16/05/2022
ARRÊT N°
N° RG 19/05536
N° Portalis DBVI-V-B7D-NL3N
J.C G
Décision déférée du 05 Novembre 2019
Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN 19/00174
Mme [E]
SAMCV MACIF
C/
[Y] [L]
[U] [M]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
SOCIETE MACIF
Dont le siège social est GESTION SINISTRE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Madame [Y] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
Monsieur [U] [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Florence SIMEON de la SELARL FSD AVOCAT, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :
M. DEFIX, président
C. ROUGER, conseiller
J.C. GARRIGUES, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : K. BELGACEM
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [L] et M. [M] sont respectivement propriétaires de deux immeubles sis 14 et 16 [Adresse 8] à [Localité 6].
Au cours de l'années 2017, M. [M] assuré auprès de la société Macif au titre d'une police 'assurance sociétaire non occupant' a effectué des travaux dans son immeuble.
Le 1er avril 2018, le mur mitoyen des immeubles s'est partiellement effondré.
Mme [L] et sa famille ont évacué l'immeuble dans lequel ils résident 14 [Adresse 8].
Par ordonnance du 21 juin 2018, le juge des référés auprès du tribunal de grande instance de Montauban a ordonné une mesure d'expertise dont il a confié la réalisation à M. [T] en qualité d'expert.
Le 3 Août 2018, le maire de la commune de [Localité 6] a pris un arrêté de péril imminent concernant les immeubles situés 14, 16 et 18 [Adresse 8].
Par exploit d'huissier en date du 26 février 2019, Mme [L] a fait assigner M. [M] et la société Macif devant le tribunal de grande instance de Montauban en indemnisation des préjudices subis à la suite de l'effondrement des fondations de son habitation.
L'expert a déposé son rapport le 2 août 2019.
Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Montauban a :
- dit que [U] [M] doit sa responsabilité délictuelle à Mme [L] ;
- dit que la compagnie Macif doit sa garantie 'responsabilité civile générale' à son assuré [U] [M] ;
- condamné in solidum [U] [M] et la compagnie Macif à payer à Mme [L] la somme totale de 259 093,46 € HT, soit 235 539,56 € au titre des travaux de reprise et 23 553,90 € HT au titre de la maîtrise d'oeuvre, augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour du paiement, avec indexation selon l'indice BT01 applicable au jour du paiement, intervenant selon les règles professionnelles des avocats, au titre des préjudices matériels ;
- condamné in solidum [U] [M] et la compagnie Macif à payer à Mme [L] la somme totale de 12 199,80 € au titre des préjudices immatériels, soit 9 800 € au titre du préjudice de jouissance outre la mensualité de loyer de 500 € à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la date de prononcé du présent jugement prolongée d'un délai de 12 mois, 2 000 € au titre du préjudice moral et 399,80 € au titre des frais de laverie, déduction à faire de la provision de 800 € déjà perçue ;
- débouté Mme [L] de ses autres demandes ;
- dit que la compagnie Macif peut opposer la franchise contractuelle de 120 € à M. [M] et à Mme [L] ;
- condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif à payer à Mme [L] la somme de 5 000 € en application de l'article 700,1° du code de procédure civile ;
- condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif aux dépens et accordé le droit de recouvrement direct à Me [Z]-Nauges- Gonzales en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit que la compagnie Macif doit relever et garantir M. [M] de l'ensemble des sommes visées par les condamnations ci-dessus, y compris au titre de l'article 700,1° et des dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu sur la base du rapport d'expertise que dès lors que l'action de M.[M] de mise à nu des fondations de son immeuble et de suppression des planchers était identifiée comme étant la cause de l'effondrement partiel du mur mitoyen avec l'habitation de Mme [L], sa responsabilité civile était engagée en application de l'article 1240 du code civil.
Il a jugé que la Macif devait garantir les dommages subis par Mme [L] au titre de la garantie 'responsabilité civile générale' souscrite par M.[M].
