11/05/2022
ARRÊT N°187
N° RG 17/00499 - N° Portalis DBVI-V-B7B-LNQA
VS - AC
Décision déférée du 06 Décembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE ( 16/01741)
Madame [F]
SCI LE MAGNOLIA
C/
SNC VIDOR
infirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
SCI LE MAGNOLIA Pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS DECKER & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
SNC VIDOR Société en Nom Collectif au capital social de 457.347,05€ immatriculée au RCS de TOULOUSE, agissant poursuites et diligences de sa Gérante en exercice, Madame [E] VIDOR, demeurant domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON et P.BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre
Exposé des faits et procédure :
Suivant bail du 3 décembre 2002 venant en renouvellement d'un bail précédent, la SCI le Magnolia a donné à bail commercial à la société Vidor pour une durée de neuf ans avec effet au 1er octobre 2002, un ensemble immobilier situé [Adresse 1].
Ce bien, d'une surface totale de 369,30 m² et à usage d'officine de pharmacie et d'habitation, est composé au rez-de-chaussée d'une pharmacie avec réserves, buanderie, WC, jardin, au premier étage un appartement avec une terrasse, au deuxième étage deux chambres et un cabinet de toilettes outre la cour privative avec possibilité de stationnement pour deux véhicules.
Par acte d'huissier du 24 février 2016, la société Vidor a notifié au bailleur une demande de renouvellement du bail avec effet au 1er avril 2016 en demandant la fixation du nouveau loyer annuel à la valeur locative qu'elle proposait de fixer à 35.800 € hors-taxes (soit une diminution par rapport au loyer actuel qui s'établit à 41.745,50€).
Après avoir notifié son mémoire préalable, la SCI le Magnolia a assigné la société Vidor devant le juge des loyers commerciaux.
Par jugement du 6 décembre 2016, le juge des loyers commerciaux, après avoir constaté que le principe du déplafonnement était acquis compte tenu d'une durée du bail de plus de 12 ans, a :
rejeté l'ensemble des demandes formées par la SCI le Magnolia
fixé le loyer annuel du local commercial à la somme de 35.800 € hors taxes et hors charges par an à compter du 1er avril 2016 soit 23.341,50 € pour les locaux à usage de commerce et 11.288,40 € pour les locaux à usage d'habitation et 1.200 € pour les parkings
condamné la SCI le Magnolia à payer à la société Vidor la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
condamné la SCI le Magnolia aux dépens de l'instance
ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 31 janvier 2017, la SCI le Magnolia a relevé appel du jugement. L'appel est total.
Le 29 mars 2017, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation, puis a désigné un médiateur par ordonnance du 24 avril 2017, avant de mettre fin à sa mission à défaut d'accord par ordonnance du 9 novembre 2017.
Par arrêt en date du 5 décembre 2018, la deuxième chambre de la cour d'appel de Toulouse a :
réformé partiellement le jugement du juge des loyers commerciaux du 9 décembre 2016 en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise,
avant dire droit sur le prix du bail renouvelé, ordonné une expertise et commis pour y procéder Mme [R] ou à défaut Mme [U] avec pour mission de :
visiter et décrire les locaux litigieux, décrire leur état général d'entretien et dire à quel usage ils sont utilisés,
prendre connaissance des documents de la cause, recueillir contradictoirement les explications des parties et de tous sachants,
pondérer les surfaces données à bail et s'expliquer sur les méthodes retenues,
recueillir tous éléments sur une modification des facteurs locaux de commercialité et en indiquer toutes incidences sur la commercialité des locaux concernés,
donner son avis sur la demande de déplafonnement du loyer,
donner tous éléments utiles permettant au juge des loyers commerciaux de déterminer la valeur locative des locaux à la date du 1er avril 2016, en se référant aux critères de l'article L145-33 du code de commerce,
indiquer le montant du loyer résultant de la variation indiciaire,
informer les parties de l'état de ses investigations et s'expliquer techniquement sur leurs dires et observations à l'occasion d'une réunion de synthèse tenue avant le dépôt du rapport, ou par le dépôt d'un pré-rapport avant clôture définitive des opérations d'expertise ;
donner tous éléments utiles à la solution du litige,
dit que l'expert commis informera les parties des documents analysés et des constatations opérées et que, après leur avoir donné un délai pour présenter leurs observations éventuelles, il dressera un rapport qui sera déposé au greffe du tribunal de grande instance de Toulouse dans les quatre mois de l'avis qui lui sera donné de commencer ses opérations ;
dit que l'expert devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l'expertise une prorogation de ce délai si celui-ci s'avère insuffisant ;
