31/08/2022
ARRÊT N°286
N° RG 21/00113 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N5GC
IMM - AC
Décision déférée du 09 Novembre 2020 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE ( 2019J00823)
M [D]
S.A. MIGNOT-GRAPHIE
C/
S.A.S. NEHIA
infirmation
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A. MIGNOT-GRAPHIE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Isabelle FRANC-VALLUET de la SELARL HOPPEN, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
INTIMEE
S.A.S. NEHIA Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au siège de la société
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Patrick JOLIBERT de la SELAS MORVILLIERS-SENTENAC AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. BALISTA, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère,
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre
Exposé des faits et procédure :
La société Nehia (anciennement dénommée Sasu enseigne Hode) est spécialisée dans l'impression de supports notamment dans le secteur aéronautique.
Par contrat en date du 10 décembre 2018, elle a commandé une impression sur 300 plaques de mousse polyuréthane, destinée à la société Airbus, auprès de la société Mignot Graphie (la société Mignot) pour un montant total de 10.656 €.
Le 18 décembre 2018, les marchandises commandées ont été livrées.
Le 19 décembre 2018, la société Mignot Graphie a émis sa facture, demeurée impayée.
Après plusieurs relances en date des 19, 25 février 2019 et 25 mars 2019, la société Mignot Graphie a saisi une société de recouvrement de créances.
Par courrier recommandé en date du 14 mai 2019, la société de recouvrement a mis en demeure la société Nehia de payer la somme de 10.656 € au titre de la facture du 19 décembre 2018, demeurée infructueuse.
Par ordonnance du 24 septembre 2019 signifiée à personne le 7 octobre 2019, le Juge des référés du Tribunal de commerce de Toulouse a enjoint à la société Nehia de régler à la société Mignot Graphie la somme de 10.656 € TTC en principal.
Le 28 octobre 2019, la société Nehia a formé opposition à cette ordonnance.
La société Nehia a demandé reconventionnellement au Tribunal de commerce de Toulouse la condamnation de la société Mignot Graphie à lui payer la somme de 18.000 € en réparation de son préjudice résultant de l'inexécution des prestations.
Par jugement du 9 novembre 2020, le Tribunal de commerce de Toulouse a :
Débouté la SA Mignot Graphie de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné la SA Mignot Graphie à payer à la Sasu Enseignes Hode la somme de 18.000 € ;
Débouté la Sasu Enseignes Hode de sa demande de voir nommer un expert ;
Condamné la Mignot Graphie au versement de la somme de 1.000 € à la Sasu Enseignes Hode au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l'exécution provisoire ;
Condamné la SA Mignot Graphie aux entiers dépens qui comprendront les frais d'injonction de payer et d'opposition.
Par déclaration en date du 11 janvier 2021, la société Mignot Graphie a relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 14 mars 2022.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 28 février 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Mignot Graphie demandant, au visa des articles 1103, 1104, 1217, 1353 du Code civil, L. 441-6 al. 3 du Code de commerce et des usages professionnels de la profession, de :
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulouse le 9 novembre 2020,
Statuant à nouveau,
Condamner la société NEHIA anciennement dénommée HODE à lui payer la somme de 10.656 € TTC en principal outre intérêts appliqués par la banque centrale européenne majorés de 7 points à compter du 25 mars 2019, date de la mise en demeure,
Condamner la société NEHIA à lui payer l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 €,
Débouter la société Nehia de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir réparation de son préjudice à hauteur de 18.000 €,
Plus généralement,
Débouter la société Nehia de toutes demandes, fins et conclusions présentées à son encontre à hauteur d'appel.
Subsidiairement, lui donner acte de ce que, à titre subsidiaire, elle ne s'oppose pas à l'instauration d'une mesure d'expertise,
Condamner la société Nehia à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC,
La condamner aux entiers dépens de l'instance.
Vu les conclusions notifiées le 8 juillet 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la société Nehia anciennement dénommée Enseignes Hode demandant,au visa des articles 1103 et s., 1163 et s., 1217 du Code civil et 696, 699, 700, 1405 et s. du Code de procédure civile de :
Confirmer le jugement prononcé par le Tribunal de Commerce de Toulouse ; Ce faisant,
Débouter la société Mignot Graphie de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la société Mignot Graphie à lui payer la somme de 18.000 euros ;
Y ajoutant, condamner la société Mignot Graphie à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION :
Le jugement n'ayant pas statué sur ce point, il y a lieu préalablement de déclarer recevable l'opposition formée le 28 octobre 2019 à l'ordonnance portant injonction de payer du 24 septembre 2019, signifiée à personne le 7 octobre 2019 et de mettre à néant cette ordonnance.
Selon l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Lorsque le contrat porte sur la fourniture d'une prestation, l'article 1166 du même code impose au débiteur de la prestation d'offrir une prestation conforme aux attentes légitimes des parties, en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie.
En l'espèce, la société Nehia a confié à la société Mignot, selon bon de commande du 26 septembre 2018 l'impression sérigraphique 3 couleurs recto sur du support mousse fourni par cette dernière destinés à la protection de divers matériels aéronautiques à l'occasion des opérations de maintenance.
Pour s'opposer au paiement de la facture du 19 décembre 2018 émises pour un montant de 10.656 € et solliciter l'allocation de dommages et intérêts, la société Nehia fait valoir que la prestation réalisée n'était pas de la qualité attendue puisqu'elle a constaté des surimpressions générant des épaisseurs, des impressions irégulières et des coulures.
