09/05/2022
ARRÊT N°
N° RG 19/04445
N° Portalis DBVI-V-B7D-NHSY
MD / RC
Décision déférée du 12 Septembre 2019
Cour de Cassation de PARIS - T18-12.876
M. CHAUVIN
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE [Adresse 14]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 13]
C/
[X] [U]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE [Adresse 14]
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 13]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RESIDENCE [Adresse 14]
Agissant en la personne de son syndic en exercice la SAS CABINET CLAUDE VERGE dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-luc FORGET de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L, avocat au barreau de TOULOUSE
SYNDICAT DES COPROPIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 13]
Représenté par son syndic en exercice, FONCIA, ayant son siège social [Adresse 4],
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Hélène CAPELA de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
Monsieur [X] [U]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me CAZOTTES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me. Bernard de LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 14 février 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. DEFIX, président
C. ROUGER, conseiller
J.C. GARRIGUES, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
L'immeuble en copropriété dénommé résidence [Adresse 14] construit en 1985 jouxte,
par le sud, l'immeuble en copropriété dénommé résidence [Adresse 13] construit en 1974 sur une
parcelle située en contrebas, [Adresse 15].
Par convention entre les deux copropriétés, les eaux de ruissellement de la parcelle sur
laquelle est implantée la résidence [Adresse 14] se déversent sur le fonds de la résidence [Adresse 13], en bordure de son parking ouest, en empruntant une canalisation enterrée qui se raccorde au réseau d'évacuation.
Le réseau d'évacuation de la résidence [Adresse 13] comporte un avaloir situé au point bas
du parking de l'immeuble possédant une grille de regard au centre, acheminant par canalisation
les eaux collectées vers le fonds situé en contrebas. Celui-ci a été acquis par M. [X] [U] en 2002, avant d'être divisé afin d'y réaliser un lotissement.
En 2004, M. [U] a fait construire sa propre maison d'habitation sur le lot jouxtant la
résidence [Adresse 13].
Reprochant à la résidence [Adresse 13] d'avoir aggravé la servitude légale d'écoulement
des eaux de ruissellement, M. [U] a fait assigner par acte d'huissier en date du 17 mai 2005
le syndicat des copropriétaires de cet immeuble devant le tribunal de grande instance de Montpellier afin d'obtenir sa condamnation à faire cesser tout déversement d'eaux de la copropriété par une buse située sur son fonds ainsi qu'à lui payer des dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 12 mars 2007, ce tribunal a notamment rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat '[Adresse 13]' tirée de la 'prescription de l'action' sur le fondement de l'article 2262 du code civil en sa rédaction applicable au litige et ordonné, avant dire droit, une expertise confiée à M. [L].
Par acte du 8 septembre 2008, le syndicat des copropriétaires [Adresse 13] a fait assigner
le syndicat des copropriétaires [Adresse 14] en intervention forcée et l'expertise lui a été rendue
commune par ordonnance du juge de la mise en état du 26 mars 2009.
Les opérations d'expertise ont révélé qu'une canalisation d'évacuation d'eaux usées provenant de la résidence [Adresse 14] avait été branchée sur le réseau d'évacuation des eaux
pluviales aboutissant en limite du fonds [U] à partir du fonds [Adresse 13].Elle a été supprimée
en 2009.
L'expert a déposé son rapport le 15 juin 2010. M. [U] a demandé que les deux syndicats des copropriétaires soient déclarés responsables des dommages subis du fait de l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux et, éventuellement, du trouble anormal de voisinage, et qu'ils soient condamnés à réaliser des bassins de rétention ainsi qu'à lui payer, in solidum, diverses sommes en indemnisation.
