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30/06/2022 | FRANCE | N°20/02228

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 30 juin 2022, 20/02228


30/06/2022





ARRÊT N°22/384



N° RG 20/02228 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NVVG

MT - VM



Décision déférée du 08 Juin 2020 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 18/25381

JL. ESTEBE

















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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX



***



APPELANTE



Madame [M] [N] veuve [R]

340 Avenue de Grisolles

31620 FRONTON



Représentée par Me Jean-David BASCUGNANA de la...

30/06/2022

ARRÊT N°22/384

N° RG 20/02228 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NVVG

MT - VM

Décision déférée du 08 Juin 2020 - Tribunal de Grande Instance de Toulouse - 18/25381

JL. ESTEBE

[C] veuve [R]

C/

[A] [R]

[S] [R]

REFORMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [M] [N] veuve [R]

340 Avenue de Grisolles

31620 FRONTON

Représentée par Me Jean-David BASCUGNANA de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [A] [R]

471 F Route de Villaudric

31620 BOULOC

Représenté par Me Joëlle GLOCK de la SCP FOSSAT-GLOCK, avocat au barreau de TOULOUSE

Mademoiselle [S] [R]

471 F Route de Villaudric

31620 BOULOC

Représentée par Me Joëlle GLOCK de la SCP FOSSAT-GLOCK, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. GUENGARD, Président et V. MICK, Conseiller chargés du rapport, ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. GUENGARD, président

V. CHARLES-MEUNIER, conseiller

V. MICK, conseiller

Greffier, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement,par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, président, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [B] [R] a contracté mariage le 18 mai 1996 avec Mme [T] [Z].

De cette union sont issus deux enfants :

- [A] [R], né le 31 décembre 1995 à Nîmes ;

- [S] [R], née le 4 février 1997 à Nîmes.

Le divorce entre les époux a été prononcé le 27 juin 2013 par le juge aux affaires familiales de Toulouse.

M. [B] [R] et Mme [C], de nationalité chinoise, se sont mariés le 11 novembre 2014 à Dalian (Chine).

M. [R] est décédé en date du 21 juillet 2017 laissant pour lui succéder :

- ses enfants, [A] [R] et [S] [R],

- son conjoint survivant, Mme [J].

Les héritiers n'ont pu partager amiablement la succession, des difficultés liquidatives étant survenues.

*

Par acte d'huissier en date du 25 octobre 2018, M. [A] [R] et Mme [S] [R] ont fait assigner Mme [N] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de partage.

Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- ordonné le partage de la succession de M. [R],

- désigné pour y procéder Maître [K], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse,

- dit que le notaire pourra : interroger le FICOBA, le FICOVIE et le fichier de l'AGIRA, recenser tous contrats d'assurance-vie, en déterminer les bénéficiaires et se faire remettre l'historique de tous les mouvements de capitaux de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds, procéder à l'établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice, procéder à l'ouverture de tout coffre bancaire, en faire l'inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l'indivision,

- dit que les époux étaient soumis au régime légal de la communauté réduite aux acquêts,

- dit que Mme [N] a bénéficié pendant une année à compter du décès de l'occupation gratuite de l'appartement de Fronton, et que passé ce délai, elle doit une indemnité d'occupation à la succession,

- rejeté les demandes relatives aux frais non compris dans les dépens,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu de condamner l'une ou l'autre des parties aux dépens, et a rappelé que les dépens sont compris dans les frais du partage judiciaire.

*

Par déclaration électronique en date du 10 août 2020, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que Mme [C] a bénéficié pendant une année à compter du décès de l'occupation gratuite du logement de l'appartement de Fronton, et que passé ce délai, elle doit une indemnité d'occupation à la succession,

- dit que Mme [C] ne pouvait prétendre au droit viager au logement,

- fixé la récompense due à la communauté à 27 270 euros.

