17/06/2022
ARRÊT N° 2022/342
N° RG 20/00966 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQYS
SB/KS
Décision déférée du 17 Février 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/00948)
P [X]
SECTION ENCADREMENT
[S] [N]
C/
S.A.R.L. CRIS IMMO
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [S] [N]
1 Impasse des Aerostiers appartement 23
31500 TOULOUSE.
Représentée par Me Patrick JOLIBERT de la SELAS MORVILLIERS-SENTENAC AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.R.L. CRIS IMMO
12 Boulevard de la Gare
31500 TOULOUSE
Représentée par Me France CHARRUYER de la SELAS INTER-BARREAUX ALTIJ, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant les fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [S] [N] a été embauchée le 31 mars 2011 par la SARL Cris Immo en qualité de principale de copropriété suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des administrateurs de biens, sociétés et agents immobiliers.
Après avoir été convoquée par courrier du 15 décembre 2017 à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 décembre 2017, Mme [N] a été licenciée par courrier du 5 janvier 2018 pour fautes sérieuses et insuffisance professionnelle.
Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 21 juin 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Encadrement, par jugement
du 17 février 2020, a :
-dit et jugé que le licenciement de Madame [S] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse,
-dit et jugé que la somme de 969,30 euros sera déduite des 2 500 euros pour non paiement des heures supplémentaires,
-condamné la SARL Cris Immo, prise en la personne de son représentant légal es qualités, à verser à Madame [S] [N] :
*1 530,70 euros au titre du non paiement des heures supplémentaires,
*2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné la SARL Cris Immo, prise en la personne de son représentant légal es qualités, aux entiers dépens.
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Par déclaration du 16 mars 2020, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 29 février 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 3 juin 2020, Mme [S] [N] demande à la cour de :
-à titre principal :
*d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
jugé que le licenciement notifié à Mme [N] repose sur une cause réelle et sérieuse,
jugé que la somme de 969,30 euros sera déduite des 2 500 euros pour non paiement des heures supplémentaires,
condamné la société à verser à Mme [N] la somme de 1530,70 euros au titre du non-paiement des heures supplémentaires,
débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,
-ce faisant :
*juger que le licenciement notifié à Mme [N] était dénué de cause réelle et sérieuse,
*condamner la société à régler à Mme [N] la somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-à titre subsidiaire :
*juger que le licenciement notifié à Mme [N] était dénué de cause réelle et sérieuse,
*condamner la société à régler à Mme [N] la somme de 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
*condamner la même au paiement d'une somme de 10 000 euros pour circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement,
-à titre très subsidiaire :
*juger que le licenciement notifié à Mme [N] était irrégulier,
*condamner la société à régler à Mme [N] la somme de 3 608,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-en toute hypothèse :
*constater que Mme [N] n'a pas été régulièrement rémunérée de l'ensemble des heures qu'elle a effectuées pour le compte de la société,
*rappeler que la moyenne mensuelle de salaire perçu par Mme [N] s'élève à la somme de 3 608,90 euros,
*voir la société condamnée à payer à Mme [N] la somme de 8 186,97 euros au titre de rappels de salaires outre 819,70 euros au titre des congés payés y afférent,
*condamner la société à payer à Mme [N] la somme de 18 732 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 8223-1 du code du travail,
*constater que la société n'a pas respecté l'ensemble des obligations afférentes à la relation de travail,
*la condamner en réparation du préjudice subi, au paiement, au profit de Mme [N], d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
*condamner la même au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamner la société aux entiers dépens de l'instance,
*prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
*condamner la société aux entiers dépens.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 2 septembre 2020, la SARL Cris Immo demande à la cour de :
-rejeter l'appel interjeté par Mme [N],
-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
*constaté que Mme [N] a semble-t-il effectué quelques heures supplémentaires non déclarées sur les bulletins de paie,
*condamné la société à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
1 530,70 euros au titre du non-paiement des heures supplémentaires,
2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
aux entiers dépens,
*débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-et statuant à nouveau,
-sur le bien fondé du licenciement :