Sollicité à cette fin, Me [Z], huissier de justice, a constaté le 6 mars 2019 que les plaques qui lui étaient présentées dégageaient une odeur irritante, et que « la zone imprimée est en surimpression et forme une croute qui craquelle lorsqu'on appuie dessus » ; il ne précise pas combien de plaques lui ont été présentées et les photos jointes, manifestement prises en très gros plan, ne permettent pas de comprendre la nature exacte des désordres.
La société Mignot soutient qu'elle a informé sa cocontractante, avant même de procéder aux impressions, de difficultés liées aux supports.
Elle verse aux débats les échanges intervenus entre les parties, dont il résulte qu'à réception des plaques de mousse dans le cadre d'une première commande reçue en septembre 2018, la société Mignot a informé sa cliente par courriel du 3 octobre 2018 de « quelques petits soucis de qualité sur la mousse » et l'interrogeait en ses termes « devons nous les imprimer sachant que vraissemblablement Il y aura un manque ' ».
A cette demande, il était répondu le même jour par la société Nehia « Merci d'imprimer toutes les plaques et de faire au mieux » ;
En cours d'impression, la société MIgnot informait encore sa cliente des difficultés rencontrées (marques sur le support qui génèrent des défauts d'impression, différences de cote et d'épaisseur des plaques) et précisait en joignant des photos « vous pourrez voir sur certaines photos que le blanc se dépose sur les bords, ce phénomène ne se produit pas sur toutes les plaques mais sur certaines ».
Les plaques litigieuses ont été livrées sans qu'aucune réserve ne soit formée lors de la livraison et la société Nehia les a retournées pour impression au verso, précisant que sa commande originelle constituait une erreur, et sollicitant un nouveau devis correspondant à une impression recto/verso.
Après impression au verso, les plaques ont été à nouveau livrées et facturées ;
La société Nehia a fait état de défauts constatés au verso de certaines plaques ; à savoir un dépôt d'encre plus important que sur le recto et une encre qui craque et s'effrite lors des manipulations.
Elle a néanmoins passé une nouvelle commande de 300 plaques le 10 décembre 2018 qui a été livrée et facturée le 19 décembre 2018 pour un montant de 10.656 € ht, sans qu'aucune réserve ne soit faite à cette date ou postérieurement sur la qualité des impressions. Seul un problème d'odeur a été invoqué à l'occasion d'échanges intervenus entre les parties courant janvier 2019.
Il se déduit de la chronologie et du contenu de ces échanges que d'une part s'agissant des prestations facturées le 9 novembre 2018, la société Mignot à d'emblée et en des termes clairs, informé sa cocontractante des difficultés liées au support et du risque en résultant pour la qualité de l'impression et que la société Nehia a accepté ce risque et d'autre part qu'aucune réserve n'a été faite à réception s'agissant des impressions facturées le 19 décembre 2018, objets de la présente instance.
L'importance des défauts constatés à l'occasion des dernières impressions n'est nullement établie par le constat d'huissier versé aux débats, qui ne fait pas état du nombre de plaques concernées. Rien ne permet d'ailleurs d'établir que les plaques présentées à l'huissier sont bien celles facturées le 19 décembre 2018 et non les premières impressions pour lesquelles la société Mignot avait réalisé la prestation après avoir informé sa cocontractante des risques existant compte tenu de la qualité des supports. La société Mignot relève en outre à juste titre que les conditions de stockage de ces plaques les unes contre les autres, tel qu'elle apparaît sur les clichés joints au constat, est inadapté et susceptible d'avoir généré une transformation chimique des produits utilisés. Il n'est nullement établi que le problème d'odeur dénoncé par Nehia ait été relevé par sa propre cliente et le mécontentement de la société Airbus, utilisatrice des plaques imprimées, tel qu'il est allégué par la société Nehia n'est démontré par aucune des pièces produites.
C'est donc à tort, en l'absence de tout manquement imputable à la société Mignot Graphie que le premier juge l'a déboutée de sa demande de paiement de la facture du 19 décembre 2018 et l'a condamnée à des dommages et intérêts au profit de Nehia. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la société Nehia sera condamnée à payer à la société Mignot Graphie la somme de 10.656 € TTC, sans qu'il y ait lieu à réduction du prIx contractuellement déterminé.
Les intérêts sont dus sur cette somme au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne majoré de 7 points conformément aux dispositions de l'article L 441-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la date de la commande, à compter du 25 mars 2019, date de la mise en demeure.
La société Nehia sera en outre condamnée au paiement d'une indemnité de 40 € en application des dispositions du 12 alinéa du texte susvisé.
Partie perdante en cause d'appel, la société Nehia supportera les dépens et devra indemniser la société Mignot-graphie des dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits, en appel comme en première instance, comprenant le coût de la procédure d'injonction de payer.
Par ces motifs :
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et les complétant ;
Déclare recevable l'opposition formée à l'ordonnance du 24 septembre .
Met à néant cette ordonnance ;
Condamne la société Nehia à payer à la société Mignot Graphie la somme de 10.656 € TTC avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne majoré de 7 points à compter du 25 mars 2019 ;
Condamne la société Nehia à payer à la société Mignot Graphie la somme de 40 €,
Déboute la société Nehia de ses demandes ;
Condamne la société Nehia aux dépens d'appel et de première instance comprenant le coût de la procédure d'injonction de payer
Le greffier, La présidente,
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