Par jugement contradictoire en date du 18 mars 2014, le tribunal de grande instance
de Montpellier a :
- dit que les 'copropriétés [Adresse 13] et [Adresse 14]' n'ont acquis par prescription trentenaire
aucune servitude d'écoulement des eaux de pluie à l'encontre de M. [X] [U],
- dit que ces deux copropriétés occasionnent une aggravation de 129 % du ruissellement
naturel des eaux de pluie sur la parcelle [U],
- condamné 'les copropriétés' à réaliser selon leur choix, dans un délai de trois mois, l'un des
trois types de bassin de rétention d'eau préconisés par l'expert, et à défaut d'y avoir satisfait
dans ce délai sur production d'un certifcat établi à leurs frais par I'expert judiciaire, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant trois mois 'après quoi, il sera à nouveau
statué',
- dit n'y avoir lieu à se réserver la faculté de liquider l'astreinte ou d'en prononcer une nouvelle,
- condamné 'la copropriété' [Adresse 13] et 'la copropriété' [Adresse 14] à payer à [X] [U]
la somme de 11 940 euros à titre de dommages-intérêts outre celle de 6 000 euros sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, frais
d'expertise compris,
- dit que dans leurs rapports, les deux codébiteurs in solidum supporteront toutescondamnations en principal, accessoires, frais d'exécution, frais irrépétibles et dépens résultant du présent jugement à concurrence de 73 % pour la 'copropriété' [Adresse 13]' et de 27 % pourla 'copropriété' [Adresse 14],
- rejeté 'comme irrecevables ou mal fondées' toutes prétentions 'plus amples ou contraires',
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence '[Adresse 13]' et le syndicat des copropriétaires de Ia résidence '[Adresse 14]' ont relevé appel de cette décision respectivement
les 5 septembre et 12 septembre 2014.
Par un arrêt en date du 30 novembre 2017, la cour d'appel de Montpellier a :
- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné les copropriétés '[Adresse 13]' et
'[Adresse 14]' à payer à [X] [U] la somme de 11 940 euros à titre de dommages-intérêts
en réparation de ses préjudices et en ce qu'il a dit que les travaux de construction des ouvrages
de rétention d'eau devaient être réalisés dans le délai de trois mois,
Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,
- dit que les travaux de construction des bassins de rétention préconisés par l'expert en pages
28 et 29 du rapport, d'une capacité totale de 500 m3, devront être réalisés dans le délai de 8 mois à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant trois mois passé ce délai,
- condamné les syndicats de copropriétaires des résidences '[Adresse 13]' et '[Adresse 14]' in
solidum à payer à [X] [U] les sommes de :
*1 940 euros et de 1.500 euros en remboursement des frais de réalisation du cuveau et du raccordement au réseau public avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
*1 000 euros au titre de la remise en état de son terrain avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
*10 000 euros au titre de ses préjudices de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 2 000 euros et du présent arrêt pour le surplus,
- débouté les parties de toutes leurs demandes 'plus amples ou contraires',
- condamné les syndicats de copropriétaires des résidences «[Adresse 13]» et «[Adresse 14] » in
solidum aux dépens de l'appel 'qui comprendront le coût taxé de l'expertise judiciaire (omise
par le premier juge)' et à payer à [X] [U] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que dans leurs rapports internes, les syndicat se devront réciproquement garantie de toutes condamnations en principal, intérêts, frais d'exécution, fais irrépétibles et dépens
résultant du présent arrêt à concurrence de 73 % pour la copropriété «[Adresse 13]» et de 27 %
pour la copropriété « [Adresse 14] ».
Le syndicat des copropriétaires de la résidence '[Adresse 13]' et le syndicat des
copropriétaires de Ia résidence '[Adresse 14]' se sont pourvus en cassation contre cet arrêt selon pourvois distincts qui ont été joints.
Par arrêt du 12 septembre 2019, la 3 ème chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier en
considérant que :
- sur la question de la prescription acquisitive trentenaire écartée par la cour d'appel, cette dernière avait violé l'article 690 du code civil au motif qu'il résultait de ses énonciations que les critères permettant d'acquérir, par prescription acquisitive, une servitude d'écoulement des seules eaux pluviales étaient remplis et qu'elle n'avait pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations,
- sur la condamnation des syndicats de copropriétaires à réaliser un bassin de rétention des écoulements, la cour d'appel qui a retenu qu'il n'était pas établi que les emplacements
communs de stationnement seraient insuffisants pour permettre cette installation a violé
l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis en qualifiant de communs
lesdits emplacements de stationnement de la résidence [Adresse 14] alors que le règlement de
copropriété de celle-ci désigne sans ambiguïté des lots constitutifs de parties privatives,
- sur les travaux de construction des bassins de rétention préconisés par l'expert dont la réalisation a été mise à la charge des syndicats de copropriétaires pour réduire l'aggravation
du ruissellement nature des eaux, la cour d'appel, en statuant ainsi, n'a pas donné base légale
à sa décision en ne recherchant pas comme il lui avait été demandé si les travaux à effectuer
n'impliquaient pas une intervention sur les parties privatives des copropriétaires, lesquels
n'étaient ni présents ni représentés dans l'instance.