dit que si les parties viennent à se concilier, l'expert constatera que sa mission est devenue sans objet et qu'il nous en fera rapport ;
dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera 6 pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête;
fixé à 3.000 € la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert qui sera versée par la SCI le Magnolia dans le délai de 2 mois à compter de la présente décision ;
dit que faute pour le bailleur d'effectuer cette consignation dans le délai imparti, la mesure d'expertise sera frappée de caducité, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;
dit que, s'il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l'expert devra, lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ;
dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et recueillera leur avis; il sollicitera ensuite du magistrat chargé du contrôle des expertises le versement d'une consignation complémentaire en annexant l'avis des parties;
commis pour suivre les opérations d'expertise le Président de la deuxième chambre commerciale de la cour d'appel de Toulouse
dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert désigné, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête;
fixé le montant du loyer provisionnel à la somme de 35.800 € hors taxes et hors charges tel que déterminé par le premier juge,
réservé les autres demandes et les dépens en fin d'instance,
renvoyé la procédure en lecture de rapport à l'audience du mois de 12 décembre 2019 pour les conclusions des parties en lecture de rapport.
L'expert a déposé son rapport le 20 mai 2019.
La clôture est intervenue le 10 janvier 2022.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 12 janvier 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société le Magnolia demandant, au visa des articles L145-33 du code de commerce et R145-6 du code de commerce, de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
par conséquent et statuant à nouveau
à titre principal :
dire et juger que la SCI le Magnolia est fondée à solliciter une augmentation du loyer renouvelé ;
fixer le montant du loyer renouvelé à la somme de 44.451 € HT rétroactivement à compter du 1er avril 2016 jusqu'au jugement à intervenir,
condamner la société Vidor au paiement du complément de loyer dû à la suite de la revalorisation du loyer à la somme de 44.451 € depuis le 1er avril 2016 et jusqu'au jugement à intervenir ;
à titre subsidiaire :
fixer le montant du loyer renouvelé à la somme de 42.430 € HT rétroactivement à compter du 1er avril 2016 jusqu'au jugement à intervenir,
condamner la société Vidor au paiement du complément de loyer dû à la suite de la revalorisation du loyer à la somme de 42.430 € depuis le 1er avril 2016 et jusqu'au jugement à intervenir
en tout état de cause : condamner la société Vidor à verser à la SCI le Magnolia la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Mathieu Spinazze, avocat sur son affirmation de droit.
Vu les conclusions notifiées le 30 septembre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Vidor demandant, au visa des articles L145-33 du code de commerce et R145-4 et s. du code de commerce, de
confirmer ledit jugement, en fixant le loyer à la somme de 35.600€ HT,
débouter, par voie de conséquence, la SCI le Magnolia de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire, fixer le loyer à la somme de 37.640,70 € HT,
en tout état de cause
condamner la SCI le Magnolia au paiement d'une somme complémentaire de : 7.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par la concluante en cause d'appel,
la condamner à prendre en charge les entiers dépens tant de première instance que d'appel, en ce compris le coût de l'expertise unilatérale de M. [B], ainsi que les sommes découlant de l'application de l'article A444-32 du code de commerce, dans l'hypothèse d'un recours à l'exécution forcée de la décision à intervenir.
Motifs de la décision :
- sur le déplafonnement du loyer :
Il n'est pas contesté que le principe du déplafonnement est acquis dès lors qu'en application de l'article L145-34 du code de commerce et du fait de la tacite reconduction du bail, le bail prolongé a excédé 12 ans.
Au jour de la demande de renouvellement du bail du 24 février 2016, le bail, souscrit par la SNC Vidor depuis le 3 décembre 2002, avait acquis une durée de plus de 12 ans.
-sur le montant du loyer :
En application de l'article L145-33 du code de commerce pour déterminer le montant du loyer à la valeur locative et au vu des pièces non contradictoires produites par le bailleur qui réclamait un loyer renouvelé de 52.500 euros hors taxes, la cour d'appel a, par arrêt avant dire droit du 5 décembre 2018, ordonné une expertise judiciaire pour pouvoir fixer le montant du loyer renouvelé.