*

Par dernières conclusions d'appelante en date du 5 novembre 2020, Mme [N] demande à la cour de bien vouloir :

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que [M] [N] a bénéficié pendant une année à compter du décès de l'occupation gratuite de l'appartement de Fronton, et que passé ce délai, elle doit une indemnité d'occupation à la succession,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que la récompense due par la communauté était de 27 230 euros,

statuant à nouveau,

- débouter Mme [S] [R] et M. [A] [R] de leurs demandes relatives à l'application de la loi Qatar au régime matrimonial,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que le régime matrimonial applicable aux époux était le régime légal de la communauté réduite aux acquêts,

- fixer la récompense due par la succession à la communauté à la somme de 68 414,66 euros au titre de l'acquisition de l'immeuble de Fronton,

- juger que Mme [C] a opté dans le délai d'un an et qu'elle bénéficie en conséquence d'un droit viager au logement portant sur l'immeuble sis à Fronton,

- débouter en conséquence les consorts [R] de leur demande au titre de l'indemnité d'occupation,

- confirmer la décision entreprise pour le surplus,

- condamner M. [A] [R] et Mme [S] [R] au paiement de la somme de 3 000 euros euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

*

Par dernières conclusions d'intimés, contenant appel incident, en date du 21 janvier 2022, Mme [S] [R] et M. [A] [R] demandent à la cour de bien vouloir :

- dire recevable l'appel incident formalisé par les deux concluants,

- réformer la décision entreprise quant au régime matrimonial applicable et

- juger que le régime matrimonial des époux [D] dont l'application sera retenue en vue du partage successoral à la suite du décès de M. [R] sera celui applicable au Qatar, dans les termes de l'article 1er de la convention de la Haye,

- juger que le régime retenu sera celui de la séparation de biens,

- débouter Mme [C] de sa demande de récompense tant dans son principe que dans son quantum,

- confirmer pour le surplus et :

- condamner Mme [C] au paiement d'une indemnité d'occupation sur le bien immobilier de Fronton qu'elle occupe ou fait occuper par son fils, depuis le décès de son époux, et ce à compter du 21 juillet 2018,

- ordonner l'ouverture des opérations de compte et liquidation partage de la succession de M. [R],

- désigner pour ce faire, tel notaire qu'il appartiendra,

- dire qu'il lui sera fait retour en cas de difficultés.

- confirmer la décision entreprise quant aux dépens.

*

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 25 avril 2022.

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions développées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la portée de l'appel

Aux termes des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La cour n'est donc saisie que par les chefs critiqués dans l'acte d'appel ou par voie d'appel incident.

Il n'y a pas lieu en conséquence de confirmer le jugement attaqué 'pour le surplus' de chefs, non attaqués, comme demandé par l'appelante et les intimés.

Sur la détermination de la loi applicable au régime matrimonial des époux [R]

Selon les articles 3, 4 et 11 de la Convention de La Haye en date du 14 mars 1978, à défaut d'une loi désignée par les époux avant le mariage devant faire l'objet d'une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions d'un contrat de mariage, les époux mariés après l'entrée en vigueur de ladite convention à vocation universelle, soit le 1er septembre 1992, sont soumis à la loi de leur première résidence habituelle après le mariage.

La détermination du lieu de la résidence habituelle doit révéler un lien étroit et stable avec l'État concerné et dans les cas de complexité, il est retenu la résidence habituelle dans l'Etat dans lequel se trouvait le centre des intérêts de la vie familiale et sociale du couple.

Mme [N] revendique la fixation du lieu de la première résidence du couple sur le territoire français, en l'espèce à Fronton (31) constitutif du domicile conjugal acquis par son époux en date du 13 janvier 2014, avant le mariage intervenu en date du 11 novembre 2014. Elle expose que le semestre passé au Qatar dans la foulée du mariage, entre décembre 2014 et juin 2015, n'était lié qu'à des considérations professionnelles de l'époux, ingénieur aéronautique à Airbus, et se déplaçant régulièrement à l'international. Elle ajoute que les avis d'imposition du couple à la date du mariage, comme antérieurs ou postérieurs, la carte grise d'un des véhicules du couple mentionne l'adresse du domicile en France, outre que le prêt pour financer l'acquisition du bien fait état d'une 'résidence principale'. Elle sollicite dès lors l'application de la loi française, à savoir, par défaut, celui de la communauté légale réduite aux acquêts.

Les consorts [R] contestent cette appréciation portée sur le semestre au Qatar et soulignent que durant le mariage des époux qui a duré 2 ans 8 mois et 10 jours, le couple a en réalité passé 1 an et 5 mois au Qatar et aux Emirats Arabes Unis, faisant masse indistincte entre les deux Etats. Ils considérent qu'aucun élément n'établit le retour en France des époux dans les périodes intermédiaires alors que leur père ne se considérait pas comme résident fiscal français à l'analyse de certaines de ses correspondances auprès de l'administration fiscale. Ils sollicitent dès lors l'application de la loi du Qatar qui ne reconnaîtrait qu'un régime matrimonial séparatiste.