La Cour de cassation a, par ce même arrêt, renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de
Toulouse.
I - Suivant déclaration électronique du 9 octobre 2019, le Syndicat des copropriétaires
de la Résidence [Adresse 14] a saisi la cour d'appel de Toulouse de l'affaire sur renvoi.
II - Suivant déclaration électronique du 20 janvier 2020, le Syndicat des copropriétaires
de la Résidence [Adresse 13] a saisi la cour d'appel de Toulouse de l'affaire sur renvoi.
Suivant ordonnance du 11 mars 2021, la jonction des deux procédures a été prononcée.
PRÉTENTION DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2022, le Syndicat des copropriétaires résidence [Adresse 14], demandeur à la saisine, demande à la cour, au visa des articles 544, 640, 690 du code civil, de :
- recevoir l'appel du concluant comme étant juste sur le fond et régulier en la forme,
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- sommer les intimés à produire l'ensemble des autorisations qu'ils ont pu obtenir pour respecter la loi sur l'eau et pour buser le ruisseau litigieux,
À défaut,
- 'dire et juger' qu'ils ne peuvent pas se prévaloir de leur propre turpitude,
- constater que le jugement intervenu est inapplicable puisqu'il est demandé à la concluante de réaliser des travaux sur un terrain appartenant à des copropriétaires qui ne sont pas parties au procès,
- débouter M. [U] de toute demande tendant à lui faire réaliser des travaux de quelque nature
que ce soit chez un ou plusieurs tiers qui ne sont pas à la procédure,
- débouter M. [U] de toute demande tendant à la condamnation du syndicat concluant à réaliser travaux sur les parties communes de la propriété de la copropriété [Adresse 13] ou sur les parties privatives des copropriétaires de cette copropriété,
- donner acte à la copropriété concluante de ce qu'elle adhère de manière non équivoque aux
fins de non-recevoir soulevées en application des articles 640, 641, 686, 689, 690, 696, 701 du code civil par le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 13], l'évidence des moyens soutenus étant confortée par les constatations de l'expert et les aveux du demandeur initial, M. [U],
- constater, au titre du premier subsidiaire, qu'elle n'a réalisé aucun ouvrage de quelque nature
que ce soit,
- dire et juger irrecevables toutes demandes formulées à son encontre,
Plus subsidiairement,
- constater qu'il ressort des termes précis du rapport d'expertise que le demandeur initial a acquis un plus grand tènement foncier qui présentait une situation d'aménagement antérieure
de plus de 30 ans à son acquisition,
- constater qu'il a ensuite réalisé, sur ce plus grand tènement foncier, un lotissement de quatre
lots,
- constater qu'à l'occasion de la réalisation de ce lotissement, il n'a pas respecté la totalité des
obligations du cahier des charges dudit lotissement, notamment pour ce qui concerne la reconstitution de l'obligation naturelle d'évacuation des eaux des différents bassins versants le dominant,
- constater superfétatoirement qu'en sa qualité de maître d'ouvrage de la construction de sa
maison sur un des lots de son lotissement, M. [U] a complémentairement modifié les lieux,
s'est volontairement abstenu de toute étude hydraulique, et autorisation administrative aggravant ainsi la situation résultant de l'absence de respect des obligations du cahier des charges du lotissement,
- débouter M. [U] de ses demandes en l'état de la prescription acquisitive intervenue au
bénéfice du concluant,
- 'dire et juger' les critères permettant d'acquérir, par prescription acquisitive, une servitude
d'écoulement des seules eaux pluviales étaient remplis,
- 'dire et juger' qu'en l'état de cette prescription, l'action introduite est irrecevable,
- 'dire et juger' qu'ils ne peuvent pas se prévaloir de leur propre turpitude,
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses prétentions en l'état de sa propre turpitude,
- 'dire et juger' que depuis que la buse a été modifiée et sa section augmentée, il n'y a plus eu
de débordement et qu'en conséquence cette modification est satisfactoire,
- constater que la pose de la première buse comme la modification de celle-ci et la destruction
de la construction qui gênait l'écoulement des eaux n'a pas été réalisée par la concluante et que seul l'auteur de ces travaux est responsable des dommages intervenu,
- constater que l'expert [L] conclut lui-même à l'obligation pour M. [U] de respecter
