16/05/2022
ARRÊT N°
N° RG 20/00060
N° Portalis DBVI-V-B7E-NMPI
SL / RC
Décision déférée du 05 Novembre 2019
Tribunal de Grande Instance d'ALBI
18/00783
Mme [W]
ASSOCICIATION EHPAD SANTE BIEN-ETRE [7]
C/
[T] [D] [P] [S]
[X] [B] [A] [S]
[O] [Y] [S]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
ASSOCIATION EHPAD SANTE BIEN-ETRE [7]
Prise en son établissement secondaire d'ALBI sis [Adresse 1], exerçant poursuites et diligences par l'intermédiaire de son mandataire légal domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [T] [D] [P] [S]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Bernard BAYLE-BESSON, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [X] [B] [A] [S]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Sans avocat constitué
Monsieur [O] [Y] [S]
Le Duc
[Localité 4]
Sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :
J.C. GARRIGUES, président
A.M. ROBERT, conseiller
S. LECLERCQ, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Par une convention en date du 3 juillet 2013, Mme [P] [S] née [F] a été hébergée par l'Ehpad Santé Bien-Etre [7], au sein de son établissement d'[Localité 6] sis [Adresse 1], jusqu'à son décès survenue le 15 septembre 2015.
Les frais dont Mme [S] était redevable au titre de cet hébergement n'ont pas été acquittés, avec un solde dû de 16 680,76 € au principal pour la période de janvier à septembre 2015.
Après avoir sollicité le paiement de cette somme au principal, augmentée des intérêts, auprès de ses fils, MM. [X] [S], [O] [S] et [T] [S], l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7] a, par actes d'huissier en date des 19 avril 2018, 23 mai 2018 et 1er juin 2018, assigné MM. [T] [S], [O] [S] et [X] [S] devant le tribunal de grande instance d'Albi aux fins de paiement de la somme lui étant due au titre des frais d'hébergement.
Par jugement du 5 novembre 2019, le tribunal de grande instance d'Albi a :
- débouté l'Ehpad Santé Bien-Etre [7] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné l'Ehpad Santé Bien-Etre [7] à supporter les dépens de l'instance,
- rejeté toutes plus amples demandes.
Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que l'état de besoin de Mme [S] au moment de son séjour à l'Ehpad était insuffisamment démontré ; que l'Ehpad était resté sans agir entre l'entrée à la maison de retraite de Mme [S], les premiers impayés non régularisés et le terme de cet arriéré ; qu'en conséquence, il ne rapportait pas de preuve contraire à la présomption simple selon laquelle celui qui ne réclame pas les termes échus de sa pension est considéré comme ayant renoncé à celle-ci.
Le tribunal a estimé que le paiement ne pouvait être sollicité en tant que dette successorale contre les héritiers de Mme [S], en l'absence de tout élément sur le fait qu'ils aient ou non accepté la succession et que l'Ehpad ait porté sa créance au titre du passif successoral.
Par déclaration en date du 7 janvier 2020, l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
DEMANDES DES PARTIES
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 12 mars 2020, l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7], appelante, demande à la cour, au visa des articles 208 et suivants, 733 et suivants, 1134 et suivants (anciens) et 1101 et suivants (nouveaux) du code civil, de :
Au principal,
- condamner solidairement MM. [T] [S], [O] [S] et [X] [S], venant aux droits de Mme [P] [S] née [F], d'avoir à lui régler la somme de 16 680,76 € en principal, provisoirement arrêtée au 16 mars 2016 puis à parfaire de l'intérêt au taux légal jusqu'à l'entier paiement,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner M. [O] [Y] [S] d'avoir à lui régler la somme de 5 945 € à parfaire de l'intérêt au taux légal à compter du 16 mars 2016 jusqu'à l'entier paiement,
En toute hypothèse,
- rejeter toute demande en octroi de délai,
- prononcer une condamnation solidaire à l'encontre des consorts [T] [S], [O] [S] et [X] [S],
- condamner enfin MM. [T] [S], [O] [S] et [X] [S] d'avoir à lui régler la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il soutient à titre principal qu'il existe une obligation alimentaire des consorts [O], [X] et [T] [S] envers Mme [S], et que lui-même est subrogé dans les droits de cette dernière à l'égard de ses fils, et subsidiairement, que [O], [X] et [T] [S] ont la qualité d'ayants-droit de Mme [S], et sont tenus du passif successoral. A titre infiniment subsidiaire il se prévaut de l'acte de donation-partage avec obligation de soins à la charge de M. [O] [Y] [S].
