenciement, laquelle doit être calculée en tenant à la fois compte de la période d'activité de M. [L] en qualité de conseiller non cadre (du 17 août 1987 au 31 décembre 2004) et de sa période d'activité en qualité d'inspecteur d'assurance (du 1er janvier 2005 au 4 juin 2020);

*soit, pour la première période, une indemnité calculée sur la base du total des salaires bruts correspondant à ses douze derniers mois d'activité(article 92 de la convention collective) : 66 276,20 euros x 3% x 17, 45= 34 695,59euros,

* pour la seconde période, une indemnité calculée sur la base de 4,5% par année de présence dans l'entreprise, y compris la période de suspension pour maladie dans la limité d'un an, majorée de 0,75% du traitement annuel par année de présence en qualité d'inspecteur (plus de 50 ans révolus: article 67 de la convention collective) :66 276,20 euros x 5,25% x 14=48 713 euros.

Soit au total 83 408,60 euros.

Le salarié, dont le contrat de travail n'a pas été rompu suite à son inaptitude physique, mais suite au prononcé de la résiliation judiciaire, n'est pas, en revanche, fondé à se prévaloir des mesures d'ordre social prévues en faveur des salariés dont le contrat est rompu suite à inaptitude physique ou longue maladie prévues par les protocoles d'accord des 27 septembre 2011 et 16 octobre 2017,

M. [L], licencié sans cause réelle et sérieuse à l'issue de plus de 30 ans de présence effective dans l'entreprise, a droit à des dommages et intérêts pour rupture abusive calculés en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et que la cour estime devoir fixer à la somme de 110 460 euros représentant l'équivalent de vingt mois de salaire brut.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société Allianz Vie à Pôle Emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné sans astreinte à la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès qualités, de délivrer à M.[L] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au jugement ;

- Sur les autres demandes:

La société Allianz Vie, qui succombe, doit être condamnée aux dépens de l'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [L] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit, en cause d'appel, à sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'une somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 4 juin 2020, sauf en ce qu'il a fixé le montant du salaire de référence de M. [L] à la somme de 11 975 euros, et sur le montant des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés y afférents, et de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant:

Fixe le montant du salaire de référence de M. [L] à la somme de 5 523 euros.

Condamne la SA Allianz Vie, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [T] [L] des sommes suivantes :

* 83 408,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 16 569 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 656,90 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 110 460 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Ordonne le remboursement par la société Allianz Vie à Pôle Emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées à M. [T] [L], dans la limite de six mois d'indemnités.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne la SA Allianz Vie aux dépens de l'appel.

Condamne la SA Allianz Vie à payer à M. [T] [L], en cause d'appel, une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée à ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/01669
Date de la décision : 22/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-22;20.01669 ?
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