*à titre principal :
constater l'absence de rupture de la relation de travail par le courrier
du 19 décembre 2017,
constater l'absence de prescription des faits fautifs reprochés,
constater l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement,
constater l'absence de circonstances vexatoires qui auraient entouré le licenciement,
*en conséquence :
*confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
jugé que le licenciement de Mme [N] repose sur une cause réelle et sérieuse,
débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes à ce titre,
*à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait écarter l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement : constater que Mme [N] est impuissante à rapporter la preuve ni de l'existence ni de l'étendue d'un quelconque préjudice dont elle sollicite pourtant l'indemnisation,
*en conséquence, limiter le montant des dommages-intérêts à un montant qui ne peut, en tout état de cause, dépasser 1,5 mois, soit la somme de 4 683 euros bruts,
*à titre très subsidiaire, si par impossible la Cour estimait que la procédure de licenciement revêt un caractère vexatoire, constater que Mme [N] est impuissante à rapporter la preuve ni de l'existence ni de l'étendue d'un quelconque préjudice dont elle sollicite pourtant l'indemnisation,
*en conséquence, débouter Mme [N] de sa demande,
-sur la durée du travail :
*constater que l'ensemble des heures supplémentaires réalisées par Mme [N] ont donné lieu à un repos compensateur de remplacement conformément au droit applicable,
*constater l'absence d'éléments objectifs et suffisamment précis de nature à étayer la demande d'heures supplémentaires formulée par Mme [N],
*constater que Mme [N] ne rapporte pas la preuve de l'élément matériel et, en tout état de cause, de l'élément moral du travail dissimulé dont elle sollicite la reconnaissance,
*en conséquence,
*juger Mme [N] entièrement remplie de ses droits,
*débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
-sur les conditions d'exécution de la relation de travail :
*constater l'exécution loyale par la société de la relation de travail,
*constater, en tout état de cause, que Mme [N] est impuissante à rapporter la preuve ni de l'existence ni de l'étendue d'un quelconque préjudice dont elle sollicite pourtant l'indemnisation,
*en conséquence,
*juger que la société n'a nullement manqué à ses obligations vis à-vis de Mme [N],
*confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
-sur les demandes de la société :
*constater que le contrat de Mme [N] était suspendu à compter du 16 décembre 2017 pour maladie simple et ce jusqu'à la fin de la relation de travail,
*constater que Mme [N] a bénéficié d'une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 37 jours, dont 9,75 jours pour la période du 16 décembre 2017
au 4 avril 2018,
*en conséquence,
*juger que la période de suspension du contrat de travail de Mme [N] pour maladie simple ne donnait pas droit à congé payé, et
*confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que Mme [N] a bénéficié d'un trop perçu d'un montant de 1 199,63 euros bruts, soit 969,3 euros nets, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, et
-à titre principal,
*condamner Mme [N] à verser à la société la somme de 969,3 euros nets à titre de rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés indument perçue,
-à titre subsidiaire, si par impossible la Cour devait estimer que Mme [N] a exécuté des heures supplémentaires qui seraient restées impayées,
*prononcer la compensation des dettes de chacune des parties à concurrence de la somme la plus faible,
*condamner Mme [N] au paiement à la société du solde restant dû,
-en tout état de cause :
*condamner Mme [N] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles exposés en première instance, et de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamner Mme [N] aux entiers dépens.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 25 mars 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Sur le licenciement
1-1 Sur les irrégularités de la procédure de licenciement
Mme [N] excipe tout d'abord de l'irrégularité de son licenciement qu'elle estime prononcé par l'employeur dès le 19 décembre 2017 par une lettre recommandée
du 19 décembre 2017 sollicitant la remise de son téléphone professionnel, lettre qui selon elle traduit la volonté de l'employeur de mettre fin au contrat de travail avant même l'entretien préalable fixé le 22 décembre 2017.
L'employeur objecte que la demande de restitution du téléphone professionnel fait suite à l'avis d'arrêt de travail pour maladie notifié par la salariée le 15 décembre 2017.
La cour retient que la remise du téléphone professionnel que l'employeur estimait nécessaire à la poursuite de l'activité de l'entreprise durant l'absence pour maladie de la salariée, n'a pas privé celle-ci de la possibilité de travailler. En conséquence la lettre du 19 décembre 2017 ne saurait s'analyser en une lettre de licenciement durant la suspension de contrat de travail de la salariée pour maladie.