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 15 juillet 2020, M. [T] [S], intimé, demande à la cour, au visa des articles 208 et suivants, 734 et suivants, 1137 et 1353 du code civil, de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que l'Ehpad Santé Bien-Etre [7] n'était ni fondé à agir contre les consorts [S] en leur qualité d'obligés alimentaires ni en leur qualité d'héritiers et l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
En conséquence,
- débouter l'Ehpad Santé Bien-Etre [7] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner l'Ehpad Santé Bien-Etre [7] à lui payer la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Ehpad Santé Bien-Etre [7] aux entiers dépens,
A titre subsidiaire et reconventionnel,
Si par extraordinaire la Cour devait réformer le jugement entrepris et condamner in solidum les consorts [S] au paiement des frais de logement impayés par leur mère, l'admettre en sa demande de déterminer la part contributive de chacun d'entres eux en proportion de leur faute respective,
A titre principal,
- ordonner que M. [O] [S] supporte définitivement l'intégralité des condamnations prononcées solidairement par l'ordonnance à intervenir,
A titre subsidiaire,
- ordonner que M. [O] [S] supporte définitivement à hauteur de 90% ces condamnations solidaires,
- ordonner que M. [T] [S] supporte définitivement à hauteur de 5% ces condamnations solidaires,
- ordonner que M. [X] [S] supporte définitivement à hauteur de 5% ces condamnations solidaires,
En tout état de cause,
- condamner M. [O] [S] à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [O] [S] aux entiers dépens.
Il conteste avoir une obligation alimentaire envers Mme [S], car elle bénéficiait de ressources. Il dit que s'applique la règle selon laquelle les aliments ne s'arréragent pas, l'Ehpad étant resté inactif et n'ayant pas cherché à recouvrer sa créance.
Il fait valoir que les héritiers ne sont pas tenus de la dette, car il n'est pas démontré qu'ils ont accepté la succession, et car l'Ehpad n'a pas déclaré sa créance au passif de la succession.
Subsidiairement, il se prévaut du fait que M. [O] [S] était tenu de verser une rente viagère à sa mère pour son entretien, et que c'est ce dernier qui doit donc supporter les loyers dus à l'Ehpad.
M. [X] [S], qui s'est vu signifier la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant à personne par acte d'huissier en date du 24 février 2020, n'a pas constitué avocat.
M. [O] [S], qui s'est vu signifier la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant à personne par acte d'huissier en date du 14 février 2020, n'a pas constitué avocat.
En application de l'article 474 du code de procédure civile, la décision sera réputée contradictoire.
Motifs de la décision :
Sur la demande en paiement de l'Ehpad :
En application des articles 734 et 735 du code civil, les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants.
Ils sont tenus solidairement du passif successoral.
Ainsi, MM. [T], [X] et [O] [S] qui ne justifient pas avoir renoncé à la succession de Madame [P] [S] née [F] tel que prévu aux articles 768 suivants du code civil, succèdent à leur mère.
L'Ehpad dispose non pas d'une créance alimentaire en tant que subrogé dans les droits de Mme [S] contre ses fils, mais d'une créance de loyers qui était due par Mme [S]. Ses fils sont solidairement redevables de la dette en qualité d'ayants-droit de Madame [P] [S] née [F], celle-ci faisant partie du passif successoral, sans qu'il soit besoin d'une déclaration de l'Ehpad auprès du notaire.
Le jugement dont appel sera infirmé en toutes ses dispositions.
MM. [T], [X] et [O] [S] seront condamnés solidairement à payer à l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7] la somme de 16.680,76 euros en principal, avec intérêt au taux légal à compter du 21 décembre 2015, date de la mise en demeure.
Sur les rapports entre les cohéritiers :
Dans les rapports entre les cohéritiers, la charge finale de la dette relève de la liquidation et du partage successoral, qui n'est pas l'objet du présent litige ayant trait à la demande en paiement de l'Ehpad. Il incombe aux héritiers en cas de conflit entre eux de saisir le juge aux fins d'ouvrir les opérations de liquidation et de partage de la succession de leur mère.
M. [T] [S] sera donc débouté de sa demande tendant à ce que M. [O] [S] supporte définitivement l'intégralité des condamnations prononcées, ou à titre subsidiaire qu'il en supporte 90 %, et M. [T] [S] et M. [X] [S] 5% chacun.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
MM. [T], [X] et [O] [S], parties succombantes seront condamnés solidairement aux dépens de première instance, le jugement entrepris devant être infirmé sur ce point, et aux dépens d'appel.
MM. [T], [X] et [O] [S] seront condamnés solidairement à payer à l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens.
M. [T] [S] sera débouté de sa demande sur ce même fondement.
Par ces motifs,
La Cour,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Albi du 5 novembre 2019 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Condamne solidairement MM. [T], [X] et [O] [S] à payer à l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7] la somme de 16.680,76 euros en principal, avec intérêt au taux légal à compter du 21 décembre 2015, date de la mise en demeure ;
Déboute M. [T] [S] de sa demande tendant à ce que [O] [S] supporte définitivement l'intégralité des condamnations prononcées, ou à titre subsidiaire qu'il en supporte 90 %, et M. [T] [S] et M. [X] [S] 5% chacun ;
Condamne solidairement MM. [T], [X] et [O] [S] aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne solidairement MM. [T], [X] et [O] [S] à payer à l'association Ehpad Santé Bien-Etre [7] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;
Déboute M. [T] [S] de sa demande sur ce même fondement.
Le GreffierLe Président
N. DIABYJ.C GARRIGUES