11/05/2022
ARRÊT N° 351/2022
N° RG 21/01220 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBHP
OS/IA
Décision déférée du 18 Décembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de TOULOUSE - 20/01224
G.GRAFFEO
[A] [K]
C/
S.A. ICF ATLANTIQUE
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU ONZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [A] [K]
2, chemin de Pelleport - Porte 411
31500 TOULOUSE
Représentée par Me Claude YEPONDE, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.002720 du 15/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉE
S.A. ICF ATLANTIQUE
16 rue Henri Barbusse
37700 SAINT PIERRE DES CORPS
Représentée par Me Isabelle ASSOULINE-SEROR, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant E.VET et O.STIENNE, conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
O. STIENNE, conseiller
E.VET, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
FAITS ET PROCEDURE
La SA ICF Atlantique a donné à bail à Mme [A] [K], par contrat du 13 février 2019 un appartement situé 2 chemin du Pelleport à Toulouse (31500) pour un loyer mensuel de 272,31 € outre une provision pour charges d'un montant de 134,66 €.
La SA ICF Atlantique, se plaignant d'agissements de la locataire, après une tentative de médiation, a fait assigner par acte du 4 juin 2020 Mme [A] [K] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de Toulouse pour obtenir la résiliation du bail.
Par jugement contradictoire du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
-prononcé la résiliation du bail conclu le 13 février 2019 entre Mme [A] [K] et la SA ICF Atlantique concernant un appartement à usage d'habitation situé 2 chemin du Pelleport à Toulouse (31500),
-ordonné en conséquence à Mme [K] de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement,
-dit qu'à défaut pour Mme [K] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SA ICF Atlantique pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion, ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
-condamné Mme [A] [K] à verser à la SA ICF Atlantique une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui des loyers et charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 19 décembre 2020 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés,
-condamné Mme [A] [K] à payer à la SA ICF Atlantique la somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples,
- condamné Mme [A] [K] aux dépens,
- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
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Par déclaration du 15 mars 2021 Mme [A] [K] a interjeté appel de ce jugement en chacune de ses dispositions.
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Par dernières conclusions du 12 octobre 2021 Mme [A] [K] demande à la cour l'infirmation du jugement du 18 décembre 2020 et statuant à nouveau de :
- débouter la SA ICF Atlantique de toutes ses demandes,
-condamner la SA ICF Atlantique à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700, 2° du code de procédure civile et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Mme [K] fait valoir essentiellement que :
- le père de ses enfants, contrairement aux dires de la partie adverse, ne vit pas chez elle ; il est venu régulièrement l'aider ce qui lui a permis de garder le contact avec les enfants et de pouvoir attester des faits,
-elle a été prise en grippe dès son arrivée par la voisine du dessus Mme [D],
-M. [G] s'en est également pris de façon régulière à elle allant jusqu'à proférer à son encontre des propos racistes,
-dès le 4 avril 2019, le gardien de l'immeuble, accompagné de trois occupants ralliés à la cause de Mme [D], l'ont rencontrée lors d'une prétendue réunion de médiation, lui adressant de multiples reproches,
-plusieurs personnes attestent des agissements de Mme [D] et ses complices,
-leurs accusations sont mensongères et peu crédibles,
-elle et son enfant ont été hébergés du 27 avril 2018 au 19 février 2019 au sein du gite social de [I] ; ils ont eu une conduite exemplaire comme en attestent plusieurs personnes,
-M.[M] et Mme [C], voisins de palier de Mme [K] déclarent qu'ils ne posent aucun problème au voisinage
-la volonté de nuire des locataires plaignants est confirmée par la production devant la cour d'une attestation mensongère l'accusant de vacarme le samedi 26 juin 2021 alors qu'elle était avec ses enfants hors de Toulouse,
-aucune autorité administrative (police, service communal ou services sociaux) n'a été appelée aux fins de constater les faits.
*
Par dernières conclusions du 9 septembre 2021, la SA ICF Atlantique sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande la condamnation de Mme [K] à lui payer une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que :
- le 4 avril 2019, le gardien de l'immeuble a organisé une médiation pour apaiser la situation et trouver une solution amiable à la résolution du litige, en vain,
-l'Association l'Amandier est intervenue à plusieurs reprises auprès de Mme [K] qui reconnaît parler fort et avoir des difficultés avec ses enfants mais nie toute difficulté avec son compagnon,
-malgré la médiation, Mme [K] a persisté dans son attitude,
-les attestations révèlent le comportement inadmissible de celle-ci : menaces (avec dépôt de plainte), cris et hurlement d'un enfant jusqu'à minuit et demi, insolence, insultes ; le couple parle fort, écoute de la musique de manière déraisonnable,
-depuis le jugement, Mme [K] continue à crier, écouter de la musique dont le volume dépasse l'entendement, nargue ses voisins,
-un certain nombre d' attestations produites par Mme [K] émanent de personnes totalement étrangères à la résidence,
-les nuisances constituent par leur nombre, leur ancienneté et leur gravité des manquements graves et répétés excédants les inconvénients normaux de voisinage de nature à fonder un motif grave et sérieux de résiliation du bail aux torts exclusifs des locataires.