L'irrégularité tirée de l'absence d'énonciation de motif de rupture dans ladite lettre n'est donc pas caractérisée.
Mme [N] se prévaut par ailleurs de l'irrégularité de procédure tenant à l'articulation dans la lettre de licenciement de griefs qui n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable.
La lecture du compte rendu d'entretien préalable établi par le conseiller du salarié [K] le 22 décembre 2017 révèle que les principaux griefs énoncés dans la lettre de licenciement ont été évoqués lors de l'entretien préalable, même si des précisions apportées dans la lettre de licenciement sur les copropriétés concernées par les manquements reprochés à la salariée ne sont pas rapportées dans le dit compte rendu. Il importe de relever que ce document n'a pas été établi contradictoirement et que rien n'établit le caractère exhaustif de la restitution écrite. De surcroît la salariée ne justifie pas d'un préjudice résultant de l'irrégularité formelle susceptible de résulter de l'absence d'évocation lors de l'entretien préalable de la totalité des copropriétés concernées par les griefs énoncés dans la lettre de licenciement. La salariée est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
1-2 Sur bien fondé du licenciement
Aux termes de la lettre de licenciement du 5 janvier 2015, l'employeur forme 4 griefs principaux à l'encontre de la salariée:
1)- une attitude déloyale à l'égard de l'employeur par la tenue de propos dénigrants à son encontre auprès de collègues de travail
2)- des négligences fautives répétées
3)- une désinvolture fautive
4)- une insuffisance professionnelle
Sur le 1er grief
L'article L. 1222-1 du code du travail pose le principe de l'exécution de bonne foi du contrat de travail.
L'employeur reproche à la salariée d'avoir tenu des propos dénigrant la gestionnaire Mme [L] le 17 octobre 2017. Il produit à appui de ce grief l'unique témoignage de M.[Y] [V] qui déclare avoir surpris une conversation entre Mme [N] et d'autres gestionnaires d'immeubles leur indiquant de se méfier de Mme [L] qui réalisait à leur insu des appels de fonds sans les en informer.
Outre l'imprécision de ce témoignage sur l'identité des personnes à qui auraient été tenus ces propos, la proximité des relations affectives qui unissent M.[V] à l'employeur Mme [L] sa conjointe, conduit à écarter cet élément de preuve dont la valeur probante est insuffisante et qui n'est corroboré par aucune autre attestation.
Sur le 2ème grief
Il est reproché à la salariée les négligences fautives examinées ci-après.
- une erreur dans la transmission au notaire Maître [W] du carnet d'entretien et des derniers appels de fonds de M.[J] , propriétaire au sein de la résidence les Alizés en vue de la signature d'un compromis de vente le 26 octobre 2017.
La réalité de cette erreur est établie de façon indiscutable par un courriel adressé par Maître [W] à Mme [N] le 26 octobre 2017 à 7h28 dans lequel il signale la transmission de documents concernant un autre propriétaire que M.[J] alors que la signature du compromis de vente par ce dernier était prévue le jour même. La salariée ne remet pas en cause la matérialité de ce grief mais en conteste la gravité. Toutefois l'expérience importante acquise par la salariée au sein de la société Cris Immo qui l'a employée dans un premier temps pendant 6 ans en qualité de secrétaire de copropriété , puis pendant plus de 5 ans dans la fonction de principale de copropriété avec un statut cadre, confère un caractère sérieux au manquement relevé dont la salariée pouvait mesurer les possibles conséquences dommageables quant à la signature de l'acte et l'image de la société l'employant auprès du notaire et du copropriétaire.
- L'omission dans les procès-verbaux d'assemblée générale de copropriété qu'elle rédigeait des articles 24 à 26 de la loi du 10 juillet 1965 relatifs aux majorités acquises pour l'adoption des décisions .
L'employeur produit à cet égard le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de la résidence Sarros du 5 décembre 2017, comportant l'irrégularité relative à l'omission des articles relatifs aux conditions de majorité requise pour l'adoption des résolutions. La réalité de ce grief est également établie. Cette omission affecte la régularité du procès-verbal et peut donner lieu à la remise en cause des décisions prises par l'assemblée générale des copropriétaires.