Il n'est pas contesté que M. [B] [R] était ingénieur aéronautique employé par Airbus et à ce titre régulièrement en déplacement pour les besoins de son activité professionnelle, comme en témoignent les attestations de son employeur (pièce n°4). Il est tout autant acquis que celui-ci, en date du 13 janvier 2014, à l'occasion spécifique d'un retour d'une semaine en France alors qu'il était à l'étranger, a fait l'acquisition d'un immeuble à Fronton (31) alors que son mariage allait précisément être célébré seulement dix mois plus tard avec Mme [N] en Chine. Aucune partie n'indique que M. [B] [R] avait procédé à une acquisition immobilière par le passé, en France ou ailleurs, y compris durant son précédent mariage, à quelque titre que ce soit, ni d'ailleurs qu'il en a procédé à d'autres, en France ou à l'étranger, durant son mariage.

Cette acquisition l'engageait financièrement puisque celui-ci a alors conclu, seul, un prêt d'un montant de 100 000 euros pour un bien acquis à hauteur de 112 000 euros et ce sur 15 ans. Cet investissement en France, tant sur le plan symbolique que de l'engagement financier qu'il représentait, peu de temps avant un mariage pourtant célébré en Chine, et ce, alors que précisément M. [R] était soumis à des déplacements internationaux parfois sur le temps long qu'il poursuivra d'ailleurs après son mariage (intégralité de l'année 2016 passée aux Emirats Arabes Unis), ne pouvait précisément que signer l'expression d'une volonté d'ancrer le couple sur le territoire français. Il y a lieu d'y ajouter que M. [R] n'avait aucun bien à l'étranger, notamment au Qatar ou aux Emirats Arabes Unis et qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'il ait eu le projet dans les suites de son mariage de s'y établir, en dehors de ses contraintes professionnelles et ce, alors que sur le semestre passé au Qatar ensuite de son mariage, celui-ci résidera dans un hôtel avec son épouse, hôtel réglé par son employeur.

Sa correspondance avec les services fiscaux, en particulier un courriel en date du 16 avril 2015 dont se prévalent à tort les intimés pour contester l'application de la loi française, aux termes duquel M. [B] [R] souhaitait simplement signifier son changement de statut matrimonial mais évoquait par ailleurs sa situation à l'international, démontre que celui-ci, non seulement, a considéré le semestre passé au Qatar comme un déplacement nécessairement temporaire et à visée uniquement professionnelle au delà duquel il 'devait rejoindre la France' et 'fournir à son épouse un numéro fiscal', ce qui est donc sans ambiguïté, mais encore a finalement bel et bien établi son avis d'imposition au titre de l'année 2014 en France, comme les années suivantes d'ailleurs, considérant dès lors, nécessairement, qu'au moins ses intérêts financiers étaient encore en France, en sus d'un immeuble acquis.

La consultation d'un ami, dont les compétences en matière fiscale ne sont d'ailleurs aucunement justifiées, et dont se prévalent les intimés, datée du mois de décembre 2013 dans laquelle M. [R] souhaite savoir où il doit établir sa déclaration d'impôts tenant ses multiples déplacements professionnels est indifférente à atténuer ce constat pour être d'une part de près d'un an antérieure à la date du mariage, et par ailleurs, ne disant toujours rien de la volonté propre de M. [R] de fixer sa résidence à tel ou tel endroit pour l'avenir, s'agissant d'une analyse sur le plan des conséquences fiscales du temps passé à l'étranger par M. [R] à cette date.

Au final, l'ensemble de ces éléments qualifient suffisamment la volonté de M. [B] [R] de considérer la France comme le centre de ses intêrêts et un point d'ancrage, considérant celle de faire de l'immeuble acquis en France sa résidence habituelle après mariage, de plus fort au vu de son activité professionnelle internationale très prenante à l'époque.

Dans ces conditions, comme l'a jugé à bon droit le magistrat de première instance, les époux étaient légalement soumis au régime matrimonial de la communauté légale réduite aux acquêts prévu par les articles 1400 et suivants du code civil, en l'absence de tout contrat de mariage préalable.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef de dispositif.

Sur la demande de récompense à raison du règlement de l'emprunt immobilier durant le mariage

Aux termes de l'article 1437 du code civil, toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit récompense.

Tel est le cas lors de l'achat par un époux d'un bien propre avant le mariage au moyen d'un emprunt, remboursé par des fonds communs après le mariage.