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L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2021.
La cour pour un plus ample exposé des faits ,des demandes et moyens des parties fait expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
MOTIFS
Sur la résiliation du bail
L'article 7 b de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire doit user paisiblement des locaux loués suivant leur destination qui leur a été donnée par le contrat de location.
L'article 6.3 du contrat d'habitation rappelle que le locataire s'oblige à jouir paisiblement des lieux donnés en location de jour comme de nuit ; à défaut, le bailleur pourra mettre en oeuvre la clause résolutoire.
Il convient au préalable de préciser que le gardien d'immeuble a organisé une réunion de médiation le 4 avril 2019 où les voisins plaignants au nombre de trois et Mme [K] se sont exprimés, où des solutions ont été envisagées aux fins d'améliorer la situation, en vain.
Il appartient au bailleur de rapporter la preuve des faits reprochés au locataire, constituant un comportement fautif justifiant la résiliation du bail.
La SA ICF Atlantique verse au débat :
- la déclaration de main courante du 8 avril 2019 de Mme [N] [D] décrivant les problèmes de tapage diurne et nocturne émanant de sa voisine du dessous, mère de famille enceinte, avec un enfant de deux ans lequel ne dort que lorsque sa mère allait au lit ; Mme [D] dénonçait également le fait que devant le gardien et les voisins, elle s'était adressée à elle violemment dans ces termes ' je suis enceinte de 7 mois, si j'accouche avant ou complication, vous en serez personnellement responsable et je me vengererai sur vous '.
- une attestation de Mme [D] du même jour reprenant les faits dénoncés dans la main courante, précisant que le vacarme est incessant tous les soirs jusqu'à minuit (l'heure du coucher de Mme [K]), avec musique à fond ; que lui ayant demandé vers 23H de faire moins de bruit, elle lui avait répondu qu'elle faisait ce qu'elle voulait.
-une attestation de Mme [W] du 7 avril 2019, habitant au 4ième étage, déclarant entendre distinctement depuis son balcon les conversations téléphoniques de Mme [K] et surtout la puissance de la musique ; elle atteste des menaces proférées par cette dernière à l'encontre de Mme [D],
-une attestation de M. [G] du 7 avril 2019 déclarant que Mme [K] et son fils de deux ans habitent l'appartement situé sur le même palier que le sien et qu'il a souffert à plusieurs reprises de leurs nuisances sonores, et ce à des heures avancées de la nuit ; il a dû se résoudre à mettre des boules Quies ;
il demande à pouvoir dormir normalement la nuit ; une autre attestation du 9 juin 2019 de M. [G] décrivant une nouvelle scène de vacarme et ce alors qu'il avait des boules Quies,
-une attestation de M. [E] du 20 mai 2019 dénonçant les nuisances sonores de Mme [K] ; il précise que le 15 mai 2019, il s'est rendu chez elle afin qu'elle se calme ; celle- ci lui a répondu ' je suis énervée, je suis chez moi, je fais ce que je veux ' ; le témoin déclare qu'il est locataire dans cet appartement depuis 1981 et qu'il n'y a jamais eu autant de nuisances et d'insolence émanant d'un locataire,
-un courrier de Mme [D] du 11 juin 2019 adressé au bailleur rappelant son précédent envoi du 15 avril 2019 et les faits lesquels n'ont pas cessé et s'aggravent ; elle déclare être obligée de quitter régulièrement son domicile pour se faire héberger et pouvoir dormir et récupérer,
- des attestations du 22 décembre 2019 émanant de Mme [B] et de Mme [W] décrivant une nouvelle scène sur le balcon de Mme [K] à 6H du matin jusqu'à 7H, celle-ci tenant notamment des propos incohérents,
- un mail adressé le 24 décembre 2019 par une coordinatrice de l'Amandier à M. [U] relevant que le 'torchon brûle à nouveau ', décrivant notamment les difficultés entre voisins, aucune médiation n'étant possible,
- une nouvelle déclaration de main courante du 19 février 2020 de Mme [D] exliquant avoir des problèmes avec le compagnon de Mme [K] depuis l'été dernier ; à plusieurs reprises, il est venu frapper à sa porte, notamment le 8 février 2020 alors qu'elle lui avait demandé de baisser le son de sa télévision (il se trouvait sur le balcon en écoutant la musique à la radio) ; le 18 février 2020, il l'a interpellée depuis le parking, en lui demandant de descendre afin de s'expliquer, ce qu'elle a refusé ; il lui a répondu ' je vais te faire ton affaire '; Mme [D] souligne qu'il l lui fait peur,
-plusieurs attestations des voisins (Mme [B] ,Mme [D], Mme [W], M. [G] ) émises en janvier 2020, en mars 2020 mais également en novembre 2020 et juin 2021, révèlant que les nuisances se poursuivent, décrivant des faits très précis et dénonçant également les nuisances de la famille de Mme [K], y compris de son compagnon,
-de nouvelles attestations des voisins émises en juin 2021 se plaignant de la poursuite des faits par Mme [K] et ses enfants.