A cet effet, il a estimé que les dispositions de l'article 27 des conditions générales de cette police devaient être comprises comme excluant des garanties contractuelles la responsabilité civile de l'assuré qui, en qualité de constructeur, entreprend des travaux de construction présentant un caractère décennal, pour les dommages causés au maître ou à l'acquéreur de cet ouvrage, mais que ces dispositions étaient inapplicables à la responsabilité civile encourue par M. [M] à l'égard de Mme [L], propriétaire d'un immeuble mitoyen.
Le montant des dommages matériels subis par Mme [L] a été fixé à la somme de 259.093,46 € HT, outre la Tva au taux en vigueur au jour du paiement, conformément au chiffrage de l'expert.
Sur les frais de relogement et déménagement et le préjudice de jouissance, le tribunal a estimé que les demandes d'indemnisation du coût financier du relogement et de la privation du lieu de vie visaient à indemniser le même poste de préjudice. Il a alloué à Mme [L] une somme de 700 € par mois correspondant à la valeur locative de l'immeuble, et ce jusqu'à la date de prononcé du jugement prolongée d'un délai de 12 mois pour permettre la réalisation des travaux nécessaires à la remise en état des lieux.
Mme [L] a été déboutée de sa demande formée au titre du coût du déménagement de ses effets personnels, à défaut de justification de ce coût.
Le préjudice moral subi par Mme [L] a été réparé à hauteur de 2000 €.
Au visa de l'article 753 du code de procédure civile, le tribunal n'a pas statué sur la demande de M.[M] relative à l'indemnisation d'une perte de chance chiffrée à hauteur de 208.080 € au titre de travaux de consolidation de la grange dans la mesure où une telle demande ne figurait pas dans le dispositif de ses conclusions.
Par déclaration en date du 23 décembre 2019, la Samcv Macif à relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :
- dit que la Macif doit sa garantie "responsabilité civile générale" à son assuré M. [M] ;
- condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif à payer à Mme [L] la somme totale de 259 093,46 € HT soit 235 539,56 € au titre des travaux de reprise et 23 553,90 € HT au titre de la maîtrise d'oeuvre, augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour du paiement, avec indexation selon l'indice BT01 applicable au jour du paiement, intervenant selon les règles professionnelles des avocats, au titre des préjudices matériels,
- condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif à payer à Mme [L] la somme totale de 12 199,80 € au titre des préjudices immatériels, soit 9.800 € au titre du préjudice de jouissance outre la mensualité de loyer de 500 € à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la date de prononcé du présent jugement prolongé d'un délai de 12 mois, 2 000 € au titre du préjudice moral et 399,80 € au titre des frais de laverie, déduction à faire de la provision de 800 € déjà perçue,
- dit que la compagnie Macif peut opposer la franchise contractuelle de 120 € à M. [M] et à Mme [L],
- condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif à payer à Mme [L] la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif aux dépens,
- dit que la compagnie Macif doit relever et garantir M. [M] de l'ensemble des sommes visées par les condamnations ci-dessus, y compris au titre de l'article 700 et des dépens.
DEMANDES DES PARTIES
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 23 mars 2020, la société Macif, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil de :
- infirmer et réformer dans sa totalité le jugement attaqué et statuer à nouveau,
à titre principal
- dire et juger que sa garantie responsabilité civile générale n'a pas vocation à s'appliquer et n'est pas mobilisable ;
- débouter M. [M] de sa demande tendant à être garanti et relevé indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre tant en principal qu'accessoire au titre de son contrat d'assurance de responsabilité civile générale ;
- juger qu'elle a parfaitement rempli son devoir de conseil à l'égard de M. [M] et le débouter par conséquent de son action sur le fondement de la perte de chances ;
à titre subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour devait déclarer mobilisable la garantie responsabilité civile de la Macif,
- juger qu'elle était en droit d'opposer la franchise contractuelle de 120 € à Mme [L] et M. [M] ;
- débouter Mme [L] de sa demande en réparation de son préjudice moral et des frais de laverie;
- limiter le préjudice lié aux frais de relogement à la somme de 2.400 € ;
- juger que Mme [L] devra justifier de l'avancée des travaux ;
en tout état de cause
- condamner tout succombant à avoir à verser à la Macif une indemnité de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens de l'instance.