La masse de biens propres doit alors une récompense à la communauté, mais dans la proportion du financement opéré par celle-ci. La communauté supportant la charge de la jouissance de biens propres, le remboursement des intérêts par la communauté n'a pas à être pris en considération dans le calcul de la récompense.

L'article 1469 du code civil ajoute que la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

La dépense liée au remboursement de l'emprunt est une dépense de conservation qui ne peut être moindre que le profit subsistant.

Mme [N] revendique une récompense à la charge de la succession au titre du règlement de l'emprunt immobilier du bien propre de son époux, pour avoir été acquis avant le mariage, et assumé grâce aux deniers communs sur la période du mariage et ce jusqu'au décès de son époux.

Les consorts [R] sollicitent le débouté d'une telle demande arguant de son caractère nouveau.

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes des dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, Mme [N] avait formé une demande de récompense devant le premier juge et sa demande en appel qui tend à la même fin et complète celle formée en première instance est recevable.

Si le premier juge a statué dans sa motivation en faveur d'une récompense à la communauté à hauteur de 27 270 euros, il n'en a pas fait état dans son dispositif de sorte que réparant d'office l'omission de statuer en application de l'article 463 du code civil, il convient d'ajouter à la décision déférée en ce sens et qu'il sera dit que la récompense due à la communauté s'élève à la somme pré-citée.

Le montant de l'achat initial de l'immeuble, incluant les frais, n'est pas contesté pour la somme de 102 000 €, de même que n'est pas contestée sa valeur actuelle pour 125 000 €.

Mme [N] indique que la communauté a remboursé la somme de 13 560,30 € sur quinze mois, du mois de novembre 2014 au mois de février 2016 à raison de mensualités de 904,02 € et celle de 17 625 € sur 15 mois également, du mois de mars 2016 au mois de juin 2017 à raison de mensualités de 1 175 €.

Ces sommes, qui apparaissent effectivement sur les relevés qu'elle produit, incluent les accessoires du capital à savoir les intérêts sans que rien ne soit précisé sur l'assurance de ce prêt.

La seule pièce qu'elle verse aux débats mentionnant le capital remboursé est le tableau d'amortissement en pièce n° 3 qui fait état d'un capital restant dû de 95 578,17 € lors du mariage et 80 636,70 € lors du décès de M. [R].

C'est donc au total la somme de 14 941,47 € que la communauté a remboursé au titre du capital de l'emprunt.

A cette somme il convient d'ajouter les sommes remboursées par anticipation à savoir : 5 000 € le 7 janvier 2016, 11 598,07 € le 7 mars 2017, 1 175 € le 5 avril 2017.

Contrairement aux affirmations de Mme [N], aucun remboursement anticipé d'un montant de 6 868 € n'apparaît sur les relevés de compte des mois de mai et juin 2017.

C'est donc au total la somme de 32 714,54 € que la communauté a remboursé au titre du capital de l'emprunt.

Dès lors le montant de la récompense à ce titre s'élève à 40 090 €

( (32 714/102 000) x 125 000).

Il y a donc lieu, infirmant ce chef de dispositif, de fixer la récompense due à la communauté à hauteur de 40 090 €.

Sur le droit viager au logement de Mme [N] veuve [R]

Aux termes de l'article 763 du code civil, si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit. Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. Le présent article est d'ordre public.

L'article 764 du code civil ajoute que, sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant. La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres.

Ces droits d'habitation et d'usage s'exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635.

Aux termes de l'article 765-1 du code civil, le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.

La loi ne prévoit aucune forme particulière quant à la demande du conjoint survivant pour bénéficier du droit viager au logement qui doit cependant être dénué d'ambiguïté.

Mme [N] expose que le fait d'être restée dans les lieux après le décès de son époux pendant une durée d'une année a suffisamment qualifié sa volonté tacite d'opter pour son droit viager au logement.

Elle y ajoute en toute hypothèse qu'elle a fait adresser au notaire en charge de la succession par son beau-père un courriel en date du 27 juillet 2017 aux termes duquel elle entendait opter pour son droit viager en attirant l'attention de celui-ci, certes dans des termes qu'elle qualifie de non strictement juridiques puisqu'elle évoque l'usufruit du bien, mais, selon elles, dénués d'ambiguïté, sur la revendication de l'usufruit de ce bien par l'un des héritiers parallèlement qui lui demandait alors restitution des clés dudit logement et qu'elle jugeait non fondée.