enfin les obligations réglementaires qui étaient les siennes, pour reconstituer la situation existant en juillet 2002, dont il est acquis que, malgré l'absence d'entretien du fossé naturel encombré d'arbres, la configuration naturelle des lieux permettait l'évacuation des eaux de pluie des bassins versants amont,
- 'dire et juger' irrecevable la demande introduite par M. [U] de ce chef,L
'Si mieux n'aime la cour', l'en débouter ;
- constater que l'incident ponctuel dû à un branchement par un copropriétaire de la copropriété
[Adresse 14] sans autorisation de celle-ci, d'un point d'évacuation d'eaux usées sur le réseau
pluvial a été, pour éviter toute difficulté, réparé par la copropriété qui n'en avait pas l'obligation,
l'expert lui donnant acte de la disparition de cette anomalie qui n'avait causé aucun dommage,
- constater plus superfétatoirement encore que l'éventuel retard non justifié dans la construction
de l'immeuble [U] n'est dû qu'aux conditions de la réalisation de celui-ci, sur un lotissement
dont l'auteur, maître d'ouvrage de ladite villa, n'a pas respecté le cahier des charges, cependant
qu'il n'a fait réaliser aucune étude hydraulique obligatoire préalable à la réalisation de son
immeuble,
- débouter M. [U] de ce chef,
- constater que le demandeur initial n'hésite pas à présenter à l'expert une demande
d'indemnisation relative au remboursement des travaux qu'il a réalisés pour respecter
partiellement ses obligations de lotisseur,
- le débouter de ce chef,
- débouter d'une manière générale plus amplement M. [U] de toutes demandes, fins et conclusions, y compris les demandes nouvelles formulées devant la cour de céans,
- le condamner à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'art 700 code de
procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance, de la cour d'appel de Montpellier et
de la présente instance.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er février 2022, le Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 13], autre demandeur à la saisine,
demande à la cour, au visa des articles 640, 641, 686, 689, 690, 696 et 701 du code civil, et de l'article 14 du code de procédure civile, de :
- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- constatant, la création en 1974 d'une servitude d'écoulement apparente et continue et l'acquisition par prescription trentenaire de ladite servitude d'écoulement apparente et continue,
- 'dire et juger' que la servitude naturelle d'écoulement est éteinte ce qui résulte d'un ouvrage
apparent construit depuis plus trente ans,
- 'dire et juger' que la servitude continue et apparente d'écoulement a été acquise par
prescription trentenaire,
- 'dire et juger' irrecevable l'action de M. [U] fondée sur l'aggravation d'une servitude naturelle d'écoulement,
- débouter M. [U] de sa demande de condamnation à son encontre d'avoir à indemniser son
préjudice et d'avoir à réaliser un bassin de rétention pour réparer l'aggravation de la servitude
d'écoulement naturel,
- constatant que la demande de réalisation du bassin de rétention des eaux pluviales doit se
réaliser sur le parking de la résidence [Adresse 13],
- constatant que le parking de la résidence [Adresse 13] est constitué de 50 places de parking
privatives,
- constatant que les propriétaires des places de parking de la résidence [Adresse 13] n'ont pas
été attrait en la cause par M. [U],
- 'dire et juger' irrecevable la demande de M. [U] de réalisation du bassin de rétention
impactant des propriétaires privés non mis en cause,
- débouter M. [U] de sa demande de condamnation de la résidence [Adresse 13] d'avoir à
réaliser un bassin de rétention des eaux de pluies sur le parking de la résidence [Adresse 13],
En tout état de cause,
- condamner M. [U] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code
de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 janvier 2022, M. [X] [U], défendeur à la saisine, demande à la cour, au visa des articles 640, 641, 1351 et 1382 du code civil et 515, 696 du code de procédure civile, de :
- déclarer 'irrecevable et en tous les cas infondé' l'appel interjeté par la copropriété [Adresse 13]
et la copropriété [Adresse 14],
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a minimisé le quantum du préjudice de jouissance et préjudice moral qu'il a revendiqué et subsidiairement,
en ce qu'il donne le choix aux copropriétés de la technique de travaux a réalisé,
'Tenant l'appel incident sur ces points et statuant à nouveau',