- l'envoi d'une convocation le 27 juin 2017 à l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence le Chateau d'Auzeville du 26 juillet 2017, alors que la société Cris Immo n'était plus mandatée depuis le 26 avril 2017.
C'est lors de la délivrance de l'assignation à comparaître devant le tribunal judiciaire de la société Cris Immo par un copropriétaire de la dite résidence le 23 octobre 2017 que l'employeur affirme, sans être démenti sur ce point, avoir eu connaissance de
l'irrégularité concernée, soit moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement. Les faits fautifs dont la matérialité est établie ne sont donc pas prescrits . La procédure judiciaire engagée contre la société Cris Immo par un copropriétaire illustre les conséquences dommageables qu'elle est susceptible d'occasionner à l'employeur dont la responsabilité civile est mise en cause.
- Sur le 3ème grief
-L'employeur reproche à la salariée le ton désinvolte d'un mail qu'elle lui a adressé en ces termes le 7 novembre 2017 :'je réponds comment là''''
Ce message fait suite à la remise en cause du tarif du syndic par un copropriétaire qui évoque une possible mise en concurrence pour l'année suivante. Les termes lapidaires du message adressé à l'employeur illustre la désinvolture de la salariée au statut cadre et qui, alors qu'elle est en charge de la gestion de la copropriété concernée, s'abstient d'accompagner son interrogation de toute précision sur les données à prendre en compte en vue d'une réponse argumentée et adaptée.
L'ensemble des griefs susévoqués dont la matérialité est établie procèdent d'erreurs ou négligences peu en rapport avec l'expérience acquise par la salariée et son niveau de compétence. La réitération des erreurs, aux conséquences juridiques dommageables pour l'employeur s'agissant notamment de la convocation d'une assemblée générale de copropriétaires alors que la société employeur n'est plus mandatée pour représenter la copropriété, confère un caractère fautif et sérieux aux manquements reprochés à la salariée qui caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement.
Le jugement est donc confirmé en ses dispositions ayant débouté la salariée de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
1-3 Sur les circonstances vexatoires du licenciement
La notification du licenciement à la salariée par un acte d'huissier , et non par LRAR, n'est pas prohibée par la loi et a pour objet de garantir la remise de la lettre à son destinataire . Les conditions de délivrance de l'exploit d'huissier le 5 janvier 2018 au domicile de la salariée, hors la présence des autres salariés ou de clients de la société, sont exclusives de tout caractère vexatoire ou humiliant. La salariée a donc été justement déboutée par les premiers juges de sa demande indemnitaire à ce titre.
2-Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
L'article L 3171-4 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
La salariée expose qu'au delà de ses horaires contractuels du lundi au jeudi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 18h ainsi que le vendredi de 9h à 12h , elle effectuait de nombreuses heures supplémentaires consacrées à la préparation des assemblées générales des copropriétaires qu'elle animait en qualité de secrétaire de séance. Elle fait valoir que la tenue des assemblées de copropriété et les rendez-vous sur les chantiers rendaient nécessaire l'accomplissement d'heures supplémentaires qu'elle estime avoir accomplies dans les proportions suivantes:
2015: 91H50
2016:126h7
2016:87H10
A l'appui de sa demande la salariée verse aux débats:
- la copie des agendas des années 2015, 2016 et 2017
- la synthèse journalière et hebdomadaire du temps de travail réalisé en 2015, 2016 et 2017
- les procès-verbaux d'assemblée générale de copropriété mentionnant l'heure de début et de fin de réunion
- des décomptes d'heures supplémentaires effectuées en 2015, 2016 et 2017.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société Cris Immo de fournir les éléments utiles à la détermination des heures de travail réellement accomplies par la salariée.
La société Cris Immo objecte qu'aucune réclamation n'a été formulée par la salariée pendant toute la durée de l'exécution du contrat, que les tableaux établis par la salariée ne reprennent pas les horaires inscrits sur les agendas ni ceux mentionnés sur les procès-verbaux d'assemblée générale. Elle produit trois attestations de salariés indiquant que Mme [N] ne commençait les journées de travail qu'entre 9h15 et 9h30, que les décomptes produits par la salariée ne sont pas établis de façon hebdomadaire alors que le décompte hebdomadaire précis qu'il verse aux débats , tenant compte des heures de début de journée, révèle qu'elle travaillait moins de 35heures , notamment en semaines 16 et 26 de l'année 2016. Elle se prévaut également d'erreurs et d'incohérences présentées par le décompte des heures supplémentaires établi par la salariée, notamment:
- pour la journée du 25 mars 2015 mention de 3 heures supplémentaires entre 18h et 20h, soit 3h au lieu de 2 et alors même que le procès-verbal de réunion de copropriété tenue à cette date révèle que la réunion a pris fin à19h45.