La Macif conteste avoir manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard de M.[M]. Elle affirme que si elle avait été informée de ses projets de construction, elle lui aurait conseillé les assurances adéquates. Elle expose que l'article 27 des conditions générales de la police prévoit au titre des exclusions de garantie que ne sont pas garantis ''la responsabilité civile que l'assuré peut encourir lors de travaux de construction, de rénovation ou d'installation des bâtiments, en vertu de la législation sur la construction (articles 1792 et suivants et 2270 du code civil)', qu'il ressort du rapport d'expertise que M.[M] a entrepris seul dans sa maison d'habitation des travaux d'une certaine importance relevant de l'article 1792 du code civil et que de ce fait les dispositions de l'article 27 des conditions générales trouvent à s'appliquer.
Elle conteste également devoir sa garantie assurance sociétaire non occupant à l'égard de Mme [L], que ce soit au titre de la responsabilité civile générale ou au titre du recours des voisins et des tiers. Elle soutient que les dispositions de l'article 27 des conditions génarles trouvent à s'appliquer dans la mesure où M.[M] s'est comporté à la fois en maître de l'ouvrage et en maître d'oeuvre des travaux de rénovation entrepris dans son immeuble et relevant de sa responsabilité décennale.
Sur le montant des travaux de reprise de l'immeuble de Mme [L], la Macif précise qu'elle n'entend pas formuler d'observations particulières et qu'elle s'en rapporte au rapport d'expertise.
Sur les frais de relogement de Mme [L], la Macif fait observer que celle-ci devra justifier de l'avancée des travaux et de la date à laquelle elle a repris possession des lieux. Faute d'information sur ce point, elle demande que le préjudice lié aux frais de relogement soit limité à la somme de 2400 €.
Elle conclut au rejet de la demande formée au titre des frais de laverie au motif que les factures produites sont libellées au nom de M.[W] [X].
Enfin, la Macif conclut au rejet de la demande formée au titre du préjudice moral.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 22 novembre 2021, Mme [L], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum M. [M] et la compagnie Macif au paiement des sommes de :
* 259 093,46 € HT au titre des travaux de reprise et de maîtrise d'oeuvre, somme augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour du paiement, avec indexation selon l'indice BT01 applicable au jour du paiement, intervenant selon les règles professionnelles des avocats, au titre des préjudices matériels,
* 9 800 € au titre du préjudice de jouissance pour la période du 01 avril 2018 au 30 juin 2019
* 399,80 € au titre des frais de laverie,
* 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
- réformer le jugement pour le surplus ;
- condamner in solidum M. [M] et la compagnie Macif au paiement, à son profit, des sommes de :
* 700 € par mois à compter du 01 juillet 2019 jusqu'à complète réalisation des travaux et levée de l'arrêté de péril pris par la commune de [Localité 6] en réparation de son préjudice de jouissance ;
* 5 000 € en réparation des son préjudice moral ;
* 2 100 € au titre des frais de déménagement ;
- donner acte à M. [M] du versement d'une provision de 1 648,70 € à son profit à valoir sur l'indemnisation de son préjudice de jouissance ;
- condamner in solidum M. [M] et la compagnie Macif au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 1°du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Decharme-Morel-Nauges-Gonzales en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [L] recherche la responsabilité de M.[M] sur le fondement de l'article 1240 du code civil, conformément à ce qu'a jugé le tribunal.
Elle soutient que la Macif doit sa garantie au titre de la garantie 'responsabilité civile générale' souscrite par M.[M], et plus précisément au titre de l'article 20 des conditions générales de la police.
Elle considère que l'exclusion de garantie prévue à l'article 27 des conditions générales ne pourrait trouver à s'appliquer que dans l'hypothèse où la responsabilité de M.[M] serait engagée à son égard en vertu des dispositions de l'artuicle 1792 du code civil, ce qui n'est pas le cas dès lors qu'elle est tiers aux travaux entrepris par ce dernier.