- ordonner au syndicat des copropriétaires résidence [Adresse 14] et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 13] d'effectuer un bassin de rétention sous les extérieurs
de la copropriété [Adresse 13] selon système alvéolaire préconisé par l'expert judiciaire,
- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires résidence [Adresse 14] et le syndicat des
copropriétaires de la résidence [Adresse 13] à lui payer :
* la somme complémentaire de 50 euros omise par le jugement dont appel concernant le préjudice subi du fait du retard dans les travaux de construction de la villa,
* au titre du préjudice subi du fait des inondations, écoulement d'eaux usées et aggravation des eaux sur le terrain, les sommes suivantes :
- la somme de 12 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance subi de janvier 2004 à février 2006, date de réalisation des travaux provisoires, du fait de l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales et de l'écoulement d'eaux usées et nauséabondes,
- la somme de 9 200 euros de mars 2006 à décembre 2009, date de cessation du déversement des eaux usées nauséabondes,
- la somme de 6.600 euros de janvier 2009 à janvier 2020 au titre du déversement aggravé des eaux pluviales diminués par les travaux conservatoires (50 euros/mois),
- la somme de 50 euros par mois de février 2020 jusqu'à la réalisation effective des travaux de bassin de rétention,
* au titre du préjudice subi du fait de l'inesthétique du cuveau installé et perte de jouissance de 20 m² de terrain du fait de l'implantation du cuveau la somme de 30 euros par mois à compter de mars 2006 (date de réalisation du cuveau) jusqu'à la réalisation des travaux par les copropriétés susvisées permettant de retirer les ouvrages conservatoires implantés sur sa propriété,
- 'dire et juger' que l'ensemble des condamnations devra être actualisé au jour du paiement sur l'évolution du BT01 à compter de février 2006,
En tout état de cause,
- condamner solidairement en outre le syndicat des copropriétaires résidence [Adresse 14] et le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 13] à lui régler une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles complémentaires exposés ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,
- débouter purement et simplement les appelants de l'intégralité de leurs demandes et
prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1 er février 2022. À l'audience du 14 février 2022, la clôture a été reportée à la date des plaidoiries à la demande des parties.
MOTIVATION :
1. Le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 12 mars 2007 a définitivement jugé que l'action engagée par M. [U] sur le fondement des articles 544 et 1382 du code civil n'était pas prescrite.
Le tribunal de grande instance de Montpellier a justement considéré dans son jugement
du 18 mars 2014 qu'il avait déjà statué sur la recevabilité de l'action de M. [U] mais non sur
l'acquisition par la copropriété [Adresse 13] par usage trentenaire d'une servitude d'écoulement
par canalisation des eaux de pluie qui remplacerait la servitude légale d'écoulement naturel des eaux prévue à l'article 640 du code civil.
2. Selon l'article 690 du code civil, les servitudes continues et apparentes s'acquièrent
par titre, ou par la possession de trente ans.
3. Il est constant que la résidence [Adresse 13] a été construite en 1974 sur la parcelle cadastrée n° MY [Cadastre 11] contiguë à celle n° MY [Cadastre 8] sur laquelle a été édifiée la résidence [Adresse 14] et à celle acquise par M. [U] à M. [Z] en 2002 non bâtie et finalement
cadastrée n° MY [Cadastre 3] puis ultérieurement divisée en trois parcelles dont une MY [Cadastre 10] sera à son
tour divisée en quatre parcelles dont celle dont M. [U] est resté propriétaire, cadastrée n° MY [Cadastre 9] et sur laquelle il a fait édifier en 2004 sa maison à usage d'habitation.
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire rendu dans la présente procédure opposant M. [U] aux deux syndicats de copropriétaires qu'un plan, établi en 1965, par M. [G], géomètre à la demande de M. [Z], faisait apparaître un 'fossé (en limite [Adresse 13]) d'un mètre de largeur environ et d'une profondeur au moins égale à cette valeur' présentant 'une pente moyenne de 5 %, mais déjà avec des contre-pentes'. Il est fait état d'un rapport d'expertise privée rédigé en 2002 décrivant 'un fossé peu entretenu et végétalisé, avec une capacité de transit comprise entre 0.45 et 0;80 m3/s' (p. 3 de la note de synthèse du 15 octobre 2009).