- mention pour le 16 décembre 2015 d'heures supplémentaires entre 18 h et 20h30 alors que le procès-verbal de réunion de copropriété mentionne une fin de réunion 19h15 .
La réalité de ces erreurs est vérifiée par l'examen comparatif des pièces produites par la salariée (décompte des heures supplémentaires et procès-verbaux de réunion de copropriété).
- la réclamation d'un rappel de salaire de 2738,05 euros au titre de 91,5 heures supplémentaires sur l'année 2015 au taux majoré de 25,49 euros alors sur la base du taux proposé le total s'élève à 2 332,34 euros.
La cour retient que le caractère tardif des prétentions de la salariée au titre des heures supplémentaires ne la prive pas du droit de revendiquer après la rupture du contrat de travail le paiement des heures de travail qu'elle estime avoir effectuées. Elle constate que le décompte horaire que produit l'employeur est établi à partir du document établi par le salarié rectifié sur la base d'incohérences relevées, sans autre élément attestant d'un contrôle effectif du temps de travail hebdomadaire du salarié. Toutefois les trois attestations précises et concordantes de salariés que produit l'employeur, permettent de retenir raisonnablement que la salariée commençait ses journées de travail entre 9h15 et 9h30 et non à 9 h ainsi qu'elle le soutient sans autre élément extérieur venant corroborer ses dires. En considération des nombreuses réunions de copropriété qu'elle animait en qualité de secrétaire de séance ( 4 à 7 par mois), essentiellement le soir entre 18 h et 19h-20h30 et des éléments produits de part et d'autre, la cour a la conviction que la salariée a accompli entre le 5 janvier 2015 et le 31 décembre 2017 des heures supplémentaires, que sa mission principale de copropriété rendait nécessaires, à hauteur de 174 HS, ouvrant droit à un rappel de salaire de 4 435,26 euros outre 443,52 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé
En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires par Mme [N] , que le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées ne permet pas de caractériser l'intention frauduleuse nécessaire à l'établissement du travail dissimulé.
Le rejet de cette demande sera confirmé.
Sur la demande de l'employeur
il est constant que la période de suspension du contrat de travail de Mme [N] pendant la période d'arrêt maladie n'ouvre pas droit à congés payés. L'employeur est dès lors fondé à obtenir restitution de l'indemnité compensatrice de congés payés de 969,30 euros indûment perçue par la salariée au titre de 9,75 jours de congés payés correspondant à la période d'arrêt maladie du 16 décembre 2017 au 4 avril 2018. La salariée ne rapporte pas la preuve d'un usage en vigueur dans l'entreprise prenant en compte les périodes d'arrêt maladie dans la période de référence entrant dans le décompte des congés payées . Il est donc la somme de 969,30 euros par Mme [N] à la SARL Cris Immo, la cour ordonnant la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties.
La SARL Cris Immmo, partie perdante, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.
Sur les demandes annexes
La société Cris Immo , partie principalement perdante, supportera les entiers dépens.
Mme [N] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La société Cris Immo sera donc tenue de lui payer la somme complémentaire de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.
Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Confirme le jugement en ses dispositions ayant débouté Mme [N] de sa demande au titre du travail dissimulé , du licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse et des circonstances vexatoires du licenciement ainsi qu'en celles concernant les frais et dépens
L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau
Condamne la SARL Cris Immo à payer à Mme [S] [N]:
- 4 435,26 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires
- 443,52 euros au titre des congés payés afférents
- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel
Condamne Mme [S] [N] à payer à la SARL Cris Immo la somme de 969,30 euros,
Ordonne la compensation à due concurrence des créances réciproques,
Rejette toute demande plus ample ou contraire
Condamne la SARL Cris Immo aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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