La destination des lieux et l'activité effective du locataire n'étant pas discutée, le rapport de Madame [R] fait l'objet de débats entre les parties sur :
a)- la pondération des surfaces
b)- les facteurs locaux de commercialité
c)- les obligations respectives des parties dont la prise en charge de la taxe foncière comme complément de loyer et la majoration de 5% du loyer sur la partie habitation pour la faculté de sous-location
d)-sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage et les références commerciales retenues par l'expert.
a)sur la pondération des surfaces du local :
L'expert judiciaire a retenu une surface pondérée de 109 m2.
La SNC Vidor demande de ne retenir qu'une surface pondérée de 98,14 m2 en explicitant ses critiques sur 3 pondérations critiquées.
La SCI Le Magnolia se borne à rappeler le métré réalisé lors de la réunion du 19 mars 2019 soit 109, 60 m2 pour le local commercial et 185m2 pour la partie habitable.
La méthode de pondération retenue par l'expert judiciaire est contestée par la SNC Vidor pour le bureau de 4,95 m2 au lieu de 3,96 m2, la réserve chaufferie du rez de chaussée de 9,04 m2 au lieu de 6,70 m2 et les réserves en sous-sol de 19,30 m2 au lieu de 11,58 m2.
Le preneur considère que l'expert judiciaire a retenu les fourchettes hautes de la charte de l'expertise en évaluations immobilières, voire les a dépassées et a donné trop d'importance à la chaufferie pour une officine de pharmacie qui a essentiellement besoin de la réserve ; il ajoute que les WC ne devraient pas être retenus dans la surface utile et que la réserve en sous sol n'est pas très utile dès lors qu'il existe une réserve en rez de chaussée.
Lors des dires à expert, ces critiques avaient été formulées et l'expert judiciaire y a répondu.
A l'examen des arguments de chaque partie et des réponses de l'expert, si la référence à la charte de l'expertise retenue est fondée, en revanche certaines fourchettes de pondérations doivent être mieux appréciées.
Ainsi si l'expert judiciaire a retenu, à bon droit, un coefficient de 0,5 pour le bureau (soit une surface pondérée de 9,04m2) en raison de ses caractéristiques exceptionnelles de double baie coulissante et fenêtre en rez de chaussée et un coefficient de 0,40 pour la réserve et chaufferie en rez de chaussée alors qu'il s'agit d'une réserve d'un intérêt commercial essentiel pour la dite pharmacie sans préjudice de l'existence de la chaufferie qui justifie la non surévaluation de la pondération de 0,4 retenue, en revanche, la pondération pour les toilettes et la réserve en sous-sol ont été surévaluées.
En effet, la charte de référence admise par les parties donne une fourchette de 0,10 à 0,40 pour les annexes diverses en rez de chaussée et de 0,15 à 0,25 pour les annexes diverses reliées en 1er sous-sol.
Il est peu compréhensible de donner un coefficient de 0,4 pour les WC en rez de chaussée qui n'ont guère d'intérêt commercial et il vaut mieux retenir un coefficient de 0,2 soit 0,26 m2 comme le sollicite le preneur.
De même, pour la réserve en sous-sol, dès lors que la destination du bail est uniquement celle d'un pharmacie et ses annexes, le fait d'avoir une réserve en rez de chaussée de 22,60 m2 pondérée à 0,4, il n'est pas utile de pondérer au maximum de la fourchette (soit 0,25) la seconde réserve située en sous-sol.
Le sous-sol est décrit comme aisément accessible par un escalier aux marches en granito, de bonne dimension (77,20 m2) et sain. Un coefficient de 0,15 est en effet suffisant pour déterminer l'utilité de cette surface (réserve en sous-sol) soit 11,58 m2.