Aux fins de contester les dites attestations, Mme [K] produit au débat des attestations émanant essentiellement de membres de sa famille ou de son entourage ne vivant pas à son domicile, notamment lors des soirées. Or, les voisins se plaignent de nuisances sonores diurnes mais également nocturnes.
Il ressort des pièces du dossier et malgré la médiation organisée par le gardien lequel a tenté de trouver des solutions permettant d'apaiser les conflits, que Mme [K] se montre véhémente et même menaçante, refusant d'entendre les plaintes de ses voisins.
Le témoignage de M. [V] du 7 juin 2020, père des enfants de Mme [K], lequel est dénoncé par les voisins comme étant également auteur des nuisances et menaces ne peut être retenu comme probant.
Quant au dernier témoignage de la grand mère paternelle attestant que Mme [K] et les enfants étaient chez elle le week end du 26 juin 2021 dans le Tarn, ainsi que celui d'une de ses amies déclarant avoir fait la connaissance de ces derniers ce samedi, s'ils permettent de combattre la réalité des nuisances dénoncées ce jour là , ils ne peuvent au vu de la multiplicité des faits ci avant analysés démontrer l'existence d'un complot fomenté à son égard.
Les écrits de personnes ayant connu Mme [K] lorsqu'elle résidait au gîte social [I] déclarant qu'elle était respectueuse du règlement et n'avait été à l'origine d'aucun incident ne peuvent venir contredire les faits dénoncés à son encontre. Il en est de même du témoignage récent émis le 7 février 2021 de M/Mme [C] [R] /[M] [S], installés dans la résidence depuis 13 janvier 2021 déclarant seulement n'avoir connu aucun dérangement ou perturbation.
Si les membres de sa famille attestent également de propos racistes émis par les voisins, il appartient à Mme [K] et au père des enfants de les dénoncer en déposant plainte, le cas échéant, auprès du Procureur de la République.
Au demeurant, les éléments du dossier démontrent la réalité des faits de nuisances sonores réitérées commis par Mme [K] et ce maintenant depuis plusieurs années malgré plusieurs sommations du bailleur (notamment les 13 juin 2019, 27 janvier 2020, 3 février 2020), troublant incontestablement et anormalement la tranquillité des voisins.
Ces agissement constituent ainsi des manquements graves aux obligations du bail justifiant la résiliation du bail, comme l'a retenu à juste titre le premier juge.
La décision entreprise doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a :
-prononcé la résiliation du bail conclu le 13 février 2019 entre Mme [K] et la SA ICF Atlantique,
-ordonné en conséquence à Mme [K] de libérer les lieux et de restituer les clés dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement,
-dit qu'à défaut pour Mme [K] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SA ICF Atlantique pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion, ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
-condamné Mme [A] [K] à verser à la SA ICF Atlantique une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui des loyers et charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 19 décembre 2020 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés.
Sur les dépens et article 700 du code de procédure civile
Mme [K], succombant devra supporter les dépens de première instance comme d'appel.
L'équité commande, au vu des situations économiques respectives des parties, de laisser à la charge de la SA ICF Atlantique l'intégralité des frais irrépétibles avancés tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a condamné Mme [A] [K] à verser à la SA ICF Atlantique une somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la SA ICF Atlantique de ce chef de demande.
Y ajoutant,
Déboute la SA ICF Atlantique de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en appel.
Condamne Mme [A] [K] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. BUTELC BENEIX-BACHER