Les intimés exposent que Mme [C] n'a jamais, ni tacitement, ni expressément opté pour l'exercice de son droit viager au logement. Ils sollicitent à ce titre confirmation du jugement déféré, exposant que le courriel dont elle se prévaut seulement en cause d'appel est ambigu et que son occupation du logement durant la période d'une année consécutive au décès de son époux pouvait parfaitement se justifier par son droit automatique matrimonial temporaire au logement conjugal. Ils ajoutent que sa jouissance dudit logement n'a, en toute hypothèse, jamais été paisible eu égard tant aux échanges entre les conseils respectifs à ce sujet qu'à l'assignation qui lui a été délivrée trois mois après la fin de son droit matrimonial à la jouissance du logement, Mme [N] étant parfaitement et suffisamment entourée, y compris sur le plan de l'assistance juridique, pour faire valoir ses droits de façon claire à cette époque.

Les critères d'occupation du logement conjugal par Mme [N] et la nature dudit bien ne sont pas contestés s'agissant d'un bien dépendant totalement de la succession pour être un propre du de cujus, occupé par l'épouse à titre principal.

Demeure dès lors la question de l'expression de la volonté par Mme [N] d'opter pour son droit viager au logement.

Le courriel qu'a fait adresser au notaire en charge de la succession Mme [N] par l'intermédiaire de son beau-père (pièce n°19), six jours après le décès de son mari, le 27 juillet 2017, exprimait une 'demande de clarification' indirecte de sa part à la suite de la prétention d'un des héritiers à la restitution immédiate des clés dudit logement, lequel se prévalait également de l'usufruit du bien en question alors que Mme [N] le revendiquait également de son côté.

La demande de clarification en question, exprimant une inquiétude de la part de l'épouse quant à son maintien dans le logement quelques jours après le décès de son mari compte tenu de la position des autres héritiers, n'impliquait pas l'expression de sa volonté de bénéficier de son droit viager à l'issue de la période d'une année de droit temporaire qui lui était automatiquement accordé par sa seule qualité de veuve. Elle pouvait tout autant alors s'inquiéter de son droit temporaire au logement qu'elle n'évoque pas plus strictement alors que le décès du de cujus venait d'intervenir et que les héritiers revendiquaient le logement.

Par ailleurs, Mme [N], de nationalité chinoise, dont rien ne permet de justifier qu'elle ne maîtrisait que mal la langue française, était alors entourée de tiers maîtrisant ladite langue, en l'espèce son beau-père, lequel était en lien avec le notaire des héritiers. Surtout, elle disposait très rapidement dans ce délai d'une année et bien avant son expiration, de son propre notaire, qui revendiquait d'ailleurs l'application de la loi française à la différence de celui des enfants du de cujus, et également d'un conseil échangeant largement avec celui des intimés sur la succession et ses modalités très précises, eu égard aux divergences de vue, avec de nombreuses correspondances échangées.

Ces deux professionnels nécessairement avertis pouvaient à tout moment, et quelle qu'en soit la forme, redresser l'approximation juridique alléguée de Mme [N] sur le droit viager au logement sous réserve qu'une demande claire ait été formulée alors.

Compte tenu de ces éléments, le seul maintien dans les lieux de Mme [N] durant une période d'une année après le décès de son époux est insuffisant pour considérer comme certain l'exercice de cette option dès lors que cette occupation pouvait parfaitement résulter de son droit temporaire au logement, automatique, découlant de son veuvage.

Par voie de conséquence, seule la période d'une année consécutive au décès de son époux est de nature à lui permettre d'échapper au règlement d'une indemnité d'occupation.

Le chef de dispositif attaqué sera ainsi confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les entiers dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Aucune considération d'équité ne commande l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine :

- ordonne la rectification de l'omission de statuer affectant le jugement en date du 8 juin 2020 du tribunal de grande instance de Toulouse (numéro RG 18/25381) en ce sens qu'il sera ajouté à la décision :

- ' fixe la récompense due par la succession à la communauté à hauteur de 27 270 euros' ;

- ordonne mention de cette rectification par le greffe du tribunal judiciaire de Toulouse sur la minute numéro 20/1665 et les expéditions de la décision rectifiée;

- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- fixé la récompense due par la succession à la communauté à hauteur de 27 270 euros ;

Statuant à nouveau du chef de jugement infirmé :

- fixe la récompense due par la succession à la communauté à hauteur de 40 090 euros;

- confirme le jugement attaqué pour le surplus ;

- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

- dit que les entiers dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. [P] C.GUENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 20/02228
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;20.02228 ?
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