En définitive la surface pondérée du local commercial est donc de 101,07 m2 (=47+26,24 + 2+4,95+9,04 +0,26 +11;58) arrondi à 101 m2.
b) sur les facteurs locaux de commercialité :
L'expert judiciaire retient les aménagements et équipements urbains notamment avec l'ouverture de la ligne de métro en juin 2007 pour les stations proches de [Localité 7] et d'[Localité 5] et les modifications du [Adresse 6] sont postérieurs à la période de référence. Par ailleurs, la population a augmenté dans le quartier de 6,5% de 1999 à 2009 et de 1,3% de 2009 à 2014 mais de façon moins nette que l'augmentation moyenne de la ville sur ces périodes (14,60% et 5,9%). Enfin, l'expert note que la commercialité du quartier est plutôt dégradée avec de nombreux locaux vacants, des commerces de proximité dont l'implantation n'est pas récente.
La SNC Vidor considère que l'évolution de ses facteurs de commercialité n'ont guère d'intérêt pour une activité de pharmacie car l'évolution de la clientèle ne doit pas s'apprécier à la proximité des stations de métro par exemple mais davantage à la proximité des cabinets de médecin et elle souligne que durant la période, 11 médecins situés à moins de 100 mètres de la pharmacie ont quitté le quartier. Elle retient davantage la dégradation de la commercialité et l'augmentation très relative de la démographie locale.
La cour retient, à la lecture du rapport d'expertise, que si les facteurs locaux de commercialité ne sont pas le seul critère essentiel de la majoration du loyer, il convient de relever que la population augmente et que le besoin de fourniture en médicaments ne diminue donc pas en dépit du départ de plusieurs médecins dans le quartier. Enfin, l'accès de stations de métro proches du local permet à la population toulousaine plus lointaine de fréquenter des pharmacies plus éloignées de son domicile et favorise donc la chalandise de la pharmacie . Les facteurs retenus par l'expert judiciaire ne sont donc pas inopérants pour apprécier l'évolution stable, voire favorable, des facteurs de commercialité du bail litigieux.
c)- sur les obligations respectives des parties :
l'expert judiciaire a retenu que, selon le bail renouvelé à compter du 1er octobre 2002, la taxe foncière est à la charge du bailleur et que les travaux visés à l'article 606 du code civil sont à la charge du bailleur et que le preneur est autorisé à sous-louer partiellement ses locaux, la partie habitation (jardin et buanderie en rez de chaussée avec hall d'entrée et locaux des 1er et 2nd étages).
En cause d'appel, la SNC Vidor ne critique que la majoration de 10% du loyer en raison de l'impôt foncier et celle de 5% en raison de la faculté de sous-location et non plus l'interprétation du bail sur la prise en charge de travaux de l'article 606 du code civil.
La SNC Vidor rappelle l'abattement de 10% du loyer quand le preneur doit prendre en charge la taxe foncière et insiste sur le fait que, dans l'hypothèse inverse, rien ne justifie une augmentation du loyer. De même, la majoration de 2 à 5% du loyer pour faculté de sous-location ne jouerait que lorsque la faculté de sous-location porte sur la partie commerciale des locaux donnés à bail.
Il a été jugé que sauf disposition expresse, tant les grosses réparations que le paiement de la taxe foncière sont à la charge du bailleur et que les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire, constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
En effet, en application de l'article R145-8 du code de commerce, « du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé. »
Dans le rapport d'expertise amiable de M. [B] retenu par le premier juge, l'expert indiquait également que « les clauses et conditions du bail sont plutôt favorables au preneur (possibilité de sous location de l'appartement, impôt foncier au bailleur) ».
La majoration de 10% du prix du loyer en raison du non-transfert de la taxe foncière (4592 euros en 2018 en l'espèce) proposée par l'expert judiciaire n'est donc pas conforme aux dispositions légales et réglementaires. Il convient d'écarter cette majoration de 10%.
Par ailleurs, la faculté de sous-louer un local d'habitation de 185 m2, en centre ville avec un jardin et un étage, est nécessairement un avantage pour le preneur qui n'en ferait pas son lieu d'habitation ou celui d'un salarié de la pharmacie mais qui n'aurait aucune difficulté à sous louer un tel local.
Une telle faculté valorise nécessairement le bail commercial pour le preneur et la majoration de 5% n'est pas excessive.