Sur le préjudice de jouissance, Mme [L] estime que son indemnisation peut être fixée à hauteur de 700 € par mois ainsi que l'a jugé le tribunal. Elle expose qu'en raison de l'appel interjeté par la Macif, suspendant l'exécution du jugement, elle est dans l'impossibilité d'exécuter les travaux de reprise de son immeuble compte tenu de leur coût et que l'octroi d'une indemnité pour la période de 12 mois à compter du jugement du 4 novembre 2019 est dès lors insuffisante, la réparation de son préjudice devant courir jusqu'à complète réalisation des travaux.
Elle verse aux débats le devis de déménagement de ses meubles de son logement provisoire vers son immeuble une fois les travaux réalisés.
S'agissant du préjudice moral, Mme [L] expose qu'elle a été contrainte de quitter précipitamment son logement avec sa famille pour une pièce de 20 m² en bordure du lac, que son fils de 16 ans a été contraint de se loger ailleurs, qu'elle a fait l'objet d'un suivi en raison de troubles d'anxiété et placée en arrêt maladie.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 14 septembre 2021, M. [U] [M], intimé et appelant incident, demande à la cour de :
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit et jugé que l'appelante devait relever et garantir le concluant de l'intégralité des condamnations mises à sa charge sous réserve de la franchise contractuelle ;
Subsidiairement, en cas de réformation et si la cour jugeait que les dispositions des articles 1792 et suivants ont vocation à s'appliquer au litige, juger que la société Macif a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard du concluant pour manquement à son obligation d'information et de conseil ;
- condamner la Macif au paiement de la somme de 235 539 € HT, soit 259 093 TTC, outre dommages immatériels chiffrés par le tribunal sous réserves des sommes à rembourser au concluant ci-dessous énoncées ;
- et faisant droit à l'appel incident du concluant condamner la même à lui payer les sommes versées par lui au titre du sinistre soit :
* 2400 € versés à Mme [L],
* 2 242.43 € expertise de mise en péril,
* 44 580 € étaiement [Localité 7] constructions,
* 3 000 € facture étude de sols ;
- condamner la Macif à la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M.[M] expose qu'il a acquis un hangar, rue de Pintois, voisin sur un côté de Mme [L] et sur l'autre côté de Mme [P], et qu'il a en même temps souscrit une assurance auprès de la Macif en expliquant qu'il allait faire des travaux dans cet immeuble, de telle sorte qu'on lui a remis une attestation d'assurance pour un immeuble en construction. Il explique dans quelles circonstances le sinistre est survenu. Il estime que les dommages involontaires qu'il a causés par ses travaux engagent sa responsabilité civile et que c'est sur cet unique terrain juridique qu'il peut voir sa responsabilité engagée à l'égard de Mme [L].
Il sollicite la confirmation de l'analyse du premier juge en ce qui concerne la garantie de la Macif.
Afin d'être complet sur le terrain des faits, il indique que l'attestation d'assurance en qualité de propriétaire non occupant portant expressément la mention 'immeuble en construction' comporte les garanties 'incendies, explosion, événements naturels, responsabilité civile', que la Macif était donc parfaitement informée qu'il avait acheté un immeuble dans lequel il allait faire des travaux de construction pour lui-même, et que de cette attestation, il résulte incontestablement que la responsabilité civile fait partie des garanties, s'agissant d'une attestation portant sur ce point une désignation spéciale qui ne peut être contredite ou annulée par une mention des conditions générales. Il ajoute que la confirmation du jugement sur ce point s'impose d'autant plus que la question de la garantie de la Macif a été tranchée par la cour dans une décision du 7 juillet 2021 concernant le même litige avec son autre voisine, Mme [P].
Par ailleurs, M.[M] demande que la Macif soit condamnée à lui rembourser les sommes payées par lui à la suite des condamnations prononcées par le juge des référés, ainsi que les sommes exposées du fait du sinistre :
- 2400 € versées à Mme [L] ;
- 2242,43 € au titre de l'expertise de mise en péril ;
- 44.580 € TTC au titre des travaux d'étaiement du bâtiment de Mme [L] afin qu'il ne s'écroule pas
- 3000 € au titre d'une facture d'étude de sol.