Le rapport établi par un expert privé, en mai 2011 et se prononçant sur l'organisation ancienne des écoulements, souligne à la lumière du plan [G] l'existence d'un fossé à ciel ouvert qui borde le terrain de M. [U] sur 70 m. Ce même document non contesté précise que ce plan mentionne 'deux autres fossés débouchant en rive droite dudit fossé et qui recevront ultérieurement les eaux du lotissement du [Adresse 12] et de [Adresse 14]'.
L'expert judiciaire a déduit de ses diverses constatations qu'une partie des eaux pluviales ruisselant vers le fonds de M. [U] provient du fonds de la résidence [Adresse 13] et une autre partie provient de celui de la résidence [Adresse 14] 'essentiellement via un réseau branché sur la conduite principale du [Adresse 13], exutoire des eaux pluviales de la résidence [Adresse 13] à partir de l'avaloir situé en partie nord ouest de la résidence [Adresse 14]' (p. 8 note de synthèse précitée).
Il est constant que l'ouvrage aménageant en 1974 l'écoulement naturel des eaux
pluviales sur le fonds de la résidence [Adresse 13] consiste en un avaloir dans le trottoir au point
bas du parking, sur la voie principale basse et, au centre, par la présence d'une grille
correspondant à un regard sur la conduite souterraine exclusivement conçue pour l'évacuation
des eaux pluviales.
Le déversement accidentel d'eaux usées à la suite d'un fait imputable à un copropriétaire de la résidence [Adresse 14] qui a, sans autorisation, branché à partir de son local privatif une évacuation de ses propres eaux usées, ne saurait dans ces circonstances bien précises, conférer à la servitude un caractère discontinu. Cet évènement révélé à l'occasion de l'expertise a donné lieu à une intervention du syndicat de la résidence concernée pour y mettre fin et ne peut avoir d'autre conséquence qu'une éventuelle indemnisation du préjudice subi dans le cadre d'un trouble anormal du voisinage.
Il ressort de ces constatations que, dès 1965, les propriétaires des fonds dominants disposaient d'une évacuation naturelles les eaux pluviales de ces parcelles constructibles
canalisées par un fossé préexistant à l'édification des immeubles et ultérieurement aménagé, notamment en limite de la parcelle MY [Cadastre 9] appartenant à M. [U] et postérieurement à l'acquisition par ce dernier de ce fonds.
Il s'en suit que l'existence de ce fossé, nettement visible, est bien établie de façon continue à tout le moins depuis 1965 jusqu'en 2003 soit à la date d'acquisition des fonds servants par M. [U] qui, à l'origine du lotissement sur le fonds initialement acquis, ne pouvait l'ignorer pas plus qu'il ne pouvait méconnaître sa finalité d'exutoire du bassin versant recevant les eaux pluviales provenant des copropriétés situées sur les fonds dominants dont la configuration ne pouvait laisser d'ambiguïté sur l'existence d'une servitude apparente d'écoulement des eaux.
4. Certes, la résidence [Adresse 13] a donné son accord en 1985 pour un raccordement
des eaux pluviales de la résidence [Adresse 14] voisine et l'imperméabilisation liées à la construction de deux résidences ainsi que la réunion en un point unique des apports d'eaux
pluviales de ces deux fonds étaient susceptibles de modifier la charge d'évacuation de ces eaux.
Ces modifications ne peuvent toutefois constituer une aggravation de la servitude que
si le volume déversé excède la capacité d'évacuation du fossé présent depuis au moins 1965.
L'expert judiciaire a indiqué à cet égard, par une analyse doit être retenue, que la 'capacité d'évacuation du fossé situé à l'aval des propriétés [U] et [W] (parcelle [Cadastre 2]) a été estimée entre 0.45 et 0.80 m3/s par M. [F] dans son rapport de 2006, sur la base de données relatives à l'année 2002. Cela permet une évacuation sans problème du débit décennal (estimé à 0,48 m3/s par le cabinet Cereg)'. Il est ajouté : 'Entre 2002 et 2003, le fossé naturel, même peu entretenu (encombrement par des arbres), a été modifié de façon significative, mais en juillet 2002, le fossé avait une capacité d'évacuation notable'.