Les demandes du preneur concernant la fixation proposée par l'expert judiciaire sont écartées uniquement sur la majoration de 5% pour la faculté de sous-location laissée au preneur.
d)-sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage et les références commerciales retenues par l'expert :
La SNC Vidor considère que le prix moyen retenu par l'expert de 255 euros par m2 est excessif par rapport à celui retenu par le premier expert amiable [B] de 234 euros alors qu'aucune des références du premier n'ont été retenues par l'expert judiciaire qui a préféré des références dans un rayon de 450 à 800 mètres et alors qu'il fallait privilégier des baux correspondant à l'activité de pharmacie comme celle de l'avenue de l'Urss.
La SCI Le Magnolia adhère à l'analyse et aux cinq références de l'expert judiciaire.
Après examen des analyses faites par les parties et des pièces produites, la cour relève que tant le premier expert que l'expert judiciaire ont choisi des références peu comparables avec les caractéristiques du local à l'exception d'une référence commune, la Pharmacie du sud sise 1avenue de l'Urss.
Outre cette dernière référence, l'expert [B] a choisi 4 références qui portent sur des activités commerciales totalement différentes ( restauration rapide, salon de coiffure et boucherie) et pour des surfaces pondérées trop petites (de 22 m2 à 42,50m2).
La seule proche du local est donc la Pharmacie du Sud avec une surface pondérée de 79 m2 et l'impôt foncier à la charge du locataire. Deux des 4 références mentionnent la charge de la taxe foncière au preneur et, pour celles ci, l'expert amiable applique un abattement de 10% du loyer.
De son coté, [Y] [R] a choisi 5 références dont la Pharmacie du sud mais également pour les autres références avec des activités très différentes (bar-restaurant, immobilier auto école, restaurant) et des surfaces petites (32m2 à 68 m2) à l'exception du bar restaurant de 149 m2 en surface développée et pour un prix élevée de 294, 97 euros le m2 et non compris la taxe foncière.
Pour 4 des 5 références, la charge de la taxe foncière est au preneur et elle ne pratique pas d'abattement de 10% sur les loyers lorsque le preneur a la charge de l'impôt.
Après examen des références citées, la cour retient la seule référence de la Pharmacie du sud, proche du local avec une surface pondérée plus proche du local litigieux, soit 81 m2 pour madame [R] et de 79m2 pour M. [B], la première retenant le loyer annuel sans abattement car la taxe foncière est à la charge du locataire et le second pratiquant un abattement de 10% en raison de la charge du loyer laissé au preneur.
La cour retient donc le prix du loyer de la Pharmacie du sud, après abattement de 10% du loyer puisque ce preneur a la charge de la taxe foncière, contrairement à la SNC Vidor, soit un prix du loyer de 20739,96 euros après abattement de 10% de 18.665,95 euros /an HTHC ( = 20739,96 x 0,90) et le prix du loyer au m2 pondéré est de 230,44 euros (= 18.665,95 /81m2)
En définitive, le loyer partie commerciale renouvelé de la SNC Vidor sera de 230,44 euros x 101 m2 = 23.274,84 euros par an HC/HT.
Le loyer de 11 655 euros de l'appartement retenu par l'expert judiciaire ainsi que le loyer de 960 euros /an HT/HC des places de stationnement ne sont pas contestés par les parties.
La valeur locative totale retenue avec la majoration de 5% pour la sous-location du logement avec jardin est donc de :
23.274,84 + 11.655 + 960 = 35.889,84 majorée de 5%
soit 37.684, 33 euros (= 35.889,84 + 1794,49 )
Le jugement sera par conséquent infirmé et le loyer du bail renouvelé sera fixé à 37.684,33 euros HT/HC annuel.
- Sur les demandes accessoires :
Eu égard à l'issue du litige, les parties partageront par moitié les dépens de première instance et d'appel en ce compris les seuls frais d'expertise judiciaire.
Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu l'arrêt avant dire droit de la cour d'appel du 5 décembre 2018,
-infirme le jugement, sauf sur le principe du déplafonnement du loyer,
et statuant à nouveau,
-dit que la surface pondérée du local commercial doit être fixée à 101m2
- dit que doit être retenue uniquement la majoration de 5% du loyer pour faculté de sous-location du local d'habitation
-déboute la SCI Le Magnolia de sa demande de majoration de 10% pour défaut de transfert de la taxe foncière au preneur
- fixe le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er avril 2016 à 37.684, 33 euros HT/HC
-condamne les parties à prendre en charge chacune la moitié des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,
.