Il précise que la somme de 44.580 € est incluse dans les dommages matériels arbitrés par le tribunal à 150.012,27 € HT et qu'elle devra lui être remboursée dès lors que Mme [L] n'aura pas à les exposer. Il en conclut que la cour devra condamner la Macif à lui payer la somme de 44.580 € et déduire cette somme de la condamnation au paiement des travaux de reprise d'un montant de 150.012,27 € ou bien condamner Mme [L] à lui rembourser cette somme de 44.580 € si l'indemnité qui lui est allouée est confirmée par la Cour.
MOTIFS
Sur la responsabilité de M.[M]
Mme [L] recherche la responsabilité de M.[M] sur le fondement de l'article 1240 du code civil aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il ressort du rapport d'expertise que M.[M] a entrepris seul des travaux de rénovation de son immeuble entre novembre et décembre 2017 par démolition des planchers des deux niveaux, y compris des poutres, sans mise en place d'étais entre les deux murs mitoyens, celui du fonds n° 14 de Mme [L] et celui du fonds n° 18 de Mme [P], puis qu'il a réalisé le 20 mars 2018 une mise à niveau du sol par décaissement au pied du mur mitoyen côté fonds [L] sur une profondeur de 70 cms à un mètre environ sur une longueur de 12 mètres en mettant à nu les fondations d'origine qui ne comprenaient pas de ferraillage.
L'expert a conclu que l'ensemble de ces travaux avait déstabilisé le sol au pied du mur situé du côté du fonds [L], causant l'effondrement partiel du mur avec affaissement des fondations au droit du salon de Mme [L], et fragilisé les fondations du fonds de Mme [P] qui présentait des fissures et lézardes importantes avec apparition d'un tassement au niveau des planchers.
Il a précisé que les eaux provenant du puisard de l'immeuble de Mme [L] , qui n'étaient pas en contact direct avec les fondations, ne constituaient pas l'élément déclenchant et aggravant à l'origine de l'effondrement partiel du mur mitoyen avec l'habitation de Mme [L].
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce que M.[M] a été déclaré entièrement responsable des dommages subis par Mme [L].
Sur la garantie de la Macif
M.[M] avait souscrit auprès de la Macif une assurance 'Sociétaire non occupant - bâtiment en construction - contrat L002" n° 9618865 à effet du 01/02/2016 au 31/03/2019, garantissant sa responsabilité civile générale, ainsi qu'il résulte des conditions particulières du contrat.
Selon l'article 20 des conditions générales, l'assurance responsabilité est définie comme 'garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir à l'égard des tiers en raison des dommages corporels, matériels ou immatériels occasionnés par les bâtiments, par leurs cours, jardins, parking, aires de jeux, piscines et plus généralement par tous leurs autres aménagements ou objets mobiliers mis à la disposition des occupants'.
Le tiers est défini au contrat, pour les personnes physiques, comme 'toute autre personne que l'assuré personne physique, son conjoint ou son concubin, ses préposés dans l'exercice de leurs fonctions relatives à la garde ou l'entretien des biens assurés'.
Pour dénier sa garantie, la Macif se prévaut de l'article 27 des mêmes conditions générales selon lesquelles n'est pas garantie 'la responsabilité civile que l'assuré peut encourir lors de travaux de construction, de rénovation ou d'installation des bâtiments en vertu de la législation sur la construction (articles 1792 et suivants et 2270 du code civil)', estimant que les travaux entrepris par M.[M] en ce qu'ils affectaient le gros-oeuvre (décaissement du sol et réfection de la toiture), relevaient par leur nature de la garantie décennale prévue par les articles 1792 et suivants du code civil.
Mais c'est à bon droit que le premier juge a retenu que, corrélé aux dispositions de l'article 1792 du code civil prévoyant une garantie constructeur de plein droit exclusive de toute autre responsabilité pour indemniser les dommages causés au maître de l'ouvrage ou à l'acquéreur de celui-ci, l'article 27 devait être lu comme excluant de la garantie contractuelle, la garantie de l'assuré qui, en tant que constructeur, entreprend des travaux de construction présentant un caractère décennal 'pour les dommages causés au maître de l'ouvrage ou à ses acquéreurs', de sorte qu'il n'avait nullement à exclure de la garantie les dommages causés par l'assuré, fut-il constructeur et maître de l'ouvrage, aux tiers.