L'expert a en effet relevé, sur la foi du rapport du bureau d'étude SIEE, établi en 2003
l'existence d'un fossé, alors en partie busé de diamètres différents en limite de la parcelle supportant l'immeuble [Adresse 13], et a noté que les désordres dont s'est plaint M. [U] sont postérieurs aux travaux de busage et aux raccordements des propriétés issues des divisions
intervenues, soit à une date où les fonds dominants pouvaient bénéficier de la servitude
d'écoulement des eaux par prescription acquisitive, les résidences [Adresse 13] et [Adresse 14] justifiant d'une possession paisible au sens de l'article 2261 du code civil.
5. Il convient donc d'infirmer le jugement de première instance qui a jugé le contraire.
En conséquence, M. [U] n'est pas fondé à exiger des deux syndicats de copropriétaires [Adresse 13] et [Adresse 14] l'indemnisation des dommages survenus postérieurement à l'acquisition de son fonds ni le remboursement du coût des ouvrages d'évacuation des eaux pluviales qu'il a fait réaliser dès lors que ces dommages sont apparus à la suite de travaux de busage qu'il avait réalisés en 2003, à l'aménagement de la voirie et au raccordement de plusieurs propriétés à ce busage de dimension et de conception manifestement insuffisantes pour faire face à la fois à une servitude d'écoulement des eaux et aux autres sujetions nées postérieurement.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné les syndicats précités
à réaliser des travaux de bassin de rétention d'eau sur leur fonds et à payer des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis liés à l'écoulement des eaux pluviales. M. [U] sera donc débouté de toutes ses demandes formées à ce titre.
6. M. [U] a sollicité la condamnation des syndicats au paiement de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance du fait de l'écoulement d'eaux usées et nauséabondes, demande se rapportant à la notion de trouble anormal de voisinage également visée dans son action introduite en 2005 en invoquant les dispositions des articles 544 et 1382 du code civil étant précisé qu'il n'est pas contesté qu'il a été déversé jusqu'en 2009 des eaux usées et ménagères sur sa propriété.
Il est indubitable que de telles eaux sont bien passées par les fonds des deux syndicats
de telle sorte que la responsabilité encourue, étant de plein droit indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du
trouble.
M. [U] est donc bien fondé a solliciter cette réparation sur la période qu'il vise soit de
janvier 2004 à décembre 2009 qu'il convient de calculer sur une quote part de valeur locative
devant être arrêtée à 50 euros x 71 mois soit 3 550 euros, somme que les deux syndicats seront tenus in solidum de lui régler à ce titre.
7. Compte tenu de l'économie du litige, M. [X] [U] en tant que partie principalement
perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu des dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel cassée comme le prévoit l'article 639 du code de procédure civile.
Les frais de l'expertise judiciaire ordonnée en première instance entre dans les dépens
conformément aux prévisions de l'article 695 du code de procédure civile sans qu'il soit
nécessaire de le préciser dans le dispositif.
8. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacun des syndicats les frais non
compris dans les dépens qu'ils ont pu exposer à l'occasion de cette procédure. Ils seront déboutés de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [U], tenu aux dépens, n'est pas fondé à réclamer une indemnisation sur le même
fondement.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 18 mars 2014 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que le syndicat de copropriétaires de la résidence [Adresse 14] et le syndicat de copropriétaires de la résidence [Adresse 13] propriétaires des parcelles respectivement cadastrées MY n°[Cadastre 8] et [Cadastre 11] ont acquis une servitude d'écoulement des eaux de ruissellement
provenant de leurs parcelles sur la parcelle MY n°[Cadastre 10] appartenant à M. [X] [U].
Déboute M. [X] [U] de l'ensemble de ses demandes tant en exécution forcée de la réalisation d'un ouvrage sur leur fonds qu'en indemnisation de préjudices au titre de l'écoulement des eaux pluviales.
Condamne in solidum le syndicat de copropriétaires de la résidence [Adresse 14] et le syndicat de copropriétaires de la résidence [Adresse 13] à payer à M. [X] [U] la somme de 3 550 euros en réparation du trouble anormal de voisinage lié à l'écoulement d'eaux usées de janvier 2004 à décembre 2009.
Condamne M. [X] [U] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de la procédure suivie devant la cour d'appel de Montpellier ayant conduit à la décision cassée.
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
N. DIABYM. DEFIX