C'est dès lors par une juste appréciation des stipulations contractuelles, tout à fait claires, que le premier juge a dit que la garantie responsabilité civile Macif était mobilisable pour les dommages causés par son assuré aux tiers, ayant par des motifs pertinents que la cour adopte en l'absence d'arguments plus pertinents soulevés devant elle, retenu que l'action engagée par mme [L] contre M.[M] avec lequel elle n'avait aucun lien familial ou de subordination, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, entrait dans les prévisions de l'article 20 de l'assurance responsabilité civile souscrite par M.[M] relative à un immeuble en cours de construction.
La Macif prétend également qu'en application de l'article 22 des conditions générales relatif au 'recours des voisins et des tiers', Mme [L] ne saurait prétendre à aucune indemnisation de ses dommages dès lors que ce recours limité ne peut être exercé en matière de dommages résultant de travaux, mais il n'y a pas lieu de limiter le droit à indemnisation du tiers, même voisin, à ces dispositions restrictives en matière de recours exercé par ce même tiers, dès lors qu'en cette même qualité il peut prétendre à indemnisation de ses dommages au titre de la responsabilité civile générale de l'assuré, les dispositions de l'article 22 étant parfaitement étrangères aux conditions de déclenchement de la garantie responsabilité civile de l'assuré envers les tiers visées à l'article 20.
Ainsi, et sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur les éventuelles contradictions entre les conditions particulières et générales de la police souscrite ou sur son adéquation à la situation signalée par M.[M], la Macif ne peut échapper à sa garantie et doit relever et garantir M.[M] des condamnations prononcées à son encontre, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur l'indemnisation des dommages subis par Mme [L]
Les dommages matériels
L'expert a chiffré le coût des travaux de reprise à la somme de 235.539,56 € HT, en distinguant les travaux de gros-oeuvre fixés à 150.012,27 € comprenant les travaux d'étaiement, de démolition, de terrassement, de maçonnerie, de repose de charpente et couverture et de reprise de couverture, et les travaux de second oeuvre estimés à 85.527,29 € comprenant les travaux de charpente, peinture, chauffage, plomberie, électricité et cuisine.
Compte tenu de la gravité des désordres et de la situation mitoyenne des immeubles, le tribunal a estimé qu'était justifié le recours à une maîtrise d'oeuvre à même de coordonner les travaux et de recourir à un bureau d'études techniques, pour un coût de 10 % du montant des travaux, soit 23.553,95 €.
Il a ainsi été alloué à Mme [L] une somme globale de 259.093,46 € HT, augmentée de la TVA au taux en vigueur au jour du paiement, avec indexation selon l'indice BT01 applicable au jour du paiement.
Cette disposition du jugement, acceptée par les parties, doit être confirmée.
Les dommages immatériels
1) Les frais de relogement, de déménagement et le préjudice de jouissance
Mme [L] a dû évacuer sa maison d'habitation le 1er avril 2018 et exposer à compter du 1er mai 2018 jusqu'au 31 août 2018 un loyer mensuel de 600 € en camping et à compter du mois de septembre 2018, un loyer mensuel de 500 € pour un logement communal.
Le premier juge lui a alloué une indemnité de 700 € par mois fixée sur la base de la valeur locative de son immeuble afin de l'indemniser tout à la fois du coût financier du relogement et de la privation de son lieu de vie. Ce mode d'indemnisation, accepté par Mme [L], doit être confirmé.
La durée de l'indemnisation de ce préjudice, à savoir 9800 € outre une mensualité de 700 € à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la date de prononcé du jugement prolongée d'un délai de 12 mois pour permettre la réalisation des travaux de remise en état des lieux, doit en revanche être modifiée dans la mesure où, le jugement n'ayant pas été assorti de l'exécution provisoire et Mme [L] n'ayant pas la capacité financière de faire l'avance de la somme de 259.000 € HT, avance à laquelle elle ne peut en toute hypothèse être tenue, les travaux de reprise n'ont pas pu débuter sans que cela puisse lui être reproché.
M.[M] et la Macif seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 9800 € , outre une mensualité de 700 € à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la date de prononcé du présent arrêt prolongée d'une durée de 12 mois.
Mme [L] produit un devis de la Sarl Bagatella - Roelants en date du 27 avril 2020 relatif au déménagement de ses effets personnels. Elle justifie donc du préjudice allégué à ce titre.
Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point. M.[M] et la Macif seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 2100 € TTC, telle que demandée.
2) Les frais de laverie
Mme [L] a sollicité l'indemnisation de la somme de 399,80 € au titre des frais de laverie pour la période durant laquelle elle a vécu dans un camping et justifié cette demande par la production de factures au nom de son compagnon.
Ce poste de préjudice subi par la famille de Mme [L] trouve son origine dans l'évacuation de son lieu de vie où elle bénéficiait d'un lave-linge, évacuation imputable à M.[M].
Le jugement qui lui a alloué la somme réclamée doit être confirmé nonobstant l'établissement des factures au nom du compagnon de Mme [L].
3) Le préjudice moral
L'évacuation soudaine de son lieu de vie en raison de l'effondrement partiel d'un mur mitoyen, l'impossibilité de pouvoir louer un logement similaire pendant les travaux de reconstruction et l'anxiété résultant de la situation incertaine de l'immeuble ont causé à Mme [L] un important préjudice moral justifiant l'allocation de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les demandes de M.[M]
M.[M] demande que la Macif soit condamnée à lui rembourser les sommes payées par lui à la suite des condamnations prononcées par le juge des référés, ainsi que les sommes exposées du fait du sinistre :
- 2400 € versées à Mme [L] ;
- 2242,43 € au titre de l'expertise de mise en péril ;
- 44.580 € TTC au titre des travaux d'étaiement du bâtiment de Mme [L] afin qu'il ne s'écroule pas ;
- 3000 € au titre d'une facture d'étude de sol.
Il justifie par la production de ses relevés bancaires avoir réglé la somme de 2400 € à Mme [L]. Suivant attestation en date du 12 juillet 2021, la société [Localité 7] Constructions confirme que deux factures du chantier [M] ont été réglées pour 6867 € le 14/12/2018 et pour 12.753 € le 07/01/2019 et indique que quatre autres factures restent à régler. M.[M] ne justifie pas avoir réglé les autres sommes dont il demande le remboursement par la Macif.
Celle-ci doit être condamnée à M.[M] les sommes de 2400 € , 6867 € et 12.753 € .
M.[M] sera débouté du surplus de sa demande.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
M.[M] et la Macif, parties perdantes, doivent supporter in solidum les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge. La Macif, partie principalement perdante en cause d'appel, doit être condamnée aux dépens d'appel, avec application au profit Maître Decharme-Morel-Nauges-Gonzales, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils se trouvent redevables in solidum d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance.
La société Macif doit être condamnée à payer la somme de 3000 € à Mme [L] et la somme de 3000 € à M.[M] au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés au titre de la procédure d'appel.
Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Montauban en date du 5 novembre 2019, sauf en ses dispositions relatives aux frais de relogement et déménagement, au préjudice de jouissance et au préjudice moral ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne in solidum M.[M] et la société Macif à payer à Mme [L], en réparation des frais de relogement et du préjudice de jouissance, la somme de 9800 € , outre une mensualité de 700 € à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la date de prononcé du présent arrêt prolongée d'une durée de 12 mois ;
Condamne in solidum M.[M] et la société Macif à payer à Mme [L] la somme de 2 100 € au titre des frais de déménagement ;
Condamne in solidum M.[M] et la société Macif à payer à Mme [L] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Condamne la société Macif à payer à M.[M] les sommes de 2 400 € , 6867 € et 12.753 € au titre des sommes dont il a fait l'avance ;
Déboute M.[M] du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Macif aux dépens d'appel ;
Condamne la société Macif à payer à Mme [L] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Macif à payer à M.[M] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Macif de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Accorde à Maître Decharme-Morel-Nauges-Gonzales, avocat qui le demande, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
N. [V]. DEFIX
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